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J: opéra font rarement une brillante fortune, au
beu qu’il n’eft aucune des premières danfeufes qui
n arrive au fpe&açle dans un char fuperbe. On
prétend qu’ un étranger ayant propofc ce problème
** ù'Alembert, celui-ci répondit :
ac C eft une fuite néceffaire des loix du mouvement
».
v-roiriez-vous , difoit un chanoine dans une
compagnie., que faint Piat, après avoir eu la tête
coupée, la prit & la porta l’efpàce de deux lieues,
oui deux lieues tout entières ? car cela eft sûr.
11 ajouta cependant qu’il avoit eu de la peine à fe
mettre en marche : je le crois bien, répondit une
dame, il n’y a , en pareille occalîon, que le premier
pas qui coûte.
REPAS. Les Abyffins ne boivent, ni ne parlent jamais
qu’après le repas. Le roi & les grands feigneurs
5 imaginent qu'il eft au deffousde leur dignité de porter
eux-mêmes les morceaux à la bouche j ils ont
des pages qui déchirent la viande avec les doigts,
6 la leur mettent dans la bouche. Ce qu’ils ont de
louable, c’eft qu’avant le repas j ils ne fe contentent
pas d’une légère prière, ils font réciter tout
le pfeautier, mais pour n’être pas fi longtemps, ils
d ftribuent les pfeaumes à plufieurs , qui en même
temps jécïtent chacun le lien.
Chez les Nogais, il n’y a point de pauvres
qui meurent de faim. Si quelqu’un n’a rien à manger
y il va où l’on mange, s’affied librement fans
rien dire* mange comme les autres, & énfuitè
fe retire.
y Chez les Chinois les feftins paffent en fait de cérémonie
tout ce qu’on peut s’imaginer. C e n’eft
point pour manger qu’on ell invité, mais pour faire
des grimaces. On ne met pas un morceau à la bouche
, & on ne boit pas une goutte de vin, qu’il
if en coûte cent contorfions. Il y a , comme dans
nos mufiques , un officier qui bat la mefure, afin
que tous les conviés s’accordent en même temps à
çrendre dans les plats , à porter à la bouche, à
élever les petits bâtops qui fervent de fourchettes,
ou à les placer régulièrement & â propos dans leur
beu. Chacun a fa table particulière, faris nappe,
fans ferviette, fans couteau, fans cuillière ; car
tout eft coupé, & on ne touche à rien qu’avec
deux petits bâtons ferrés d’argent, dont les chinois
fe fervent fort adroitement.
On commence le repas par boire du vin pur,
qu’on apporte en même temps à tous les conviés
dans une petite taffe de porcelaine ou d’argent, & i
qu’on prend toujours, avec les deux mains. Chacun i
l’élève en l’àir, & prefqu’à la hauteur de la -tête., i
en s’invitant pargeftés à boire les premiers. Il fqffit
de préfenter la taffe à la bouche, & de l ’y tenir (
jufqii’à ce que les autres ayent bd 5 car pourvd •
qu’ on garde les formalités apparentes, il eft libre
de boire ou de ne pas boire.
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Apres le premier coup, on fert fur chaque table
une grande porcelaine de viandes , où tout eft en
ragoût. Alors chacun eft attentif aux figues du
maître - d’hôtel, qui règle tous les mouvemens
des conviés} félon qu’il les de'termine, ils appliquent
les deux mains fur les deux petits bâtons, ils
les élèvent en l ’air, les préfentent d’un certain
feus, & après un long exercice , ils les enfoncent
dans la porcelaine, d’où ils prennent adroitement
un morceau, qu’il faut manger, de manière qu’on
ne fe hâte pas trop , & qu’on ne foit pas auffi trop
lent j car ce feroit une incivilité de précéder les autres
, ou de les faire attendre. On recommence enfume
l’exercice des bâtons, qu’on remet enfin fur
la table , dans la fituation où ils étoient auparavant.
Un moment après , on fert encore du v in, &
on boit avec toutes les cérémonies précédentes.
