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cu r , à exprimé affez heureufement dans ces deux
vers
Le matin catholique , & le foir idolâtre *
Il dîna de l’au tel, & foupa du théâtre.
Des occupations fi peu afforties à Ton cara&ère
de prêtre, le'firent interdire par le cardinal de_
Noailles, & cet interdit ne fut jamais levé.
L'abbé Pcllegrin avoit fait un opéra intitulé
Loth , dont voici le premier vers. L ’amour a
•vaincu Loth. Comme ce poète étoit très-pauvre
& manquoit de culottes* quelqu’un lui dit : « vous
devriez bien en emprunter une à l’amour.
L'abbé Pellegrin fe promenant au Luxembourg
avec un de fes amis, vit devant lui une feuille de
papier qui contenoit un modèle d'écriture, fur
lequel il n’y avoit fque des P. L'ami ramaffe
cette feuille & dit à l'abbé. Devinez ce que veulent
dirent toutes ces lettres ? C ’eft , répondit
l’abbé , la leçon qu’un maître à écrire a donné à
fon élève , & que le vent a fait tomber à nos
pieds. Vous vous trompez dit fon ami: voici le
fens de cette longue abréviation. Tous ces P lignifient
: Pélopée pièce pitoyable, par Pellegrin ,
poète y pauvre prêtre provençal.
PENITENCE . Un jeune homme qui alloit
époufer fa maitrelfe, tenant en main fon billet de
confeffion, crut qu'il feroit phifant de retourner
fur fes pas & de dire au confelfeur : « Je ne fais ,
monfieur, fi je fuis bien confeffé , vous avez oublié
de me donner une pénitence ». Le confelfeur,
homme d'efprit, répondit à cet étourdi : « ne
m'avez-vous pas d it, monfieur, que vous alliez
vous marier» ?
PENSEES. L'homme qui n’ eft pas sûr de ce
qu'il penfe, ne doit prendre avis de perfonne.
S ’il n'eft pas alfez inftruit pour éclairer le monde ,
il ne doit pas écrire. Celui au contraire qui fe fent
alfez de force pour en être la lumière , émoulfera
la vigueur de fes penfées, en les foumettant au
choc des opinions. C ’eft ce qui me fait croire
que les donneurs d’avis font nuifibles, ou du moins
inutiles.
En apprenant la qualité d'un homme on le con-
fidère; en apprenant fes belles qualités, on le
refpeéte ; c ’eft une diftinéfion que le coeur fait
fur le champ, & un hommage tacite que l’on
rend à la vertu, fans même y fonger*
Laconfciencè eft le meilleur livre de morale que
nous ayons , & celui que l’on confulte le moins.
Rien n’eft fi près d’une faute que le repentir
de l’avoir faite.
P E R
L ’opprobre brife tous les refforts de l’ame.
La nobleffe eft dans la vertu; on eft fils de fes
propres aétions.
On perd infiniment plus qu’on ne l’imagine à né«
gliger le foin de plaire à ceux qu'on efface.
v Les confeils font comme les faveurs ; il faut at*
tendre qu’on les demande ; les offrir c’eft les prof-
tituer.
L ’expérience de tous les âges prouve qu’on ne
peut beaucoup demander à la terre , qu’après lui
avoir beaucoup donné.
On ne doit envier d’un rang élevé que l’avan*
tage de faire des heureux.
L'ame d’un fage reçoit l'impreflion des fens,
comme une glace reçoit les objets qui paffent devant
elle.
L’habitude de fe vaincre en facilite le pouvoir.
La préfence d’un homme vertueux a le même
pouvoir que les autels des dieux; elle infpire le
refpeéfc & la confiance.
L’homme fans paifions n'exifte ni dans le fond
d’un bois, ni dans la fociété, ni dans une cellule.
Jules Aufonne , médecin, père du poète Au-
fonne de Bordeaux, difoit, que celui-là n’étoit \
pas heureux, qui a tout ce qu'il délire , mais
heureux celui qui ne délire point ce qu’il n'a pas.
| Si c'eft la raifon qui fait l'homme, c'eft le feni
timent qui le conduit*
PERE DE FAMILLE appelé en duel*
Deux anglois fort amis, dînant enfemble dans
une taverne, & caufant politique à tort & à
travers, fe prennent de querelles 5 le plus pé*
tulent des deux propofe un duel que le plus rai*
fonnable accepte pour le lendemain, à condition
qu’avant de fe porter fur le pré, on déjeunera
•enfemble : mais au lieu de la taverne, celui qui
impofe la condition, propofe fa maifon. L’ami
au cartel ne manque pas d'arriver de bonne heure
au rendez-vous. On . le fait entrer dans lafalleà
manger, où il trouve les apprêts d’un dejeuner bien
entendu; peu-à-peu defcendent fucceflivement les en-
fans & l’epoufe de l'ami raifonnable, quatre garçons
beaux comme des anges, deux filles charmantes,
la mère, de la figure du monde la plus inter-
reffante. Chacun prend fa place : on dejeune gaiement,
ou du moins chacun diffimule fes fenfa-
tions intérieures. Le repas fini, l’homme au cartel
propofe à l’autre de le fuivre. « Un moment, lui dit
ce dernier, la partie eft trop inégale entre nous,
montrez-moi fix enfans chéris, une époufe idolâtrée,
& je yous fuis, T u as raifon, s’écria
P E R P E R 7 4 ?
