
du château de Bourbon - l'Archambault, fondée
par les feigneurs de Bourbon , dont la branche
de nos Rois régnante n’a pas dédaigné le
nom j elle n’y fit pas d’autre mal que d’ôter
du milieu de l’écu des armes de Bourbon, qui
étoient peintes fur une vitre , le bâton de gueules
qui en faifoit la brifure & la difiinéiion d’avec
les pleines armes de France ; comme lï le
c ie l, par ce prodige, eût voulu annoncer la
fin du règne de la branche des Valois, dont
Henri III étoit le dernier prince, & le commencement
de la branche de Bourbon , dont
Henri IV étoit le chef & légitime fucceffeur
de la couronne, qu’il a portée & tranfmîfe à
la maifon de Bourbon. On a obfervé auffi que
le jour de fa naiffance , fut le jour de la mort
de François de Guife , tué par Poltrot,
É V ÉN EM EN T EX TR AO RDIN A IR E. François
, duc de Guife, paffant à Vaffi, petite ville
de Champagne, les gens de fa fuite infultent les.
calviniftes aflemblés dans une grange pour prier
Dieu. Le fang répandu à cette occafion eft l ’ori- !
g ine, o u , tout au moins, l’époqüe des guerres :
de religion, qui ont fait très-long-temps de la France
entière un théâtre de difcorde & d’horreur.
Le liège de Rouen, entrepris par les catholiques,
eft une des premières fuites des troubles
domeftiques. François C ivile , un des plus intrépides
gentilshommes du parti calvinifte, reçoit
une bleffure qui le fait tomber du rempart dans
la v ille , fans connoiffance. Des foldats, qui le
croient mort, le dépouillent l’enterrent avec
la négligence ordinaire dans ces occafions. Un
domeftique affeétionné , jaloux de procurer à fon
maître une fépulture qu’il croit plus honorable ,
va le chercher. N ’ayant pas réuffi à le recon-
noître parmi plufieurs cadavres tout défigurés
qu’ il trouve, il les recouvre de terre, mais de
manière que la main de l’ un d’eux demeure dé-
çouyerfç.
Comme il s’en retournoit , il regarde derrière
lu i, & apperçoit cette main. La crainte qu’il a
que cet objet n’excite les chiens à déterrer le
cadavre pour le dévorer , le fait retourner fur
fes pas , dans la vue de couvrir çette main.
Dans Tinftant qu’ il aiioit fe livjrer à ce pieux
office, un clair de lune lui fait appercevoir yn
diamant que Civile portoit à fon^ doigt.' Sans
perdre de temps, il prend fpn^mettre, qui ref-
pire encore, & le porte à l’hôpital des bleues
Les chirurgiens, accablés de travail, ne voulant
pas perdre leur temps à panfer un homme
qu’ ils regardent comme mort , le domeftique
le porte à fon auberge-* où il languit quatre jours
fans aucun feçoiifs. Au bp ut de. ce temps - 1 a ,
deux médecins ont la çomplaifançe de le vifiter.
Ils nétoient fa plaie, & le mettent par leurs
foins, en état de vivre.
Lorfque la ville eft prife , les vainqueurs pouffent
la barbarie jufqu’à le jetter parles renêtres;
heureusement il tombe fur un tas de fumier,
où , abandonné de tout le monde, il paffe trois
jours i du Croifet, fon parent, le fait enlever
fecreccemenc pendant la nuit & tranfporter dans ■ _
une maifon de campagne, où il eft panfé à loi-
fir ; là après tant d’efpèces de mort, il recouvre
une fauté fi parfaite, qu’il furvit quarante ans
à tous fes accidens.
Au fiége de Groningue, formé par le prince
Maurice d’Orange > il arrive une chofe affez
finguliere pour être remarquée. Dans 1 Liftant ou
les alfaillans font prêts à tirer un canon & à y
mettre le feu , un boulet tiré du côté des aflîé-
gés entre dans la bouche de ce canon, fans l'avoir
endommagé, éft renvoyé auffitôt dans la
place par le canon où il eft entré.