Après quoi, on apporte un fécond plat , auquel
on touche comme au premier, & ainfi de fuite,
jufqu’à ce qu’on ait couvert la table de vingt ou
vingt-quatre porcelaines. Quand tous les plats font
fervis, on ceffe d’apporter du vin, & l’on peut
manger avec plus de liberté, prenant" indifféremment
dans les plats j enforte néanmoins que tout
le monde fe fuive, & que l’ordre fe garde exactement.
On commence alors â donner du ris & du
pain, car jufques-lâ on n’a mangé que de la Viande.
On préfente auffi des bouillons clairs de chair ou
de poiffon, afin de les mêler avec le ris, fi on le
juge à ptopos. On eft ainfi à table, férieux, grav
e , & fans parler pendant trois ou quatre heures.
Quand le maître-d’hôtel s’apperçoit qu’on ne
mange plus, il fait ligne de fe lever, & on fe retire
durant un quart-d heure ou dans un jardin, ou
dans une falle pour s’entretenir. On revient enfuite
fe remettre à la table, qu’on trouve garnie de toutes
fortes de confitures & de fruits fecs, qui fervent
à boire du thé.
Ces manières gênantes empêchent tout le monde
de manger, & on ne fe fent d’appétit que lorf-
qu’on eft hors de table.
Après le repas, une bande de farceurs viennent
à leur tour donner la comédie, qui, par fa longueur
, fatigue autant que celle qu’on a joué auparavant
à table. ( Mém% de la Chine. )
Quand les mofeovites font en feftin, la femme
de celui cjui régale ne mange point avec les hommes.
-Paree de fes plus beaux habits, elle entre
pendant le feftin dans la falle, avec quelques fui-
vantés. & met dans la main du plus confîdérable
-dés conviés un verre d’eau-de-vie, après y avoir
mouillé le bout de fes lèvres. Pendant qu’il boit,
elle fe retire promptement, ayant pris un autre
habit, elle fait la même civilité au fécond, &
ainfi de fuite j puis fe retirant vers la muraille, les
yeux baiffés, les bps pendans fur les côtés, elle
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reçoit un baifer de chacun des conviés j cela ne fe
pratiquoit cependant que chez les gens qui font
figure. ( Voy. du Sept. )
Les per fans commencent leurs repas parles fruits
& les confitures, après quoi on fert les viandes.
Les anciens grecs établirent fort fagementque les
femmes n’affiftatf ent point aux feftins ; car les'hom-
mes étant accoutumés à y parler plus librement, il
étoit bien difficile qu’ il ne leur échappât des plai-
fanteries contraires à la pudeur. Ils auroient donc
offenfé les chaftes oreilles du fexe, & s’ils euffent
voulu les ménager, ils euffent perdu une bonne
partie de la gaietp qu’ils cherchoient à table. Si
quelque femme fe trouvoit à un feftin, c ’étoit une
femme à tout faire} elle déclaroit par-là que non-
feulement il n'y avoit rien que l’on ne pût dire en
jfapréfence, mais auffi qu’elle étoit fort réfignée à
fouffrir tout patiemment.
Quoiqu’on trouve parmi les anciens grecs jufqu’à
quatre ou cipq repas par jour, les plus réglés
ne mangeoient pour l’ordinaire qu’une ou
deux fois. Platon étant arrivé en Italie & en Sicile,
& ayant remarqué qu’ on y faifoit deux grands
repas par jour : ne put s’empêcher dé dire que
des gens accoutumés à cette forte de vie dès leur
jeuneffe, ne pourroient jamais parvenir à quelque
degré de prudence & de fageffe. Les latins avoient
deux repas, le dîner & le fouperj mais le premier
étoit un repas particulier, où chacun man-
geoit feul, à peu-près comme dans nos déjeûnés i
on n’invitoit jamais à ce repas, mais feulement
au fouper, qui fe faifoit vers les trois heures après
midi. *
L’empereur Geta demeura une fois trois jours de
fuite à table fans fé lever, & on lui fervoit des
viandes félon l’ordre de l'alphabet j de manière
qu a chaque fervîce le nom des mets commençoit 1
parla même lettre.