Ile premier, la partie n'eft pas égale > embraffe- f
Ijnoi 3 pardonne moi : ce que je viens de voir
■ m’apprend que l’exiftence d’un père de famille doitr
■ être fanée ». ;
î PERRAULT, ( Charles ) né à Paris l’an 1627,
»mort en 170$.
K Avant Perrault3 on parloit mal des anciens
»avec la même circonfpeéfion dont ufent.des con-
- jurés lorsqu’ ils médifent du gouvernement. On fe
■ difoit tout bas : Homère n’eft pas fi divin, comme
Von fe difoit du temps du pape Zacharie, il y a
■ des antipodes.
I Monfieur Perrault, ayant maltraité, les meil-
: leurs écrivains de l’antiquité dans fon parallèle dés
anciens & modernes, M. le prince de Conti, dit
a un jour, que fi Defpréaux ne répondoit pas' âu
livre des parallèles, il voüloit aller à l’académie,
|écrire fur la place de ce fatyrique : Tu doré
Br ut usï'I'J.
| Ge prince ayant lu le parallèle. &r en paroiffant
fort indigné ; quelqu’ un Lui, ayant demandé ce
■ que c’étoit donc que cet ouvrage, pour lequel
il témoignoit un fi grand mépris : c< C ’eft un livre,
■ dît-il', où tout cé que vous avez jamais oui louer
,aù monde eft blâmé , & où tout ce qui vous avez'
jamais entendu blâmer eft loué.
î PER R AU L T , (Claude) né en if>ij , mort
/en 1688.
\ Perrault fe fit médecin, mais il naquit archi-
jteéte. Il deftinoit l'architeétur.e en homme de goût,
& avoit pour les arts cet enthoufiafme qui carac-
Vtérife le génie.
La belle façade du louvre du côté de faint
■ Germain l'Auxerrois, l'arc de triomphe du faux-
..bourg faint Antoine, l’obfervatoire de Paris,
:1a chapelle de Sceaux, chefs-d’oeuvre d’archi-
teéture, & fes commentaires fur Vitruve, rendront
|fon nom immortel.. Ses moeurs étoient douces, fon
; caractère bienfaifant.
jî Quoique fon goût pour les arts l’éloignât de la
..pratique de la médecine, il continua néanmoins de
| l’exercer dans fa famille & pour le foulagement des
J pauvres & de fes amis.
I II procura la fanté air célèbre Boileau Def-
I préaux , qui l’en remercia par quelques épi-
'1 grammes. .
K Perrault y ennemi de la fatyre, s’étoït déclaré
|avec tous les gens fages contre celle du Juvénal
1 françois. Celui-ci fe vengea de fon cenfeur avec les
I armes qu’iî avoit entre les mains.
F l o r e n c e , q u i d e m é c h a n t m é d e c i n d e v i n t b o n
a r c h i t e c t e .
Là raillerie ne fut pas ; du goût du'médecin qui
porta fes plaintes à Colbert. Le poe'tè ne fe défend it
que par une plaifanterie qui fit rire ce grand mi-
niftre. « M. Perrault, lui:dit-il, a tort de fe plaindre
, je l’ai fa:t précepte »i En ef feti l tire de fon
exemple ce précepte excellent:* ■> :
Soyez plutôt maçon," fi c’eft votre talent.
Le cavalier Bernin avoit été appelé à .grand frais
de Rome à Paris en 166 y,' pour travailler au frontif-
pice du Ionvre ; mais fes de {fins ne furent point exécutés
, & lorqu’il vit ceux de Perrault, il ne put
s’empêcher de dire : « Que quand on avoit de tels
hommes chez foi, il ne fa 11 oit pas en aller chercher
• ailleurs ».
t Claude Perrault étoit frère de Charles Perrault3
bien connu dans la république des lettres par
fon Parallèle des anciens & des modernes. \
Charles Perrault n’étoit pas un des premiers
• écrivains de fon fiècle ; fes.vers ainfi que fa profe
• manquent de coloris; mais fon amour pour les
.lettres & les arûs'lui tenoit lieu de t a l e n s , & il ne
/ contribua peut-être pas hioinS à leurs progrès que
ceux de fes contemporains qui avorent le plus de
j réputation.
C e fut par un effet de, fon, zèle pour la gloire
de la nation qu’ il chanta les merveilles du
fiècle de Louis X I V , dans un po.eme intitulé :
Le fiècle de Louis le : grand ■: mais ce poème ne
parut aux yeux des partifans des' anciens qu’une
fatyre indécente des fièclês antérieurs ,’ qui
font époque dans l ’hiftoire des progrès de l’efprit
humain.
C e fut alors que l’auteur, pour foutenir ce
qu’il avoit avancé, mit au jour fon Parallèle des
anciens & des modernes. ;
Defpréaux & Racine, dont il n’avo’t point
parlé dans fon parallèle, ou dont il n’avoit dit
que des èhofes'peu capables de flatter leur
amour propre , fe crurent perfonnellemertt of-
fenfés. Racine fe vengea le premier par un petit
couplet malin.
Entêté .de fon faux fyftêtne,
Perrault, philofophe mutin,
Difpute d’une force extrême ;
Et côëffé de fon arétin,
.. . Fait le lutin ,
Dans fon quatrième chant de l'art poétique , il
“ligna Perrault fous l’emblème, de ce doéteur de
dt
Pour prouver clairement lui-rrfême
Qu’il n’entend ni grec ni latin.