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» fur la table : je ferai bien aife de favoir s'il
» fe trouve parmi vous quelqu'un allez hardi
» pour les prendre. » Après les avoir menacés,
il exigea d eux le ferment de fidélité , & cilla
ce parlement. 11 eut l’adreffe d'engager un de
ces parlemens à lui offrir le titre de ro i, afin
d'avoir la gloire de le refufer , & pour mieux
s'aflurer la puiffance réelle.
Il menoit dans le palais des rois une vie fombre
& retirée, fans aucun faite, fans aucun excès.
Toutes fes a ôtions, toutes jTes démarchés pa-
roilfoient n’avoir d’autre objet que la plus grande
gloire de Dieu. Il avoit donné à la plupart de
fes régimens les noms des faines de l'ancien
Teltament. « Cromwel, dit un auteur anonyme
» de ce temps, a battu le tambour dans tout
» le vieux Teltament > on peut apprendre la
» généalogie de notre Sauveur par les noms de
» fes rég:mens. Le commiffaire n ’avoit pas d’autre
» lifte que le premier chapitre de faint 1 Mat-
» chieu ». \
De toutes les feétes qui étoient dans le
royaume, celle des théilles fut. la feule qu’il
ne vit pas d'un bon oeil-, parce que leur religion
étant fans fapatifme, devenoit inutile à
un conquérant.
Olivier-Saint-John rapporte que Cromwel étant
un jour à table avec fes amis , il cherchoit le
bouchon d'une bouteille de vin de Champagne
qu'il avoit décoëffée 5 qu'on lui annonça dans
le moment une députation^, & qu'il répondit
au domeltique : Dis-leur que nous çherçkons le
$aint-EJprit,
Il fe permettoit quelquefois les bouffonneries -
les plus baffes Iorfqu’il fe trouvoit avec fes an-
çiens amis. 11 jetta un jour dés charbons ardens
dans les botçes d'un de fes officiers.
Avant le procès du ro î, il s’étoit affemblé
un confeil des chefs du parti républicain _& des
officiers généraux, pour concerter le modèle
de ce gouvernement libre, qu’on fe propofoit
de fubltituer à la conftitution monarchique dont
le renverfement étoit décidé. Après les plus
grands débats Tur un fuj.et fi important , Lu-
dlow nous apprend que Cromwel, dans un accès
de gaîté , lui jetta un couffin à la tê te , & que
lui il prit un autre couffin pour répondre à cette
galanterie, mais que le général fe précipita furies
degrés , & faillit de fe bleffer dangereufement
dans fa fuite. Pendant que la haute cour de juf-
tice fignoit la fentence de mort du roi, affaire ,
s'il eft poffible, {encore plus férieufe, Cromwel
prenant la plume pour fignejr fon nom, s’avifa
auparavant de noircir d'encre le vifage de Martin
, qui étoit proche de Ipi, & Martin, lorfque
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la plume lui fut paffée, fù la même plaifanterie
à Cromwel,
Souvent le proteôleur donnoit des fêtes aux
officiers inférieurs., & l'on n'avoit pas plutôt
fervi j que, fur quelque figne, les foldats entroient
avec beaucoup de bruit & de confufion,
fe jettoient fur les mets, & les emportant,
laiflbient les convives auffi furpris qu'affamés.
On ajoute qu’au milieu de ces amufemens &
de ces bouffonneries imprévues, ce mortel extraordinaire
prenoit oceafion d'obferver les ca-
raôlères, les foibles & les vices^des hommes ,
& quelquefois même il les pouffoit, par l’excès s
du v in , à lui ouvrir les plus fecrets replis de
leur coeur.
