
V a d é , (Jean Jofeph) né en 1720, mort en
Ï 7J7- .
Il avoit de l’efprit , de la gaieté , de Torigî-
nalité qui fuppléerent à fon peu d’application à
l ’étude , & à la leéture des anciens. Il inventa
le genre Poiffard plus naturel que le Burlesque ,
& plus amufant, parce qu’il peint les moeurs &
les faillies du peuple. Il a fait des opéras comiques,
des parades, des chanfons, des lettres,
des contes & autres ouvrages lînguliers en proie
& en vers qui ont eu du fuccès. Il étoit le meilleur
aéteur de fes petites farces qui le faifoient
rechercher & delirer dans les fociétés de plaifir.
Il venoit de quitter un fat qui faifoit le beau
parleur, & qui en lui racontant fes bonnes fortunes
, difoit toujours : j’ai é u la comteffè d’* * * ;
j'ai é u la belle madame de * * * . Ennuyé de fa
fatuité & de fa'prononciation affrétée, Vadé lui
dit : » que me dites-vous là ! Jupiter fut plus
heureux que vous, car il a é u 1 o ».
V A L EU R . La Valeur eft la force réunie au
Courage. Dans quelle ville la valeur étoit-elle plus
honorée qu'à Sparte? Une troupe de Lacédémoniens
, palfant devant la ville de Corinthe,
qui avoit des remparts , quelques Lacédémoniens
demandèrent : quelles femmes habitent cette cité?
ce font, leur répondit-on , des Corinthiens. Ne
favent-ils pas, reprirent-ils, ces hommes vils &
lâches , que les feuls remparts impénétrables
à l'ennemi, font des citoyens déterminés à la'
mort ?
Marcus BrUtus qu'on vouloit détourner d'aller
au combat, dit : quel mal peut-il m'en arriver
? Je ne puis que vaincre ou mourir; & fur
ce que quelques-uns lui confeilloient après'fa
défaite de fe fauver , par la fuite' : Il fau t,
dit-il , fe fauver avec les mains & non pas avec
les pieds.
Un foldat françois fe battant, l’épée à la main
avec un de fes camarades , en reçut un coup
mortel, & cependant ayant encore affez de force
pour le renverfer fous lui & le défarmer : va,
lui dit-il, je te donne ce que tu m'ôtes & il
tomba mort.
On a rapporté cette faillie de valeur d’un général
d’armée. Les ennemis s’avançoient ; des
nouvelles de leurs forces fupérieures pouvoient
décourager l’armée qui leur étoit oppofée : le général
l’appréhendoit : aulfi lorfqu'on vint lui annoncer
que les ennemis s'approchoient & qu'il
.étoit néceffaire d’ envoyer reconnoître leur nombre*
nous les compterons, dit-il, quand nous les aurons
défaits.
Un officier repréfentoit au maréchal de Gaf-
fîon qu’il lui étoit impoffible de fe retirer en préfence
d’une armée fupérieure à la fienne* Le
1 maréchal répondit j'ai dans ma tê te , & je porte
à mon c o té , tout ce qu’il faut pour furmonter
les obftacles que vous prévoyez.
La nourriture influe plus qu’on ne penfe fur
la valeur des troupes , & tout le monde peut
reconnoître la vérité de ce mot d'uft médecin
Anglois , qui difoit qu’avec une diete de lix fe-
maines il rendroit un homme poltron. Le prince;
Maurice étoit lï Convaincu de ce principe , qu'il
! employoit toujours à quelque aéhon de vigueur ,
Ls Anglois lorfqu'ils arrivoient de chez eux, &
tandis qu'ils avoient la pièce de boeuf dans l'efto-
mac : c’étoit fon expreffion.
