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d'état, des généraux d’armées, qui, fuivant les cir-
conftances ou ils fefont trouvés, ont plus ou moins
bouleverfé le monde. Je ne blâme point ce travail
des auteurs, puifque nous avons la liberté
de trouver leurs héros grands ou petits, & di
g nés ou indignes de notre eftime, à proportion
de la nobleffe de leurs vertus, ou de l’énormité
de leurs, vices j mais je fouhaiterois ardemment
qu’ils nous offrifient quelquefois les fages
maximes, les beaux fentimtns, & la conduité
défiatérefiTée d'un philofophe , au milieu d'une
.fortune très-modique. Je voudrois qu'ils milfent
fous nos yeux les mémoires d'un homme qui a
vécu dans l'obfcurité ; mais d'une manière digne
de laraifon, & conforme aux règles de la vertu.
Penfe t-on que ces pérfonnages honnêtes ne pou-
roient pas figurer à côté des fameux tyrans de l'univers
? L'extrait fuivant donnera quelque poids à
ce que j'avance 5 & après l'avoir lu , peut-être
fe formera - 1 - on une idée plus avantageufe de
ce bon campagnard, à caufe de fes a étions faites
en fecret & (ans témoin , que de ceux qui fe
font attirés l'admiration de la multitude.
Mémoire.
« A l’âge de vingt-deux ans , je fentîs une
violente paffion pour la femme de mon coufin
Ch-iries| & peut-être que j'au.roïs_eu le malheur,
de réuflir, fi à caufe de cela même, je. n'ayois
entrepris, d’aller voir les pays étrangers ». . '
« Peu de temps après mon retour en Angleterre
, j'eus une entrevue avec mon oncle Fran
çoi.s , . . . qui vouloit me donner tout fon bien 5
mais je le refufai, & j'obtins de lui qu'il ne
déshériteroit pas fon fils Edouard. »
« N. B. Il faut fe fouvenir de ne dire jamais
cette particularité à mon coufin Edouard,
de peur qu’il n'eût mauvaife opinion de feu fon
père, quoiqu'il parle toujours mal de moi à cette
occafîon ».
Afin de prévenir un procès fcandaleux entre
mon neveu Henri.. . & fa mère, j’alloue à celle-
ci fous main , 8c de mon propre argent, la
tomme annuelle qui caufoit leur difpute ».
« J’ai procuré un bénéfice à un jeune homme ,
parce qu'il étoit neveu de mon honnête précepteur
, qui eft mort depuis vingt années.
?» Donné dix livres fterling à la pauvre ma-
demoifelle . . . veiive de mon ami . . .
« N. B. Il faut fe refîbuvenir de retrancher
un plat de ma table, jufqu'à ce que j'aie recouvré
cette fomme.
«c N. B. Je ne dois pas oublier non plus de
réparer ma maifon & de finir mes jardins, pour
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employer les pauvres payfans à ce travail aptès
la. récolte.
« Ordonné à Jean de relâcher de nuit les
brebis du bon-homme D * * * , qui avoient été
enfermées pour avoir éré prifes en défaut, &
de n'en rien dire à mes" autres valets.
“ Obtenu de monfieur l’écuyer M. T . qu'il
ne pourfuivra pas en juftice le fils du fermier
qui avoir tiré une perdrix, & qu'il lui rendra
ton fufil.
. « Payé l'ap othicaire pour avoir guéri une
vieille femme qui fe croyoit forcière.
“ Remis à la difcrétion d'un mendiant mon
chien favori qui l'avoit mordu.
j Amené le miniftre de la paroifle, & un juge
; de paix Wig gh , à la même opinion , après les
avoir engagés tous deux à s'expliquer leurs
I idées.
•c N. B. Il faut.chafTer Pierre de ma maifon,
pour avoir tué un Da:m d'un coup de piftolet,
pendant qu'il mangeoit des glands fur fa main.
e* Lorfque mon voifin Jean, qui me fait tou-
vent tort,.viendra demain pour me préfenter fa
requête, je dois me fouvenir que je lui ai pardonné.
Quitté mon carrofle & vendu mes chevaux,
pour être en état de fecourir les pauvres dans
une difecte de grain ».
« Rabattu, cette même année, â mes fermiers,
un cinquième de la rente qu’ils me doivent ».
« Lorfque je me promenois aujourd'hui, il m’eft
venu une peofée dans l'efprit qui m'a rempli le
coeur de joie , & je me flatte qu'elle aura une
heureufe influence fur moi le refte de mes jours ».
ce N. B. II faut ordonner à mon fils, en particulier
, de ne m’ériger aucun monument : mais
je n'en dois rien dire dans mon teflament».
PIBRAC ( Gui Dufaur feigneur de ) magife.
trat & écrivain du feizième lïècle, né à Tou-
lpufe l’an i p p , mort à Paris en 1584.
Charles IX choifit Pibrac pour un de fes am-
baflfadeurs au concile c|e Trente. Il foutint avec
tant de zyle les intérêts de la couronne de France
& les libertés de l'églife gallicane, que Catherine
de Médicis , régente du royaume, rétolut de l'élever
à la dignité de chancelier. Mais un ennemi
figeret & jaloux qu'il avoir à la cour, dans le def-
fein de détourner la reine de ton choix, lui dit
qu'elle auroit un jour fujet de fe répen.ir de l’élévation
de ce magiftrat, qui étoit dans des principes
oppofés au gouvernement qu’elle avoit établi
en France avec tant de foin & de peine.
