& fi les villes reconquifes fur la maifon d’Autriche
, comme Saiot Orner , peuvent encore réclamer
tous les privilèges qui leur ont été confer-
vés par leurs capitulations. Le mémoire qui étoit
imprimé d’avance , fait foi qu’il n’avoit pas
compté s’ étendre fur ces deux propofîtions. C e
furent néanmoins pour lui deux routes où il parcourut
dans uti ordre merveilleux les anecdotes
de l’hiftoire eccléfiaftique & profane „ les principes
du droit canon & du droit des gens, & les
maximes fondamentales de l’abfolu pouvoir du
roi fur le clergé & fur les provinces ramenées à
fon obéiffance. C e qui avoit relation à fa caufe
dans ces matières délicates 8c relevées, y fut appliqué
avec tant de circonfpeéhon & de nobleffe ,
que l’heure qui vint l’interrompre parut chagriner
tout fon auditoire.
Cochin étoit d’autant pins grand qu’il étoit fîn-
céreraent humble , & avoit une piété folide. Une
dame de qualité dont il venoit de plaider la caufe,
lui dit en pleine grand’chambre : «V o u s êtes,
» Monfieur, fi fupérieur aux autres hommes,
» que fi c’étoit le temps du Paganifme, je vous
» adorerois comme le dieu de l’éloquence».—
Dans La vérité du Chriftianifme , reprit l’ orateur ,
ihomme na rien dont i l puijfe approprier la gloire.
Cet homme fi animé , fi éloquent lorfqu’il fal-
loit parler en public, étoit froid, taciturne dans
la fociété, foit qu’il dédaignât le jargon des cercles
y foit qu’il lui fallût un auditoire nombreux
pour échauffer fon génie. Lorfqu’on lui reprochoit
de prendre trop peu de part à la converfation , il
répondoit ordinairement : Si les perfonnes qui me
»a voyent ont dû fens & de la religion, peu de
M paroles leur fuffifent, fi l’une & l’autre qualité
*• leur manquent, à quoi bon me lier avec eux ? »
Un jour Cochin commença fon plaidoyer d’une
voix prefque éteinte x le premier préfîdent l’interrompit
pour lui demander ce qu’il avoit :—
« R ien, Monfieur, répondit l’orateur j ce n’eft
» qu’ un rhume qui ne m’empêchera pas de plai-
» der ». Alors le magiftrat, du confentement de
Ja compagnie , ajouta : « La C o u r , maître Cochin,
» a trop d’intérêt à vous ménager pour fouffrir
» que vour plaidiez dans l’état où vous êtes ».
CO CH O N S PRIVILÉGIÉS. Le jeune roi
Philippe, fils de Lo.uîs-le-Gros, étant .pafle le
premier Octobre 1131 près de Saint Gervais', un
cochon s’étant embarraffé dans les jambes de fon
cheval, il s’abattit} le jeune prince tomba fi rudement
qu’il en mourut le lendemain. Le 3 de cè
mois il fut rendu une ordonnance qui défendit de
JaifTer vaguer à F avenir des pourceaux -dans les
rues de Paris, Peu après ceux qui dépendoient de
l ’abbaye Saint Antoine furent privilégiés , l’ab-
befie & les religieufes ayant repréfenté que ce
feroit manquer à leur patron , que de ne pas
exempter fes cochons de la règle générale.
C O C U . M. de Saint-Foix , dans fis Effais
hiftoriqu.es fur Paris , fe fait la queftion : « Pour-
» quoi s'eft-on accoutumé à méprifer un cocu,
» quoiqu’il n’y ait pas de fa faute ?» Je crois,
dit-il^ en avoir trouvé la raifon } c’ eft que le cas
iiKÜquoit particulièrement un homme d’ une condition
fer vile , attendu que plufieurs feigneurs ,,
entr'autres les chanoines de la cathédrale de Lyon,
précendoient qu’ils avoient le droit de coucher la
première nuit des noces avec les époufées de leurs
ftrfs ou hommes de corps.
Cocu IMAGINAIRE, (le) Comédie de Moliere 9
en un aéie 3 en vers , 1660.
Cette petite comédie efl tirée d’une piece italienne
, intitulée II Cornuto per opinione. Elle fut
repréfentée quarante fois de fuite , quoique pendant
l’abfence de la cour & en été ; 8c commença
à montrer que Moliere perfe&ionnoit de beaucoup
fon ftyle par fon féjour à Paris.
