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Cgnifie divinifer. Depuis Augufte, à qui on éleva
des temples de fon vivant , & qu’on plaça dans la
fuite au rang des dieux, les apochéofes fe multiplièrent
: voici les cérémonies qui s’obfervoient.
Si-tôt que l’empereur étoit mort, toute la ville
prenoit le deuil. On enfeveliffoit le cadavre avec
une grande pompe. On mettoit dans le vellibule
-du palais, fur un lit d’ivoire , couvert d’ étoffes
d’o r , une figure de cire qui repréfentoit parfaitement
le défunt, pâle cependant, comme s'il étoit
encore malade. Le Sénat, en robe de deuil, ref-
toit rangé au côté gauche du lit pendant une
grande partie de la journée ; & au côté droit
etoient les femmes & les filles de qualité, en
grandes robes blanches, mais fans ornemcns.
Ces cérémonies duraient fept jours, pendant
lefquels les médecins fàifoient affiduement leurs
vifites, & déclaraient que la maladie augmen-
toit. .Enfin ils annonçoient la mort. Alors les
chevaliers les plus diltingués, & les plus jeunes
fénateurs portoient cetle figure de cire fur une
eflyade dreflee dans une place publique, & enrichie
d’or & d’ivoire. Le nouvel empereur & les
magiftrats s’y raflembloient. Deux choeurs de
mufique chantoient les louanges du défunt, fon
fucceffeur en faifoit l'éloge. Enfuite on le por-
toit dans le champ de Mars , où fe trouvoit un
bûcher tout drefife. C etoit une charpente quarrée
en forme de pavillon , de quatre ou cinq étages
qui alloient en diminuant en forme de pyramide.
Le dedans étoit rempli de matières combuftibles ,
& le dehors revêtu de draps d’or & comparti-
mens d’ivoire, 8c de riches peintures, chaque
étage formoit un portique foutenu par des colonnes.
On faifoit des courfes de chevaux & de
chars. Le nouvel empereur, une torché à la main, '
alloit mettre le feu au bûcher , les magiftrats en
fàifoient autant, & la flamme gagnant bientôt le
faîte, en chaffoit un aigle ou un paon , qui, félon
le peuple, alloit porter au ciel lame du feu empereur
, qui dès-lors avoit fon culte & fes autels.
Cette cérémonie s’étant renouvellée , tomba
bientôt dans le difcrédit, & même dans, le
mépris.
APO THICA IR E . Il n’ eft pas rare de voir
différens particuliers , même d’un rang diftingué ,
s’adrefler aux apothicaires pour les maux dont ils
font attaqués. Il eft peut-être encore moins rare
.de rencontrer dés apothicaires, qui fe font un
mérite & même un lucre de cette confiance auffi
dangereufequ’abufive. Si on ne leur paie pas leurs
vifites, ils neperdent rien pour cela : les drogues
qu’ils fourniffent les dédommagent au centuple &
de leurs peines & de leurs confultations. L anecdote
fuivante prouve au moins que tous , ni ne-
penfent, ni n’agiflènt de même,
Un des plus célèbres apothicaires de P a ris,'
jnembre de pMeurs académies , M. Baume étoit
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occupé dans fon laboratoire à des opérations efk
fentielles. On lè fait venir dans fa boutique pou?
