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liez-vous fait à ma place dans de pareilles extré-
mites ? — Qui , moi î répondit le confident > je me
ferois donné la mort. —- J’ai plus fait, répondit
l ’autre froidement 5 j’ai vécu.
Cynègire, foldat Athénien , après avoir fignalé ■
fon courage à. la bataille de Marathon , pourfui-
vit les ennemis jufque dans leurs vaiffeaux. S étant
attaché à l’un d’eux de la main droite , elle lui
fut coupée. IL reprit le vaiffeau de la main gauche
, qui fut coupée pareillement > alors il fe faifit
du vailTean avec lés dents & y demeura attaché.
Pcpin étoit petit, & c’eft ce qui lui fit donner
le furnom de bref. Quelques courtifans en firent
le fujet de leurs plaifanteries. Il en fut informé ,
8c refoiut d’ établir fon autorité par quelque coup
extraordinaire. L’occafion ne tarda pas à fe .pré-
fenter. Il donnoitun divertiliement , où un taureau
d’une taille énorme , combattoit avec un lion plus
terrible encore. Déjà ce dernier avoit renverféfon
adverfaire-, lorfque Pépin fe tournant vers les
feigneurs , » Qui de vous, leur dit-il, fe fent affez
»> de courage pour aller ou féparer 3 ou tuer „ces
furieux animaux ? ,« La feule proportion les fit
frémir. Perfonne ne répondit.» C e fera donc moi,
»3 reprit froidement le monarque. Il tire en même |
tems, fon Cabre, faute dans l’arène, va droit au ,
lion | lui coupe la gorge ; & , fans perdre de temps, ;
décharge un fi rude coup fur le taureau, qu’|l lui :
abat la tête. Toute la cour demeura étonnée de '
cette force prodigienfe & de cette hardieffe inouïe.
Tes auteurs de la raillerie furent confondus. » Da-
pa vid étoit petit, leui dit le roi avec une fierte
33 héroïque i-mais il terrafla l’orgueilleux géant
?3 qui avoit ofë le méprifer. « Tous s’écrièrent
qu’il, méritoit l’empire du monde.
Les Impériaux gagnent en 1687 y la célèbre bataille
de Heifan contre les turcs. Dans une elcar-
mouebe qui précédé cette grande action , le cor-
pette. de la compagnie colonelle du régiment de
Commerci , fe lame prendre fon étendard. Le
prince de Commerci demande à l’inftant au duc de
Lorraine , la permiffion d’ aller en enlever un-autre
aux infidèles. Ses infiances réitérées font qu’il obr
tient ce qu’ il defire ; il part auffirôravec tmè ardeur
extrême, apperçoit un turc qui porte un étendard
au bout d’une zagaye, court à lui le pi fiole t à la
main , tire de fort près,manque fon coup , & jette
fon piftolet à terre pour mettre l’épée à la main.
L e raufuiman profite de ce moment pour lui
enfoncer dans le fi me fa zagaye. Le prince la famt
froidement de la main gauche, & delà droite aliéné
pn fi terxible coup d’épée fur la,tête de fon adver-
faye , qu’il la fend en deiix. Après entrait heureux
jfc hardi, le jeune prince arrache lui-même de fon
corps la zagaye, porte le -fruit de fa victoire , toute
peinte de fon Yapg,. à fon général Ifait appelle; fon
sornette, & lui dit, fans s’éinp^ypi; ; »? Voilà p
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» Morfieur, un étendard que je vous confie : il me
» coûte un peu cher, & vous me ferez plaifîr de le1
» mieux conferver que.celui que vous vous êtes
33 laifle enlever «. Cette, réprimande fingulière eft
prefqu’autant admirée que l’aétion même. L’empereur,
dans la vue de récompenfer ce jeune prince
d’une manière digne de lui, fait placer l’étendard
avec des cérémonies extraordinaires dans le temple
principal de fa capitale. L’ impératrice, de fon côté ,
en fait de fa propre main un autre, qu’ elle envoie
au prince.de Commerci, pour remplacer celui que
fa compagnie colonelle a perdu.