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Médicis fartant difficulté de croire ce qu’on lui'
difoit, on lui fit lire le cinquante-quatrième quatrain
:
hais ces mots de puiflânee abfolue,
De plein pouvoir, .de propre mouvement :
Aux faints décrets ils ont premièrement,
Fuis à nos loix la puiflânee fblue.
La reine ayant fait réflexion fur ces vers, il ne
filt plus parlé de Pibrac.
Henri I I I , frère de Charles IX & alors duc
d’Anjou , venoit d'être appelle au trône de Pologne.
Pibrac accompagna ce prince, & répondit
pour lui aux' harangues de fes fujets.
Mais le nouveau roi, inftruit de la mort de fon
frère Charles IX , quitta fccrètement la Pologne,
& lailfa à Cracovie Pibrac, expofé à la colère
des polonois, qui furent fur le point de fe venger
de la fuite du roi fur la perfonne de ton mi-
mftre.
Il retourna-heureufement en France, d’où il repartit
chargé de négociations pour la Pologne,
ou il conclut une paix avantageufe.
Henri III lui donna, pour prix de fes fervices,
une charge de préfident à mortier.
La reine de Navarre & le duc d’Alençon le choi-
firent pour leur chancelier.
Pibrac ne croyoit pas beaucoup aux prétendus
fages de fon temps, puifqu’il avoit coutume de
dire que tout le bon fens étoit dans les proverbes.
Lorfque le grand prince de Condé fe retira chez
les efpagnols, il amena avec lui le petit-fils de P ibrac.
C e prince lui demanda un jour quelque qua*
train de fon g*and-père $ il répondit d’abord qu’il
n'en favoit point. Prefle par de nouveaux ordres,
il avoua qu'il en pourroit dire un 5 mais qu’il crai-
gnoit qu'il ne déplut.
Le prince voulant abfoîument être o b é i, Pibrac
lui dit des vers qu'il venoit de compofer fur le
champ , & qui lui apprirent qu’il eft plus avantageux
d’obéir au maître qu'on trouve en place,
que de troubler le repos de fa patrie, fous prétexte
d’en chercher un meilleur. Anecdotes littéraires.
PIERRE A LE X ÎOW IT Z , furnomméle grand,
czar de Mofcovie. Il naquit le 1 1 juin 1673 »
monta fur le trône de Ruflle à l'âge de 10 ans ,
& mourut à Saint-Pétersbourg le 28 janvier 1725,
dans la cinquante-troifième année de fon âge.
il
L empereur Pierre I étoit d’une taille haute,
avoit une marche fière , l’air noble, v i f , fpirituel,
le regard rude, 8c un certain tic défa-
gi-éable qui altéroit ibuvent les traits de fon vi-
fnge. Il parloit avec feu , s'exprimoit avec facilité,
& touvent il haranguoit (es troupes, ton confeil,
le clergé. Souverain & orateur, ces deux qualités
lui donnoient un afeendant auquel il étoit difficile
de réfirter. Simple dans fes moeurs» 8c dans fa
cour, il méprifoit l'éclat <k lè faite. C ’étoit le
prince Menzikof, ton favori , qu'il chargeoit de
le reprélenter par une magnificence extraordinaire.
Jamais il n'y eut d’homme plus aétif, plus laborieux
, plus entreprenant, plus infatigable. Il
comptoit, non fès jours, mais fes momens, &
il n’avoit à regretter la perte d’aucun. La peine
& le danger ne l'effrayoient point.
Les moyens les plus extraordinaires, les plus
prompts & les plus efficaces étoient toujours ceux
qu’il préféroitpour faire réuflir fes projets. Ainfi ,
pour introduire la difeipline dans fes troupes ,
(bit fur terre, toit fur mer, il commença par
exercer lui-même les plus bas emplois.
Lorfqu'il établit des gens pour porter du fecours
dans les incendies que Ton fait être fort fréquens
en Mof covie, il prit le premier une de ces com-
miffions périlleufes } & dans plus d'une occafîon,
on le v it, non fans effroi, monter avec la hache
au haut des maifons embrâfées.qui s’écrouloient.
Sa préfence fembloit-elle néceflâire ou de quel*
qu’utilité dans une partie de fon empire, aufii-
tôt il partoit fans délai , fans fuite, & voloit avec
une rapidité inconcevable dé l'extrémité de l’Lu-
rope au coeur de l’Afie.
Son voyage le plus fréquent étoit de franchir
l'intervalle de Péterfbourg à Mofcou, qui eft
de deux cents lieues communes de France,
comme un autre prince paflfe de ton palais à une
maifon de plaifance,.
Ses peuples le croyoient toujours -prêt d'arriver
parmi eux. Son activité le multiploit en quelque
forte, 8c le rendoit préfent dans toute la vafte
étendue de fes états.
C e prince avoit par un accident qui lui étoit
arrivé dans fa jeuneflfe, une antipathie extrême
pour l ’eau ; il fut combattre cette frayeur , & s’en
dépouiller au point qu'il fit fes plus grands plaifiis
de la marine.
Pierre Alexiowitz ne triompha pas aufli heureufement
des vices de fon naturel & de fon éducation.
Ce prince étoit extrême dans fa haine, dans
fa vengeance, dans fes plaifirs. 11 prit avec les
jeunes débauchés , que la pnneefle Sophie avoit
mis autour de lui, un goût immodéré pour le
vin & les liqueurs fortes.
Cet excès de la boilïon ruina fon tempérar