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Tes ch3r.rn.es & ta voix font l’ame de mes vers.
Mais que dis-je"? ils font ton ouvrage j
Qui les infpira, les a faits.
Qu’ils te foient confacrés par la reconnoiffance ;
Tes yeux n’ont rien laide .de plus à ma puiüançe ,
Et je ne puis t’oft'rir que tes piopres bienfaits.
GrÉANS. On a bei ucôup difputé, beaucoup
écrit pour favoir's’il, àvoit, jamais exifté quelque
part des nations’ entières de ! géans. La chofé ne
feroit pas douteufe fi le fait îuivant , rapporté
pa r Quelques auteurs elpagnols, étoit luffifamment
confirmé. '
Madeleine de Ntqueza, née en Efpagne, abandonna
la patrie pour aller chercher la fortune dans
ces vaftcs provinces que la monarchie espagnole
pofiede dans l’Amérique méridionale. Ceux qui
font fans amis dans leur pays ., n’en trouvent
guères dans les-pays étrangers. Cette malheureufe
femme erra quelque temps dans les rues deCar-
thagène, fans afyle & fans reflource. Dans cet
état de mifère un berger indien la v it , l’époufa
Sc la. mena dans, fon village , qui bordoit les
contrées Tauyagés des guanoas.Sc des chiquitos.
Ces nations barbares, qui n’avoient jamais pu
être réduites par les efpagnols, faifoient dés in-
cuifiphs continuelles fur les pays qui leur avoient
été fournis, & maffacroient ou emmenoient tous
les habirans qui tomboient dans leurs mains. Ma
deleine & fon mari furent, pris par ces fauvages,
& emmenés à quelques cents lieues vers le fud,
çxù ils furent plufieurs fois échangés pour d’autres
denrées j jufquà ce qu’enfin ils fe trouvèrent au
milieu d’un peuple plus fauvage encore que leurs
premiers maîtres, Se où ils furent occupés à garder
les troupeaux.
Il n’y avoit pas long temps qu’ils vivoient chez
ce .peuple-, lorfque le bruit fe répandit qu’une
armée de géans-s’avançoit dans le pays & mettoit
tout à feu & à -fang. Madeleine s’apperçut que les
indiens , au lieu d’eflayer de( s’enfuir cherchoient
plutôt a fe cacher, parce qu ils défefpéroient d’échapper
à la courfe rapide de ces géans 3 donc ils
connoiffoient la légèreté. L ’armée formidable pa-
Tut enfin?'; mais au lieu de répandre par-tout la terreur
& la mort, ces géans traitèrent leurs ‘prifon-
niers avec une douceur , une humanité qui furprit
beaucoup notre .efpagnole. ,C e corps de géans
étoit compofé d’enviion quatre cens hommes ,
dont le plus petit avoit au moins neuf pieds, &
le plus grand à peu près onze. Leurs traits étoient
réguliers, & leurs membres exactement propor?
donnés. Ils avpient de la douceur & de l ’affabi-
Jité dans les. regards,, 8c leur voix étoit grave 8c ;
fonore. Madelaine & fon mari furent encore une
fois prifonniersj mais leurs nouveaux maîtres les
traitèrent^ beaucoup plus humainement que les
premiers. Nos époux eurent bientôt appris la
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langue du pays, 8c le géant à qui Madeleine
appartint, éçoutut avec pîaifirje reçit qu’elle lui,
faifoit de fis aventures 3 & paroifîbit regardes,
fes malheurs avec un intérêt mêlé d’amour & de
Pjhe* Ces géans viVoieht entr’eiix dans un état
illégalité parfaite j & ils avoient des hommes
d une taille ordinaire pour lés fervir dans les emplois
domeftiques. Leurs femmes n’étoient pas aufli
grandes qu’eux j on n’én vôyoit guères au-deffus
de fix pieds & demi, & lès enfans en venant au
monde étoient de la taille ordinaire. Madeleine,
après être reliée quatre ans dans cet état, fe lafla
de la fervitude, elle prit le parti de fe fauver vers
le bord occidental qui borne le grand océan pacifique.
Une barque efpagnole la recueillit 8c la
mena à Panama d’où quelque temps après elle
trouva moyen de palier en Europe.