Un bourgeois de Paris, qui faifoit l’homme
d’ importance , s’imagina que Moliere l’avoit pris
pour l’original de fon Cocu imaginaire. Il en marqua
fon refientiment à un de fes amis : « Cem-
« ment, lui dit-il, un comédien aura l’audace de
» mettre impunément fur le théâtre un homme
» comme moi! De quoi vous plaignez-
» vous, répond fon ami ? il vous a peint du beau
» côté , en ne faifant de vous qu’ un Cocu ima-
>î ginaire : vous feriez bien heureux d’en être
» quitte à fi bon marché »,
En 17 73 , pendant le voyage de Fontainebleau,
on donna à la cour cette comédie, qui fut mife
fur le répertoire, & affichée fous le titre des
Faujfes aUarmes, par ménagement pour les daines
de la cour , dont les oreilles auroient pu être
bleflees par l’ancien titre de la piece.
Un homme difoit : Je voudrois que tous les
cocus fullent dans la rivière; fa femme lui demanda
: favez-vous nâger ?
ÇOEFFURES.
Paris cède à la mode & change fçs parures î
Ce peuple imitateur, ce linge de la Cour,
A commencé depuis un jour
D’humilier enfin l ’orgueil de fes coëffures.
Mainte courte*beauté s’en plaint, gronde, tempête;
Et pour fe rallonger, confultant les deffins,
Apprend d'eux que l’on trouve en hauflàntfes patins,
La taille que l’on perd en abaiflant fa tête.
Voilà lé changement extrême
Qui met en mouvement nqs femmes de Paris.
Pour la coëffure des maris,
®lle eü toujours ici )a même.
(Chauiieu. ) Le»
\ Lés femmes , fous le règne de Charles V I ,
étoient-coëffées d’un haut bonnet en-pain de fucre 3
elles att.ichoient à ce bonnet un voile qui dcfcén-/
doit plus ou moins bas ,• félon ia qualité de la
perlonne. Sous le règne de- François I 8r de
Henri I I , elles avoient des- petits chapeaux avec
une' plume.. Elles portèrent dejp$|s , ipfqu’à la fin
du règ'nexle Henri I V , de pëtnsDonrièts' avec une
â'grette. _ ; ;
M. le duc de Saint-Simon rapporte-dans fes
Mémoires l’anecdote fuivar.te, au fujet des coèft
f i lm . >
L’épnufe du duc de * * * , ambaffadeur d’Angleterre
en France , étoit Une grande créature ,'
grolfe.ji hommafïe, fur le retour plus, qui avoit
été belle. & qui prétendoic l'être encore , toute
décpltee , coëffee ckrrière l’oreille , pleine de
rouge & de mouches & de petites façons- Dès
en arrivant elle ne douta de rien , parla haut, 8c
beaucoup en mauvais françois, 8c mangea dans la
main à tout lé monde. Toutes fes manières étoient
d’une folle ; mais fon jeu , fa tablé , fa magnificence
, jufqu’à fa familiarité générale la mit à la
mode. Elle trouva bientôt les coiffures des femmes
ridicules, & elles l’étoient en effet: c’étoit un bâtiment
de fil d’archal, de rubans, de cheveux 8c
de toutes fortes d’affiquets , de plus de deux pieds
de haut ,, qui mectoit le vifage des femmes au milieu
de leur corps , 8c les oreilles étoient dè même;,
mais en gazes noires: pour peu qu elles'remuafi-
fent, le bâtiment trembloit 8e l’incommodité étoit
extrême. Le roi;, fi maître jufqaes dans les plus
petites choies , ne les pouvoit foufrr.r. Elles du-
. soient depuis plus de dix ans , fans qu’ il eût pu les,
çhapger, quelque çhofe qu’il eût dit 8e fait pour
en venir à bout. Ce que,ce monarque n’avoit pu,
l’exemple 8e le goût d’une vieille folle étrangère
l’exéc.uta avec la rapidité la plus furprenante. De
rextrémité. du haut, les dames fe jertèrent dans
l’extrémité du-bas 3 8e ces coëffures plus fi m pie s ,
plus commodes, 8e qui vont mieux au vifagej durent
encore. Les,gens raisonnables attendent avec impatience
qu.elqu’autre folle étrangère qui défaife
nos dames de ces immenfes rondaches de pan-ers
inlùppoçtables, en tout à elles - mêmes 8e aux
autres. | -
, COEUR. Un aéleur, chéri du public, (M. Du-
gazon) chanta dans une fjeie de jolis couplets
de fi compofîtion 5 ils furent très applaudis. O11 ne
manqua pas d’en demander l’auteur. La réponfe de:
M,. Dugazon, §e c’étoit la bonne , fut de-montrer
fon coeur. Il ajouta fur le champ : « A bo re à l’au-
». teur ». Une perfonne de la compagnie s’ écria :
« Le coeur ne boit pas ». Il reprit du ton le plus
plaifant : « M oi, j’ai le coeur furies lèvres ».