une perfonne qui demandoit à lui parler. Cette
perfonne , après lui avoir appris fort au long le
commencement , les progrès & Tétât de ft»n mal,
finit par lui demander ce qu’il falloit qu’elle fît*
M* ® ; • ; Q«ui 3 pendant que le particûlier lui par-*
loit 3 étoit plus inquiet de ce qui fe paftbit dans
fon laboratoire que des maux qu’on lui détailloit ,
répondit brufquement : il faut , morfieur , il faut
que vous prenie% un médecin ou un chirurgienr Le
particulier 3 étonné de cette réponfe vive à laquelle
il ne s’attendoit pas , regarde fixement
Ï V L B . . . , & lui répliqué avec autant de vivacité
3 efi-ce en infufion ou en décoction ï
Un homme qui avoit paffé fa vie & dépenfé
une partie de fa fortune 3 à former une riche &
curieufe collection de médailles ,. mourut à Mar-»
feille. Son héritier y apothicaire , qui ne connoifi-
foit rien hors la cafle & le féné~, & qui , de
crainte d’ être diflipé de fon application à fa pro-
feflion 3 n*avoit jamais voulu rien lavoir autre
chofe 3 trouva fort fingulier que fon cher parent
eût rafiemblé une fi grande quantité de liards
n’ayant plus de cours > pour s’en débarraffer, ti
imagina de faire fondre tout ce çuivre 3 & d’en
faire fabriquer^ un fuperbe mortier , qui, fuivanç
lui, décoroit bien plus utilement fa boutique*
A P P A R E N C E .
Les hommes de tout temps jugeant fans connoifiance j
Par un faux éclat prévenus,
Ont fouvent pris pour des vertus
Ce qui n’en a que Y apparence»
Parmi ces illuftres mortels.
Quelquefois ceux que Ton encenfe
Ne font que de grands criminels ,
A qui notre1 feule ignorance.
Au lieu de châtimens, décerne des autels.
APPLAUDISSEMENS. Les app lundiffemens *
chez les romains, accompagnoient les acclamations
, & fe fàifoient en cadence. On applaudif-
foit auffi en fe levant, en portant les deux mains
à la bouche, & en les avançant vers ceux qu’on
vouloit applaudir. Quelquefois on eroifoit les
pouces en joignant & élevant les mains. Tantôt
on faifoit voltiger un pan de fa toge $ mais
comme cela étoit embarrafiant , l’empereur Au-
rélien s’ avifa de faire diftrrbuer au peuple des
bandes d’étoffes deftinées à cet ufage.
A P P L IC A T ION . Une application bien faîfîe ÿ
ou qui fait voir entre un paffage tiré d’un auteur ,
& un événement récent, un rapport que Toa
n’apperçoit pas d’abord , peut caufer àTefprituos
furprife agréable.
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On faifoit des applications malignes de pîufieurs
endroits de la tragédie d’Hérode, par 1 abbe Na-
dal, dans laquelle on croyoit trouver des rapports
entre la cour d’Hérode & celle de Louis X IV >
a ces deux vers fur-tout que Tyroïi dit a Herode,
en parlant de Salorne :
Efclave d’une femme indigne de ta foi »
Jamais la vérité ne parvint jufqu’a toi.
' Lors de la première repréfentation, une perfonne
du théâtre dit qu’il y avoit trop de hardiefle
dans ces vers. M. le duc d’Aumont, protecteur de
l’àtbé Nadal, qui entendit ce difeours, répondit
que ce n’étoitpas dans les vers qu’il falloit trouver
de la hardiefïe ; mais dans Y application qui ve-
doit d’en être-faite.
Un avocat, fils d’ un épicier, revenoit de plaider,
& s’ étcfit énoncé dans unftyle un peu faty-
rique. L’avocat qui lui avoit répondu , avoit, au
contraire , fait paroître beaucoup de douceur &
de modération : celui-ci étoit fils d’un herborifte.
Le premier préfident de Harlay, au fortir de l’audience
, lui fit Xapplication de ce vers de Virgile
dans lès Gêorgiqües, : mella decujfit foliis. I l n a
exprimé que du miel de fes feuilles. A 1 égard du
fécond, il lui dit : piper ata f&cundia. Votre éloquence
a le piquant du poivre.
L ’archevêque de Harlay, un des plus beaux hommes
de fon temps, avant obtenu que l’archevêché
de Paris fût érigé en duché-pairie , pîufieurs dames
de la cour vinrent .lui faire leur compliment, en
lui difant : les brebis viennent féliciter leurpafteur de
ce quôn et couronné fa houlette. L archevequs dit,
en regardant ces dames :
Forhiofi pecoris eufios.