Dans la féance publique de l’académie de
Rouen , en 17^4, M. Lecat, fecre'taire perpétuel
pour les fciences , iut la lettre d’ün magiftrat de
Bordeaux 3 communiquée par M. de la Manières
a M. Lecat. Cette lettre annonce la découverte
d’un géant dont l’os de la cuiffe alloit jufqu à. la
hanche d’un homme ordinaire, dont la tête étoit
trois ou quatre fois aufli grofle. que la nôtre , 8c
les dents douze ou quinze fois plus grolfes que
celles d’un adulte. Ce géant a été trouvé en mai
1754, dans un tombeau de pierre du cimetière
de l’églife collégiale de Saint - Severin de Bordeaux.
,
A Taveftock, ville d’Angleterre, dans le comté
de Devon, il y aVoit autrefois une abbaye où ,
félon le témoignage de Guillaume d.e Malnùsbùry,
on pouvoit voir le fépulcre d’Ordoupa, fils du
comte de Devon. C e feigneur étoit d’une taille
fi gigantefque , qu’il lui étoit facile d’enjamber
la rivière, qui a , en cet endroit, dix pieds de
large j il étoit fi fort qu’il rompoit les barres de
fer des portes les plus folides.
GENERAL. Sous Louis XÎII le cardinal de
la Valette a fouvent commandé les; armées de
France , le cardinal infant celles d’Efpagne, le
cardinal de Savoie celles dé Savoie. En 1641 M. de
Sourdis,: archevêque de' Bordeaux 3 commandoit
une efeadre. Le cardinal de Richelieu commandoit
en perfonne au liège de la Rochelle en 1628: je
l'ai pr'ife , difoit i l , en dépit de trois rois : lé roi
d’Angleterre 3 le roi d’Elpagne & fûr-tout le roi
de France, auprès duquel on le deffervoit.
Iphicrate, fameux capitaine athénien, marchoit
contre les ennemis de fa patrie; remarquant plu-
fieurs de fes foldats qui pâlifioient de crainte &
n’avançoient qu’en tremblant, il fit dire , par un
héraut : « Si quelqu’ un a oublié quelque chofé,
» qu’il s;’en retourne au camp;. il reviendra ëb-
55 fu ite s . Les plus lâches, charmçs de-ce délai,
jj’çn retournçjçnj awÜJ-tot» Iphicrate» les voyant
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partis ï «« Allons, dit-il aux autres , laiflons aller
«. cette fanaille; fondons fur l’ennemi » ; 8c aufli-
tôt il ert^jea le combat.
Un général athénien montroit- au peuple, avec
oftentation , les cicatrices des bleflures qu’il avoit
reçues à la,guerre. «« Les bleflures d’un général,
=•’? lui dit lé célèbre Timothée, marquent plutôt
»? fon imprudence que fa valeur. Pour moi, ajou-
» ta-1-il en riant , étant au fiège de Sarrios, &
55 m’ étant trop avandé, je fus honteux de voir
»?■ tomber une. flèche à côté de moi ; & comme
»> un-poltron je m’éloignai de cet endroit dan-
»» gereux ».
... GÉNÉROSITÉ. Une marchande de Londres
iavoit deux fils : l’aîné, d'un mauvais coeur 8c d’un
caractère dur, haïfloit fon jeune frère qui étoit
plus aimable que lu i, & d’un naturel doux &
pailîble ; il h’étoit pas de mauvais traitemens qu’il
ne lui fit eiTûyer quand l’occafîôn s’en préfentoit,
& les réprimandes du père ne purent le faire
changer de conduite. Le pèrç avoit une fortune
çonfîd-érable dans le commerce ; fe fentant déjà
vieux, il „fit fon teftament, & par un partage
des plus étranges, lui qui connoifloit fes deux
enfans, qui aimoit le cadet, & blâmoit I3,dureté
de l’aîné, il laiffa à l ’aîné tout, fon bien,
avec tout ce qu’ il avoit de fonds & de vaifleaux,
le priant feulement de continuer le j négoce &
d’aider fon jeune frère j il mourut quelque temps
après. Dès que l’aîné fe vit feul maître > il ne:
contraignit plus fa haine, 8c chafla de la maifon
fon malheureux c ad e t,.l’expofant à la merci du
fort fans lui donner aucun fecours. Tant d’inhumanité
dans un frère, remplit le coeur du jeune
homme d’indignation & d’amertume } il étoit
découragé. Si mon frère me-traite ainfi, que dois-
jè attendre des,étrangers ?, Il falloir vivre, & la
néceffité lui rendit le- courage. Comme il étoit
un peu au fait du commerce , il quitte Londres,
& s’adreflé à Un négociant d’iine ville voifine , à
qui il offre fés fervices^; l’autre les accepte &
le reçoit dans fa.maifon. Après quelques années
d ’épreuve., il lui reconnut tant de prudence, tant
de vertus & tant d’exaiftitude dans fes comptes,
qu’il lui donna fa fijle en mariage, & en mourant
il lui laiffa,tous fes biens. Après la-mort du beaur
p.ère , le gendre fe trouvant affez riche, & n’ étant
point de ces ambitieux infatiables que.la fureur.'