EU G EN E , ( le Prince, ) François de Savoie2
généraliffime des armées de l'empereur, né à
Paris, le 18 octobre 1665 * mort à Vienne le 17
avril 1736, il étoit petit fils de Charles Emmanuel,
Duc de Savoie. Son père Eugene- Mau-1
rice , comte de Soiffons, établi en France lieu-4
tenant - général des armées du roi & gouverneur
de Champagne , avoit époufé Olympe Mancini,
l’une des nièces du cardinal Mazarin.
l e prince Eugène étoit né avec les qualités
qui font un héros dans la guerre & un grand
. homme dans Ja paix : un efprît plein de jufteffe
& de hauteur, ayant le courage néceffaire & dans
les armées & dans le cabinets. Il a fait des fautes
comme tous les généraux, mais elles ont été cachées
fous le nombre de fes grandes aéfcions. Il
a ébranlé la grandeur de Louis XIV & la puifV
fan ce ottomane ; il a gouverné l’empire > & dans
le cours de fes victoires & de fon miniftère, il
a méprifé également le fafte & les richeffes; il
a même cultivé les lettres, & les a protégées.
C e princê que dans fa jeuneffe on appela en-
France le chevalier de Carignart, porta quelque
temps le petit collet, & on le nommoir Pdbbè
de Savoie. Il foliieita des bénéfices qu’il n’obtint
point ; il demanda enfuite un régiment, qui lui
Fut également refufé, parce qu’il étoit trop lie
avec le prince de Conti alors en difgrace. Ne pouvant
réuflîr auprès de Louis X IV , il fe mit au
fervice de l’empereur. On prétend même que lorf-
qu’il paffa en Allemagne > comme M. de Louvajs,
miriiftjre de la guerre, difoit publiquement que
l’abbé de Savoie ne rentreroit plus en France;
« J’y rentrerai un jou r, répondit Eugène, .ea
w depiç de M. de Lôuvois ». '
En 1697 » Ie Kara Muftapha II comman-
dott fon armée fur le Danube. Enflé de quelques
fuccès qu’il avoit eus dans les campagnes precc-
dentes, il avançoit dais la Hongrie avec une
fierté infultante. On avojt, par fon ordre, forgé
une quantité prodigieufe de fers, pour fro tte r
toute l’armée autrichienne, depuis le général juf-
qu’au dernier foldat. -Cet odieux appareil de
chaînes étoit traîné fur plufieurs chariots qui
fuivoient le bagage. Le prince Eugene de Savoie
qui venoit de prendre le commandement de l’armée
chrétienne , ne tarda point à réprimer cet
orgueil. Il attaqua & battit à Zeuta lesijfcurcs trois
fois plus forts que lui. La vidtoire fut comp’ette,
peu chèrement achetée & fuivie de très-grands
avantages. Toute l’Europe applaudit à ces triomphes
, excepté les ennemis perfonnels d’Eugène :
jaloux de la gloire qu’il pouvoit acquérir , ils lui
avoient fait envoyer une défenfe formelle d’engager
une aétion générale. Ses fuccès augmentèrent
leur fureur, & il ne fut pas plutôt arrivé
à Vienne, qu’on le mit aux arrêts ôc qu’on lui
demanda fon épée. «. La voilà , dit - i l , puifque
» l’empereur la demande; elle eft encore fumante
du fang des ennemis, & je confens de ne la
» plus reprendre, fi je ne puis continuera l’em-
» ployer pour fon fervice ». Les rivauxà'Eugène
ayant engagé Léopold à cette première démarche, .
efpérèrent qu’ il iroit plus loin, & lui propofèrent
de faire citer le général defobéiffant au confeil \
de guerre, pour être jugé fuivant les loix. L’empereur
, qui eut le tems de faire des réflexions, fe
refufa à cette févérité auffi injufte que déplacée.
«« Me préferve le ciel, dit-il, de traiter comme
*» malfaiteur un héros par qui le ciel m'a comblé
» de tant de faveurs, fans que je les euffe méri-
» tées ! Comment pourroit-il être coupable, lui
» qui a été l’jnftrument dont Dieu s’eft fervi pour
» châtier les ennemis de fon fils ! »» Ces paroles
fermèrent la bouche à l’envie, & l’empereur, autant
pour le bien de fes affaires que pour confoler
Ton général, lui donna un écrit qui l’autorifoit à
fe conduire de la manière qu’il jugeroit convenable,
fans qu’il fût expofé à être jamais recherché.