' Madame de Bouillon répliqua fur-le-châmp par
îineingénieufe application delà fin de ce vers :
Formofior ipfe. ,
Le père Ambux , jéfuite , en prêchant la paf-
f o n , vit entrer la reine Médicis, & avant de
recommencer fon fermon dit :,infandum3 regina3
jubés-çehovare dolorcm. v . ~
■ Un homme, offroit fa prote&ion à un gentilhomme
plus en crédit que lui : Je Vaccepte-^ ^moniteur
3 lui dit le gentilhomme, les petits préfensentretiennent
l’amitié.
Madame du Deffans , à qui Ton racontoit que
jnàdame * * avoit repris la fantaifie de coucher
avec fon mari : ç efi peut-être , dit-elle ^ une envie de
jkmme grofie.
Le 20 & le 2 f du mois de Septembre 17 79 ,
p,n repréfenta à la comédie -françoife la tragédie
gfc Çafiçtn êj Bayard, de dp Bellev. Le publie
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avec le tranfport de Tenthoufiafme, ces quatre
vers du chevalier fans peur.
E cou te, ô mon élève ! efpoir de ta patrie ,
D’Eftaing > coeur tout de flamme, à qui le fang me lie »
T o i , né pour être un jour , par tes hardis e x p lo its,
Ainfi que ton a ïeu l, bouclier de tes rois.
Un jeune & riche gafcôn , nommé Adam,
étant venu à Paris, un de fes amis le mit en penfion
chez une femme , qui lui communiqua ce qu il
n’ avoit pas eu intention de venir chercher. Il
fut obligé de fe retirer dans une maifon particulière
de fanté , où fon ami ne tarda pas a T aller
joindre. Comme il erroit dans pîufieurs corridors
fans trouver fon homme , pour fe faire entendre
de lu i, il s’ avifa de crier Adam , ubi es ?
('Adam , ou êtes-vous ?) Adam, qui reconnut
la voix de fon ami, & qui n’en étoit pas éloigné ,
lui répondit: mulier quam dedifti m ihifociam pec-
care me fecit. ( La femme que vous m’ayez donnée1
pour compagne m’a fait tomber dans 1«
pèche)..
Le duc de Bouillon , que Louis XIII venoit
d’ abfoudre d’un crime de rébellion, rencontra le
cardinal de la Valette,.qui lui dit1: beati quorum
remiffa funt iniquitates. Comme ce cardinal • avoit
été foupçonné d’avoir tramé quelque conspiration
qii’ on n’avoit pu découvrir, le duc lui répondit,
& quorum tecla funt peccata.
Un curé, en procès avec fes paroiffiens , qui ne
vouloient point paver fon égUfe , étayoit fon bon
droit fur ce paüage de Jérémie : paveant UH , non
paveam ego.
Quand M. deCrébilîon, dans fon difeours de
■ remerciement à T académie, prononça ce vers :"
Aucun fiel n’a jamais empoifonné ma plume.
le public confirma, par des applaudijfemens réitérés,
lajuftice qu’il fe rendoit.
A-PROPOS. Un des meilleurs à-propos dont
Thiftoire ait fait mention, eft celui de Pierre Da-
nez , au concile de Trente. Un homme qui n’au-
roit pas eu l’efprît préfent, n’auroit rien répondu
au froid jeu de mots de l’ évêque italien : ce coq
chante bien : ifiegallus bene cantat. Uanez répondit
par cette terrible réplique : plût a Dieu que Pierre
i fe repentît au chant du coq.
Le pape Clément X I fe plaignoît avec larmes de
ce qu on avoit ouvert maigre lui les églifes de Sicile
qu’ il avoit interdites. Le marquis Mafer
ambaffadeur de Sicile , lui répliqua : pleure^, faint
père , quand., on les fermera..
Il y a dans le voifinage de Dijon deux vignobles
célèbres, l’un appelle Be%e, l’autre Ckam-Benisk
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