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Un homme eft arrêté le foir, poür dettes > H demande
un référé chez le magiftrat3 il l'obtient.
Le magiftrat touché des malheurs de cet infortuné 3
mais ne pouvant avec juftice le dilpenfer des formes
rigoureufes, le laiftè conduire en prifon. A
peine eft-il^ forti que cet homme refpeétable le
couvrant d’un fïmple-manteau, court a la prifon 3
avec la fomme due $ & évite au débiteur 3 dont
il avoit reconnu la bonne-foi, l'horreur de pafier
une nuit dans les priions.
• Je paffois 3 dit l’ ami des hommes j dans un
canton de traverfe de Qnercy. Je m’ arrêtai dans
un allez gros lieu 3 ou couloit un ruiifeau confî-
dérable 3 ou petite rivière que je remarquai toute
pleine d’écrevilfes. Je demandai à l’aubergifte combien
de gardes avoit le feigneur, pour que la pêche
fut ainfi confervée ? — Ah ! monneur 3 me
dit le bon homme 3 ceci appartient à M. le marquis
**** J ce font les meilleurs feigneurs du monde
que nous avons depuis deux cents ans & qui viennent
fouvent dans le pays. 11 n’y a pas un de
nous 3 qui0 loin de lui rien prendre, ne fut le
premier en pareil cas 3 à dénoncer fon voifin ».
Un homme de qualité d’une province peu éloignée
du Quercy, donna pendant une difette, le
pain & le couvert dans fes granges à mille pauvres
durant f x mois. « Allez 3 mes enfans, leur
dit-il à la Saint-jean, allez tâcher d’en gagner.
Je vais en ramafler pour l’année prochaine , h la
difette dure ».
Madame M ................ alliée aux maifons les
plus diftinguées , étoit aulli refpeétable par la
beauté de fon ame & la bonté de fon coeur,
que par fon grand âge. Les années ne lui avoient
rien oté de la vigueur de fon eforit , & dame de
quatorze paroifFes i toutes les affaires pafloient par
fes mains or fous les yeux. A la mort d’une veuve
qui tcnoit une de fes terres , les enfans fé pré feulèrent
pour en obtenir un nouveau bail : Eh bien ,
mes amis , leur dit madame de M . . . . , vous avez
perdu une bonne mère, & je la regrette fincère-
ment, car c ’étoit une femme bien honnête j eft-
ce que vous voulez prendre fa place ? — Nous
Venons pour cet objet & nous efpérons également
fatisfaire madame, fi elle veut bien nous
donner fon agrément. -— Volontiers, mais il me
femble que votre mère tenoit ma ferme à très-
bon compte. — Jtti madame le juge convenable y
bous croyons pouvoir en porter l’augmentation i
f oo lîv. — N o n , non, mes enfans, ce feroit
pour vous un trop mauvais commencement ; c ’eft
moi au contraire qui vous diminue 560 livres j
allez & p roférez.
Le faint-père ayant furpris un jeune enfant qui
peignoit & dont l’ouvrage lui parut marquer du
talent j il ralTura fa timidité, & lui dit qu’il vou-
loit lui donner une place dans les élèves du collège
ofonaarn. A quoi l ’enfant répondit qu’il ne pou-
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Voit pro^ef de la bonne volonté .du pontife f
puifqu il etoit proteftant. « J’aimerois mieux quô
vous fuffiez catholique, répliqua le faint-père, mai*
la peinture n a rien de commun avec la religion y
& votre culte ne doit mettre aucun obftacle à m»
bicnfaifance à votre égard ».
Le roi de Pologne, Staniflas . i l , fe rendit à la'
bibliothèque de l'académie de Grodno , & fe fis
prefenter la collection des plantes (lithuaniennes.
En voyant les trois cents figures de plantes , gravées
fur cuivre, fous la direction de Richier de
Belleyal, par ordre de Henri IV , roi de France ,
lefquelles ne font pas encore publiées ; fa majefté
dit : » Faites connoître au plutôt ce trait de bien*
*> faifance de la part du modèle des rois ; on ne
» fauroit trop augmenter ces faits qui immortali-
» fent ce grand homme ».
