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*» ques petits ouvrages , moins fatyricfiies , mais
v qui n ont pas paru.
» Comme je fuis affez penfif de mon naturel y
» il me venoit Couvent des idées qui me faifoient
'tenir le fer à frifer d'une main & la plume de
» l'autre. M’ étant trouvé plufieurs fois a accom-
v moder des perfonnes de goût & d’efprit , & me
» voyant penfçr , ils m'ont n fortqueftionné , qu'ils
« m'ont forcé à leur avouer que je penfois tou-
» jours à compofer quelques vers j leur ayant fait
» voir quelqu'un de mes petits ouvrages 3 ils m'ont
*> perfuadé que j'avois des, talens pour le genre
» poétique} ce qui m'a déterminé à compofer une
» tragédie ».
Les occupations journalières de M. André ne
lui permettoient point de travailler à fa pièce ; il
délelpéroit de la. pouvoir finir y «mais ayant été.,
» dit-il, interrompu Çur la fin de feptembre , pen-
» dant deux nuits confié qutives par ces fortes de
» gens j qui par leurs odeurs font capables d’em-
» peftiférer tout le genre humain , j ai tâché de
» difiiper leurs odorats, en m'appliquant d'un grand
» zèle à ma tragédie. C'èft ce qui m’a ôccafionné,
» mon cher leéteur , à vous la mettre plutôt au
É jour ||| - . .
M. André porta l'ouvragé aux comédiens fran-
çôis-, qui furent enchantés de cette leéture, tant
elle leur parut fingulière. Ils témoignèrent à l'auteur
à quel point ils étoient fâchés de ne pouvoir
jouer fa pièce } que malheureufement elle les en-
traîneroif dans trop de, dépenfes, & qu'il en coû-
tefoit prodigieufement , fur - tout pour que leur
théâtre pût s'abîmer, & pour faire trembler toute
la falle du fpeétacle. M. André fe rendit à de fi
bonnes raifons, & fe contenta de. rendre fa tragédie
publique par la voie de Timpreffion. Elle eut
tout Je fuccès qu'il devoir en attendre 5 l'é^tion fut
bientôt épuifée j M. André la vendit lui-même,
& jouit de la-plus grande célébrité. Cinquante ca-
roïfes étoient tous les jours à fa porte ; tout Paris
voulut fe procurer des exemplaires de ce chef-
d’oeuvre de ridicule, & la fatisfaéfion d'en con-
noître perfonnellement l’auteur inimitable. Il reçut
dans fa boutique ces vifîtes & ces complimens avec
une modeftie pleine de noblefle & dé gravité. On
lui adreffa de tous côtés des lettres de félicitation}
un anglois lui écrivit pour le prier de lui envoyer
fa pièce, afin qu'il la traduisît dans fa langue,
fc qu'il la fît jouer à Londres. M. André a fait
imprimer cette lettré honorable à la 'tête de &
tragédie } il y a placé aufli une épître dédicatoire
à l'illuftre & célèbre poëte M. de Voltaire, qu'il
appelle fon cher confrère.
ANECDOTES^' On a dit long - temps du vin
de Bretigny qu’il faifoit danfer les chèvres. Voici
par quelle anecdote on explique cètte phVafe populaire.
Il y avoit, dit-on, à Bretigny,;'u^ habitant
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nommé Chèvre, c'étoit le coq de fort village, 82
une grand* partie, du vignoble lui appartenoit,
C êt homme aimoit à boire, & dans la gaîté que
l'ivreffe lui infpiroit, il avoit la folie de faire danfer
prefqu'à’toute heure fa femme & fes enfans} c'étoit
ainfi qu'if faifoit danfer fes chèvres quand il étoit
animé par les fumées du vin de Bretigny.
Un député des états de Bourgogne ayant fait
une longue harangue au prince 5 e Condé, lui
demanda ce qu'il dirait aux états de la part de fon
alteffe. Dites-léur, répondit le prince, que nous
avops eu tous deux bien de la peine, vous à achever
votre harangue, & moi à vous entendre.
Les chanoines de l'églifé de Bayeux, fe levoient
autrefois la nuit pour chanter les matines, & voici
la manière fingulière- dont ils puniffoient ceux qui
manquoient'à ce devoir lés jours de grandes .fêtes,.
