
icndoit chez ceux dont il devoit faire le portfaît j
mais fi Ton manquoit, aufli-tôt fon arrivée, à lui
donner à déjeuner , ou à le faire largement
boire, il abandonnoit l'ouvrage commencé« & ne
revenoit plus.
Il a paffé prefque toute fa vie avec une domef-
tique, qui lui fervoit de gouvernante, de cuifi-
nière, de laquais, de portier, &c. &c. C ’étoit
encore elle qui brôybit fes couleurs 8c qui écrivoit
toutes fes lettres.
Cette femme univerfelle , exécutant fidè'ement
ce qui lui étoit prefcrit , n’admettoit auprès de
fon maître, que les perfonnes qu'elle connoifloit
particulièrement. Un' bourgeois de Paris defiroit
depuis long-temps d'avoir fon portrait peint par
Grimou. Etonné de fe préfenter fi fouvent à la
porte de l’arrifte fans pouvoir le trouver, il s’ avifa
d'une rufqqui lui réuflit : ■— « Eh quoi ! monfieur
« Grimou n'y eft pas 1 dit-il un jour à la çuifi-
» nrere ; j'en fuis fâché ; je venois pour déjeûner
» avec lui ». — Il s’éloigne à ces mots, en feignant
d'être très en colère. La gouvernante ne
fachant que penfer de la vifite de cet homme,
court en informer fon maître , qui, fe mettant
dans une colère épouvantable, lui ordonne d’aller
promptement après l’inconnu, & la menace de la
charter, fi elle ofe une autrefois renvoyer les perfonnes
qui viendront pour déjeûner. Elle n'eut
point de peine à rattraper celui qui met toit là ru fe
en ufage ; fe doutant de ce qui alloit arriver, il
ne s'éloignoit que bien lentement. Introduit dans
la chambre de Grimou, le bourgeois de Paiis le
ferre affeéhieufsment dans fes bras, en s'écriant :
— « Ah! mon cher ami, qu'il me tardoit de te
« revoir » ! ■— Grimou fe recule & confidète en
filence un homme dont il ne peut fe rappellerles
traits ; r— « As-tu donc oublié celui qui a bu fi
?? fouvent avec toi dans tel cabaret ? — Je crois
»? te remettre, répond enfin Gnmou : mais je te
m trouve Sien chapgé. Aflieds-toi, mon cher, &»
»? le yerre à la main , renouvelions l’ancienne
>9 çonnoiffance ». L'intimité fut bien-tôt parfaite :
îju. bout de quelques jours, Grimou s’offrit de lui-
même à faire le portrait de fon-ami, & voulut
absolument le peindre en David 9 tenant d'une
main la tête 4e Goliath,
Ajoutons encore au caractère de Çr^mou, qu’il
avoit une averfion marquée pour ce qu'on appelle
la bonne compagnie. Un marchand de vin eut
feul la gloire de captiver fon amitié , & d'être
tout-à-la-fois fon confeil, fpn mentor, fon oracle.
Ç e marchand de vin régnoit defpotiquement/ur
Lefprit du peintre, fans autre fceptre que. la clef
de fa c a Grimou avoitdl même acheyé quelque
portrait dont fon ami le cabarptier parût content :
1—- « T e fait-il plaifir, difoit Grimou ? emporterle,
w, r-r Mai?» que diront lpç perfonnes ? - ..... *-=• jg-
» jn’gp » je leur dirai qu'ij eft égaré ;
» emporte toujours ». — C’eft ainfi que ce mar^
chand de vin fe faifoît un cabinet des ouvrages
choifis de Grimou, tandis qu'un duc a.uioit eu bien
de la peine d'en obtenir un feul tableau.
Comme il ne travailloit que par foucades, le
duc d’Orléans, régent, voulant avoir des ouvrages
de ce peintre , le manda au palais royal, le fit
enfermer dans un appartement, & ordonna qu’on
lui fournit tout ce qui feroit néceflaire , tant pour
fon travail que pour fa perfonne. Grimou y piqué
de fe voir pris comme au trébucbet, dit qu’il
ne favoit rien faire en prifon, & jura très énergiquement
, que Je premier qui lui préfenteroit une
palette, il la lui briferoit -fur la tête. L'appartement
où on le tenoît avec foin, n’ étoft qu’au premier
étage > il fe met à la fenêtre, & voit paffer un
de fes amis,qui1ui demande à quoi il s’occupe-là :
—- « Je n’y fais rien, répond Grimou, & n'y
» veux rien faire} c'eft pour cela qu’on m'y tient.