Lorfque le prince Eugène ne pouvoit pas faire
la guerre ouvertement, il la faifojt en quelque
ferre fous terre. Il furprit en 1701 Crémone , où
étoit le quartier général des françois & des ef-
pagr.ols pendant l’hiver, en faifant palier quatre
cents de fes foldats par un égoût qui donnoit dans
la ville. Mais plufieurs circonftances ayant empêché
fes troupes d’avancer, il fut obligé d’aban-
dônner fon entreprife à l’entrée de la nuit, après
s’être battu tout le jour & fait plufieurs prifon-
niers de .diftinébon. Deux jours après, on prit
dans les caves plus de cent cinquante allemands,
qui voyant là ville prife, s’étoient établis dans
le lieu qui leur plaifoit le plus, & fi bien établis
qu’on eut bien de la peine à les retirer de
ces lieux enchantés.
En cÿclopédiana.
La grande alliance contre ta France fe trouvant
en 1704 dans la néceffité de faire-agir dans ie
centre de l’Allemagne la principale maffe de fes
forces, afin d'empêcher la ruine totale des provinces
héréditaires de la rivaifon d'Autriche,
Malborough partit des Pays-Bas ayec les anglois
& les hollandois, & joignit les impériaux fur le
Danube. Eugène , étonné de l’ état brillant des
troupes après une marche difficile & longue s’écria
: « Milord, je n’ ai jamais vu de meilleurs
*> chevaux, des foldats mieux vêtus & mieux
>» équipés : tout cela néanmoins fe peut avoir pour
»s de l’argent; mais on n’achete pas l’air alluré
» que l ’on voit fur leurs vifares. Si ce que vous
« dites eft vrai, répondit Malborough, c ’eft vous
0® qui leur infpirez la fière contenance qu’ils font
» paroître ».
En 1706, le prince Eugène alla au fecours du
duc de Savoie, délivra Turin , que les françois
affiégeoient , & fit rentrer tous les milanois fous
l’obeiftance de l’empereur. Comme ce générai
avoit tiré des marchands merciers de Londres les
fecoufs néceftaires pour cette expédition, il leur
en écrivit le fuccès : Je me flatte, leur dit-il, et avoir
employé votre argent a votre fatisfattion. Les anglois,
toujours fideles à leur, haine contre la France, fe
livrèrent dans cette occafion à une joie excef-
five. L’eftime qu’ils avoientpour le prince Eugène
devint une paffion. Une vieille fille lui donna deux
mille cinq cents livres fterlings par fon teftament,
& un jardinier lui fit un legs de cent livres
llerlings.
Lille, où le maréchal de Boufflers commandoît,
fut prife par le prince Eugène en 1708, au grand
étonnement de l’Europe , qui croyoit l’armée du
duc de Bourgogne plus en état d’affiéger Eugène
& Maîboroug, que ces .généraux ne l’étoient
d’affie'ger Ldle. Cette conquête fît concevoir aux
allies les plus hautes efpérances. Un de leurs officiers
pouffa les chofes jufqu’à dire , qu'immaa-
quabïement on feroit b:entôt à Bayonne. « O u i,
» dit fagement. & modeftemem le prince Eugène ,
*» pourvu que le roi de France nous donne un
» pafferport pour aller & un paffe-port pour revenir
v.
Lesétajts-généraux voulurent céle'brer cette conquête
pabdes feux d’avtifîce ; mais le prince Eugène
, de \concert avec le duc de Malborough 3
demanda qhe l’argent deftiné à ces réjouiffances
fût employé au foulagement des foldats de la république
qui avoient été bleftcs pendant la campagne.
,
Lors de la célèbre journée de Malplaquet, le
iO’feptembrè 1708 , le prince Eugène, qui fe trou-
j voit par-tQUtWù fa préfenee étoit néceffaire, fut
dangereufemjent bleffé dans la plus grande chaleur
de l’ action. Ceux qui combattoient à côté
de lu i, voyant ruiffeler fon fang; le préfèrent