d’amaffer n’abandonne qu’aux bords du tombeau,
plus jaloux de vivre'en paix & de jouir de lui-
même, il acheta dans une province .'éloignée de
la capitale, une belle.terre avec fon château, s’y
retira ayec fon époufe, & y vécut content avec
honneur & bonne renommée.
r l l eft une providence qui punit toujours; les
coeurs barbares L ’atoé depuis ia mort du père ,•
avoit continué le commerce, multiplié lés ent-re-
^tifes, & long-temps tout réuflh au gté de fes
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voeux î mais il vint une année fatale , fes perte»
s’accumulèrent , une tempête engloutit tous
Tes, vaifleaux' » lorfqu’il r.evenoit avec une riche
cargaifon. Dav?s le même-temps plufieurs marchands
, qui avaient entre les mains ce qui ‘lui
reftoit d’argent , »firent banqueroute , &• pour
comble d’infortune )C feu prit à fa maifon , con-
futna tout ce qu’il avoit d ’effets, & le réduifit à U
mendicité.
Dans cet horrible état, il lui reftoit d’autre
reffource pour ne pas jpérir de faim, que d’errer
dans le pays, implora^rl’aflîftance des âmes charitables
, que le récit de fes malheurs pouvoit
attendrir; il mangeoit le pain de la charité publique,
dans les larmes & les remords.
! "««. Où en ferois-je à préfent, fe difoit-il en fou-
piranti fi tous les hommes étoient aufli durs que
moi ? Ah ! s’ils (avoient comme j;ai traité mon
frète, ils mé .rèpoufleroient avec horreur: moir
frère! mon frère! s’écrioit il quelquefois dans.lé
chemin,.où es-tu? Tu me maudis fans doute, &
tu éprouves peut-être en ce moment les horreurs
de la faim ! Ah ! que ne peux-tu. me rencontrer
& me v o ir , tu ferois vengé! Que ne puis - je
en t’embraffant rompre avec toi ce morceau de
pain qu’une mère pauvre & généreufe vient de
me donner par la main dé fon jeune enfant ! je
ferois confolé.. . . Hélas ! fi le hafard m’offroit à
fes y eu x , il ne reconnoîtroit jamais fon aîné fous
les lambeaux de la mifère ; il devroit pourtant
efpérer de m’y trouver. S’il croit qu’il Toit un Dieu
vengeùr». ë
Un jour qu’ il avoit fait plufieurs lieuès, ayant
à peine trouvé ce qu’ il lui falloir pour fe foute-
nir ; il apperçut de loin un homme bien mis, fe
promenant dans une prairie voifine d’üii joli château
dont il lui parut le feigneur; il s’avance,
l’aborde , lui expofe- fes malheurs, fes befoîns &
le conjure de lui accorder quelque fecours. D ’où
êtes-vous , lui demanda l’étranger , & comment
s’efl fait cet enchaînement de revers* oui vous a
réduit à l’état' où vous êtes ? : L’autre lui raconta
Ton hiffoire.en détail, ne fupprimant que l’article
de fes mauvais traitemens envers fon frère : dans
l’effüfion de fon ré c it, il fut tenté plus-d’une:
fois de lui révéler tou t, & d’avouër qu’il aVoît
bien mérité fes malheurs mais la crainte & le
be-fpin le retinrent ; il craignit d’ éteindre par cet
aveu, la pitié qu’il vouloit-infpirer à ce feigneuf5
il en dit pourtant allez pour être reconnu de
quiconque connoifloit fa famille. L’étranger, fans
lui faire part d e là découverte, l’emmène au château,
& ordonne à fes gens de le bien traiter 8c
de lui préparer un logément pour la nuit. L e
foîr il raconte à fa femme l’aventure qui vient de
lui arriver,' & lui communique fon deflein. Le
pauvre-dormit •d’un (pmmeil profond & paifible
toute la nuit, & le naatin à fon réveil-, fa pre