Voltaire étoit irafcible, impétueux , mais il
avoit le coeur bon. Il ne pouYQÎt jamais retenir fa
Encyclop edi an at
çoîère quand il pailoit de l’auteur de l’Année Littéraire
3 il jettoit feu & flamme. Un ami qui l’étoit
allé voir à Ferney lui dit un jour: « Recevnez-
». vous Fréron ,-fi-par hafard il fe prélentoit ici » ?
— « Que me dites-vous là ? je le ferois chaffer........
58 Ne me parlez jamais de cet homme-là } y penfez-
vous » ? Puis un débordement d’ injures. On répond
ail grand poète après tout ce fracas : «,]ÿ[ajs £ ce
» Fréron venoir chez vous, ne feroit-ce pis un
»-.hommage qu’ il rsndroit à votre génie ? » Voltaire
fe recueille & dit : « Eh bien , s ’il y venoir i
» je dirois qu’on lui donnât le meilleur lit du
» château ».
C O IT T ÎE R , médecin de Louis X I , avoit dix
mille écus par mois de gages fixes , fans compter
k s gratifications extraordinaires. Il eft porté fur le
compte des^tréforiers de l’épargne, queCoittied
reçut en moins de. huit mois quatre-vingt-dix-huit
mille éctis.^ Le roi lui donna les feigneuries de
Rouvre près Dijon , de Saint-Jean-de-Lône , de
Brufiay dans le Vicomté d’Auxohe, de Saint- Oer-'
main en-Laye , de T r ie l, la Conciergerie du
Palais 8ç toutes îes^dépendances 3 il fut fait Vice-
préfident & enfuite premier préfîdent de la Chambre
des Comptes, malgré les remontrances de
cette cour. La crainte ridicule que Louis X I avoit
toujours de mourir, étoit un Pérou pour Coittier.
COLBERT ( Jean - Baptîfle ) minifire d’état
fous Louis -XIV , né à Paris en 1619 , mort le 6
Septembre 1683.
Jeàn-Baptirte Colbert avoit dans la phyfîonomie
quelque chofe de repouffant. Ses yeux creux , fes
foui ci's épais êz noms lui don noient une mine
auitèiè , & rëndo'jent fon premier abord fauvage
8c négatif. Mais lorfqu’ on îe pratiquoic, on le
trouvoit affez facile, expéditif & d’une sûreté
inébranlable1. Il étoit intimement perfuadé que ia
bonne foi dans les affaires en étoit le. fondement
le plus folide. Sage, aétir, vigilant, il fut leref-
taurateur des finances qu’il trouva dans le plus
grand défordre à fon avènement au minifièie. Son
efprit d’ordre & fes vues patriotiques s’écendoient
egalement a toutes les parties du gouvernement.
Une application infinie & un défît infatiable d’apprendre
lui' teaoknt lieu de fcier.ce ; & s’il protégea
les gens de lettrés & les artifîcs , ce fut
moi -.s en amateur éclairé qu’en homme d’état perfuadé
que les beaux arts font capables de forme-r
8c a immortahfer ks grands empires. Toujouis
plein du roi en quelque forte, il s’appliqua con-
timidlément a eternifer cè grand monarque d^ns
la mémoire des hommes , par des médailles , 'des
.fiatues , des ^rcs de triomphe & par tout ce.q- e
;la poéfîe & l’éloquence peuvent enfanter de plus
fublime.
Colbert s’étoit d’abord attaché au cardinal Ma-
zarin dont il mérita toute la confiance. Lorfcue
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