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les feuilles de la rofe qu’il a fait éclorre : adieu..
A :nG la déeffe parla, & difparüt comme l’é-
-clair. La jeune innocente qui la voyoit s’éloigner,
& qui la regrettoit encore , la rappella
<trois fôis en vain. Mais la Fécondité defcendit ^
du ciel , & fe préfenta devant elle dans tout
fon éclat. Elle faifit une de fes mains quelle
mit dans celles de fon époux, & le plaiiîr pritr
•la place de la douleur».
I I . n ’ y a q u e c e u x q u i e n t e n d e n t l ’ i t a l i e n q u i
p u i f f é n t j u g e r - d e l a b e a u t é d e c e f o n n e t } la
t r a d u c t i o n n ’ e n a p p r o c h e p a s .-
V O I S E N O N , ( C l a u d e H e n r i d e F u f é e d e ) ;
n é e n I 7 p 8 ., m o r t e n 1 7 7 5 « ,
Cet abbé', homme de lettres eftmablé,, futj
fouvent en butte à la fatyre, & toujours il las
dédaigna. Un poète lui montra un jour une épi- j
gramme contre lu i, & ofa demander fon avis..
L'abbé de Voifenon prend fon papier le lit
avec attention & à plufieurs reprifes*, il écrit:
en titre contre l'abbé Voifenon, corrigea quelques j
fautes, de» ft vie., puis-rendant çet éçrit ^au} ù - ,
tyriqnè , il lui dit en riant': préfentemeïït-tette j
épigramme. eft bien , vous .la pouvez montrerJj j
elle vous fera honneur ». Lé jeune poète ne put |
refifter à ce trait de modération ; i l déchira, fes j
vers , & demanda e x cu fe à l’abbé de Voife- ;
non dont il rechercha» depuis les confeils. & Ta-
mitié.
Cet abbé de petite taille étant malade., fon ]
médecin lui ordonne éxprelTément:dé'prendre i
une pinte d’une certaine tifanne^ Le lendemain le |
doéteur revient , & demande quel effet le remede |
produit : aucun 3 répôndit-on.1*^ Avez-vous tout !
pris , dit fe médecin à l’abbé. — Non,, que la
moitié.-— Le dodetit fe facha vivement. — Alprs
le malade lui dit d’une, voix douce & làngüir-
fante : » Eh ! mon ami i ne voûs emportez pas ,
comment voulez- vous que j’ avale,. .une pinte >
quand je ' ne tiens que chopinè ? »
Le prince de Condé avoit invité l’abbé de
Voifenon à dîner : celui - c i , uo peu diftràît,
oublia le jour & .n’y fut pas. Quelque tetr^ps
après, un ami , rencontrant 'l’abbé5, îiiiditque
le prince étoit fort en colère contre7lui : LaBbé
convînt de fon to r t , & ne manqua pas, de f e
trouver à un jour d’audience pour faire fes ex-
enfes. Dès que le prince apper-çut l’abbé , il
tourna le dos fans le regarder. Ah ! monfeigneur,
s* écria-t-il > jè vois bien qu’on m’a trompé.,
Un Condé n’a jamais fui devant fes ennemis».' , J
L’abbé de Voifenon fut nommé miniôre de :
l’évêque de. Spire , c e r fut à l’ôccâfion de j fon j
entrée dans le corps diplomatique^ que .Du- j
clos lui dit : » Je vous félicite, taon fchér con- ;
frère , vous alle\ donc ; enfin avoir un caraffeix* ■
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Quoique tout entier au monde, il ne manquoit
cependant pas de religion. Il difoit fon bréviaire
exa&ement & marquoit les renvois avec des couplets
de Chantons. C et homme finguiier tomba
malade affez férieùfementpour penferà feconfefler;
il envoya chercher le célèbre père de Neuville. »
Mon père, lui dit-il, en le voyant près de fon
lit , je ne veux point aller en enfer, c efi un largement
trofi incommode. — » Vous avez raifon,
mon cher ahbé î cependant fi vous perfiftiez
à faire vos obéras comiques, cela pourroitbien
vous arriver. Mais ce n’ eft point le tout d’aller
en enfer ; ah ! mon cher ami, vous y ferie*
hué »... .
