
des calviniftes , près de l'ifle de Rhé, & reprit
cette iile dont ils s’étoient emparés. Le vainqueur
demanda le gouvernement de fa conquête , comme
la récompenfe de l'important fervîce qu’il’venoit
de rendre. Le roi en envoya les provisions à M.
de Toiras. Bien loin de témoigner quelque ref-
fentiment contre un rival plus heureux 3 Mont-
morenci lui abandonna pour plus de cent mille
écus de munitions qui lui appartenoient légitimement
comme amiral. On voulut faire apper-
cevoir au duc que c’étoit un trop grand facrifice :
Je ne fuis point venu ici pour gagner du bien , ré-
pondit'ii avec fierté 3 mais pour acquérir de la.
gloire.
Lorfqu’en 1626 on parloît du liège de la Rochelle
, 1e boulevard du calvinifme, Montmorençi 3
fatigué des longueurs qu’on apportoit à cette expédition
3 fut trouver le chancelier d’Aligte. Il
lui déclara que fi le roi vouloit lui donner le commandement
d'une armée de terre 3 conjointement
avec celui de la flotte, il s’engageoit à prendre la
Rochelle en peu de temps : « Qu’on ne me parle
pas, ajouta ce héros , de l’épuifement des finances
j j'offre de faite toutes les avances de l’entre-
prife} fi elle échoue, je ferai puni par la perte
de mon bien & de ma réputation ; fi la fortune
couronne mon zèle, l’honneur'd’avoir fer\ÿ l’état
me tiendra lieu de toute récompenfe ,
Le chancelier , les miniftres, toute L cour admirèrent
un langage fi magnanime j mais le cardinal
de Riche’ieu fe réfervoit à lui-même la gloire
de conquérir la Rochelle.
Le duc de'Montmorençi attaqua, en 163©, les
efpagnols près de Veillane dans le Piémont, &
quoiqu’ avec des forces très-inférieures,.les battit
complettement. Il fit dans cette occafion des prodiges
de valeur. Les foldats le voyant revenir couvert
de fueur , de pouffière & de fang 3 dirent
que leur général n’avoit jamais eu fi bonne mine,
& que l’or dont fes armes étorent enrichies avant
qu’il entrât en adfion , avoit beaucoup moins d’é clat
que'les marques imprimées par le fer & par
le plomb. Le comte de Cramait, l’un de.fes maréchaux
de camp , lui demanda fi:, parmi les ha-
fards du combat, il avoir bienenvifagé la mor»:
« J'ai appris, lui répondit Montmorençi 3 dans
l ’hiftoire de mes ancêtres, & fur-tout dans celle
d’Anne de Montmorençi , que la vie la plus brillante
eft celle qui finit dans le fein de la vi&oire».
Dom Martin d’Arragon, un de fes prifonniers,
& qui avoit été lileffé dans l’aéfa’on , reçut du
vainqueur tous, les fecours imaginables. C e fei-
gneur , furpris dé tant de magnanimité, ne crut
mieux lui témoigner fes fentime.ns qü’en lui di-
fant : « Monfieur , il ne vous manque que d'être
espagnol pour étre'lé premier homme de runivers».
Montmorençi lui répondit en fouriant, qu’il aYoit ;
toujours beaucoup eftimé fa nation..
Gafton, duc d’Orléans, frère de Louis X I I I ,
ayant en 1632 excité des troubles en France, le
duc de Montmorençi eut la foiblefle d’embraffer
: les inte'rêts d’un prince fi léger. Il le reçut dans
fon gouvernement de Languedoc, qqi devint le
théâtre de la guerre. Les armées fe rapprochèrent
dans le voifinage de Calteinaudary. Le duc, prêt à
livrer combat , s’appercevant de la contenance
mal a0urée du chef de fon parti, chercha à le raf-
furcr par les repréfentations les plus fortes : « Allons,
monfieur, lui dit-il, voici le jour où vous
ferez victorieux de vos ennemis ; mais, ajouta-t-
‘_il en montrant fon épée , il faut la rougir jufqu’à
i la garde »- Ce difeours ne faifant point l’impref-
fion qu’ if defiroit , cet homme généreux, autant
entraîné par fon chagrin que par fa valeur, fe
précipita dans les bataillons royaliftes. Accablé
par le nombre , il fut Obligé de céder, & on le
retint prifonnier. Son procès fut inftruit. Les juge^
interrogèrent un officier nommé Guitaut ,
.pour favoir s’il avoit reconnu le duc dans le combat.
pj Le feu & la fumée dont il étoit couvert ,
. répondit cet officier, m’empêchèrent d’abord de
le reconnoître ; mais voyant un homme qui, après
avoir rompu fix de nos rangs, tuoit encore des
foldats au feptième, je jugeai que ce ne pouvoit
être que M. de Montmorençi. Je l’ai fu certainement
lorfque je le vis renverfé à terre fous fon cheval
mort ». Hiftoire du Languedoc.
