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fa foi. Sa négociation fut influétueufe, il revînt
dans les fers. Le roi fut li frappé de cette fidélité*;
S: conçut une fi haute opinion d’un peuple qui
produifoit des hommes capables de cet a die de
vertu y qu’il renvoya tous les prifonnieis fans
rançon.
La ville de Manolque, dans le treizième fiècle,
a été témoin d un trait de vertu qui mérite d’être
rapporté. François I étant allé dans cette ville,
logea chez un particulier dont la fille lui avoit pré-
fence les clefs de la ville. C ’étuit une perfonne
d une rare beauté , & d’une vertu plus rare en- !
■ core. S'étant apperçue qu’ elle avoit fait fur l’ef-
pric du roi une imprtfïion que ce monarque n’avoir
pu cacher, elle alla mettre un linge foufré
dans un réchaud, & en reçut la fumée au vifage
pour le défigurer 3 ce qui lui réuffit, au point
quelle devint méconnoiifable. François I fut d’autant
plus frappé de ce trait de vertu, qu’ici la
vanité de fubjuguer un roi, étoit un piège dangereux
dans un -âge où l’envie de plaire ell déjà fi
forte & fi nature le. Le monarque voulant lui
donner une marque de fou ellime, lui àlïura une
Comme etniidérabie pour fa dot.
« Je préfère, difoit un phdofophe, ma famille
à moi, raa patrie à ma famille, & le genre humain
a ma patrie ». C ’ell la devife de l’homfne
vertueux.
V E SPA SIEN , (Titus Flavius) empereur J
romain, né l’an 9 de Jéfus-Chrill, mort Tan 70.
Vitdlius étoit encore furie trône, que Vefpafien
fut falué empereur par les armées d’Orient.
Il s’étoit tranfportéen Egypte, pour y régler des
mouvemens en fa faveur, lorfqu’il apprit à Alexandrie
la mort de fon rival. Le nouvel empereur
ns fe fit pas d’abord aimer dt£ habitans de cette
vilijîk Les alexandrins, amis du fuite & de la dé-
penie, ne trouvoient dans Vefpafien qu’un* homme
Ample, frugal* & qui les fatiguoit encore par
des irapofitions nouvelles : mais ce prince fut
bientôt gagner leur affeétion par une petite fçène
qui mérite d’être rapportée. Deux hommes du
peuple, l'un aveugle, l’autre perclus d’une main,
fs jettèrent à fes genoux, & le fupplièrent de les
guérir. I-s étoient avertis, difent-ils, par .leur
dieu Sérapis, que Je m uvel .empereur avoit ce
pouvoir, s’il vouloit appliquer fa falive fur les
yeux de l’ aveugle, '& prefifer de fon pied la main
de celui qui étoit eftrôpié. Vefpafien, ennetni de
tous ces petits moyens de furprendre l’admiration
du peuple, rei- tta d’abord leur demander Ces
malheureux inliftèrert. Les courtifans qui croient
ou qui feignent de croire que rien n’eft impoflibîe
à leur prince, appuyèrent les prières des deux
malades. Vefpafien parut ébranlé par leurs inf-
tances ; mais après un moment de réflexion, il
ordonna à plufieurs médecins d’examiner fi l’a-
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| Yeugle & le paralytique qui fe préfentoîènt poq-
! voient être g tiens par vies fecours humains. Les
j médecins, après leur examen, répondirent en
! général, que dans celui q'ui fe plaignoit de ne
| point voir, les organes de la vifion n’étoient pas
détruits, 8c que la main de l’autre avoit fouffert
une elpèce de luxation qu’une preflion forte pou-
voit corriger j Se prenant aufli-tôt Je langage de
courtifan : « La vc.lonté des dieux eft peut-être
que le prince fo-t manitellement reconnu le min.f-
tre de leurs bienfaits envers les hommes ». lis
firent d aîi.eurs obier ver à l’empereur que le ridicule
de cette guérifon manquée ne pouvoir tomber
que fut ces mi (érables 5 mais que fi au contraire
elle réuflifloit, fon fuccès1 tourneroit à la
gloire du prince. Vcfpafien, pcrfuadé par ce dif-
coujs, corrfentit enfin à faire des miracles. Il
ordonna qu on lui amenât les malades , & fe fiant
a fa bonne fortune, il fit, d’un air affiné 8c. en
prefence d’une multitude attentive, les opérations
qui lui avoient été demandées 5 aufli tôt
1 aveugle voit, & la main^eltropiée reprend fes
fondions. Suétone, Dion, 1 aorte rapportent ces
faits , 8c ce dernier h ftorien, pour confirmer la
! véricé de fon ré c it, ajoute que du temps qu’il
écrivoit, c’ efl-à-d’ire, fous le règne de Trajan,
ceux.qui avoient été témoins de ces guérilons fu-
bites, perfiftoient à les arrêter, quoiqu’ils n’euf-
fent plus d’intérêt à en impofer.