La Rochelle, le boulevard du calvinifme, eft
afliégée en 1627, par les armées royales 5 les ro-
chellois élifent pour leur maire , leur capitaine 8c
leur gouverneur , Jean Guiton. Ce brave homme
fe refufa d’abord, par modefiie , à ce choix ; mais
fe voyant prefle par les infiances de fes compatriotes;
il prend un poignard & leur dit : 33 je
33 ferai maire, puifque vous le voulez;mais à con-
33 dition que j’enfoncerai ce poignard dans le fein
» du premier qui parlera de fe rendre. Je confens
33 qu’on en ufe de même envers moi dès que je"
; os parlerai de capituler ; & je demande que ce
33 poignard demeure tout exprès fur la table où
»3 nous nous aiîemblons dans la maifon dé ville '
Le cardinal de Richelieu qui. conduifoit les opérations
du fiège , avoit fait élever dans le port de
la ville 3 une digue qui en bouchoit l’entrée ,&
empêchoit les provifions d’ arriver. Quelqu’un
difant à Guiton , que la faim faifoit périr tant de
monde que bientôt la mort achèvera d’emporter
tous les habitans : Eh ! bien, répondit—il froidement
, il fuffic qu’il en relie un pour fermer les
poçtes.
En 1 5 1 7 , le duc de Bourbon, general de l’armée
de Charles V , eft blefle à mort dans l'alfa ut
qu’ il donne à Rome, quelques-unsj de fes fpldats
qui palfoient près de l’endroit où il étoit etendu
par terre près d’expirer, fe demandoient les uns
aux autres s’ il e’toit vrai qu’il eût été tué. Lui-
même pour ne pas les décourager , répondit,
Bourbon marche devant.
Lorfque les turcs attaquoient Tille de Rhodes ,
en 1 r Z2., on vit les femmes rendre dans la place
desfervices qu’on n’attendoit pas d’elles. L ’hifioire
a difiingué fur-tout une grecque très-belle , &
maîtrelfe d’un officier qui fut tué à la défenfed’un
I baftion-Cette courageufe fille ne voulant pas fur-
vivre à un homme qui lui étoit cher , baife deux
. ! en fans qu’elle avait eus de lui, leur fait lefignedela
croix fur le front, leur dit, les larmes aux yeux »
qu’il vaut mieux qu’ils meurent de fa main que
d’ être réfervés a d’infâmes plaifirs , les égorge en
frémi liant, jette leurs corps dans le feu , fe re-
'vêc des habits teints du fang de fon amant, prend
. fes armes, couitTur la brèche, tue le premier-turc
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qui s’opp'o'fe à elle , en blelfe d’autres, & meurt
en combattant héroïquement.
Voici un trait rapporté par T a c ite , qui prou
veroit que les, femmes ont quelquefois montré
plus de courage que les hommes. Dans la fameufe
confpiration de Pifon contre l’empereur Néron ,
un grand nombre de chevaliers & de fénatëurs,
romains , avouèrent le dérail de cette confpiration
fans y être forcés par les toùrmensl Ils découvrirent
même leurs plus intimes amis qui
étoient du nombre des complices , Linanus.
nomma fa propre mère ; mais Epicharis qui n’é-
toit qu’une iïmple affranchie, fouffrit les plus
affreux fupplices & eut la confiance de ne rien
déclare; contre des gens qui lui étoient pref-
qu’mconnus. Comme on la remenoît à la quefiion,
dans une ctïaife, elle fit un noeud coulant au
mouchoir qui lui côuvroit la gorge , l’attacha à
■ fa chaifc & s’étrangla.
Les- neiges tombées pendant l’hiver de 1784,
ayant chafié lesloups dé leurs repaires, un enfant
de huit ans fe trouva feul dans une maifon
de Grats en Styrie , & fut attaqué par un de
ces atsirnaux affamés, qui s’y étoit introduit ; û
s’arma d’un couperet 8c le lui préfinta. Le loup
le fai fit, avec tant d’avidité, qu’il engagea dans fa
gorgé le bras de l’enfant 8c le couperet que celui- .
ci n'avoit point .quitté. Le Loup 8c l’enfant tombèrent;
le premier , fiidi-t'fié la blefïure qufil s’ë-
toit faite, 8c le fécond évanoui de ta douleur
qu’il avoit éprouvée entre les dents du loup. Scs
parens ne revinrent que quatre heures après , &
le trouvèrent dans cet état ; fa main étoit encore ;
dans la gueule du loup : ils l’en dégagèrent, 8c le
firent revenir à lui-même. L’enfant en .eft quitte
pour un doigt cafté. Le gouverneur a xëcçjmpenfé
fa,bravoure par un préfent, & les h.;bitans de la
ville de Grats , enchantés de fon courage,. & fur-
tout de fa confervation, miraculeufe , fe fo n t
réunis pour lui taire aullï des dons.