Immédiatement après l'office., les habitués de
l'églifé, avec la croix, la bannière & le bénitier ,
alloierit au logis des chanoines abfens , & faifoient
par cetté proceffion une efpèce de mercuriale à la
pareffe, cet ufage qui dûroit encore à Bayeux en
1640 , a donné lieu de dire à ceux qui fè font attendre
, qu'on ira les chercher avec la croix & la
bannière.
Madame la ducheffe d'Aiguillon, nièce du cardinal
de Richelieu, vint fe plaindre un jour à là
reine de ce que mademoifélle de Saint-Chaumont
lui avoit reproché qu'elle avoit eu cinq ou, fix én-
fans de fon oncle. Eh I quoi, madame, dit M. de
Charoft, qui étoit préfent , ne favez-vous pas que
de tout ce qui fe dit à la cour, il n'en faut jamais
croire que la moitié,
. Sully entrant un matin chez Henri IV , au rpo*
ment où. la maîtreffè du roi forto.it vêtue d'une
robe Verte, il le trouva ému, & lui dit: Sire ,
la fanté de votre majefté me paroît un peu altérée1*
Il eft vrai, dit le roi, j'ai eu la fièvre toute- la
nuit, elle vient feulement de me quitter. Vous
dites vrai, lire, reprit Sully, je l'ai vu paffer, elle
étoit toute verte.
M. Falcônet, habile médecin , fut appelle au?
près d'une dame malade imaginaire. Il l’interrogea,
elle lui avoua qu'elle mangeoit, buvoit_& dormoit
bien, & qu'elle avoit tous les lignes d'une fante
parfaite. Hé bien , lui dit le médecin en homme
d'efprit, Iaiffez-moi faire, je vous donnerai un
remède qui vous ôtera bientôt tout cela.
L'abbé de Vertot avoit un liège fameux à dé^
crire, les mémoires qu'il attendait ayant tardé trop
longtemps , il écrivoit l'hiftoire du fiège, moitié
d'après le peu qu'il en favoi.t, moitié d'après fon
imagination. Le?, mémoires arrivèrent enfin ^j'en
fuis bien fâché, dit-il, mais mon liège eft fait.
Le cardinal de Richelieu, s'étant fait lire une
tragédie de la Calprçnède, dit que là pièce étoit
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tonne, maïs que les vers etoient lâches ; cette
fréponfe fut rendue à l'auteur, qui répliqua par
kette faillie vraiment gafeonne. * Comment lâche,
fcàdédis ! il n'y a jamais eu rien de laçhe dans la
! pendant les troubles du règne de Charles V I I ,
La Hire , fon favori, étant venu le trouver pour
l’entretenir fur une affaire très-importante, le roi
tout occupé d'une fête qu'il alloit donner, lui en
[fit voir les apprêts, en lui demandant fon avis.
[*> Je penfe, dit La H ire , qu on ne fauroit perdre
L fon royaume plus'gaiement ».
[ La reine mère, Catherine de Medicis , fe fit
[lire, en préfence du duc d’Alençon, le teftament
de l'amiral de Coligni, où il confeilloit au roi de
ne point trop enrichir ni trop élévefi fes freres :
[ quand on fut à- cet endroit, la reine dit au duc
1 d'Alençon : voilà le bon fervice que vous rendoit
[ l'amiral que vous aimiez tant ! « Je ne fais pas,
[ »s répondit ce prince, s’il m’aimoit 5 mais il a montre
w par ce conféil qu'il aimoit le roi, & je 1 en re-
|î grette davantage ».
Une jeune perfonne, très-jolie 8c très-coquette,
qui venoit d'etre mariée à un homme fort âge,
avoit beaucoup d'amans, & ne gardoit aucune
mefure dans, fa conduite. Le vieillard jugeant qu'on
devoit du moins éviter le fcandale, fit faire à l'appartement
de fa femme un efcalier dérobé, auquel
conduifoit une petite porte fur le derrière de la
maifon. Il demanda enfuite a fa femme, comme
une grâce , d'empêcher qu'à l'avenir fes amans fe
yencontraffent dans leur rendez-vous, 8c de les
faire entrer par l'efcalier dérobé 5 & lui' donnant
une demi-douzaine de clefs de la petite porte :
« Madame, lui dit-il, donnez-leur à chacun une
93 de ces clefs } s’ils les perdent, on en fera faire
»3 d’autres ». Une conduite fi modérée & fi propre
à faire honte à cette femme de fa conduite , la
fit rentrefen elle-même, elle renonça à fes amans,
& aima de bonne-foi fon mari.
