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aux figures droites, obliques, rondes, cylindriques.
On connaît aufli le diftique de Jodelle fur ce
prétendu prophète.
Noftra damus cum falfa damus, nam fallere noftrüm eft,
Et cum falfa damus, nil niji bloftra damus.'
N O T R E , ( André le ) , contrôleur des bâ-
timens fous Louis X I V , & deffinateur de fes
jardins, né à Paris en 1613 , mort dans la même
ville en 1700.
Le Nôtre eft du nombre des hommes célèbres
qui ont iiluftré le règne de Louis X IV . Il créa
& perfectionna l'art des jardins, Il en fit un fe-
jpur enchanteur par les ornemens nouveaux &
pleins de magnificence qu’il y prod:gua. On vit
alors, pour la pemière fois , des portiques, des
berceaux, des grottes, des treillages des labyrinthes,
embellir & va'rier les fpeCtacIes des grands
jardins : il réuffifloit également bien dans la peinture
, & joignojt à tous ces talens une franchife
aimable' & pleine d’affeétion.
Louis X IV ayant enfin choifi Verfailles pour
fon féjour ordinaire f le Nôtre fut chargé d'en
deflinèr les -jardins. Lorfqu’il eut tracé fes idées
fur un terrain ingrat, il engagea Louis X IV à
venir fur les lieux pour juger de la diftrihution
des principales parties. Il commença par les deux
pièces d’eau qui font fur la terrafle au pied du
château. & leurs magnifiques décoratons. De-là , '
il lui expliqua fon deflein pour la double rampe, 1
&c. Le roi, à chaque grande pièce dont le Nôtre
lui marquoit la pofition & décrivoit les beautés,
l ’interrompoit en lui difant : le Nôtre, je vous
donne vingt mille francs.'Cette magnifique approbation
fut fi fouvent répétée qu’ elle fâcha
cet honnête homme, dont Famé étoit auffi délîn-
téreflee que celle de fon maître étoit généreufe,
il l’arrêta à la quatrième interruption , & lui dit
brufquement : Siré, votre majefté rien [aura pas
davantage U je la ruinerois.
En 1678 , cet habile homme après avoir deffiné
les beaux jardins de Sceaux, de C'agny, de Chantilly,
de Verfailles, de Meuden , des Thuilieries,
le parterre du Tibre à Fontainebleau , demanda aù |
roi la pèrmiffion d’aller en Italie, dans i'efpérance
d’acquérir de nouvelles connoiffimces > mais fon
génie créateur l’avoit conduit à la perfection ; ,
il ne vit rien de comparable à ce qu’ il avoir >
fait* en France.
Le pape Innocerit X I , inflruit de fon fejôur
à Rome par le duc d’Eftrées , ambafladetir de France
, defira de le voir. Le détail de cette audience
u quelque chofe.de fingulier. 1
L.e Nôtre qui ignoroit l’italien, avoit pris avec j
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lui le fleur Defgots fon neveu, qui favoit la langue
j qui étoit alors penfionnaire à l'académie
de peinture, fculpcure 8c architeélure que le toi
entretient.. à. Rome.
Aprèsles génuflexions, le pape le fit lever, fie
demanda a vbir les plans de Verfailles 3 dont il
avoit beaucoup entendu parler : on les lui mon*
tra , & fa famteté fut étonnée de la quantité de
canaux, de fontaines, de jets-d’eau & de caf-
cades : elle crut qu’une rivière fourniffoit cette
prodigieufe abondance d’eau : mais fa furprife redoubla
quand on lui dit qu’il n’y en avoit point j
que I on avoit fait un nombre infini d’étangs,
& que par des conduits & des tuyaux on faifoit
venir les eaux dans de grands iéfcrvoirs.
Cela oûte donc des fommes prodigîeufes, d't
‘ alors le pape ? Saznt-pere , cela ne pajfe pas en*
i core deux cens millions.