Un jour du mois de février 1784, Louis X V I
chaHant à cheval près de Verfailles , fe trouvoit
un peu éloigné de fa fuite ; enveloppé dans fon
manteau à caufe du froid , rien ne le dilUnguoic
des autres : un jeune payfan l'aborde, le fuit,
& lui demande l'aumône avec beaucoup d'importunité
: mon père & ma mère font malades,
crioit-il en pleurant, nous n'avons rien mangé
depuis deux jours. Le roi ému s'arrête, & curieux
de favoir la vérité , il lui dit : Tu me trompes
peut-être : tu répétés ce qu'on t'a appris pour toucher
les jaaffans. Voyons , où demeures-tu ? — le»
tout près, moniteur. — Eh bien, conduis-moi.,
Le^monarque & le payfan arrivent dans une chaumière
à quelques pas du hameau. Sa majefté y
voit.le trop fidèle tableau de là mifëre. Louis X V I
donne tout ce qu'il a fur lui, & feit aflurer à fou
retour une petite penfion à ces infortunés pour
le refte de leurs jours. Cetre aventure étant bientôt
fue à la cour , quelqu'un s'avifa ( fans doute par
zèle) d'obferver que le roin'auroîtpas dûs'expofer
avec tant de confiance. Une jeune princefle aufli
aimable qu'augufte,.releva ce propos, en difarn :
« Je ne vois rien, que de naturel dans la démarche
de mon frère , & c’eft un très-grand mal que d'éloigner
àinfi des princes l'occafion de connoître
la vérité , fous le prétexte de l'intérêt qu'on prend à leurs perfonnes n. Ces paroles, fi véritablement
belles dans la bouche d'une jeune princefle, justifient
bien les vers fuivans de M . Roucher:
Flatteurs, ne dltés plus aux rois
Qu’élevés au-deflus des lo ix >
t e eie! de tout impôt affranchît la couronne ,
! Louis vous répondra qu’en des jours rigoureux >
; Le facrifice entier des délices du trône,
: Eft l’impôt que les rois doivent aux malheureux.
Le roi Louis X V I & foù augüfte époufe ,. peu
de temps avant de monter fur le tr$ne, fe pro-
menaient dans le parc de Yqjfailles , libres d»
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Fafte impftrfflin qui fans ceffe afflige, les grands,
ils arperçurent une jeune enfant qui porroit une
écuelfe avec quelques cuillers d étain. “ Que po.
tes-tu-là, lui dit la princefle | — Madame, c eft
de la foupe pour mon père & ma mere qui travaillent
là bas aux champs. - Et avec quoi eft-elle
faite j _: Avec de l'eau, madame, & des racines.
_ Quoi ! fans viande ? ----- Oh !, madame, bienheureux
quand nous avons du pain. — bh twen,
porte ce louis à ton père , pour vous faire a tous
de meilleure foupe... Elle dit au prince : «voyons
ce quelle deviendra ». Us la Auvent en effet ;
confidérant de loin le bon homme courbe fous le
poids de fon travail, qui, des que. la fille lui a
remis 1« louis, & lui a fait part de cette heureufe
rencontre, tombe à genoux avec fa femme & les
enfans, 5c lève les mains vers le ciel ; an. vois-
tu , mon ami ! s'écrie la princefle, ils prient pour
nous.-Quel plaifir on goûte à faire du bien ! ton
coeur ne te dit-il rien à un pareil fpectacle
Mettez votre main là , dit le prince, en portant
à fon coeur celle de fon époufe ». Oh ! ton coeur
bat bien fort 1 va , tu es fenfible , & je fuis con-
tente de toi. \
Un mortel bienfaifant eft la plus fié elle image
de la divinité , qui veut le bonheur des hommes,
Les feythes pourfuivis par Alexandre julqu au
milieu des bois & des rochers qu'ils habitoient,
dirent à ce conquérant, qui vouloit palier, pour le
fils de Jupiter Ammon ; Tu n’es pus un dieu puij-
que tu fuis du mal aux hommes,
Léopold , duc fouverain de Lorraine., étoit un
prince bienfaifant. Un de fes miniftres lui repre-
fentoit que fes fujets le ruinôient. Tant mieux,
répondit Léopold, je n'en ferai que plus riche ,
pmfqu’ils feront heureux.