Les françois attaquent & battent, en 1690 ,
le prince de Waldeck à Fleurus, près deChar-
leroi. Durant cette action, un lieutenant-colonel
d'un régiment françois, dont le nom auroit
bien mérité d'être confervé , fe trouve prêt *
charger/Ne fachant comment animer les liens,
très-mécontens d'être entrés en campagne fans
être habillés , il leur dit : » mes amis, voici de
quoi vous confoler , puifque vous avez le bonheur
d’êcre en préfence d’un régiment vêtu de
neuf/ .^Chargeons vigoureufement , habillons-
nous ». Cette plaifanterie, qui marque un grand
fonds de mépris pour l'ennemi, fai.t un tel effet
fur l’efprit des foldats , qu'ils fe précipitent fur le
régiment, le dètruifent, 8c s'habillent tous complètement
fui: le champ.
M. de Chevert, dont l ’ardeur comme l'erf-
périence fembloit croître avec les années , fut
chargé de chaffer l'ennemi des fommités d’une
montagne couverte de bois. C ’eft en y pénétrant
qu'il fixa fur le marquis de Bréhant des regards
enflammés 8c que le fiififlant par la main : »
jurez moi, lui dit-il, foi de chevalier, que vous
& votre régiment vous vous ferez tuer jufqu'au
dernier plutôt que 'de reculer. » Au moment de
l'attaque les officiers du même corps le firent
prier de prendre fa cuiraffe ; mais en leur mo ntant
les grenadiers : » 8c ces braves gens en ont-ils?
V aleur, dohe stique. Il y a une valeur do-
mefiiqueprivée, & qui n'eft pas de moindre prix que
la valeur militaire. Lorfque le duc d'Orléans &
le duc de Bourgogne fe dffputoient la régence
fous Châties VI que quelques accès de démence
»voient mis hot* d’état de gouverner, Philippe
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de Villîers Ville - Adam , gouverneur de Pôn-
toife, fe déclara partifan du dernier. Il entra
fecrétement à la faveur de la nuit dans la ville
de Paris avec huit cents chevaux, 8c y commit
beaucoup de défordres. Tannegui du Chatelqui
en éroit prévenu, entendant le bruit, courut prendre
le Dauphin Charles VII dans fon l i t , l'enveloppa
dans fa robe de chambre le fauva à
la B ail il le , delà à Melun.
Nicole , ami du doéteur Arnaud fon compagnon
d'armes pour la caufe de la religion ,
mais né d'ailleurs avec un caractère doux &
accommodant, lui repréfentoit qu'il étoit las
de faire la controverfe & qu’il vouloit fe repo-
fer : » vous repofer, lui dit Arnaud ! eh 1 n'aurez
vous pas l'éternité entière » ?
V A N -D Y C K , ( Antoine ) peintre , né l’an
1599 > mort en 1641.
Van-dyck étoit te plus habüç des élèves de
Rubens. Un foir que ce maître étoit forti pour
aller prendre l'air, félon fa coutume, Van-dyck
&>fes camarades entrèrent fecrétement dans le
cabinet de Rubens pour y obferver fa manière
d’ ébaucher & de finir. Comme fis s'approchoient
de plus près pour mieux examiner , un d’én-
tr’eux pouffé par un autre , tomba fur ce tableau
; il effaça le bras de la Ma lelaine , la
joue & le menton delà fainte Vierge, que Rubens
venoit de finir. On craignit les fuites de
cette imprudence, 8c tous les élèves écoient fort
embarraffés fur ce qu'ils dévoient faire, lorfque
Vun d’eux plus décidé, dit : » Il faut, fans perdre
de temps , rifquer le tout pour le Août; Nous ,
avons encore environ trois heures de jour; que
le. plus capable de nous prenne la palette , 8c
tâche de réparer ce qui eft effacé. P- ur moi je
donne ma voix'à Van-dyck *>. Tous applaudirent
à ce choix , excepté Van-dyck, qui enfin preffé
par leurs prières, & craianant lui même la colère
de Rubens , fe mit à l’ouvrage. Il réuffit
fi bien , que le lendemain Rubens, en examinant
fon travail de la veille, dit en préfence de
fes élèves qui trembloient de peur : » Voilà un
bras & une tête qui ne fon; pas ce que j’ai
fa‘t h;er de moins bien. » C e tableau qui eft
un des plus beaux de ce maître , eft une def-
cente de- croix oui fe voit encore aujourd’hui
dans l'églife de Notre-Dame d’Anvers.
