grâce, par M. l’évêque de Grafle. II difoit aufli
qu après leur mort les papes devenoient des
papillons jles lires,des cirons} les rois, des roitelets.
Voltaire écrivit à madame de Maurepas : et Si
» jamais monfieur Turgot cefle d'être miniftre.
m je me ferai moine de défefpoir ».:. Lorfqu’il
fu t , en effet, d i f g r a c ï é , & remplacé par M. de
Clugny, madame de Maurepas fomma Voltaire
de tenir fa parole. « Rien n’eft plus jufte, ma-
93 dame , répondit-il 5 je me ferai moine de
« Clüg'ny ».
j Un tapiffier de Paris, fe vantoit à tour venant,
d'être parent de fort près du brave M. de
Çhevert. Quelqu’ un le dit à cet officier général,
& l’excita à punir une pareille audace. « Laiflez
» faire ce marchand , reprit M. de Chevert} il a
» quelque efpèce de^taifon} fes ancêtres & les
99 miens ont fait beaucoup de fiéges ».
Un fot mari, vantoit dans une compagnie,
les robes, les dentelles, les bijoux & autres
ajuftemens de fa femme* Quelqu’un qui fatoit
ce qui en étoit, lui dit allez piaifamment : « Si
» madame le porte beau, avouez que vous-les-
» portez belles ».
M. B... entrant dans l’antî-chambre de la reine
mère., Anne d’Autriche, au moment où le duc
de Roquelaure en forto’t , ce duc lui fit les
cornes pour le braver. Mais B... ne tarda guères
a s’en venger ; c a r , affrétant de paroître ému
devant la reine j qu’avez-vous donc, lui dît-
elle ?— Madame, répondit-il, c’eft ce duc de
Roquelaure, qui a l’impudence de me montrer
à la porte de'la chambre de votre majefté tout
ce qu’ il porte. « Cette équivoque produifit l’effet
* que B .. avoit déliré, & mit la reine dans une
» grande colere contre le duc ».
Cicéron difoit de Caninius - Revilius , ‘ qui
n’avoit été cbnful qu’un feiil jour* Nous avons ;
un confulfi vigilant, qu'il n a pas dormi une feule j
nuit pendant fon confulat.
Un homme qui avoit des ennemis dangereux, &
capables de tout entreprendre, confulta l’oracle
pour favoir s’il abandonneroit le pays. Il eut pour
léponie } domine, fies fecurus : fur quoi il crut
pouvoir demeurer fans danger dans fa maifon :
2 quelques jours de-là cependant les ennemis y
mirent le f< u , & tout ce qu’il put faire fut de
fe fauver. Alors fongeant à l’oracle qui lui avoit
été rendu, il reconnut, mais trop tard, que ce
n’étoît pas domine, mais : domi ne fies fecurus ,
qu’il falloir entendre.
Lorfque M. le Mierre vint à î ’affemblée des
comédiens, pour demander la remife de la veuve
^ui Malabars « Meilleurs„ leur dit-il : i l n’y a
m pas de veuve qui n’ait fes reprifcS, & je viens
» vous demander celles de la veuve du Ma-
» labar »,
Le préfixent de Némon palfoit pour un
homme fort ennuyeux. Un jour étant allé voir
madame de Sévigrîé , elle d it , quand on le lui
annonça, ce vers dé l’opéra :
N’aimons jamais, ou n’aimons guères.
Monfieur de BalTompierré fut tiré de la baf-
lille ,' le jour même des obfeques du cardinal de
Mazavin qui l’avoit fait emprifonner. il dit en
fortatit : « Je fuis entré à la baftille par le fer?
»v vice_ de M. le cardinal , j’en fors pour fon
» fervic§ »...
On fit fur la pièce & la mufique des Deux
Talens, l’épigramme fuivante :
Quelle mufique plus aride,
Et quel poëme plus commun !
Pauvre d’Herbain 1 pauvre Baftide !
Vos deux talens, n’en font pas un.
JEUNE. Deux duchefies fe difoient un jour:
Pâques approche, cela fait faire des réflexions; nous
Tommes de grandes pécherelTes, il faut faire
pénitence. Que ferons-nous pour cela ? Faifons
jeûner nos valets.