fentehee , Pécolat arracha le rafoir des mains du
barbier j fe coupa la langue & la jetta aux pieds des
juges , afin qu’on ne pût, quoi qu’on f i t , lui arracher
aucun fecret : les juges étonnés de ce trait
de palriotifme & d’intrépidité , ceffèrent de le
tourmenter, prirent un foin particulier de lu i,
& le renvoyèrent libre & comble de prefens,
après lui avoir rendu les honneurs dont il etoit
digne.
Lorfque le grand Condé commandoit en Flandre
l’armée efpagnole , & faifoit le fiege d une de
nos places , un foldat ayant été maltraité par un
officier général ayant reçu plufieurs coups de
canne pour quelques paroles peu refpe&ueufes qui
lui étoient échappées , répondit qu il fauroit bien
l'en faire repentir. Quinze jours après , ce même
officier général chargea le colonel de tranchée de
lui trouver dans fon régiment un homme ferme &
intrépide pour un coup de main dont il avoit be-
foin, avec promeffe de cent piftoles de récom-
penfe. Le foldat en cjueftion 3 qui paffbit pour
le plus brave du régiment, fe préfenta, &
ayant mené avec lui trente de fes camarades
dont on lui avoit laiffe le choix , il s acquitta de
fa commiflion avec un courage & un bonheur incroyable.
A fon retour , l’officier général, apres
l’avoir beaucoup loué , lui fit compter les cent
piftoles qu'il lui avoit promifes. Le foldat fur-le-
champ les diftribua à fes camarades , difant qu'il
ne fervoit pas pour de l’argent, & demanda feulement
p que fi l ’aélion paroiffoit mériter quelque
récompenfe, on le f ît officier. Au refte, ajouta-
t-il , en s'adreffant à l’officier général qui ne le
reconnoiffoit point, je fuis ce foldat que vous maf
trahie^ f i fort il y a quinze jours , & je vous avais
bien dit que je vous en ferois repentir. L'officier ,
plein d'admiration & attendri jufqu'aux larmes
l'embraffa, lui fit des exeufes , & le nomma officier
le même jour. Le grand Condé prenoit plaifir
à raconter ce fait, comme la plus belle action de
foldat dont il eût jamais oui parler.
Pendant une guerre très-vive que la république
de Genève eut à foutenir dans le feizième fiècle
contre la maifon de Savoye , un genevois fort brave
& très-eftimé dans fa patrie, nommé Pecolat, fut
pris les armes à la main dans un combat. Les vainqueurs
, charmés d'avoir en. leur puiflànce un des
premiers d'entre les ennemis, lui firent fouffrir
d'horribles tourmens pour l'obliger à révéler les
projets de là république} mais ils ne purent lui arracher
même une plainte} il fatigua & rendit vaine
la cruauté de fes bourreaux. Le confeil du duc de
Savoye, compofé de gens fort habiles en matière
de politique , mais d'ailleurs très-flupides, comme
la plupart de leurs contemporains , foupçonna de
la magie dans ce filence obftiné } & pour rompre
le charme, ordonna qu’on lui rafat tout le corps ,
car on croyoit alors que la magie réfidoit dans
les cheveux. Taudis qu'on exécutoit cette ridicule
L e Maréchal de Briffac condamna le jeûne Boif-
fy fon parent à la mort, pour avoir été à la brèche
à Vignel contre fes ordres, quoique la place eût
été prife d’aflàut 5 mais cette peine fut commuée
en quelques jours de prifon , après lefquels il fut
élargi., & reçut une-»chaîne ’d'or pour récompenfe
de . fa valeur.
Le roi demandant au maréchal de Grammont où
étoit le comte de Louvigny fon fils, qu'if n'avoit
pas vu à la cour depuis long-temps, il lui répondit
: « Sire , je l’ai laiffe à Bidache, où il étudie
».en médecine &en chirurgie } car il n'y a que ces
» -gens-là qui faffent fortune ». C'étoit le temps
où le roi venoit de donner l'évêché de Nevers au
fils de M. Valot fon premier médecin , & celui
de Digne au fils de M. Félix fon premier chiruj>
gi en,