Sur les dix heures du matin, on vit fur le
pont de la Saône un foldat, qui, après avoir
paru fort agité, relia quelques minutes immo-;
bile , appuyant fa tête, fur le garde-fou , &tout- -
à-coup le franchit Ôc s’élança dans la rivière.'
Un jeune homme de treize à quatorze ans,'nommé
Vigoureux, fils d’une marchande d’oifeaux', s’ écria
suffi tôt : A moi, mon frère ! nous le fauveions.
Les deux jeunes gens fe précipitent en eifet dans
l ’eau, & ramènent, après beaucoup de recherches,
le malheureux fur le rivage , aux acclamations
d’une foule innombrable que cette fcène
avoit attirée. L ’aîné des frères férroit la main
de l’autre , & lufrépétoit avec, faîfiffement : Jë
te tavois bien dit que nous le fauverions. La foule
qui les e-nvironnoit leur fit quelques légères !i- I
béralités, qu’ils recevôient avec une indifférence ‘
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marquée ornais l’intérêt de ce fpeélaele augmenta,
loifqu’ on les vit offrir de partager avec le foldat
ce qu’ils avoient reçu; ce moment excita un ci î
d’admiration univerfelle & des applatidifiemens
jullement mérités. On demanda au foldat quel
motif l’avoit fait attenter fur fes^ jours : fi répondit
qu ayant perdu au jeu l ’argent qui lui étoit
neteÿaire pour fa route , & 18 livres quon l’avoit
chargé de remettre a un de fes camarades , i l n avait
point vu dans fa fituation d’expédient y lus court
que de fe délivrer de la vie , qui lui faifoit mal:
ce font fes ex.preffions.
C O U R T ISA N E . Unejeune court;fane diffiit
quelle conroiffoit les livres de mo-ale : O u i,
dit un pîaifant, comme les voleurs connoiffent la
maréchaulfëe
Démofthène , çompofipt avec une cqurtifane
de Corinthe fort belle. „ elle mit fes faveurs à un
fi haut prix qu’il n’y eut pas moyen de conclure.
Ç ’efi.de là dit-on,, q.ue vient le proverbe latin , non
' ci cet omnibusadiré Corïntkum. Démofthène quitta
la Corinthienne avec cet'e leçon propre à faire
impreffion fur l ’.efprit des jeunes gens :
/ , Une dupe à ce prix pourroit fe divertir;
Vous en trouverez à votre âge ;
Mais un philofoph: un peu Page
7;. Ni’açhue pas fi cher un repentir.
Sous le règne de Phi ippe V 3 roi d’Efpagne
les portugais s’étant déclarés, pour l’archiduc &
étant venus' camper a u x environs de Madrid ,
les Courtifanes de cette vil è 'réfo’u en- e .tr'elks
de marquer leur zè'é pour Philippe V ; encon-
iéquence , ce:les qui : étoient les p'us fûtes de
leur màuvàTe fanté, s’atif.d n t , fe parfumoiont,
allofent ? de nuit au camp des portugais , & en
moins de trois femaines , il y eut plus de fix
mille hommes de cette armée, ennemie dans les
hôpitaux où la plupart moururent.
Parmi les grecs, Phrygné ayant gagné des
fomm'es imrtienfes par fes galanteries, donna une "
ftatüe d’or niaffif a.u VéfipTe de Jupiter , avec
•cette ihfcrîptibn 3 .de rintémpérance des Grecs ; elle V
fi; auffi ,rebâtir les murailles de Thèbes , y fai- ^
fant écrire quelle avoit relevé' ce qu Alexandre avoit
détruit.
Elifabeth , reine d’Angleterre, aimoit fi ardemment
le^ comte d’Effex- qu’elle lui donna une bagne
: lui difant que fi jaunis il s’oublioit jufqu’ à
laite contre l’état quelque' entreprife qui méritât
la mort-, il lui envoyât cette bague avec confiance
d’obtenir fon pardon. Le comte d’Effex
aima quelque tems après une autre femme >
dans la fuite il fe révolta ; & fut condamné à la
mort ; en cette extrémité il donna à fa maîtrelfe