Auguftin C h ig i, intendant des finances du
pape, donna un jour à Léon X & aux cardinaux
un repas d’ une magnificence extraordinaire. On
faifoit jetter à chaque fervice dans le tybre tout ce
qui fe levoit de deffus la table , néanmoins la
vaiffelle étoit d’argent. On fervit en dernier lieu
quantité de langues de perroquêts apprêtées- en
cent manières differentes.
Philippe le Bel, roi de France, par une ordonnance
de 1294, défendit de donner dans un grand
repas plus de deux mets & un potage au lard, &
dans un repas ordinaire plus d’un mets & un entre
mets , entendant que toute groffe viande fut
comptée pour un mets, mais non le fromage, s’il
n'étoit en pâte , ou cuit à l’eau.
Charles IX paffa ces étroites bornes, permettant
trois fervices, chacun de fix plats en entrées,
en viandes ou poiffon, 8c en deliert : mais il or-
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donna que dans le premier les potages paff. roicnt
pour plats j que pour le fécond, chaque plat ne
feroit que d’une feule forte de viande point doublée
, par exemple, qu'on n’y pourroic mettre
qu’un chapon, ou un lapin, ou une perdrix, mais
bien trois poulets ou trois pigeonneaux, quatre
grives, douze ailouettes; tout cela fous peine de
deux cents livres d’amende aux contrevenons pour
la première fois, & au cuifinier de dix livres d’amende,
& de huit jours de prifon au pain & à
l’eau i peine qui devoit être doublée à la fécondé
fois, & aller jufqu’au fouet & au banmffement'à
l ’égard des cuififiiers;
Le maire de Londres, le jour de fon entrée,
qui eft: le 29 oélobre , donne dans l’hotel-de ville
un magnifique repas , où les rois font toujours
invités, & ris fe trouvent quelquefois avec
les principaux feigneurs & les principales dames
de la cour. Én 1556, 011 maire, nommé Picard,
avoit quatre rois à fa table, favoir, Edouard III,
roi d’Angleterre, Jean, roi de France, David I,
roi d’Ecoffe, & Hugues de Lufignan, roi de C hy pre.
Les rois de France & d’Ecoffe étoient alors
prifonniers en Angleterre.
RESSEMBLANCE. L ’hiftoire des feigneurs de
Sciffome, rapportée par Pafquier, peut fervir à
nous prouver que la nature prend quelquefois plaifit
à fe copier. « Nicolas & Claude de Rouffi, frères
jumeaux, l’un feigneur de Sciffome, & l’autre
d’Origny, naquirent le 7 avril 1548, avec une
telle rejfemblance, que leurs nourrices furent contraintes
de leur donner des bracelets de diverfes
couleurs, pour reconnoître leurs nourriffons : conformité
qu’ils apportoient du ventre de leur mère,
non feulement en ce qui étoit de la' taille & des
traits du vifage, mais auffi de leurs moeurs, gef-
tes, ports, volontés & inclinations : ce qui fut
caufe à leur père & mère de les faire habiller de
mêmes parures, & eux-mêmes étoient fort empêchés
de les diftinguer. Notre roi Charles neuvième
prenoit fouvent plaifîr, au milieu de cinq cents
gentilshommes, de les mettre tous deux enfemble
& les confidérer longuement, pour y trouver après
quelque marque de différence. Mais après les avoir
fait paffer & repaffer dans la foule, & fe repréfen-
ter à lui, il ne les put jamais, ni aucun de la troup
e , difeerner au vrai. Le feigneur de Sciffome
étoit grand ami des feigneurs de Fervaques. Les
femmes des ces deux feigneurs abufées, prirent le
feigneur d’Origny pour fon frère aîné, &c. Je veux
remarquer en eux deux chofes de très-grande admiration
} l’une, qu’ayant été comme gentilshommes
duits dès leur jeuneffe en toutes fortes d’exercices
honnêtes, entr’autres du jeu de paulme, auquel
ilsVétoient rendus grands maîtres j le feigneur
d'Origny fe trouva furpaffer fon frère, qui faifoit,
de fois a autre, des parties mal-à-propos; à quoi,
pour remédier, il fortoit du jeu, feignant d’aller
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