
iln e fe faifoir point rafer. « Moi -, d it- il, je
» ferois ‘bien fou de prendre de la peine, à ma
» tê te , fànsfçavoir à qui elle demeurera > fi c’eft
» à moi j'en aurai foin ».
H A R D O U IN , ( Jean ) favant Jéfuite -, mort
en 1719 , âgé de S$ ans.
Hardouin étudia l’antiquité , mais ce fut pour
, la détruire. Il exerça un pouvoir arbitraire fur
les faits , & joua pieufement le rôle de fcepdque.
C ’étoit un .enfant pour la crédulité , un jeune
homme pour la hardieffe & la témérité, un vieillard
pour le radotage.
Dans fes jd06fc.es veilles , il'publia bien des
fonges ; il foutenoit entr’autres extravagances ,
que .tous les écrits qui ont paffé .jufqu’ici pour
anciens , furent fabriqués dans le treizième fitrcle
par des fripons de moines, qui redonnèrent le
mot pour s’appeler les uns Homère , Platon, Arif-
tote , Plutarque, les autres Tertulien YO r ig èn e ,
Bafile, Auguftin , &c. Il n’exceptoit de cette manu
fa élu re , que les Ouvrages de Cicéron, l’hif-
toire de Pline, les G ’ orgiques de Virgile, lés
fatyrés ■ & les épitres d’Horace, & quelques autres
écrits-de ce genre. Il préteiïdôît que 1 énefde
de Virgile avoit été vifiblement'compofée par un
bénédictin du treizième fiècle, quia voulu dé1
crirè allëgoriquem:nC‘ie voyage de faint Pierre
à Rome, lequel cependant, fuivantle fentiment
même du favant rêveur, n’y â jamais été. Il n’eft
pas moins clair , ajoute-il, que les odes d’Horace
font forties de la’ même fabrique, & que
la Lalagé de :ce poëte n?eft autre chofe que la
religion chrétienne.
i l falloit cependant que le père Hardouin accordât
bien de l’efpr.t à frère V irg ile ,.à frère
Horace & aux autres. On a dure qu’un jéfuite,
fon ami -, lui rêpréfentant un jour quels public
étoit fort choqué : de tous les paradoxes & de
toutes les extravagances qu’il débitoit à cëfujer;
Je père- Hardouin lui répondit- brufquemènt :
Hé ; croyez-vous donc que je me ferai levé
N toute ma vie à quatre heures du matin pour
"» ne- dire que ce que d’autr-es-avoient déjà dit
» avant moi « ? Mais , lui répliqua fort- ami >
i l arrive quelquefois qu en fe levant f i .piadn , on
çomppfe fqns être lien éveillé 3 6* qu on débite les
.rêveries d* une mauvaife. mi.it pour des vérités, démontrées.
Quelque temps âpres que cep o é té eut publié
Ton fyftêm.e" de la- fuppofition des-auteurs , il
fut chargé par le clérgé de 'France de travailler
à une édition des conciles/ Le père le Brun dé
l'oratoire alla-le voir dans lé : temps-’ qu’il étoi-t
Occupé de cette importante- çqllêâibn & lui dit':
» Si ce que vous.avez avancé eft vrai 3 mon père',
» vOus travaillez bien infruélueufemènt, & vous
> allez -publier unrecUçil.de YauÆetés ,-de four-
** beries & d-’impofturesqui ont été fabriquées
» pour détruire la religion, ». Le jéfuite garda
un moment le filence ; & puis par une efpèce
d’enthoufiafme, il s’ écria : I l n y a que Dieu 6f
. moj qui fâchions la force dé Vobjeftion que vous me
faites ici.
Le même difeernement qui faifoit voir à ce
doéfe vifionnaire la religion chrétienne dans la
mai treffe d’Horace, lui fit découvrir des athées
dans Defcartés, Mallebranche, Arnauld-, Paical,
Nicole, &,c. Ses fupérîeurs l’obligèrent de donner
une rétractation de fes délires ; il la donna, & n’y
fut pas moins attaché. Ses fentimens mènent à un
pyrrhonifme univerfel & à l’incrédulité; ’il a été
néanmoins toute fa vie un modèle de régularité,
de piété & de religion! Un de fes' confrères
difputant encore avec lui, peu de temps, avant
fa mort, fur fon fyftêmè de la fuppofition des
anciens auteurs : « O mon Dieu ! s’écria le père
» Hardouin dans l’effufion de fon coe u r , on a
» beau dire que je ne crois rien, je vous aime de
» tout mon coeur. Seigneur, je vous* remercié
» de m’avoir ôté la foi humaine;, pour me laiffer
» la foi divine ».
