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' & }a gloire de rhumauité. Il étoit de la plus haute
taille, de l’extérieur le plus majeftueux , le plus
fort & le plus robufte de fon tems. Cette fu-
periorité , riche préfent de la nature , étoit relev
a en lui par celle que donnent les qualités de
1 elprit , du coeur & de l’ame. Génie fublime ,
vafte y intrépide , l’Italie , l’Efpagne , la Germanie
& l’Orient, conjurés: en même tems 3 ne purent
^racher la plus légère marque d’embarras
©u d inquiétude. Il fçut 3 au milieu de toutes fes
guerres, donner ordre à tout & par-tout , réglant
fon état & l'égl f e , comme s’il eût été dans une
profonde paix , y faifant fleurir l’abondance par
une vigilance qui s’ étendoit à tout; la piété., par
de fréquens conciles, où fouvent il aflilloit en
perfonne ; & les lettres 3 par la proteélion coiffante
qu’U leur accordoit : ami lui-même & cultivateur
zélé des arts & des fciences. Audi admi -
rable , lorfqu’il décidoit une queftion dans une
affemblée de fçavans , que lorfqu’il di&oit des
oracles dans fôn confeil. Aufli grand , lorfqu’il
haranguoit un concile, que lorfqu’il gagnoit des |
batailles à la tête d’une armée. Sage dans le
projet , les mefures qu’il prenoit, étaient tou-
_ jours celles qu’il falloit prendre : confiant & ferme
dans fes entreprifes , il favoit les foutenir avec .
courage , & forcer la fortune à le couronner :
ardent à la pourfuite, on le voyoic paffer rapidement
des rives de TEbre fur les bords de l’E lbe,
& du fond de la Germanie à l’extrémité de
l’Italie. Heureux dans l’exécution, il fut toujours
victorieux, quand il. conduifit lui-même fes armées
& rarement fut-il défait , lorfqu’il fit la
guerre ,par fes lieutenans.
( L ’Abbé Velly).
C harles , duc de Bourbon, connétable de
France , né le 27 février 1489 , tué au fiège de
Rome ; le 6 mai 1 y 27. Il étoit fils de Gilbert'"de
Bourbon , Comte de Montpenfier , & de Claire
de Gonzague.
Charles fe diftingua par fon courage à la bataille
de Marignan & à la conquête du Milânez. Ce
prince , Ji fier , fi froid avec les courtifans , favoit
gagner le coeur de fes foldats par fes manières affables
, & par ce ton d’égalité qu’il connoiffoit fi
propre à les féduire. Il fu t , dans les premières
années de fa jeuneffe', l ’ami & le compagnon des
travaux de François I ; & il auroit mérité l’eftime
de la nation, fi , cédant à fes reffentimens contre
la ducheffe d’Angoulême, mere de ce monarque,
il eût toujours continué de fervir foii rbi & fa
patrie. La révolte de ce connétable, fi funefte à
la France, & les entreprifes de Guife, qui portèrent
leur vue jufqu’à la couronne, doivent apprendre
aux rois, qu’il eft également dangereux de perfé-
cuter. les hommes d’un grand mérite , & de leur
Jaiffer trop d’autorité.
« François ayant envoyé demander à Bourbon,
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| 5? qui. etoit déjà dans le pays ennemi, l’épée de
J *> connetable & fon ordre, Bourbon répondit :
1 Uuant a 1 epee de connétable, il • me l’ôta à
-M Valenciennes, lorfqu’il donna a M. d’Alençon
” la conduite de 1 avant-garde qui m’appartenoit :
” Pour ce qm eft de Y ordre, je l ’ai laifï'é derrière
j » mon chevet, à Chantilly ».
Bourbon alla porter fes efpérances & fes ref-
fentimens a la cour de Charles-Quint. Les féi-
gneurs caftillans femblèrent oublier fes grands ta-
leps , pour ne voir en hii qu’un traître à fon roi.
