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pagoepour plaire à Néron, qui trouvoit fa pré-
fence incommode , il s’étoit rapproché de Rome
au jour précis où la conjuration devoir s’exécuter.
Un autre reproche mieux fondé, qu’on peut lui
faire, eft d'avoir dans une de fes épures morales,
élevé fon fage au-deffus de la divinité même, pu
la ràifon que dieu tire fa perfection de la nature ,
& que le fage ne doit la fienne qu'à fon choix
libre & .volontaire.
• SENTENCE. Proportion univerfelle , mais
courte, fenfée , énergique, & qui renferme quelque
vérité morale. On peut difttnguer la fentence
de la maxime , en ce que celle-ci eft un <avertif-
fement aux hommes fur ce qu'ils doivent faire ;
l'autre , un jugement fur ce qu’ils font ordinairement.
La maxime eft un précepte de conduite,
& ia fenténce eft une vérités de fpéculation.
Nous ne citerons que quelques-unes de ces
fcntences.
Jamais l'inaocence & le mvftcre n’habitèrent
long-temps enfemble.
, La patience eft amère ; mais fon fruit eft doux.
. La véritable éducation cor.lîfte moins eh préceptes
qu’en exercices.
- La raifôn nous trompe plus fouvent que la nature,
-
. Le filence donne du poids auxpenfées, & du
crédit aux paroles.
. Les grandes penfées viennent du coeur.
, Le doute eft l'école de la vérité. '
La véritabls politeffe confifte à marquer de, la
bienveillance aux hommes.
On nepla’nt jamais dans,autrui que les maux dont
on ne fe croit pas foi-même exempt. ^
- Nul ne peut être heureux, s'il ne jouit de fa
propre eftime.
Il faut une ame faine pour fentîr les charmes de
la retraite.
L’amitié plaint les maux $ mais l'amour- les
reffent.
Le véritable amour eft le plus chafte de tous les
liens.
La félicité eft la fortune du fage j & ii n'y en a
point fans vertu.
Les grandeurs du monde corrompent l'ame 5
l'indigence l'avilit,
Les petites fortunes content beaucoup de pei-
aes j mais les grandes fe font à peu de frais.
_■ Le goût du jéu, fruit de l’avarice 8c de l’ennui,
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ne prend- que dans un efprit & dans un coeur,
vuides.
La vanité ne refpire qu'exclufions 8c préférences
: exigeant tou t, & n’accordant rien , elle
eft toujours inique.
Toute méchanceté vient de foibleffe.
Le foible ..eft inquiet> le grand homme eft tranquille.
C ’eft le foible^qui trompe, 8c le püifTant commande.
La férocité appartient à l’ignorance, qui ne con-
noît de droit que la force.
Le plaifir des fens elVune fleur, dont le parfum
s’évapore, & dont l’éclat s'éteint fous la main
qui la cueille-
Les paflionç violentes font autant de tigres qui
.nous déchirent.
Tel eft le fort de l’humanité ; la raifon nous
montre le b ut, 8c les pallions nous en écartent,
Les vertus éclatantes conduifent à la gloire > les
taîens cachés mènent à la fortune.
L’attachement peut fe paffer de retour, jamais
l'amitié : elle eft un échange, un contrat comme
lès autres,, mais el!e eft le plus faint de tous.
' On aime mieux fon égaj que fon maître.
Le plus méchant des hommes eft celui qui s'i-
foie Je plus, qui concentre Je plus fon coeur en
lui-même. Le meilleur eft celui qui partage également
fes affections à tous fes femblables.
L'amour de la patrie eft une. paflîon dans le
peuple j mais c'eft un vertu dans le philofopne.
Les hommes pardonnen^quelquefois là haine,
& jamais le mépris. •
Le plus malheureux de tous les hommes, eft
celui qui croit l’être.
"Un philofqphe voyant un Athénien qoL dans
un mouvement de colèie, maltraitoit fon elciave :
« Voi:à, dit-il, un efclave qui en. frappe un autre
». Parole fenfée, qui nous fait Comprendre le
prix d’une ame qui fait fe pofléder.
SENTINEL LE. La fentinelle a toujours été
regardée comme une perfanne publique. Elle peut
tuer impunément quiconque 1 infulte > elle le doit
même, félon les loix de la guerre. Un événement
arrivé au liège de Montpellier , fert de preuve à
cette vérité.'
« Le confeil étant fini,' dit Puifégur, 8c- M. de
Marillac foi tant à cheval par ia porte du logis du
roi, fon cheval en reculant m fcha fur le pied de
U fentinelle, laquelle frappa de la fourchette lue
"" la
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Lcroupe du cheval, ce qui donna une feeouffe à
M- de Marillac, qui lètourna, 8c battit la fend|
nelle.
« Ce foldat écoit de la compagnie de M. de
Goas, qui, l’ayant fu, le fit relever 8c arrêter
prifonnief, & s'en alla au logis de M. de Marillac,
en réfolution de lui faire métré l’épée à la
main. Le roi Je fut , & envoya chercher M. de
Goas & quérir M. de Marillac, auquel il fit une
grande réprimande, lui d.-fant que la fentinelle le
devroit avoir tue, 8c que de fix jours il ne feroit
aucune fonction de fa charge de maréchal-dé- 1
camp, 8c qu’il ne commanderoit point dans l’ at-
taque que feroient les gardes. Ce foldat, qui avoit
été arrêté prifonnie.r; fut mis au confeil de guerre,
& condamné à être dégradé des armes à la tête du
régiment, & à l'eftrapade, pour n’ avoir pas tué
M. de Marillac. Sa majelté lui fit grâce de tout j
néanmoins M. de Goas n'e s'en voulut plus fervir ,
dans fa compagnie »j.
