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Qu’au revenu que nous avons, nous devrions j
être plus de vingt quatre heures à table J »
Un religieux voulant détourner un de fes amis
de fe faire moine, lui dit en confidence : « Mon
f n i, quand il n'y a dans une année que dix ou
auze reî gieux, dans tout notre ordre , qui *
perdent la tê.e ,* nous difons que l'année ell
benne ».
On difoit à un moine y d'aller à l'églife : •— qui
eft ce qui y eft ? — Ils y font tous : — ils font doi c
allez. Un,- autrefois on lui dit : il n'y a perfonne.
Il répondît : je n’y ferois rien tout feul.
Un vieux capitaine attaché aux opinions deshuf*
fites, ayant eu la permiflion de paroître devant les
pères du concile de....... prétendit que les moines
étoient de rinftitution du diable. On lui demanda
la preuve de cette proportion. « N ’ell-il pas
vrai, dit-il > qu'iis n'ont pas été inftitués par
Jéfus Chrtll ? « On convint de cette vérité. H
ell donc clair, ajouta- t-il, qu'ils fo n t‘été par le
diable ». Les pères du concjle répondirent à ce
raifonriement par un éclat de rire.
Les dominicains ayant élu pour leur général,
un autre fujet que celui que favorifoit Benoit XIV,
le fouveraîn pontife, dit en fuurîant : « Sainte
Thérèfe ayant afliiré les carmes , qu'elle croy-oit
favoir qu'un tel religieux fercit général, & voyant
que la chofe n’avoit pas réufti, confulta notre
feigneur, qui lui dit : «c Je le voulois, mais les
moines ne l’cnt pas vciulj. Vous favez, ajoutà-
il aux cardinaux qui l’entouroient, qu'on refilte
tous les jours à Dieu, tic quelquefois à fon vicaire
».
Moine , ( François le ) peintre françois /né l’an
1688, mort en 1759.
Le Moine avoir un amour-propre exceflif j il
étoit encore jaloux tic fatyrique, n'épàrgnoit pas
fes mtiileurs amis, & déchiroit fu r -to u t, fes
confrères} ce qui donna occafion à l'un d'eux
de lui dire : « Vous qui peignez fi bien, comment
ignorez-vous que ce font les Nombres d'un tableau
qui font valoir les clairs ? »
Lorfque le Moine faifoit voir l’un de fes
tableaux à quelqu’un, connoiffeur ou n on , il
l’obfervoit attentivement: fi, au premier abord,
l'on n’exprimoit pas fa fatisfa&ion, par un mouvement
involontaire, il retouchoit fon ouvrage,
& ne le croyoit entièrement terminé, que iorfqu’il
lui voyait produire cet effet.
Un dés amis de le Moine ; s’offrit lin jour'de
faire fon portrait} il y eorifentit d’abord 5 enfuite
il fe regarda dans un miroir, & s’écria, emporté
- par fon cara&ère mifanthrepe : — « 11 y a quelque
choie, dans ma phyficnoraic qui ir.e déplaît j je ne
veux plus, être peint .»• ;
M O L
Le Moine ne fe crut point affez récompenfé
aptes avoir fehevé, à Verfailles, fon beau plafond
du fallon d’Hercule. Comme il portoit des
plaintes continuelles au duc d’Ayen , fon pto*
teCteur, ce faigneur lui dit : — » Voudriez-vous
faire payer vos ouvrages aufli cher que fi vous
étiez mort l »
Quoique le Moine vînt d’êtie nommé premier
peintre au to i, fon ambition n'étoit point encore
fatisfaitej il fe créa des chagrins imaginaires, tic
tomba dans une mélancolie profonde. Dans les
noirs accès de fa douleur, la mort lui enleva ,
coup fur coup , fa femme qu’il adoroit, tic le
duc d’Ayen , fon> plus zélé prote&eur. Alors il
fe regarda comme feul fur la terre} la vie lui
parut un fardeau înfuppôrtable. Pour difliper
un peu les trilles penfées auxquelles il fe livroit
fans celle, il fe faifoit lire l'hiftoire } tic lorfqu'ii
arrivoit aux endroits où l’on raconte que des per-
fonnages célèbres fe font tués, il s’écrioit : ah i
la belle mort !