M. Vernet, profeffeur de théologie à Genève;'
a très-bien caraétérifé’ le père Hardouin dans cetté
épitaphe.
In expe&atione 3 udicii
Hic ,-jacet
: Hominum paradoxoratos
Natïone Gallus, religione Romanus,
Orbis litterati pqrtentum : i
Yènerandæ anciquatis cultor & deftruCtor
D o â è fabricitans,
Somnia Sc ina.udita commenta vigilans ediditr,
Scepticun piè egit.
Credulitate puer, audaciâ juvènis, deliiiis jfei\èx,
H AR LA Y , (Achilles de) premier préfidène
dffparlement de Paris 3 mort en 1616 Y à quatre-
vingt ans.
Achilles de Harlay . fut un rnagîftrar intègre ,
un fujet fidèle, un citoyen vertueux dan S des temps
de trouble & de féduCtion., Au milieu même des
fadtions de la ligué & des fureurs du fanatifrnè, il
montra un courage & une fermeté digne des premiers
fiècies de Rome. •
'i Le duc' dé: Guife > à la têèe .dés; féditieuxY
voulôit fe rendre maîtie de fa perfonhe du roi
Henri III ; & ce monarquè fè vit obligé’, en
1 y 88 , 'de. fortir en fugitif de fa capitale. Lé duc
étant allé, vifiter , après le départ du roi 3 Achilles
de Harlay, premier préfident, il le trouva «.qui
j§! fè pourmenoit dans fön jardinY lequel s^étonfia
» fi peu de fa venue, qu’il ne daigna pas feule-
» ment tourner la tête, ni difeontinuér fa pour-
» menade commencée » laquelle achevée quelle
»„fût, & étant au bout de fon allée, il retourna,
». & en retournant, il vit le duc de Guife qui
» venoit à lui'». Alors ce, vertueux magiftrat
levant la voix, lui dit : Ceft une honte, monfieur,
c eft une.honte que le valet mette le maître hors de
la mai fon J Au refie mon ame eft a Dieu, mon coeur
eft a mon roi i & a .l'égard de mon corps, je 1 abandonne
, s 'il le fout, aux méchans qui défoient ce
royaume.- ( Difcouis fur la-vie & la mort du prêt
fident'de Harlay ).
Dans ces malheureux temps, les prédicateurs«
étoient devenus les trompettes de la difeorde. Ils
ofèrent même exiger en chaire un ferment public
de leurs auditeurs pour la vengeance de la mort ,
du cardinal & du duc de Guife-, que Henri avoit
fait affaffiner à Blois comme des fujets rebèles.
Un de ces prédicateurs fanatiques prêchant le
premier jour de l’an à faint Barthélémy, fit lever ,
la main à tous les affiftaris, &.eut même l’impu-,
dence d’adreffeï la parole à M. de Harlay, qui
étoit préfent, & de lui crier : Levefla.màin, .
M. le préfedent) & leveç-la bien haut, s‘i l vous plaît,
afin que tout le monde la voie. C e magiftrat fut
contraint d’obéir pour n’ être pas mis en pièce par
la populaçe. Mais les chefs des fa^lie.ux , qui
n’igricroient point les fentimens de M. de Harlay,
lë retinrent quelque temps prifonnier à la Baltille. \
C e t illurtre magiftrat goûta des jours plus feréins .
fous le règne de Henri IV ; & après s’être occupé
entièrement à rétablir les loix, & à faire fleurir la
jufîiçê, il mourût en 1.6.16, dans une douce &
paifibîe retraite queluiavoient préparée fes travaux
& fa vertu.
Il faut le dliinguer d’un autre Achille de Harla
y , auffi premier préfîdent du parlement de Paris
3 mort, lé 23 juillet 1712 , à 73 ans. C ’étoit un
magiftrat attaché à fes devoirs, trop enclimà cette
raillerie quelquefois innocente dans la bouche d’un
particulier, mais toujours cruelle dans celle d’un
homme en place.
