
D E U
attaché des boutons noirs à Ton furtout de drap
gris.
En général, je ne voudrois pas qu'il fût permis
à tout le monde de porter indiftinétement le deuil.
J’accorderois follement ce privilège aux marchands
d’étoffes, de dentelles, de galanteries. Ils
ont de bonnes raifons pour être affligés. -
Addiffon fréquentoit quelquefois un certain
café de Londres, où fe rendoit. tous les jours
un anglois gros & trapu , qui, après avoir lu les
gazettes, prononçoit ordinairement ces mots :
« Dieu foit loué , tous les princes étrangers fe
*> portent bien !» Si on lui demandoit quelles
ctoîent les nouvelles de Vienne, il répondoit : ;
«« Grâces au ciel, tous les princes d’Allemagne
» font en bon état ». Si l’on s’informoit à lui
de ce qu’il y avoit de nouveau en France : « Toute
» la nombreufe. famille royale , repliquoit-il, fe
» porte auffi bien que je le defire ». Ce ton fin—
gulier donna de la curiofité à Addiffon , qui découvrit
, après quelques recherches, que ce roy.a»
lifte univerfel étoit un marchand de foierie & de
rubans , trèsintéreffé , par fon commerce, à la
fanté de tous les princes de l'Europe : auffi toutes
les fois qu’il faifoit un accord avec un ouvrier,
il ne manquoit pas d’inférer dans fes articles:
« Que tout ceci fera bien & duement exécuté,
» pourvu qu’aucun prince étranger ne vienne à
» mourir dans l’intervalle du tems marqué ci-
» deffus ».
Le grand deuil fe portoit en France avecun drap
noir fans ornement, des manteaux longs , du
linge de Hollande & du grand crêpe. Le petit
deuil fe porte avec ferge ou crépon , & des rubans
bleus ou blancs mêlés avec du noir. Le roi
& les cardinaux portent le deuil en violet.
En Caftille, à la mort des princes, on fe vé-
tiffoit de ierge blanche pour porter 1 e deuil ; mais
on le fit pour la dernière fois en 1.498 ? à la mort
de Don Juan, fils unique de Ferdinand & d’Ifa-
belle.
A la Chine, on le porte avec des habits blancs ;
il dpre trois ans.
En Turquie, on îe porté en bleu ou en
violet.
d e v
de l’autre lé ciel» qu*on fouhaite aux morts.Le
blanc défigne la pureté ; le jaune ou feuille morte,
fembîable à ' la fin de la belle faifon, repréfente
la fin des èfpérances humaines} le gris, la nét
jon de toute couleur qui peut flatter les yeux,
la couleur propre de la terre j le noir , la privation
de la lumière.
Le feul chancelier de France ne porte jamais le
deuil, qnelque fujet que ce puiffe être, parce
qu’il efi pour ainfi dite détaché de lui-même.
, Chez certains peuples de l’Amérique, le deuil
étoit autrefois réglé félon les années que les morts
avoient vécu. 11 étoit d’onze mois fi le défunt n’a-
voitvécu que cinq ans5 de dix s’il en avoit vécu
dix 5 de neuf s’il en avoit vécu quinze ; de huit
s’il étoit parvenu jufqu’à vingt} de fept s’il en
avoit vécu vingt-cinq } de fix s’il étoit âgé de
trente ans} de cinq s’il en avoit trente-cinq 5 de
quatre s’ il en avoit quarante } de trois s’il paffoit
les quarante-cinq} de deux s’il paffoit les cinquante;
d’un feulement s’il étoit fexagénaire } ds à peine
le plaignoit-on s’ il étoit décrépit.
Dans la C orée, prefqu’île d e J ’Afie , les en-
fans portent le deuil de leur père pendant trois ans ;
durant ce tems ils n’ofent coucher avec-leurs femmes
,, & s’ils venoient à avoir des enfans, ils feront
réputés bâtards.
Autrefois dans la Lycie, pendant tout le tems
du deuil, les hommes portoient des habits de
femmes.
Les Fîondriennes qui ont perdu leurs maris,
vont pleurer fur leurs tombeaux, & pour dernier
témoignage de la tendreffe conjugale, fe coupent
entièrement les cheveux, & les fement fur ces
tombeaux : elles ne peuvent fe remarier qu’après
que leurs cheveux font revenus à leur première
longueur, c’eft - à - dire , lorsqu’ils panent les
épaules.
DEUILS DE COÜ R . Les deuils de cour Ér?
rangent bien du monde. « J’hérite de tel roi ,
s’écria un jour un poète. —■ Comment, lui dit
quelqu’ un ? — Comment! il m’en eût coûté ce
printemps, pour un habit, vingt pijfolles que je
remets en ma poche} & je porterai volontiers le
deuil de fa majefté bienfaifante ».
En Egypte, en jaune ou feuille morte.
En gris chez les Ethiopiens ; en noir dans toute
l ’Europe.
Au Pérou, on le portoit en gris-de-fouris^orf-
que les Efpagnols y entrèrent.