Toute la France . & les puiflances étrangères
s’intérelfèrent inutilement à Montmorençi. Richelieu
avoit perfuadé au roi de faire un exemple
qui épouvantât les grands. On rifquoit d'encourir
la difgrace du miniftre, fi on follicitoit la
grâce du coupable. Hai-du-Châtelet, maître des
requêtes, quoique livré au cardinal, laiffa néanmoins
appercevoir fur fon vifage & dans fon maintien
tant de trifteffe & d’accablement, que le roi
lui dit : « Je penfe que vous voudriez avoir perdu
un bras, & fauver M. de Montmorençi *» : .e< Je
-voudrais les avoir perdu tous les deux, lire ,
. s’écria-t-il en pleurant, & vous en avoir fauve
un qui vous a gagné & qui vous gagneroit eni
core des batailles ». -
Plufieurs amis du duc, efpérant t.out du temps,
lui avoient fait palfer un mémoire pour lui fug-
gérer des moyens d’allonger l’inftruétion de fon
procès. Le duc, après avoir lu le mémoire, &
reconnu avec plaifîr la main qui l’avoit écrit, le
déchira en difant : « Mon parti eft pris , je ne fais
pas chicaner ma^vie.^
La ducheffey.à qui fon époux n’avoit rien tant
recommandé que de pardonner aux auteurs de fa
mbrt, ne chercha d’afyle & de confolation qu'aux
pieds de fon crucifix : « O mon dieu, difoit elle
en verfant des torrens de larmes, je n’aimois
que lui dans le monde , & vous me l’avez enlevé »
afin que je n’aime que vous ». Comme on lui con*
feilloit de fauver fes d tama ris & fes meubles les
plus précieux| « Non , non, difoit-elle', je ne
veux pour tout bien que la douleur ët la patience,
je ne crains point qu’on m’enlève l’une & l’autre».
Après la mort de Louis X I IL , la ducheffe fit
conftruire une églife pour les religieufes de la
Vifitation de Moulins, où elle fit élever à Ion
époux un des plus beaux maufolées qu'il y eût
alors en Europe.
M O NTMOR. Le paràfite Montmor devoît
dîner dans une mai fon 5 on convint que tout le
monde lui romprait en vifîère, quelque fujet qu’il
traitât. Un avocat célèbre, fils d’un huiflier'au-
diencier, étant à la tête du parti 3 dès que Montmor
pzmt \a\ cria : guerre3 guerre! Montmor lui
répondit : « Monfieur, vous dégénérez bien ; votre
père s’enrouoit à c rier, p a ix , paix » !
MONTRE. En 1779 , un jeune homme, détenu
dans les priions de Brmn en Moravie., ét<>it
fur le point à'être con damné à-mort, lorsqu'il fit
parvenir à un de fes bienfaiteurs une montre d
paille de fon invention. Cetce montre fii gulière
alloit pendant deux heurts, fans qu’on fut oblige
delà mo’ter. Un ouvrage fi extraordinaire attira
au prifonnier la vifire de quelques feigneurs eu
rieux de favoir comment il écôit parvenu à en ve- .
nlr à bout dans l’obfcurité d’ un cachot, privé
d’i :ftru nent de toute efpèce. L ’artifte ingénieux
leur dit : «.la paille où je me couche m’a fourni'
les matériaux ; j’ ai tiré de ma chemifé le fil né- 1
ceflaire-, & je l'ai mis en oeuvre au moyen d'une
aiguille & d’un petit inft.ument tranchant, dont
mon adreffe a dérobé la connoiffante au geôlier.
Je donnerai des preuves d une habileté encore
plus furprenante fi l’on veut me prolonger là vie ».