Dans ces circonftances, les plaintes amères qui
lui étoient échappées contre le cardinal de Fleury ,
lui firent craindre la vengeai ce de ce miniftre ;
fes meilleurs amis lui devinrent fufpuCts, ii croyoit
à chaque in liant qu’on venoit pour l’arrêter tic le
conduire à !a Bailille. Le trouble de fon imagination
.'dégénéra bien-tôr en folie. Un matin qu'il
étoit renfermé dans fa ch.mibre, il eut< ndir frapper
à fa porte j c’étoit un de fes amis qui devoir le
mener à la campagne, tic qui fe propofoi? de lui
faire les remèdes qu'exigeoit fon trifte ét<t; le
Moine s'imaglnq auflitôt que des archers font envoyés
pour le fai fit ; effrayé, hors de lui, il fe
perce de neuf coups d'épée tic fe traîne vers
la porte, qu’il a encore la force d’ouvrir : fon ami
le voit noyé dans fon fang » tic tomber fans vie
à fes pieds.
M O L E , ‘'C Matthieu ) premier prefident, né
en 1584 , mort en 16$6.
Le cardinal de Retz dit dans fes mémoires : fi
ce n’étoit pas une efpèce de blafphême^de dire
qu’il y a eu quelqu'un dans noue fiècle plus intrépide
que le grand Gutlave , & que M. le
Prince, je dirois que ç'a été Molé, premier président.
Il s’en falloit beaucoup que fon efprif fut
aufli grand que fon coeur- Il ne laiflbic pas d’y
avoir quelque rapport par une refiemblance qui
n’y étoit toutefois qu'en laid. Je vous ai déjà
dit qu’ il n’étoit point congru dans fa langue,
tic il ell vrai : mais il avoit une forte d'éloquence
oui en choauant l’oreille faififloit l'imagination.
Il vouloir le bien de l’état préférablement à .toutes
chofes, même à celui de fa famille, quoiqu’il
parût l'aimertrop ; mais il n’eut pas le génie a fiez
élevé peur connoître d'aifez bonne heure celui
qui eût pu lui en faire 3 il préfuma trop de fon
pouvoir.
M O L
pouvoir, il s'imagina qu’il modéreroit îa cour 8c
fa compagnie j il ne réuflit ni à l'un, ni à l’autre :
il fe rendit fufpeCt à tous les deux , tic ainfi il fit
du mal avec de bonnes intentions. La préoccupation
y contribua beaucoup , il étoit extrême
en tout / tic j’ai même obfervé qu’il jugeoit des
avions par les hommes, prefque jamais des hommes
par les actions. Commedl avoit été nourri dans
les formes du palais, toucce qui étoit extraor:
dinaire lui étoit fufpeéfc : il n’y a guères de difpor
Étions plus dangereufes en ceux qui fe rencontrent
dans les affaires , où les règles ordinaires
n’ont plus lieu.
Dans un jour de fédition, des mutins s'étant
attroupés à la porte de ce magiftrat, il voulut
y aller. L’abbé de Cbavalon , qui était alois avec
lui, s’y oppofant, Molé lui dit : « Apprends,
jeune homme, qu’ il y a loin du poignard d’un
fcélérat au coeur d’un homme de bieTf1».
Lors des barricades de 1648, il fit ouvrir les
portes de fon hôtel que l ’on venoit de fermer , 1
en difant que la maifon d’un premier préfident
devoit être ouverte à tout le monde.
M O L CT8p
Moliere aVoit le coeur admirable. Baron lui
annonça un jour à Auteuil un homme que l’extrême
mifère empêehoit de paroître : il fe nomme
Mondorge, ajouta-t-il: je le connois, dit Molière
, il a été mon camarade en Languedoc. C 'e ft
un honnêce-homme. Que jugez vous qu’il faille
lui donner? Quatre piftojes , dit Baron, après
avoir héfïté quelque temps. H é ’bien répliqua
Moliere, je vais les lui donner pour moi, doti-
nez-lui pour vpus ces vingt autres que voilà. Mon*
dbrge parut, Molière l'embraSa, le confola , tic
joignit au préfent qu’il lui faifoit, un magnifique
habit de théâtre pour jouer les rôles tragiques.