Van Dyck alla exprès à Harlem , pour y voir
Hais , qu’il eut beaucoup de peine à trouver
chez lui, parce que Ha!s étoit prefque toujours
au cabaret. Enfin Van-Dycks ne pouvant le joindre
, prit le parti de lui faire dire que quelqu'un
l’atténdoit pour fe faire peindre ;.dès que
Hais fur arrivé dans fa mai fon, lieu du rendez
vous, Van-dyck lui dit qu’il étoit étranger,
qu'il vouloit fon portrait ; mais qu'il n’avoit
que deux heures à lui donner. Hais prit la
première toile venue , 8c , après avoir peint
pendant quelque temps , il pria Van-dick de fe
lever pour voir ce qu’il avoit fair. Le modèle
parut fort content de la copie, parla de chofes
indifférentes, 8c dit enfu;te , fans affeéhtion ,
que la peinture lui paroiffoit affez aifée , & qu'il
. avoit envie d’effayer à l'infiant ce qu'il feroic
capable de faire. Il prit alors une autre toile,
& pria Hais de fe mettre à la place qu’il venoit
de quitter. Hais voulut bien jailler fatis-
faire l’ étranger 3 mais quelle fut fa furprife', lorfque
Van-dick l’eût prie de fe lever à fon tout
& de voir l ’ouvrage qu’il venoit d'achever! Vous
êtes Van-dick, s’éciia t-ii en l'embraffant ; & les
deux art ftes fe lièrent de la plus vive amitié.
Van-dick fe retira en Angleterre, attiré par les
bienfaits de Charles I , qui le fit chevalier du
Bain, & le gratifia d'une penfion & d'un logement.
Un'jour qu’il faifoit le porirait de Charles,
ce prince s’entretenoit avec le duc de Nort-
folck, & fe plaignoit affez bas de l’état de fes
finances. Var^dick paroiffoit attentif à cetxntre-
tien. Lé roi l’ayant remarqué , lui dit en riant : Et
vous , chevalier , fave^-voùs ce que c‘efl que d'avoir
befoin de cinq ou Jix milleguinées ? O u i, fire , ré-
. pondit le peintre, » un artifte qui tient table
ouverte à fes amis , 8c bourfe ouverte à fes
maîtreffes , ne fent que trop fouvent le vuide
de fon coffre fort.
La reine, époufe de ce monarque, fe faifoit
peindre. Elle avoit des mains admirables. Comme
Vandick s' y arrêtoit lorg - temps , la reine qui
s'en apperçut, lui demanda pourquoi il s'appli-
quoit plus; à rendre fés mains que fa tête ; »
C ’eft, dit—i l , madame, que j'espère de ces belles
mains, une récompenfe cligne de celle qui les
porte ». .
V A U B A N , ( Sébaftîen le prêtre de ) maréchal
de France, né en 1633 , mort en 1707.
Vauban conduifît toujours les fiéges auxquels
Louis X IV fe trouva. C e fut à celui' de Maftriéf
en 1673, qu'il commença à fe fervir d’une méthode.
fîngultère pour l’ attaque des places-, qu'il
avoit imaginée par une longue fuite de réflexions ,
& qu’il a depuis toujours pratiquée. Jufcues là il
n’a voit fait que fuivre avec plus d’adreffe & de
conduire les régies déjà établies; mais alors il en
fuivit d’inconnues, & fit changer de face à cette
importante partie de la guerre. Les parallèles &
les places d'armes parurent au jour. .Depuis cette
époque il a toujours inventé fur ce fujet tantôt
les cavaliers de tranchée , tantôt un nouvel ufage
des fappes & demi-fappes , tantôt les batteries
en ricochet ; & par-là fi avoit porté fon art
à une telle perfeétion, que le plus fouvent, ce
qu'on n'auroit jamais ofé efpérer, devant les pla-
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