Chaque nation croit avoir de bonnes raifons
pour agir de la forte- Le violet étant une couleur
bleue 8e noire, marque d’un côté fa trifieffe, &
DE V IN . Tibère, exilé à Rhodes fous le règne
d’Augufte, fe plaifoit à confulter les devins furie
haut d’un rocher fort élevé au bord de la mer ;
& fi les réponfes du prétendu prophète donnoienc
lieu à ce prince de le foupçonner d’ignorance ou
de fourberie , il le faifoit a l’inftant précipiter dans
la mer par un efclave. Un jour ayant confulté,
dans le même liçu, ùn certain Trafullus , regardé
comme habile diins cette fcience, & ce d ey in \ ui
d e v
ayant promis l’empire & toutes fortes de prof- .
pérités : Puifque tu es, f i habile, lui dit Tibère ,
tu dois/avoir ton horofeope i dis-moi combien il te
refie de tems à vivre ? Trafullus ,-qui fe douta fans
doute du motif de cette queftion, examina, avec
une feinte fécurité, l’afpedt & la pofîtion des af-
tres au moment de fa naiffance. Bientôt après il
îaiffa voir au prince une furprife qui fut fuivie de j
frayeur; & s’écria, qu'il étoit, h cette heure même^
menacé d’un grand péril. Tibère, fatisfait de cette''
re'ponfe, l’embraffa, le raffura, & acceptant pour j
oracle tout ce qu’il lui avoit dit de favorable, 1
le mit au nombre de fes amis.
Dans le feizième fiècle, chaque hameau avoit ;
fon forcier, fon noueur d’éguillette , fon devin,
fon afirologue. Le berceau d'un enfant en étoit
entouré ; les horofeopes étoient tirés aufïi-tôt.
Les lâches confioient leur vengeance aux négro-
manciens & aux forciers. jamais on ne parla tant
de fabat, d’exorcifme, d’excommunication; jamais
les prêtres ne furent tant employés pour.,
combattre les démons ; jamais tant de maifoîlé
bénites, tant d'ex-voto, enfin le flambeau de la
philofophie a diffipé tous ces fantômes effrayans.
DEVISE. Sorte de fimilitude eu de métaphore
qui repréfente un objet par un autre, avec lequel
il a de la reffemblance. La devife efi proprement
une métaphore peinte; elle efi eompofée de fi- .
gures & de paroles. On a donné à la figure le
nom de corps, & aux paroles celui d‘ame. Le mot
ou l’ame de la devife doit être proportionné à
la figure, & lui être tellement propre, qu’elle
ne puiffe convenir à une autre.
Voici quelques exemples de devifes :
Un paon.
Ut p laceat, taceat :
Qu’il fe taife s’il veut plaire.
Pour un bel homme qui n’a point d’ efprit.
Un feu fous la cendre.-
Sepelitur ut vivat :
Iî s’enfevelit pour vivre.
Pour une perfonne qui fe cache au monde pour
vivre en Dieu.
Une grenade qui n’eft point encore mûre.
E t nondum gefiat matura eoronam :
Dès qu’elle fera mûre elle aura la couronne.
Pour l’infante reine.
Un général d’ armée qui avoit été battu en
Allemagne & en Italie, apperçut un jour au-
.deffus de fa porte un tambour qu’on y avoit peint,
E> I A
; avec cette devife : On me bat des deux côtés.
Guftave, roi de Suède, fut tué à la célèbre
bataille de Lutzen , qu’il gagna. Voici fa devife:
«Un éléphant, piqué par un dragon, tombe mort
» fur lui, & l’écrafe de fa malts ».
Etiam pofi funera viSor.
Pour -montrer que la perte des biens peut fervir
à donner de l’éclat.
Une chandelle que l’on mouche.
Deme fuperflua , crefeit :
Sa lumière croît en lui ôtant le fuperflu.
Deux aiguilles de pendule, dont l’une marque
les minutes & l’autre les heures ; avec ces pa*
rôles :
Lex efi quod notamus :
Ce que nous vous traçons, efi la loi qui vous régie.
Santeuil fie cette devife pour les notaires de
Paris.
Le cardinal Crefcentio portoit pour devife un
croiffant tiré de fes armes, & un foleil tiré des
armes du pape Sixte V , arec ces mots :
Afpice, crefcam:
Votre regard me fera croître.
DEVOIRS. On ne cherche fcrupuleufement le
terme de fes devoirs que lorTqu’on a envie de le
paffer.
Une femme têtue étant reprife de fon mari,
de ce quelle oublioit fon devoir: » De quoi fe
» plaint mon mari, dit-elle, je veux tout ce qu’il
» veut; car il veut être le maître, & je veux
» l’être auffi «
Une ville affez pauvre fit une dépenfe confî-
dérable en fêtes & en illuminations au paffage de
fon prince ; il en parut lui-même étonné. Elle
n’a fait, dit un courtifan flatteur, que ce qu’elle
doit: cela.efi vrai, reprit un feigneur mieux ia~
tentionné, mais elle doit tout ce quelle a fait.
DÉVOTE. U ne Dévote fort aigre fe plaignit
à un jéfuite, de ce que fa belle fille dont il étoit
le confeffeur, faifoit à la vérité beaucoup de
bien , & de charités , mais fans aucun mérite di-
foit-elle, parce qu’elle agiffoit par fon penchant
généreux & fans vue de Dieu ; laiffe£ la faire
j madame, lai£'e% la faire, dit le jéfuite, eüe gagnera
le paradis fans s'en douter.
DIABLE. Un homme de province, qui étoic
venu â Paris dans le temps du carnaval, fit la
partie d’aller au bal avec un de fes amis, & fe
1 déguifa en diable. lis fe retirèrent avant le jour.