Une autre fois on lui faifoit le récit ,de quel-
eues avantages’ qu’ un fouverain venoit de faire a
fes peuples : Il ie-devoit, répondit le duc ; je quit-
terois demain ma fouveraineté, fi je ne pouvois
faire de bien.
Un gentilhomme, qui ne lui avoit jamais rien
demandé, quoiqu'il fût dans le befoin, jouoit
avec fon maître, & gagnait beaucoup- Vous
jouez bien malhenreufement, dit-il au prince. —
Jamais, répartit Léopold , la fortune ne m’a mieux
- fcrvi ; mais je devois £eul m’en appercevoir.
Un étranger, qu’il avoir renvoyé dans fa patrie,
comblé de bienfaits, ofa lui manquer. On en parla
au prince , qui dit, avec bonté : Je ne dois pas lui
faire un reproche de fon ingratitude , puisque je
pe l'ai obligé que pour moi.
Un magiftrat attendoit que Léopold fortît de
fon appartement, pour lui demander un emploi
dont on venoit de dilpofet en faveur d un autre.
Le duc voulant fauyer le défagrément d up refti*
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au folliciteur, l'intettompit au tn»ieti de ton com-
nhment, & lui dit': iSoyez ' content, monfieur,
vo” e ami vient d'obtenir ia charge q ue vous venez
me demander pour lui.
b i e n f a i t s .
E11 épanchant fes dons, une aroe vertueufe
Sr.it cacher avec foin une main généreufe ;
D’un coeur né vraiment grand, c’eft la première lo i/
La vertu pour témoin n’a befoin que de foi.
Et fans s’inquiéter de la reconnoiflance ,
Le plaifif du bienfait devient fa récompenfc*
Quand un ami tendre & fincère
Prévient & comble vos fouhaits#
Il faut divulguer fes bienfaits ;
C’eft être ingrat que de fe taire.
En amour, c’eft une autre affaire^
Il faut favoir diffimuler ;
Les faveurs veulent du myftère;
C’eft être ingrat que de parler.
Les amis de l'empereur V efpafien lui confeillè-'
rent de fe tféfier d’un certain M étius-Pompofianus ,
parce que le bruit s e to it répandu qu il d ev o ir , un
jo u r , parvenir à l'empire. Vefpajîen , bien loin
de pourvoir à fa propre sp r e t e , eleva au confulat
ce même M é tiu s; 8e , voyant fes amis furpris de
fa conduite : « S i M é tiu s d o it régne r, r é p o n d it^ ,
,, je veux me la rendre favorable par des bienfaits.
» Il fe fouvieadra de moi, quand il fera empe-
» rcur ».
BIENSÉANCE. La bunfîmee, en général ,
confifte dans la, conformité d'une action avec le
t em p s , les lieux Se les p erfonnes; c e t t l t i l a g e
qui nous rend fenfibles à c e tte c o n fo rm ité , c e
n'eft pas le progrès des moe ur s , mais le progrès
du goût de la culture de l’efprtt 8 e de la politeffe
qui décide des bienféanees ; on prétend meme que
plus le coe u r eft co r romp u , plus on e it leve re
fur les bienféanees.
Chaftes font les oreilles,
Encor que le coeur foit frippon.
On le croira volontiers fi l’on fe fouvient que
l’époque à laquelle on devint difficile fur les bien-
féances théâtrales, fut lorfque l'envie eut fait un
crime à Corneille d'avoir manqué a la bienfeance ,
en falfant paroître le Cid dans l’ appartement de
Chimène, après la mort de fon père.
Une jeune femme preffoit un homme plus de-
cent que fortûné de faire fa partie, Celui-ci qui
favoit jufqu’oû s’ étendoient k s bienféanees îm
lieu de lui demander fon jeu, lut déclara le lien.
« F i donc, lui dit-elle, qui eft-ce donc qui joue
' A l I.