L’ufage du do&eur Swift , le Rabelais de I’Aiit
g’eterre, étoit de voyager à pied avec un livre à
la main. Souvent il marchoit jufqu’à la nuit fans
ceflfer de lire 5 & fans s’arrêter pour boire
; manger. Un jour qu’ il fe rendoit de Dublin à
■ Waterford, fuivi d’un feul domeftique, il fut
renconrré par un vieux feigneur irlandois. Celui-
ci ne connoiffant pas Swift, demanda fon nom
à l’homme qui l’accompagnoit. Le valet, pref-
que auftï original que le maître, où quM’étoie
devenu en le fervant, répondit à l’irlandois :
« C ’ eft M. Je doyen de faim-Patrice, & je le
I » fers peur mes péchés»... Et où allez-vous à
» cette heure? — Tout droit au ciel, fans nous
» détourner ». Le gentilhomme n’entendant rien
à cette reponfe, le pria de lui expliquer cq
qu’ il vpuloit dire. « C ’eff pourtant une chofe
» bien claire , répliqua le domeftique ; mon
» maître prie , & moi je fuis s jeun : Où va-t-on,
» monfieur, pat le jeûne:) & par la prière»?
JEUNESSE. Les Lacédémoniens regardoient
l’enfance & la jeunejfey comme le printemps des
bonnes moeurs, c’eft-à-dire, comme la faifon où la
vertu eft dans fa fleur; fi.l’on gâte la fleur, ou
quelle fe gâte d’elfe même, il faut de néceflké
que le fruit réuflifle mal, ou devienne inutile,
Un avocat voyant qu’un préfident le méprifoit
à caufe de fa jeuneffe, lur dit : monfieur, je fuis
jeune} mais j’ai lu de vieux livres.»
. IG N O R AN C E . Un Arabe a dit que l’ igno-
rance eft une méchante monture, qui fait fans cefle
broncher celui qui eft deflus, & qui rend ridicule &'
méprifable, celui qui la conduit. ,
Il y avoit à Touloufe un avocat ignorant, qui
ayant reçu du roi Henri,11, une charge de con-
feiller, pour r'écompenfe de quelques pièces de
marbre qu’il avoit données à fa majefté,, fut
re.fufé trois fois des autres confeillers de Touloufe,
à caufe de fon ignorance. Le roi lui
ayant donné des lettres pour être maître des
requêtes , ,& ce pauvre ignorant ne pouvant
répondre fur l'examen qu’on faifoit de fa
fcience, fut aufli refufé des maîtres des requêtes
} mais le chancelier ayant dit à ces mef-
fieurs, an nefeitis, ejfe marmoreum ? N e fçav,ez-
vous pas. qu’ il eft de marbre? Il fut enfin reçu.
On l’appeloit le maître des requêtes de marbre.
Un moine faifantl’ inventaire d’une bibliothèque,
& rencontrant un livre hébreu, mit fur le re.-
giftre :/km, un livre en langue étrangère, dont
le commencement eft à la fin.
; On difoit en parlant d’une pièce de théâtre :
la fcène eft à Conftantinople. Madame la com-
tefle de L.... dit : voilà une rivière, ( la Seine ) ,
qui fait bien du chemin.
. Une dame pariant d’un Italien de fes . amis :
il defce.nd, dit-elle,, d’une très-grande maifon
d’italie, des contes... des contes.... des contes
de Bocace.