Le roi des parthvS lui ayant écrit avec cette
i. fcription : Arfüce, roi des rois , a Vefpafien; au
lieu de réprimer cet orgueil, ii fe contenta de le
méprifer , & répondit iimplcment : Flave Vefpafien
à Arface, roi des rois. .
C e prince, vivo't familiéremenp avec les férca-
teurs, les invrtoit à fa table, & alloit manger
chez eux. Il permettoit à fes amis de le railler ,
& lorfqu’on affichoit des plaifanteiies fur lu i, il
en faifoit afficher aufli pour y répondre.
Vefpafien nYtant encore que fîmple particulier
, & vivant fort à l’étroit, avoit marqué beaucoup
d’avidité pour l’argent. C ’efi ce qui lui fut
reproché par un vieil efJav e, qui, le voyant devenu
empereuF^rfui demanda, avec' tes prières
les plus vives & les plus prêtantes, d'être mis
gratuitement en liberté. Comme Vefpafien le re-
(ufoit, & exige oit de l’argent : « J e le vois bien ,
dit l’efclave, le renard change de p oil, mais non
de caractère ».
Les députés d’une ville ou d’une province étant
venus lui annoncer que par délibération publique
on avoit defliné un million de fefterces (cent vingt-
cinq mille livres ) à lui ériger une ftatue coloflale :
« Placcz-îa ici fans perdre de temps, leur dit-il,
en préfentant fa main-formée en creux [ voici la
ba(e toute prête ».
L ’hilloire de fon règne fait mention de plufieurs
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autres traits pareils. Un de fes officiers le folit-
cicoit de donner une intendance à quelqu’ un qu’il
difoit être fon frère 3 le prince fe douta qu’il y
avoir un marché. IJ manda fecrétement le candidat
lui-même, qui avoua.au prince qu’il avoit promis
une ceiraine f . mine à celui qui l’ aidait de fa
faveur : le prince fe fit payer cette fomme, 8c
accorda fur le champ l’emploi fouhaité. Cependant
le folliciteur, qui ne favoit rien de ce qui s’étoit
paffé, étant revenu à la charge j è te con-
fcille, lui dit Vefpafien, de te pounoir d’un autre
frère; car celui que tu croyoïs ton frère, eûle
mien». r. •
Dans un voyage qu’ il faifoit en litière, il remarqua
que fon muletier s'étant arreté fous le
prétexte de ferrer fes mules, un'particulier qui
follicitoit une affaire, avoit profité de l’occafi m
pour préfenter fa requête. Combien as-tu gagné a
ferrer; la mule ? dit Vefpafien au muletier : 8c il
l’ob ig-ea de lui donner la moitié de la fomme. C ’cil
à cette anecdote rapportée par Suét me, que l'on
a fait remonter l’origine de notre expreffion pro-
.verbiale, ferrer la mule. H
Vefpafien avoit mis un impôt fur les urines. Tire,
fon fils, qui. avoit des fenrimens plus élevés , témoigna
qu’il défapprouvoit une exaction fi forci;
de. Lorfque Vefpafien eut reçu le premier-argent
de cet impôt, il le portaau nez de fon fils, & lui
ayant demandé s il fentoit mauvais : « Eh bien,
ajouta t-il , "yous favez pourtant de quelle oiigine
vient cet argent ».
Vefpafien achetoit fouvent des marchmdifés
potff les revendre plus cher. Mais il fit enferre
qu’une partie de fes excoriions fût attribuée à Çé-
nis une de fés concubines. Cette femme, qui avoit
un efprit d’ intérêt fi ordinaire aux pe-rfonnes de
fon état, vendoit les charges & ies commiffions à
ceux qui les follicitoient, les abfolutions aux ac-
cüfés, ihnocens ou coupables, & les réponfes
naêmes de l’empereur.