Un auteur devant faire répéter une de fes pièces,
fe rendit au théâtre à l’heure qu’on luisavoit
indiquée. Les aéteürs s’y trouvèrent, mais les actrices
vinrent toqtes plus d’une heure en retard.
Comme l’auteur s’en pl'aignoit, elles tirèrent leurs
montres & fôutinrent quelles étoient venues afte’z
tôt. « Tout ce que je puis vous dire , mefdamês,
dit le jeune homme , ç’eft que vous avez de bien
tnauvaifes montres à répétition ».
MONUMENS. Nembrod, fi’s'de C h u s , &
petit-fils de Cham, troifième fils de N o é , homme
entreprenant & hardi, fut celui qui propofa à fes
compatriotes de bâtir fine tour, de telle hauteur,
que Les eaux ne puffent parvenir jufqu’au fom-
met, afin de les mettre à couvert d’un nouveau
déluge , ne fe confiant pas fur la promeffe .que
dieu avoit faite à Noé de ne plus faire périr les
hommes par ce fléau. Le peuple féduit par Nembrod,
fe laiffa aifém?nt .engager dans cettè en-
tfeprife } il commença avec une ardeur incroyable.
D ’abord on travailla pendant trois ans a faire
& à faire cuire des briques dont la longueur étoic
de treize coudées, la largeur de dix, & i’ épaifleur
de cinq. On,bâtît la ville de JBabilone entre |Tyr
& Babel. Elle avoit trois cens treize toi fes de
long, & cent cinquante-une de large. Ses murs
étoient hauts de cinq mille cinq cents trente-trois
toifes, & larges de trente troi . La tour avoit
dix mille toifes de haut, .& ils y travai le ont pen*
dant quarante ans j mais ils ne purent l'achever :
dieu les difperfa en confondant leur langage. Nembrod
fu: écrafé fous les ruines de la tour qui s ouvrit
par* un coup de vent.
Quant à Babilone, elle étoit fituée dans une
grande plaine fertile ; fes murailles , bâties de
briques cimentées, avoient du temps de Sémi-
ramis, quatre-viugt-fi.pt pieds d’épuifLur , trois
cents cinquante de hauteur, & foixantc miile de
cheuit. Elles formoient un quar é parfait, & elles
éroient entourées d’un fi fle très-pcofond, rempli
d’eau, & revêtu de briques. '
Chaque côté de ce grand quarré avoit vingt-
cinq portes d'airain : t D’où vient que, lorfque
Dieu pro,mit à Cyrus la co iquête de Babilone,
il lu) dit (Ifaïe, v. Ivj , 2) « : Je romprai les portes
d'airain » j ;., - *•.,
Ii y avoit trois tours entre deux portes, une tour
à chaquejangle du quarré, & trois Autres tours entre
eé’ les-là & la porte fuivante. Ces tours paroif-
f dent élevées de dix pieds au-deffus des murailles,
ü.e chacune des vingt-cinq portes de chaque côté
du quarré, on voyob une rue qui aboutifioit à la
porte du côté oppofé > dé forte qu’il y avoit en
tout cinquante rues, qui fe coupoient à an lies
droits, & dontchacurfe avoit quinze mille de longueur
, & cent cinquante pieds de large. Quatre
autres rues le longides murailles , étoient plus
larges de cinquàliÉt pieds. Comme ces rues fe
croifoient, elles formoient fix cents foixame feize
quarrés , dont chacun avoit plus de deux mille
de circuit. Les maifens qui euviroiinoient chaque
quarré avoient trois ou quatre étages , & étoient
fort embellies au dehors. L'efpace intérieur étoit
occupé par des jardins & des vergers.
Une branche de l’Euphrate traverfoit -cette
grande ville du nord au midi, & on paffoit ce
fleuve au milieu de Ja ville , fur un pont de trente
pieds de large.
Le palais de l’ efcurial eft peut-être la plus
fomptueufe, la plus vafte & la plus magnifique
dés maifous royales de l’univers. Philippe I I , dont,
tous les fentiméris avoient une teinte de fuperfl
tition, fit voeu que s’il gagnoit contre l’armée
françoife la bataille, donnée, en 1557, près,de
Saint-Quentin , le jour de faint Laurent, il bâ-
tiroit en l'honneur de ce martyr, une églife,
un palais, & un monaftère, plus beaux que tout