L empereur eut même de la peine à lui trouver un
logement dans Madrid. On fe rappelle la réponfè
que le Marquis de Villane fit à l’empereur- qui lui
demandait fon palais ,. pour y loger Bourbon:
cc J e , ne Pu!s nen rehifer à votre majefté ; mais
» je lui déclaré que, dès que Bourbon en fera
” \ortl 3 ) Y. mettrai le feu moi-même, comme g *Lune jaifori infedée de la perfidie, & inji
§ne ^ ctre déiormais habitée par des gens
» d honneur "
On peut encore voir à l’article Bayard, les
reproches cruels , mais juftes, que ce généreux
chevalier fit, en expirant, à Bourbon armé contre
la patrie. .
r j ? nr . f ^ j Bourbon conduifoit une armée con^
liderabie en Allemagne , avec laquelle il s’étoit
r en au redoutable à toutes les puiffances d’Italie
faute d argent, ce général n’avoit pu faire dif-
tnbuer la paye aux foldats; ils étoient prêts de
fe débander, & de ruiner par cette déroute toutes
fes efperancès. Dans cette extrémité, il 'prit le
parti de conduire fes troupes à Rome, qui étoit
entree dans la ligue contre l’empereur. Il leur annonce
qu’il les alloit mener dans un lieu où- elles
s ennchiroient à jamais. Le ton dont il faifoit cette
promeffe, l’air d’alfurance que l’on voyoit fur fon
vifage, ranimèrent le foldat. On rappelloit fes victoires
çaffées ; on l’élevoit au-delfus des plus grands
conquérant. Nous vous fuivrons par-tout, s’é-
cirioient les foldats, avec un enthoufîàfme effréné
duffici-vo us nous mener a tous les diables. L ’habitude
qu’il avoit contra'&ée de marcher à leur tête-
dé vivre comme eux & de les entretenir familiè'-
rement , augmentoit encore l’attachement qu’on
avoit pour lui. Mes enfans, leur difoit-il quelquefois
un pauvre cavalier, je n’ai pas un fo l
non plus que vous : faifons fortune en femble. I
Bourbon ayànt_ reconnu la place , difpofa tout
pour unaffaut. Un porte - enfejgne romain , auquel
on avoit confié là garde d’une brèche , vit le
duc de Bourbon s’avancer avec quelques foldats.
L’effroi le fiaifit, il s’égare , il veut fuir ; il croit
rentrer dans la ville, il marche droit à Bourbon. ‘
Le duc ne doute pas que cet homme ne commande
une fortie , & qu’il hé foit fuivi d’une troupe
nombreiife : il s’arrête pour, l ’obferver, & pour
donner à fes foldats la facilité de s’affembier au-
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tour de lui ; en même-tems il fait fonner la charge.
Au bruit des trompettes , un nouveau faififfement
s’empare du porte-enfeigne , qui, dirigeant mieux
fa courfe, fuit vers la ville, où il rentre par la brèche
, à la vue de Bourbon. Mes amis, s’écria ce
général, fuivons la- route que le ciel prend foin de
nous tracer lui-même. Il court auiïi-tôt vers la brèche
, une échelle à la main, & l’applique le premier
à la muraille ; mais, du même inftant, il eft
atteint - d’un coup mortel, qui le renverfe. Dans
cette extrémité, il ne perd ni le courage, ni le
jugement. Comme cet accident pouvoir n’avoir
pas été remarqué dans la chaleur de l ’aétion, &
qu’il pourroit , s’il devenoit public , glacer l’ardeur
du foldat, il ordonne froidement au capitaine
Jonas , fon ami,x de le couvrir d’un manteau,
fous lequel il expira quelques inftans après.
Immédiatement avant qu’il rendît les derniers
fôupirs , quelques-uns de fes foldats qui paffoient
près de l’endroit où il étoit , fe demandoient les
uns aux autres, s’il étoit vrai, comme le bruit s’en
répandoit, qu’il eût été tué ; lui-même répondit :
Bourbon marche devant.
. C harles I , Roi d’Angleterre, ayant reçu fon
inique féntence, 11’obtint qu’avec peine que l'exécution
en fût renvoyée à trois jours. Il paffa ce
tems dans une grande tranquillité d’ame, occupé
fur-tout de leéture & d’exercices de piété. Ce qui
reftoit de fa famille en Angleterre, eut un libre
accès-près de lui : elle confiftoit dans la princeffe
Eîifabeth & le duc de Glocefter. Le duc d’Yorck,
qui s’étoit échappé de Glocefter., ne faifoit que
fortir de l’enfance : la princeffe , dans un âge
fort tendre, marquoit un jugement très-avancé,
& les infortunes de fa famille avoient fait une profonde
impreflion fur elle. Après quantité d’ avis
& de pieufes confolations, fon malheureux père
la chargea de dire à la r.eine : Que f pendant
» tout le cours de fa vie-, il n’avoit jamais man-
jf| que, même en idée, dé fidélité pour elle, &
« que fa tendreffe conjugale auroit la même durée
» que fa vie ». Il crut devoir aufiî quelques avis
paternels au jeune duc ,.pour jetter de bonne heure
dansfon ame des principes d’obéiffance & de fidélité
pour fon frère , qui devoit être fitôt fon fouve-
rain. Il le prit fur fes genoux : « Mon fils, lui
» dit-il, ils vont couper la tête à ton père » !