Un confeiller au parlement, dont les ancêtres,
dit-on, a voient porté la livrée, ofa paroître devant
'M..'"de'fiarlay avec une ciVÎotte de velours rouge.
C e magiftrat s’en apperçut, & lui dit malignement:
« Jefie fuis point furpris de vous voir cet habil-
» le ment cavalier; on aime les couleurs dans votre
» famille ».
Le fils d’un arehite&e follicitoit une charge. de
confeiller : « Je vous ai vu bien petit, lui di^ M,
» de Harlay j il,faut que depuis ce ; tcmps-là vous
» ayez crû d’une toi fe ».
On lui fervit un brochet monftrueux qu’on avoit
pris dans une pièce d’eau de fa maifon de Gros-
Bois. Comme ce poiffon .dévoroit beaucoup de
carpes,, il difqit que c’étoit le Bourvalais des poif:
Tons'. Ce Bourvalais étoit un célèbre traitant, qui
fat condamné ^ la chambre de juftice..
. Un hulflîer, dans un placet qu’il, préfentoit à ’
M. de Harlay, fe quàlifioit de membre du parle-J
ment : « Oui / lui dit ce facétieux magiftrat f
» comme un poil elU membre de mon corps
Un fermier .général des poftes, étpit venu le
fôlliciter pour une affaire , & lui racontbit fôn
procès avec beaucoup de volubilité : « Un moment :
’» dit M. de Harlay3 ce n’eft point ici qu’il faut
» courre la pofte »,
M . , ^ R a q u e t t e , évêque d’Aûtun, auquel on
pouvoir reprocher une prononciation affe&ée Sc
des geftes maniérées lor'qu’il prêçhoit, fe plaignoit
à M. de Harlay que les officiers d’Autun avoient
quitté fon ferinon pour aller à la comédie : « Çës /
!» gens-là répondit - il, étoient de bien mauvais.'
!» goût de vous quitter pour des comédiens de
» campagne».-; .
Les comédiens du roi vinrent en corps lui
• demander une grâce ; l’aéteur qui lui porta la
parole, lui dit qu’il lui parloit au nom de fa
compagnie. Le premier préfident, pour, lui faire
fentîr vivement fa faute, lui répondit : « Je veux
» délibérer avec ma troupepour favoir fi je dois
» accorder à voue compagnie la grâce qu’elle me
» demande » ..
Dans le temps qu’il fut élevé à la place de premier
préfident, les procureurs en corps vinrent
lui demander fa protection : Ma protection, leur
dit-il, les fripons ne l'auront pas, les gens de bien
; h en ont pas befoin.
Un procureur vouloir fe juftifier auprès de lui
de quelques petits tours de fon métier. Mais M. de
Harlay, fans vouloir l’écouter davantage y lui dit
en préfènee de plufieurs perfonnes qui fe trou--
voient-là: « M e. un te l, vous êtes un fripon ».
Monfeigneur a toujours le mót pour rire, répondit
le procureur' fans fe déconcerter.
I! y à encore eu du nom de Harlay, Fr an ço is
de Ha r l a y ,archevêque de Rouen, & enfuite de
Paris, né dans cette vifte en .162 ƒ y mort en !695-,
à 70 ans. Il étoit fils A'Achilles de Harlay, mar-,
quis de Champvalîon. Ses manières affables, Ton
heurêufe-facilité de s’énoncer, fon attention obligeante
à ne dire que des chofes agréables à
ceux qui l'abordoient, fon goût naturel pour les
fciencè^ ;& les belles-lettres, lui avoient concilié
les coeurs & les efprits. Il avoit une phyfionomie
des plus agréables & des plus heureufes ’ & on lui
appliqua ce vers de: Virgile :
Formoji pecoris euftos , formoftor ipfe.
Mais né-avec un coeur Tenfible & un violent
penchant pour les plaifîirs, il ne fut pas toujours
fe'détéhdrë des amorces de la volupté; il maintint
févèrejrient dans fon diocèfe le dogme qui ne le
gênoit en rien, & négligea la morale qui lui inter*.