Lorfqu’on n’eut plus lieu de douter que Cromwely
& fa déteftable faôlion , avoient réfolü la mpit
de l'infortuné Charles Ier, les comtes de Riche-
mond , de Harford, de Southamptori & Lindfey,
feigneurs d'un nom & d’une vertu foit diftingués,
s’adrefferent aux communes, & leur iepréfen-
tèrent : « Qu'ils étoient les confeillers du ro i, &
» qu'ils avoient concouru par leurs avis aux dé-
*> marches dont .on faifoit des eûmes à leur
| maître 5 qu'aux yeux de la lo i , & fu.vant les
» lumières de la raifon , ils étoient feuls coupa-
» blés, & dévoient répondre feuls de tout ce
» qu'il y avoit de blâmable dans la conduite du
» prince-; qu’ils fe paéfentoient volontairement
» à la juftice pour fauver par leur punition »cette
» précieufe v ie , qu'il convenoit aux communes
» mêmes. & à tous les fujets de la couronné de
>3 garantir & de défendre à toute forte de prix ».
Un effort fi généreux fit honneur à ces belles
âmes, & ne produifit rien pour la fureté du
roi.
Cromwel fe ligua avec la France contre !’E£
pagne pendant le miniftère du cardinal Mazarin*
Cette fauffe démarche a beaucoup contribué à
la grandeur où la France eft parvenue fous le
.règne de Louis XIV. Dans le traité que firent
alors les deux puiffances, Cromwel fie mettre fon
nom avant celui de Louis X IV , à qui il ne voulut
pas donner le titre de roi de France, mais
celui de roi des François, Cromwel s'y qual-fia
proteôleur d’Angleterre & de France, On difoit
en France que le cardinal Mazarin avoit moins
peur du diable que de Crgmwel, ^
Aux conférences des Pyrénées, où le roi
Charles II alla trouver le cardinal Mazarin 8e
. dom Louis de Haro, le cardinal ne voulut point
accorder d’entrevue à Charles II. Il fit une réception
magnifique à Lockart, amballadeur de
Cromwel ; il envoya fon cafroffe & fes gardes
aiï-çtevânt de ce ininiftfej & lui céda la droite,
hpppeu?
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Honneur qu’il n’avoit jamais fait aux ainbaïfaHëurs
des autres pmilances. •
Cromwel, prefque à l'agonie, affuroit hautement
qu’il .ne mourroit pas & que Dieu lui avoi
fait connoître l’avenir; il avoua fon impolture »'
quelques amis St leur dit : f i je guéris , me-voila
prophète , b fi je meurs, que m importe qu ils me
croyent un fourbe ?
Cromwell faifant fon entrée à Londres, on lut
fit remarquer l'affluence du peuple qui accouroit
de toutes parts pour le voir : » Il y en au voit
autant, dit-il, fi l'on me conduifoit à 1 echat-
faud.
\ Cromwell avoir fait mettre dans fes drapeaux,
& vos Reges inteliigite•
C R O M W E L L ( Richard ) fucTcèda pai-
fiblement au protectorat de ; fbm pere ; mais ,
comme il n'avoit ni fon génie, ni rien de cette
intrépide férocité qui facrifie tout à fes interets,
il aima mieux fé démettre du gouvernement que
de le confervér par le meurtre & 1 injuftice.
Après le rétabliffement de la famille royale,
quoiqu’ on ne pensât point à l'inquietter, il jugea
que la prudence l'obligeoit de s abfenter de
l’Angleterre pour quelques années j & dans fon
voyage, fe trouvant à Pezenas en Languedoc,
il fut introduit fous un nom emprunté chez le
prince de Cbn ti, gouverneur de cette province.
La converfation tourna-fur les révolutions d'An-p
gleterre ; & le prince témoigna de l’admiration
pour le courage & l'habileté de Cromwell. » A
.» l’égard de l'imbécille Richard, ajouta-1-il,
» qu'eft-il devenu • Comment peut-il avoir ete
» affez bête pour' ne pas tirer plus d avantages
» des crimes de la fortune, de fon père ? »
Cependant ce Richard mena une, vie paifible &
heureufe , -jufqu’ à un âgé très - avancé, & . fon
père n'avoit jamais conmi le bonheur. Il mourut
en 170-i, âgé de 90 ans.’ .