Mol'àre revenoit d’Auteuil avec le muficien
Charpentier. Il donna l’aumône à un pauvre,
qui un inftant après fit arrêter le carofle tic lui
dit : Mortfieur, vous n’avez pas eu deffein de
me donner une pièce d'or. Où la vertu va-t-elle
fe nicher? s’écria Moliere après un moment de
réflexion : — 1 tiens, mon ami, en veilà une autre,
Moliere difoit que le mépris étoit une pillule
qu’on pouvoit bien avaler, mais qu'on ne pou-
voit guère la mâcher fans faire la grimace.
Un mutin l’ayant un jour infulté au milieu
d’une place publique, jufqu’à lui prendre la barbe
qu’il portoit fort longue, il le menaça de le faire
pendre. Cette mepace auroif pu lui devenir fu-
nerte. Mais Jorfqu'on lui difoit qu’il devoit moins
s’expofer à la fureur du peuple , il j-épondit « que
iîx pieds de terre feroient toujours raifon au plus
grand homme du monde \
Cét ilîuftre magiftrat qui aîmoît les lettres , tic
qui s’intéreffoit bien fincèrement à la gloire de fa
patrie, avoit engagé Duchefne à faire fa collection
des hiftoriens dé France.
} M O L IER E , ( Jean-Baptifte Poquelin de) né
l’an 162.9., mort en 1673.
Moliere âvoit un grand-père qui î’aimoît e'per-
duement} tic comme le bon-homme avoit de la paf-
fion pour la comédie , il l’y menoit fouvent. Le
père qui craignoit que ce plaifir ne diflipât fon
flls^ tic ne lui ôtât l’attention qu’ il devoit à fon
métier, demanda un jour au bon-homme pourquoi
ilvmenoit fi fouvent fon enfant au théâtre.
Avez-vous envie, lui dit-il avec indignation ,d ’en
faire un comédien ? Plût à dieu, lui répondit le
grand - père , qu’il j fût aufli bon comédien que
Belle-Rofe. Cette réponfe frappa le jeune homme,
le dégoûta de la profeflion de tapiflier, & lui
donna du goût pour la comédie.
On prétend que le prince de Conti voulut faire
le jeune Moliere fon fecrétaire, tic qu’heureufe
ment pour le théâtre françois., Moliere eut le
courage de préférer fon talent à un pofle honorable.
£ ncyclopêdiana9
Moliere étoit défigné pour remplir la première
place vacante à l ’académie françoife, La compagnie
s’étoït arrangée au fujet de fa profeflion.
Molàre n’auroit plus joué que dans les rôles du
haut comique. Mais fa mort précipitée le priva
d’une place bien méritée, & l ’académie d’un
fujet fi propre à la remplir-
Molière fe pre'fenta un jour pour faire le lit
du roi-Un autre valet-de-chambre qui le devoit
faire avec lui fe retira brufquement, en difant
qu'il ne le feroit point avec un comédien. Bel-
Iocq , autre valet de chambre , homme de beau-
coup d’efprit, & qui faifoit de très-jolis v ers,
s’approcha dans le moment tic dit : M. de Moliere
, vous voulez bien que j’aie l'honneur dé
faire le lit du roi avec vous. Cette avanture vint
aux oreilles du roi, qui fut très mécontent quon
eût témoigné du mépris à Moliere,
Moliere avoit commencé à traduire Lucrèce
dans fa jeunefle , tic il auroit achevé cet ouvrage
fans un malheur qui lui arriva. Un de fes domef-
tiques prit un cahier de cette traduction pour
faire des papillottcSi Moliere, qui étoit facile à irriter
, fut fi piqué de ce contre-temps, que dans
fa colère, il jetta fur le champ le relie au feu.
Pour donner plus de goût à cette traduction , il
avoit rendu en profe les raifoanemens philcfoyhi-
ques, & il avoit mis en vers toutes les beiles
deferiptions qui fe trouvent dans le poème de
Lucrèce.
Moliere lifoitTes comédies à une vieille fervante
nommée Laforêt, tic lorfque les endroits doplai-
fanterie ne l’avoit point frappée, il les ccr rigeoit