Cet enfant , frappé d’une image fi cruelle '3 le
regarda fixement. « Fais-y bien attention , mon
» fils , ils vont me couper la tê te , & peut-être
» te feront-ils roi ; mais prends garde à ce que
»a j’ajoute : T u ne dois pas être ro i, auffî long-
33 tems que tes frères Charles & Jacques feront
33 en vie.i Ils couperont la tête à tes freres , lorf-
33 qu’ils pourront mettre la main fur eux, &
33 peut-être qu’ à la fin ils te la couperont aufli.
» Je te charge donc de ne pas fouffrir qu’ils te
33* faffent roi 33. Le duc pouffa un foupir , & répondit
: « Je me laifferai 'plutôt déchirer en piè-
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»3 ces »». Une réponfe fi ferme, à cet âge, pénétra
Charles, & remplit fes yeux de larmes de
joie & d’admiration.
Juxon , évêque de Londres , aflifta le roi dan-s
fes derniers momens. Il l’accompagna fur l’échaf-
faud ; & voyant qu’il fe difpofoit à pofer la tête fur
le bloc, il lui dit.tendrement : « Sire, il ne vous
a refte qu’un pas fâcheux & révoltant, mais très-
» court : fongez que dans un inftant il va vous
33 conduire bien loin. Il vous fera paffer de la
33 terre au ciel ; & là, vous trouverez avec une
39 joie extrême le prix auquel vous courez, & la
33 vraie couronne de gloire.
33 Je paffe, répondit le r o i, d’une couronne
»3 corruptible à celle dont nulle corruption ne peut
33 approcher, & que je fuis fûr de pofféder fans
33 trouble
D ’un feul coup, fa tête fut féparée du corps.;
Un homme mafqué fut l’exécuteur : un autre,
aufli déguifé,. prit la tête ruiffelante de fang, la
tint levée aux yeux des fpe&ateurs , & cria d’une
voix forte : Cette tête eft celle d'un traître. •
On a prétendu que l’homme mafqué, qui coupa
la tête à Charles I , étoit un nommé Stoup , qui
fut depuis colonel d’un régiment fuiffe en France :
mais de? faits de cette conféquence méritent plus
d’autorité que l’on ne peut en apporter.
La ftatue- de Charles I , érigée dans la bourfe
de Londres, fut renverfée , & cette infeription
mife fur le piédeftal : Exiit tyrannus , regurn
ultimus. Le tyran a difparu ; c’ eft le dernier de
nos rois.:
C harles I I , roi d’Angleterre, fils du précédent,
né en 1630, mort en 1685, après avoir,
erré plufieurs années dans différentes contrées
de l’Europe, il fut rappêllé & rétabli fur le trône,
par Monlc, gouverneur d’Ecoffe. Pour conferver
la paix dans fon royaume , il fe rappella fouvent
ce que lui avoit dit Gourville : « Un roi d’Angle-
» terre, qui veut être l’homme de fon peuple,
39 eft le plus grand roi du monde ; mais s’il veut
>3 être quelque chofe de plus, il n’eft rien du
33 tout ».
Son caractère fut toujours porté aux plaifirs,
à la douceur & à l’indolence. On prétend qu’il
n avoit jamais dit une chofe folle, ni fait une fage.
Un jour fque- le duc d’Y o r ck , fon frere, lui
propofoit quelques mefures précipitées Sc vio->
îentes : Mon frere , lui dit-il, je fuis trop vieux
pour recommencer mes courfes : vous le pouve^, f i
c’eft votre goût.
C harles V , roi de France. Tout le monde
fait que Charles V , furnommé le fage & l’éloquent,
fit ouvrir les portes de fon,appartement, quelques