» renfermé. — Renfermé ! répond l'autre, j'en
» fuis fâché } je t'aurois propofé bouteille. — A
» ces mots, Grimou ne connoît plus de danger :
» — Attends-moi , s'écrie-t-il, je vais bien les
» attraper ». Aufli tôt il fe jette par la fenêtre, 8c
fe carte une cuilfe.
Grimou avoit reçu du miniftre L. B*** vingt-
cind louis d'avance, pour peindre mademoifelle
fa fi le , & il devoit recevoir pareille fomme,
lorfque le portrait feroit achevé. Quand la tête
fut faite, Çrimou fe trouvant fans argent, eut
recours, pour en avoir, aux confeils de fon ami
le cabaretier, qui le prëffa de finir le portrait,
puifque c'étoit lin moyen fur de toucher vingt-
cinq louis : « Non , dit Grimou, je ne finirai ja-
» mais ce portrait - là , il m’ennuie j & je vais
» l'effacer. — Pourquoi donc , reprend fon ami l
» c ’eft une de tes plus belles têtes; tu as reçu de
» l'argent d'avance, il doit encore te produire
» une bonne fomme ; d'ailleurs, il eft de ton
» intérêt de ménager une protection qui peut
» t’être fort utile. — Je me foucie bien, die,
« Grimou en jurant, de la protection de ces grands.
» feigneurs, avec qui on n’a jamais le plaifir de,
» boire bouteille. N o n , je ne finirai pas le tableau
» il n'y a qu’à rendre les vingt-cinq louis. — Mai&.
» où diable veux-tu les prendre? Tu n'as pas le
» fou. *—M-Ohk tu vas voir, s'écrie Grimouq tut.
» vas voir que je fais trouver des expédiens »„
Aufli-tôt il effaça le portrait, court chez un fripier,
vend fes meubles , jufqu’ aux rideaux de fon
li t , fe procure environ quarante louis, en renvoie-
vingt* cinq aujniniftre, & tout-en buvant le refte,
jure qu’il n'a jamais été fi content que depuis la.
belle a&ion qu'il vient de faire.
Màlgré la vie crapuleufe que menoit Grimou x
il avoit unç fi hatfte idée de la fupériotité de fe$
jtatens j qu’il çroyoit de bonne-foi que fon nom,
devoit
devoit être généralement connu , 8c le faire ref-
peCter par-tout. Il ne fe retirait jamais à des heures
indues, qu'il ne fe mît à crier au moindre bruit
qu'il «ntendoit : je fuis Grimou.
Lorfque ce bruit proverioit de quelqu'ivrogne,
il l’éntraînoit ordinairement dans un café, 8c y
pafToit le refte de la nu.it.
• Grimou avoit une frayeur étonnante du tonnerre.
Polir fe dérober la vue des éclairs1, qu’ il
craignoit aufli beaucoup , il avoir imaginé un
moyen dont la bifarrerie n’appartenoic qii’ à lui
feul. Si-tôt qu’il appercevoit quelques indices d’orage,
il failoit vuider une grande fontaine de
cuivre, l’un de fes principaux meubles; fe four-
roit dedans au premier coup de tonnerre, 8c fai-
foit remettre le couvercle par-deffus la fontaine.
De temps èn temps, iîlevoit ce couvercle avec (a
tête, & demandait d’un air effrayé, s’il faifoit
encore des éclairs. S’il en voyôit pendant fa quef-
tion, il fétenfermoit promptement dans fon étui,
laiffoit retomber le couvercle, & ne reparoiffoit
que lorfqu’on lui avoit affuré, même avec ferment,
que le temps étoit calme, & qu’il n’avoit
plus rien à craindre.
Grimou eft mort comme il avoit vécu, c ’eft-
à-dire, par un excès de boiffon. ( Anecd. des
beaux arts). '
GRIPHE. Sentence ou propofition myftérieufe,
qui ajoute aux termes obfcurs ou équivoques de
l'énigme , un fens captieux capable d’embarraffer
& de furprendre. Le gripke diffère aufli du logo-
griphé;, en ce que celui-ci ne roule que fur les
différentes manières de càcher un mot, en retranchant
ou en divifant les lettres. Ce terme griphe
eft dérivé d'un mot grec, qui lignifie filet ou.retç
propre à prendre les poiffons.