L ’abbé de Voifenon a confervé fon humeur
gaie jufqu’ au dernier inftant. Peu de temps avant
fa mort, il fe fit approcher fon cercueil de plomb
qu’il avpit déjà fait préparer : Voilà donc, dit*
i l , ma derhière révlingotte » ? & fe tournant
vers un laquais dont il avoit eu quelquefois fujet
de fe plaindre 1 » J’efpère, ajouta-t-il, qu’il ne
tç prendra point envie ,de me voler, celle-là ».
VOITURE, ( Vincent) poète François, né
en.iyp&i mort en 1648.
Voiture fut ce cfu’on appelle un bel efprit dans
un temps où ce mérite étoit affez rare. Balzac,
fon contemporain,, & dont nous avons auffi un
volume, de lettres , avoit adopté un ftyle élevé,
pompeux, emphatique. Voiture en choifît un
qu’il crut plus fin , plus déjjçaf, plus agréable;
mais qui n’étoit pas moins éloigné du langage de
la nature. Il fut fe faire une réputation de fon
vivant auprès des femmes, des jeunes gens &
des lecteurs fuperficiels à qui les bluettes d’une
imagination enjouée Ôt les petites fineffes du bel
efprit peuvent en impofer. Les grands même re-
cherchoient cet auteur à la mode. Voiture acquit
dans leur commerce les agrémens d’un
homme de cour & la vanité ridicule d’une coquette.
C ’eft auffi ce que lui reprochoit en riant
madame de Sablé fon amie. Elle lui difoit qu’il
avoit une vanité de femme j ce qui le carac-
térifoit affez bien.*
Voiture étoit l’oracle de l'hôtel de Rambouif-
lët. l e minjftèré l’employa en différentes occa-
fîons, & on lui procura des penfions de la cour.
Toutes , ces difti notions étoiênt bien'capables de
donner» die la vanité à un homme qui en avoit
déjà beaucoup' par lui-même. Lorfqu’il s’ou-
blroity ce • qui ; lui ârrivoit affez fouvent, & qu’il
vouloit trancher du grand Seigneur, on cher-
choit par des plaifanteries malignes1 à lui rap-
peller fa 'naiffaiice. Madame Defroges jouant au
jeu des proverbes avec lu i, & voulant ;en,-re-
jetter quelqueskubs des fiehs : Cela ne va aérien ,
dit-elle , percez-nous en d’un autre« Il étoit fils
d’un marchand de vin*.
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Voiture ne buvoit que de l’eau. Un officier
à table avec lui , & qui avoit une revanche à
prendre, lui chanta cet impromptu le verre à la
main.
Q u o i ! V o i t u r e , tu d é g é n è r e !
. H o r s d ’i c i , m a g r é b i d e t o i , .
T u n e v a u d r a s jam a is to n p è r e , •
T u n e v en d s d u v i n , n i n ’e n b o i .
Ceux qui vouloient mortifier Voiture, lui épar*
gnoient d’autant moins ces fortes de plaifante-
ries, que l’on n’ignoroit pas qu’ il y étoit très-
fenfible : auffi le maréchal de Baffompierre difoit
: Le vin qui fait revenir le coeur aux autres ,
fait pâmer Voiture•
■ - C e poète n’en étoit pas cependant toujours
quitte pour de pareilles plaifanteries. Un Seigneur
de fa cour s’étant offënfé d’un trait malin
que Voiture lui avoit lancé , voulut lui faire
'mettre l’épée à la main. Mais le* bel efprit1 qui
a ’étoit nullement brave, fe tira d’affaire par une
ariequinade. » La partie n’eft pas égale, dit Voiture
à ce Seigneur; vous êtes grand, je fuis petit.
Vous êtes brave, je fuis poltron. Vous voulez
me tuer, eh bien:, je me tiens pour mort », Il
fit rire fon ennemi , & le défarma.
Il y avoit du temps de Voiture un poète qui
,lui difputoit la gloriole du bel efprit & d’homme
à bonnes fortunes, & qui étoit encore plus propre
que lui pour être à la mode , puifqu’jl avoit
des parens à la cour ; c’étoit- Benferade. Ils
ayoient chacun‘leurs partifans leurs prôneurs,
leurs enthoufiaftes. Point de fociété, point de
fi mince cotterie qui ne s’échauffât ftjr leur mérite.