A cette réponfe, la furprife de fa fainteté augmenta
à tel point qu’il feroit difficile de la dé-
• crire.'
Le Nôtre s’écria alors en s’adréfTant au pape ï
; « Je ne me foucie plus dé mourir» j ’ai vu les
deux plus grands hommes du monde, votre fain-
; te té , & le roi mon maître ».
; « Il y a une grande différence, dit le pape, le
roi eft. un grand prince victorieux j je fuis un pauvre
prêtre , ferviteur des ferviceurs de dieu } il eft
jeune , j e fuis vieux.
Le Nôtre, charmé de cette réponfe, oublia qui
la lui faifoit, & frappant fur l’épaule du pape,
lui répondit à fon tour : « Mon révérend père, vous
vous portez bien, & vous enterrerez tout le fa-
, cré collège ». Sa fainteté qui entendoic le fran-
;çois, rit du pronoftic.
Le Nôtre, charmé de plus en plus de fa bonté
& de I eftime particulière qu’elle témoignoit pour
le roi, ne confuîta plus que fes entrailles : il étoit
fi fort dans l'habitude d’embraffer ceux qui pub
l ie n t les louanges de fon maître , qu’il embrafla
le pape.
De retour chez lui , il écrivit à fon intime ami
Bontemps/ premier valet-de-chambre du roi, &c
lui fit un détail exaCt.de cette convention.
La lettre fut lue au roi à forr lever. Le duc de
Créqui qui étoit préfent dit qu’ il gageroit- mille
louis contre un, que la vivacité de le Nôtre riz-
voit pu aller jufqu'aux embraffemens. « Ne pa-
liez-pas, lui répondit le roi} quand je reviens
de la campagne, le Nôtre m’embraffe ; il a pu
embrafler le pape >». Abrégé de la vie de le Nôtre.
Le Nôtre, à foa retour d’Italie, fit encore
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quelques ouvrages, entr’ autres le magnifique bof-
quet .de la fa]le du bal, dans lequel il fe fervit
avec tant d’art, de ce qu’il avoit vu dans ce genre
en Italie, qu’il en fit le morceau le plus fingulier
qu’il y eût en Europe.
Cet homme illuftre conferva toujours dans fa
plus haute fortune des fentimens humbles & mo-
delles. Le roi lui ayant accordé en 1675 des
lettres de noblefle & la croix de faint Michel ,
voulut lui donner des armes : il répondit qu’il
avoit les fiennes, qui étoient trois limaçons ,
couronnés d’une pomme de choux. «« Sire, ajouta
- 1 - i l , pourrois-je oublier ma bêche ? Combien
doit-elfe m’être chere ? N ’eft-ce pas à el’.e
que je dois les bontés dont votre majefté m’honore
«« ?
Accablé d’années & devenu infirme , il demanda
à Louis XIV la pernrffion de fe retirer.
Ce prince le combla de marques de bonté, &
ne lui accorda fon congé qu'à condition qu’il
viendroit le voir de temps en temps.
Deux ou trois,ans après, le roi étant à Mar-.
Iy , dont Manfard avoit deffiné les jardins fous
fes ordres , le Nôtre alla lui renouveller fon attachement.
Le monarque en le voyant lui dit qu’il
vouloit faire les honneurs de fon jardin } il monta
dans fa chaife couverte, & obligea Je bon vieillard
à prendre place dans une autre à-peu-près
fêmblable.
Cette bonté fingulière toucha extraordinairement
le Nôtre.
Se voyant à côté du roi, & remarquant Manfard
, furintendant des bâtimens, qui fuivoit, il
s’écria les larmes aux yeux : « Sire, en vérité mon
bon-homme de père ouvriroit de grands yeux s’il
me voyoit dans un char auprès du plus grand roi
de la terre : il faut avouer que votre majefté traite
bien fon maçon & fon jardinier«. Abrégé de la vie
d’André le Nôtre.
