
G.
^ J A IÉ T É - Il y a la gaieté de refprît, la gaieté
de T ame , la gaieté de l’imagination. La première
cil pour les autres} la fécondé eft pour foi} la
dernière eft pour les livres.
La gaieté des fots attrifte les gens d'efprit*
Le fameux Addiflon appelle les françois une
nation comique, parce qu'elle eft natmellement
gaie & portée à rire. A mon avis, la philofophie
de cet auteur eft en défaut. Tout ce qui peut
contribuer à la douceur de la fociété & au bonheur
de la viè,. eft à l'abri du reproche. Platon
veut qu’on ne néglige rien pour tourner de bonne
heure en habitude, dans les enfans, ce fentimejit
à la joie.
Sénèque regarde la gaieté comme le premier
bien. Lycurgue éleva dans Lacédémone une ftatue
au rire , fi néceffaire , difoit-il , pour adoucir le
travail, les amertumes de la vie, & la dureté des
règles qu’ il prefcrivoit. Au refte, il eft certain
que la gaieté peut être la compagne de toutes les
vertus, & qu’il y a des vices avec lefquels elle
eft incompatible.
Addiflon prétend que la ioie eft un des plus
grands obftacles à la fagefle des femmes; & moi
jefoutiens que les perfonnes naturellement gaies,
font trop aifément diftraites par les différens objets,
pour fe livrer aux excès qui accompagnent
d’ordinaire les foiblefles de l’amour.
Mor.fieur Hobbes, philofophe anglois , veut
que le rire ne vienne que de notre orgueil ; c’eft
un paradoxe. Monfieur Hobbes penfoit fi mal de
la nature humaine , qu’ il fuppofoit tous les hommes
nés méchans. Les gens fiers rient peu; la
gravité eft la compagne de l’orgueil : un homme
n’ eft pas vain, parce qu’il rit des lingeries d’un
chat. Si monfieur Hobbes eût diftingué le rire qui
naît de la joie, & le ricanement malin qu’infpire
la raillerie, nous ferions d’accord. Le premier a
fa fource dans le coeur ; le fécond eft l’effet d’une
réflexion maligne. Lorsqu'on voit en même-remps
un anglais & un françois, on peut dire que l’un
cherche la joie & l’autre l’éprouve. Au refte, dit
le prophète roi : « Le du fage fe voit & ne
p s’entend pas».
On doit avouer que la raillerie ne paroît pas
plus naturelle aux anglais que le rire, & peu fe
la permettent ou la traitent d’affez mauvaife grâce,
p Les anglais, dit l’évêque de Sprat, plaifautent
»» jurement, parce qu’ils ont trop de soulage
» pour fouffVir la déiifîon, & trop de vertu &
» d’honneur pour fe moquer des autres ». C e pendant,
n’en déplaife aujrefpeéhble évêque, fes
chers compatriotes fe raillent entr’e u x ,& celui
qui ne peut repoufier un bon mot par un autre,
propofe un cartel à fon adverfaire : on fa^dépouilie
de fes habits, on fe bat a coups de poing, &
celui qui remporte la victoire eft le meilleur
railleur.
Il eft parmi les anglois une feéte qui ne rit
jamais; ce font les presbytériens : on dit qu’ils
ont fait du rire un huitième péché mortel. Selon
eux , une femme qui r it , pèche autant-que pé-
cheroit, félon nous, une femme qui tranfgreife-
roit les loix auftères de la modeftie & de la pudeur.
On compte parmi eux des familles qui, de père ei\
fils, n’ont jamais ri.
Les papiers publics annoncèrent, il y a quelques
années, qu’un anglois fe propofoit de donnes
des leçons^de rire à fes compatriotes des deux
fexes ; on ne fait pas s’ il a fait fortune, mais on
peut aflurer que jufqu’à préfent il a fait de médiocres
élèves.
On voit fouvent des anglois pafler en France
pour feguéjir de la confomption, & cela eft afltz
naturel Mais que penfer de certains françois qui
vont à Londres pour recouvrer la gaieté qu’ils oiv
perdue dans le fein de Paris ?