S É R A C . Le baron de Sérac fe vantoit
d’une çhofe fort fingulière & fort glorieufe,
de s’étre trouvé dans trois batailles rangées, d’y
avoir combattu, main à main contre trois rois,
fivoir, les rois de Pologne, de Suède & de Da-
nemarek, 8c d’en avo’r remporté des marques,
leur ayant enlevé à l’un fon bonnet, à l'autre fon
écharpe9 $c au troifième un de fes piftplets.
SE V IG N E , (Marje de Rabutin, marquife
de) née en 16163 morte à Grignan en 1696.
Comme cette dame écrivoit du premier trait
de plume, on doit s’attendre à trouver dans fes
lettres des. fautes de langage 8c bien des incorrections:
mais ce font ces d.éfjuts-là même-qui contribuent
à don -er à fon ftyle cet air négligé qui plaît,
qui enchante. Cette dame avoit dans la con v en tion
cette même vivacité que l’on apperçoit dans
fes lettres. Son efprit gai & enjoué I’entraînoit
meme quelquefois un peu trop loin, & croyant
vous deviner, elle vous prêtoit fouvent plus de
fitielTequ’on n'en montroit j mais oh a.yoit du moins
la fatisfa&ioo de ne pas voir tomber à terre un
bon mot qui fè difoit en fa: préfençe. Madame de
Sévigné. n’étoit pas belle 5 mais elle avoir de ces
phyiionomies qui placent par mille agrémens que
lion ne peut décrire} fes yeux étoient petits & bti;-
lans. Son front avancé, fa bouche piate, fes cheveux
blonds & épais. Elle avoit le plus beau teint
du monde 5 le fon de fa voix étoit agréable, fon
oreille jufte. Perfonne ne favoit mieux qu’elle faire
valoir Je vaudeville du jour.
Madame de Sévigné, alors mademoifelle de
Rabutin , avoit époufé en 1644 Henri , marquis
de Sévigné 3 qui fut tué en duel en 1651, par le
chevalier d’Albret, & elle en eut Charles, marquis
de Sévigné, &: Françoife Marguerite, Cette
b nyyclopédiana,
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fille fut mariée au comte de Grignan en 166?.
Madame de Sévigné s'étoit flattée qu'en mariant
fa fille avec un homme de la cour, elle pafferoit
fa vie avec elle j mais M. de Grignan reçut un
ordre du roi pour fe rendre en Provence, où dans
la fuite il commanda prefque toujours en l'ab-
fence de M. le duc de Vendôme, qui en étok
gouverneur.
C'eft à cette réparation que nous femmes
redevables de ces lettres, où madame de Sévigné
peint avec tant d’énergie & de vivacité fa ten-
dreffe pour une fille aimable, & la douleur qu’elle
reffent d'en êfref féparée. Son. coeur, plein d’un
fendraient qui déborde , reoit toujours la même
chofe, & n’a jamais achevé de dire. Elle paroît
principalement occupée des moyens de revoir fa
fille, foit à Paris, dû madame de Grignap venoip
la trouver, foit en Provence, où elle allo.it ja
chercher. Cette mère fi fenfible fut la viâiirr e- de
fa tendreffe. Dans fon dernier yov^ge à Grignan,
en 1696 , elle fe donna tant de foins pendant une
longue maladie de fa fille, qu’elle en contraria une
fièvre continue qui l’emporta le 14 janvier dé jà
même année.
On a remarqué que quand madame de Sévigné
di£toit fes lettres, fon Ityle fi v if , fi ferré, devenu
ic lâche} & Cothinellï lui difoit qu’efie eefioic
alors d’aVoir de l’efprit«
Cette dame eft affez connue par fes faillies. Elle
Fe trouvoit à l'office à Saint-Paul} le Credo y fut
chanté en mauvaife mufique : « Ah ! que ceja eft
faux, s’écria madame de Sévigné m. P uis Fe tournant
vers ceux qui l’écoutoient : « Ne croyez pas
que je renonce à la foi : je n'en veux pas à la le(*-
tre, ce n’eft qu'au chant ».
Cette dame recherchofi volontiers, les perfoi\nes
enjouées, & qui fe livroi.ent fans contrainte à leur
gaieté naturelle. Elle difoit quelquefois qu'elle nç
craignoit rien tant que les gens qui avoient à,e
l’efprit terut le jour.
Elle décidait la difpute de Boileau & de Perrault
fur les. anciens 8c les mc.dernes, en difant :
« Les anciens font plus beaux ; mais nous ibmmes
plus jolis ».
Elle-difoit affez pîàiftimment, en parlant des
amoureux : « Il faut tout leur pardonner 3 ainfi
qu'aux gens des Petites-Maifons ».
La connétable Colonne & la ducheue Mazarin
paffant à A.rles, chacune a^’ec un petit coffe de
pierreries,, madame àe.Sévigné} qu’elles allèrent
voir chez M. de Grignan, s'appeiçut qti’eiks
étoient en linge fa‘er Elle leur envoya le foir une
douzaine de chemifes, avec un billet, qui commen-
çoit ainfi : «Vous voyagez en héroïnes de romans,
avec force pierreries, 8c point de linge blanc ».
Elle avoit figné le contrat de mariage de fa fille
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