C R U A U T E . Nous ne nous arrêterons pas
long-temps fur ce hideux chapitre, qui malheu-
réufement' fait la plus grande partie de i’hif-
îfoire des peuples &: des fouverains.
Il y a une cruauté froide, tranquille & fu-
tperftitieufe ; c’ eft le dernier période du crime.
L e nommé Saint-Point, gouverneur de Maçon,
ville prife fur les huguenots, en 1 s<?2.,
étoit un monftre de cette éfpèce ; ce -barbare
fe faifoit un) jeu de faire fauter dans la Saône
les calviniftes qui avoient le malheur d’être fes
prifonniers. C’étoit principalement lorfqu''il don-
Hoic a' manger aux femmes \ diftinguéés de la
ville 8e des environs, qu'il mulfiplioiü fes inhur
manités. Lovfqu'on étoit fur le point de fortir
de table, il demarvdôît fi la farce étoit prête ;
JCncyclopédiana,
c m L P;
mot du guet par lequel il s’informoît fi fes gêné
avoient eu foin de tirer dé prifon quelques-unes
dés viôtimes qu’il vouloit faire fervir au cruel
pafie-temps de fa compagnie. Lorfque tout étoit
prêt, il menoit promener les dames fur le bord
de la r'iviere, & ordonnoit qu'on jettât du pont
en bas un ou deux de ces malheureux. Il prioit-
en même temps tous les convives de^ décider
lequel étoit le plus alçrte & avoit fauté le plus
légèrement. ( Mémoires de Tavannes ).
L’un des divertiffemens ordinajres de Mouflcy
Ifmael, roi de Maroc, éto't, dans un même
tetris » de monter à cheval, de tirer fon fabre >
& de couper la'tête a l’eiclave qui lui tenott
l’étrier.
L’empereur Soliman ayant promis au traître
qui lui fit favoir l ’extrémité à laquelle les chevaliers
étoient réduits, de .lui donner une de fes
filles en mariage, le fit écorcher tout vif, lui
difant qu’il ne vouloit point donner fa fi le a
un chrétien, qu’après qu’ i l ’ ’auroit quitte la
peau qui avoit été baptifée, 8c qu’ ainfi il exécuter
oit ce qu’il avoit promis quand il auroic
une nouvelle peau.
Hérodes le Grand fe Tentant près de fa fin,
manda à Jéricho toutes les perfonnes un peu
confidérables de la Judée, même des bourgades,
& un de chaque famille, menaçant de la mort
ceux qui refuferoient de venir. Après qu’ils furent
auemblés, il les fit tous enfermer dans le
cirque, & contraigniten pleufaot, Salomé fa
foeur, & Alexas, mari de Salomé, de lui promettre,
que dès qu’il auroit rendu l'efprit &
avant qu’on le sû t, ils féroient maffacrer toutes
ces perfonnes ; afin que les juifs, qu’ il favoic
bien devoir fe réjouir de fa mort, fuflerrt contraints
malgré eux de la pleurer : mais cet ordre
ne fut point exécuté.
Abdelkanf, fugueur du royaume de Vifapour,
ayant été commandé pour aller réduire le rebellé
Sevagi, eut de la peiné à quitter fon ferrail, où
il avoit raffemblé deux cens femmes des plus 1 belles qu’on eût pu trouver. Sa jalouhe s’alluma
d’une telle violence, qu’elle lui infpira un déf-
fein bien extraordinaire^ Il s’enferma huit jours
dans fon ferrail, parlant tout ce tems-là en fef-
i tins & en plaifirs. La fin en fut tragique ; car
le dernier jour il fit poignarder devant lui ces
deux cens femmes, qui ne s'attendoiest pas à
un femblablé. traitement.
C U J A S , (Jacques) né à Touloufe en i f z » ,
mort à Bourges en 15
Cujas , né de parens obfcurs & fans fortune ,
ne dut qu’à fou génie & à fon application d’être