On imputoit encore à Vefp'afien d’employer à
deffein dans les finances lès hommes les plus avides,
pour les condamner lorfqu’ ils fe feroient enrichis.
C e prince,ne regardoit les financiers eue
comme des éponges qu’il, pouvoit prefler après lc,s
avoir Jaiilé fe remplir.
Vefpafien f dès le-commencement de fon règne,
s’étoit appliqué à rétablit l’ordre parmi les gens
de guerre, dont les exçès & lès infolences défo-
Joient les villes & les provinces..Il avoir eu foin
fur-tout de remédier à la molléffe, l’écueil de la
difcipline militaire. Un jeune officier qu’ il avoir
nommé récemment à un grade militaire, étant
venu l’en remercier, tout parfumé , il lui dit d’un
ton févère : J ‘aimerois mieux que vous fcntijfie£
l'ail : & il révoqua les provisions de la tharge;
qu’il lui avoit donnée, ; r
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Vefpafien, naturellement porté à la clémence,
ne connut point ces défiances ombrageufes qui
amènent i’injuflice & la cruauté. Ses amis l'exhortant
un jour à éloigner de fa perfonne Méfius
Pompofiapus, parpe que le bruit couroit que font
horofeope lui promettoit l’empire, il le fie con-
-ful, & ajouta en riant : « S’il devient jamais empereur,
il fe fouviendra que je lui ai fait du bien.
Je plains, difoit-il quelquefois, ceux qui conf-
p'irent contre moi, 8c qui voudroient occupet^na
place 3 ce font des fous qui afpirent à porter un
fardeau très pefant ».
Un Démétrius affeéloit de blâmer hautement
la conduite de Vefpafien; H pouffât même l’m-
folence jufqu’à fe préfenter devant ce prince fans
lui rendre aucun des honneurs dûs à fon rang.
L ’empereur fe contenta de lui dire-: « T u fais
tout ce qui efl en toi pour que je t’ôte la vie ;
mais je ne tue point un chien qui abo e ». Vejpafien
fe contenta de faire enfermer ce cynique dans
une ifle.
On pourroit peut-être r.-procher à Vefpafien la
mort du fénateur Helvidius Prifcus, & celle du
gaulois Sabinus, & d'Epponine fa femme. Helvidius
étoit un homme d’une exacte probité, mais
dur, févère, & q ui, fans égard pour le rang de
Vefpafien, lui réfilta fouvent dans le fénat avec
la plus grande audace. L’empereur à la fin fatigué
de fes excès, & qui pouvoit craindre qu’Helvi-
dius ne tentât de fe former un parti, le livra à la
juftice du fénat. Il fut envoyé en exil, & peu de
;! temps, après l’empereur donna ordre qu’on le f it
; mourir- Une réponfe d’Helvidius pourra faire
connoître le caractère de ce fier romain. Vefpafien
3 dans un înftant d'emportement, le men/çoif
de la mort. « Vous ai-je dit, lui répondit Hervi-
dius » .que je fulfe immortel? Vous ferez votre
‘métier de tyran en me donnant la mort 5 moi celui
de citoyen en la recevant fans trembler ».
Le fort du gaulois Sàbinus & d’Epponine fa
(femme , a plus de droit d'iutéreflèr les âmes fen-
iiib.ies par, les circonitances que rapporte l’hif-
: toire.
O n les amena prifonniers à Rome, & ils parurent
devant l’empereur. Epponme parla à Vefpafien
wzc courage 5 elle tâcha de l’attendrir, 8c,
lui préfentant fes enhms : « Céfar, lui dit-elle,
j’ ai mis au monde ces trilles fruits de notre dif-
: g râce, & je les ai allaités dans l ’horreur des
ténèbres , afin de pouvoir vous offrir un plus
grand nombre de fuppiiants ». Vefpafien vetfa des
larmes 5 mais la politique romaine, cruel e à l’é-
' gard de tous les etrangers qui avoient favorite
les rebelles à l’empire, combattit fa clémente.
Il envoya Sabinus & Epponine au fupplice, èc
1 ne fit grâce qu’ à leurs enfans. Cette gënéreulè
: gâuloife reprenant alors tout fon courage, & in-
fultaoc par fes reproches un prince qu'elle a’avoic
B bla jb b b a