On fe rappeile qu’en 16 y 1 il, y eut une
fermentation generale à la cour & à la ville au
fujet des deux fonnets de Job &c d’Uranîe, le
premier de Benferade , le fécond de Voiture.
On avoir donné a ceux qui s’ étoient déclarés
pour le fonnet d’Uranie , le nom d’Uranins,
« aux autres celui de Jobelins. On nepargna
rien de. part & d’autre, intrigues, farcafmes ,
critiques pour favorifer Je parti qu’on avoit em-
braffé. Il fembloit, à la chaleur q,ù’ oh mettoit
dans cette ridicule dtfpute, que..c ’étoit c la faction
des Guelphes & des Gibelins. Mais ces
deux fonnets qui firent alors tourner toutes , les
tê te s , font maintenant oubliés. On ne rappelle
Ici que la duchêffe de Longueville favorifoit les
Uranins , que ‘pour citer1 ce bon mot d’une per-
forflie très fpiritudle»
t e d e f ï in d e J o b e ft é t r a n g e
D ’ê t r e to u jo u r s p e r fé c u t é V
T a n t ô t p a r un. d é m o n & t a n tô t p a r u n ar.ge^
V O L 941
V O L T A IR E , ( Marie François Affouet de )
né à Paris le 20 février 1694, mort dans la même
ville le 30 mai 1778. Il a été enterré à Sellieres
abbaye entre Nogent & T ro y e s , où iabbé Mignot
fon neveu l’a fait tranfporter pour éviter le
fcandale que le clergé vouloit faire à Paris pour
fe venger de cet illuftre écrivain.
Voltaire n’apporta qu’un f>ible foufle de vte
en naiffant, & pendant plus de fixmois fa nourrice
annonçoit tous les matins qu’il étoit à l’agonie.
L’abbé de Château-neuf, l’ami de Chau.-
lieu , des princes de Vendôme & de Conti y
.& l’àmant de Ninon, fut le. parain & le précepteur
en queloue forte de Voltaire, qui du,t
la vie» & peut-être fes talens à fes foins & à
fa tendre inquiétude.
Cet abbé lui apprit à trois ans la moïfade >
pcème de J. B. Rouffeau contre la crédulité re-
ligieufe, & lui enfelgna l ’art des vers. .
Voltaire fit fes études au co’lege des Jéfuites,
& fe forma le goût & l’efprit dans les entretiens
des PP. Tournemine & Porée dont il étoit
Je difciple affidu. A douze ans ii compofa pour
un officier invalide une pièce de vers intitulée ,
Etrennes du nouvel an au Dauphin. Le prince
charmé de cet ingénieux placet fit donner vingt
louis à l’officier.
Le P. Porée écoutant fon jeune éleve difeourir
fur. lés querelles des rois difoit, cet enfant fait
déjà pefer dans fes petites, balances les grands intérêts
de t Europe*
Lë père de Voltaire fe propofa de lui acquérir
une charge de confeilier au parlement ^ ou quel-
qu’autre office honorable ; mais la réponfe conf-
tante du fils fut : » je 11e veux point d’une con-
fidération qui s’achete, je faural m’ en faire une
qui ne coûte rien ».
Voltaire compofa à dix*fept ans fa tragédie:
d’OEdipe , ’ & ne put aîôrs la faire jouer. Il
paffa en Hollande en qualité de page du marquis
de Château-neuf, ambaffadeur. Il ne tardas
point à faire en effet un tour de page err voulant
enlever la fille de madame des Noyers. Cë
qui obligea l’ambaffadeur de le renvoyer à- Isatis.
Voltaire avoit un frère aîné qui fe lîvroit aux
controverfes des Janféniftes , comme, lui ,aux
élans de la poéfie. Ce qui.faifoit dire à leur
père . j ai pour fils deux fous , l'un en profe &’
l ’-autre en vers.
* Cependant Voltaire de retour à Paris, n’eut
d’aurre partira prendre pour appaifer-fon .père
irrité que de paroitre fe prêter à fes intentions t
& pour s’ initier dans les rayftères de la chicane,,
il fe mit en penfion chez le proqureur Ajlain,»
rue Percée près la place Maubert- C e fur lài
qu’il Ce ha d’une amitié confiante avec T&iriat