ILLUSION. Il n’ y a perfonne qui n’ait oui parler
de Thrafylaus, qui s’imaginoit être le maître de
tous les vaille aux qui, abordoient au Pirée , &
qui ayant été guéri de cette maladie , en té-
moignoit du chagrin, jurant qu’il n’avoit jamais
été li heureux, que pendant qu'il avoit été dans
cette agréable erreur. Voici un autre exemple
de ces heureux imaginaires. Ariftote , au livre
des- chofes merveilleufes ^ raconte d’un citoyen de
la ville d’Abidos en A fie , qu’il venoit fouvent
au théâtre , dans le temps qu’il n’ y aVoit .ni
a#eurs ,- ni .fpe&ateurs , où il prenoit place ,
s’imaginant qu’o'n jouoit la comédie. On le voyoit
tantôt battre des mains, tantôt rire à gorge déployée,
& faire divers jugemens fur la pièce
qui ne fe jouoit que dans fon Imagination. Etant
gue'ri, il regretoit fa folie, & a.lfuroit n’avoir
jamais eu de meilleur temps, que lorfqu’ il étoit
infenfé. Cela favotife le féhtiment de ceux qui
foutiennent, que nous ne pouvons avoir aucune
certitude des. chofes qui font hors de nous. C a r ,
il eft confiant que les chofes ne paroi fient pas
les mêmes aux autres animaux, qu'aux hommes.
Ils voient les chofes différemment de nous, fo.:t
en couleur, en grandeur & en nombre; ils les'
fentent, les entendent & les flairent aufli différemment,
puis qu’ils ont les organes de la
vue, de l’ouïe & du toucher , différens des
nôtres en grandeur, en étendue, & en conformation.
O r , quelle arrogance à l’ homme, de
dire que tous les animaux du monde font
trompés, & font dans l’erreur, & que lui feul
connoït la vérité des objets? Dieu a voulu que
toutes chofes eufîent diverfes faces, & ten-
dilfent divers effets, félon ce qui leur con-
viendroit, & s’eft refervé à lui feul la connoif-
fance de la vérité- Je ne m’étonne pas, qu’un
philofophe pénétré de ce fentiment, & convaincu
en même temps de l’immortalité de l’ame,
ait fouhaité de fortir de la v ie , comme d'une
prjfon enchantée, ou on eft perpétuellement dans
Villafion.
iMPÉRATRICE. L *impératrice Marie , veuve
de Maximilien I I , étoit fille d’un empereur,
femme d’un empereur, bru d’un empereur, mère
d’un empereur, & b elle-mère de deux rois,
Charles IX & Philippe II. Par tous ces titres
cette princefle étoit bien au-deiffus d’Agrippine ,
fille, foeur, mère & femme d’empereur, que
Tacite donne comme un exemple unique.
Cette impératrice Marie n’avoit aucun crédit
auprès de Philippe II. Don Diego de Cordua,
perfonnage fort agréable à ce prince , difoit fort
piaifamment à ceux qui s’adrefloient à lui pour
obtenir quelque grâce par fon entremife : « Après
» l’impératrice, je fuis celui qui a le moins de
» pouvoir auprès du roi ».
IMPÉTUOSITÉ. Après la mort dTfdegerdes,
roi d e j? e r fe , les perfans qui avoient beaucoup
fouffert de fes violences, jugèrent que Baharam-
G u r , fon fils, feroit auflr cruel que lui : ainfi,,
loin d’appeler ce prince à la fucceflïon , ils jettè-
f-e-nt.les yeux fur un feigneur nommé.Kefra, &
le placèrent fur de trône. Baharam , qui étoit
alors à Hirach, en Arabie, ayant appris ces nouvelles
, affembla une groft’e armée d’arabes, &
vint attaquer l’ ufurpateyr. Il avoit encore dans la
Perfe plufieurs amis qui s’ efforcèrent de ménager
un accommodement entre les deux princes; mais
la chofe étoit affez difficile. Il falloit que l’un des
deux.cédât fâ place à l’autre. Baharam propofa
un expédient qui fut approuvé des deux partis ;
ce fut de mettre la couronne royale entre deux
lions affamés, & enfermés dans un lieu choifï
exprès : celui des deux princes qui la pourroit
enlever de cet endroit, devoit être jugé le plus
digne de la porter, & reconnu xpour en être le
légitime poffefleur. Le jour defiiné pour ce fameux
combat étant arrivé, les deux concurrens fe
préfentèrent.. Alors Baharam dit à Kefra : « Avau-
» cez courageufement, & enlevez la couronne. Je
» fuis en pofleflîon du trône , dit Kefra; c’eft à
» vous, qui y prétendez, de retirer la couronne