N O UV E L L ISTE . Comme on s’entreno’t dans
un café de Londres d’un vent affez violent qui
avoit déraciné quelques arbres duparc: un nouvellifte
éleva la voix. «« Ainfi, Meilleurs , s’écria-t-il, les
élemens ont été plus favorab'es à Londres qu’ail-
leurs. En Norfolk , d’où je fuis arrivé il y a trois
jours, la mer, dans quelques endroits, a paflfé
fes bancs , & s’eft élevée à la hauteur de foi-
xante-dix pieds au-deffus de la cô te , où elle a
paru s’arrîûer en forme de pyramide, & d’où
nous attendions à chaque inftant une inondation
qui détruiroit le pays*».
Quelques perfonnes oifives qui entendirent ce
récit, prirent la liberté d’en marquer leur éton-
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nement. « Bon , reprit-il avec le plus'grand fang-
froid, cet accident 11’eft rien au prix dé ce qui
eft arrivé lorfque les. eaux font retombées., nous
étions cinquante qui avons vu au-delà de 60 acres
de mes terres féparées du refte & emportées par
la violence du vent, & par l’ouverture que Jjt mer
avoit faite, jufques fur les côtes de Hollande 3
où elles fe font logées ; en i forte qu’ elles font
maintenant partie de cette république
Ce traît redoubla la furprife de la compagnie,
& chacun fe regardoit , incertain lequel rompront
le premier en vifîère à cet effronté menteur : il
s’en apperçut, & continua ainfi : «« vous trouvez
ceci éttange, mais ce qui fuit vous parçï-
tra encore plus merveilleux 5 le même orage me
rendit ce qu’il m’avoit pris , en amenant de ce
côté-ci une partie de la côte entre Boulogne &
Dunkerque , & nous avons vu cette ifle flottante
fe mouvoir avec une très-grande vîtelfe »
jufqu’à ce qu’ elle foit venue remplir le vuide
que le précédent coup de vent avoit fait dans mes
terres. Voilà qui eft prodigieux, dit un auditeur
en riant : Eh , monfieur, je vous prie ,avez vous
perdu ou gagné à l’échange S Je 11’ai pat encore
calculé ,, reprit le nouvellifte, je crois que cela
eft à peu près égal. Seulement, ajouta-t-il, .il y
a un grand nombre d’en fans fur le terrein fran-
çois, qui ne feront pas de long-temps en état de
gagner leur v ie , & je ne puis pas en confcience
les lailfer mourir de faim. Comment, interrompit
un autre fpe&ateur, il y avoit du monde fur cette
ifle flottante ! oh , ou i, réphqua-t il, & plufieurs
petites cabanes avec des femmes, dont les unes
flloient, d’autres tricctoient, & quelques autres
faloient du pcifîbn. Il y avoit auffi cinq excellentes
granges & de bons gros payfans , & j’ai
confideré^ue ce font des françois qui battent le
plus beau froment que j ’aie vu de ma vie»».
Il alîoit ajouter fans doute beaucoup de cir-
conftances pour confimer la vérité de fa relation,
lorfqu’un anglois qui n’avoit pas encore ouvert
la bouche , lui demanda fi l’invention étoit de
lui-même, ou s’il la tenoit d’un autre.
« Invention, s’écria notre faifeur de nouvelles.,
ne vous ai-je pas d it , mor.fieur, que je. J’ai vu
de mes propres yeux ? vous l’avez d it , répliqua
celui-ci, mais pour vous parler fincérement, je
vous prenois pour un .auteur pu un comédien y
& je m’imaginois que vous répétiez une fcène de
quelque nouvelle farce, & que tout ce que vous
avez d it, étoit une imitation des menfonges de
Tim le barbier, dans cette fameufe farce , ap-
pelée le parc de Newgate ; mais puifque nous devons
le prendre pour une vérité , voilà qui fuffit 1
quand je reviendrai dans ce café, dans l’ efpérance
de vous y rencontrer, j’aurai foin de me munir
i.de crédulité ». Il leva le liège & laifla notre ex