On peut citer comme un exemple du griphe la
queftion que Samfon propofa aux philiftins, à
l’occafiqn du rayon de miel qu’il trouva dans la
gueule du lioJn, après l’avoir déchiré : Celui.qui
dévore a fourni de quoi manger y & la forcfe a fait
naître la douceur. Les philiftins en donnèrent l’ explication
par le moyen, de Dalila, & dirent à
Samfon : qu’y a-t-il de plus doux que le miel? qu’y
a-t-il de plus fort que le lion ?
C ’eft une forte de griphe que la demande que
fit le fphinx aux thébains : quel eft l’animal qui,
le matin, marché à quatre pieds, à deux fur le
haut du jour , & àtrois fur lefoir? Ce quOEdipe i
expliqua de l'homme qui , dans l’enfance, và à
quatre pieds ; enfuite , devenu grand, n’a befoin
que de fes. deux pieds pour marcher, & enfin,';
va à trois pieds, lorfque dans la vieilleffe il s’appuie
fur un bâton. _ -
Encyclopédiana.
GROSSESSE.
On ignore encore le motif pour lequel quelques
églifes refusèrent long - temps la fépulture aux
femmes qui mouroient enceintes , ou pendant les
douleurs de l’enfantement : peut être ces églifes
prétendoient-elles, par cette efpèce de punition
eccléliaftique, redoubler le zèle & l’attention des
mères pour éloigner de leur fruit tout danger t
8c fe précautionner contre les accidens qui pri-
voient leurs enfans du facrement de,baptême. Mais
comme il arrive fouvent des cas fortuits & malheureux
que toute la tsndreffe d’une mère , unie à la
prévoyance la plus .exaéle, ne peut écarter , on
a changé la févérité de cette injufte difcipline ,
& un concile tenu à Rouen en 1074, a ordonné
que la fépulture en terre fainte ne feroit plus ie*>
fufée aux femmes enceintes ou mortes pendant
leur accouchement.
Livie, femme de Tibère avant de l’ être d*Au-
gufte, étoit enceinte, & défiroit ardemment d’avoir
un fils. Tour découvrir fi fes voeux feroient
accomplis, elle eut recours à toutes les fuperfti-
tions qui étoient alors accréditées : elle imagina
en coniequence de couver & de faire éclore dans
fon fein un oe u f, augurant du fexe de fon enfant
par celui du poufllri qui en viendroit. C e fut un
mâle qui nâqtnt, avec fine belle crêté, & le hafard
voulut qu’elle accouchât enfuite d’un garçon, qui
fut l’empereur Tibère. Les augures ne manquèrent
pas de publier par - tout ce fait, pour prouvet
leur art.
Dans une lettre qu’une dame de province écrivoit
à fon mari, qui étoit à Paris depuis quelques
mois, après lui avoir parlé d’ affaires, elle finiffoit
ainfi : Je te dirai pont nouvelles que mefdame s une
telle & une telle font grojfes , que méfiâmes telle &
telle fe vantent de l’être. , & que mefdemoifelles
telle & telle craignent de l'être. I l n'y a que moi qui
ne le fuis point : tu devrpis mourir de honte.
Lorfque la reine Anne d’Autriche devint enceinte
, après une ftérilité de vingt années , le
curé de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui étoit un
I homme fimple, monta en’ chaire pour annoncer
dans fon prône la groffeffe de la reine, il dit :
. Mes frères , f i 1 air eide nous donne une print ejfe, nous
n en ferons guères plùs avancés , a caufe de la loi
1 falique : ainfi prions Dieu quelle ait un prince*
; cependant, mes frères, ajouta-t-il, il y a ce qu'il y.
a, prions Dieu pour fon ami.
N ic o la s d é t r o p p r è s a y a n t vu . J a c q u e lin e ,
II en p a ru t fo u d a in u n te n d r e f r u i t d’am o u r .
L e u r . c u r é , f o i t p a r z-èle ou p a r h um eu r c h a g r in e ,
! Quelle honte l d i t - i l , enfans du noir féjour :
! Ceft ainfi qu’on f e livre à l ’éternelle flamme.
Quoi! r ep r it N ic o la s , /’en aurois du remords ?
Ma Jacqueline & moi n’avons fa it que le corps ,
Et Ji c’eut été mal, Dieu n’eût pas bouté Vame•
S f f