G A LAN TER IE . On fe fert ici de ce terme
pour défigner une attention marquée Je la part
des hommes , de fe-rendre agréables aux femmes
par des djfcburs fins & délicats, qui leur donneur
bonne opinion d’elles-mêmes.
Une des plus grandes dames de l’EfpagneJ
difoit qu’elle regardojt comme un affront, l ’in-
difference d’un cavalier qui, au premier tête à
tête, ne tentoit pas d’obtenir fes faveurs; & une
autre du même royaume , Jifant dans un roman
françois une converfation délicate entre deux
amans, s’écria ; Que d'efprit hor$ de fa i fon 1 Ils
étaient feuls.
Le jour qu’un officier françois arriva à la cour
de Vienne, l’impératrice Tachant qu’ il avoit vu la
veille la princefle de. . . ..lui demanda s’il croyoic
que la princefle fû t , comme on le difoit, la plus
belle perfonne du monde? ftîadatne. , répondît
1’officier, je le croyoïs hier,
L e marquis de Saint - Aulaîrç , âgé de 9a ans,
difoit des galanteries à madame la comtçfle de
Beranger * mçiuç la prefloit beaucoup, |$ ç
jkn répondit malignement : Je .n’ai rien à vous rc-
fufer. A h ! madame, lui répondu-!!, vous banniriez
toute la po!icelle, fi vous étiez prife au
mot.
Ceci rappelle cette répartie d’une jeune perforine
qu’un vieillard cajoloit. Je vous attraperois
bien, lui dit-elle, fi je vous prenois au mot.
1 Un jeune prince conroit à la rencontre d’une
dame d’une grande qualité, fo-t belle', & pour
qui il avoit beaucoup d’eftime ; elle lui dit : Monfieur,
vous allez bien vîté. Madame, lui répondit
le prince, ,je fuis mon penchant,
MademoifJle de * * * ctoit recherchée en mariage
par le prince de k* * qu’elleparoiffoit aimer.
On félicitoit cette demoifeÜe fur cette union.
Comme elle expofoic plufieurs difficultés qui
paurroient l’empêcher : ah ! mademoifelie, lui
répartit quelqu’un qui cherchoit à lui dire quelque
chofe d’obligeant , M. le prince de * * * eft né
heureux, & vous ferez fon époufe.
GALÉRIEN. On fera peut-être étonné de voir
celui que l’ignominie environne, fenfible à un prétendu
point d’honneur. Un comité donnoit fes.
ordres à un galérien 3 Sz comme celui-ci n’obéilfoit
pas, il le menaça de coups de bâton. Apprenez,
monfieur, réppndit Iç galérien, que ce n’eft pas à
un homme comme moi que Ton donne des coups
de bâton. Comment, coquin, lui dit le comité,
tu 4e prends^ ici Tur un ton bien fingulier; an
même-temps il va chercher un bâton pour le frapper
; le galérien aufli-tôt fe je t te à la mer 5 &
comme on les enchaîne deux à deux , il précipite
avec lui fon. compagnon.
G A L IE N , ( Claude ) médecin, né vers l’an
131 de J. C . mort vers l’an 110. Son afliduité .
auprès des malades, fon attention à obferver leur
état, les fecours gratuits qu’ il donnoit aux pauvres,
la douceur de fes moeurs, l’égalité de fôn
cara&ère, fon application à l’étude & aux observations
de la nature , font de grands exemples qu’il
a biffés à fes fucceffeurs.
La, grande maxime de Galien étoit de fortir de '■
tdblè aiits un refte d'appétit.
Il avouoit qu’il devoit tout ce qu’il favoit à la
méditation qu’il avoit faite des écrits d’Hipo-
crate.
L’empereur Marc-Aurele Iayant confulté,il le
guérit, contre l’avis de fes médecins, d’une indi-
geftion', en lui faifant prendre un peu de poivre
dans du vin , & lui faifant appliquer fur l’eftomac j
dé la laine trempée dans de l’huile de nard bien '
chaude.
Une pattie des écrits de cet illuftre médecin, :
périt dans un jneendie qui arriva de fon temps à
Rom?. Ceux qui nous r*ftent ont été recaeHlis eri
9 vol. in-folio.
Il faut fe défier de fes rafonnèmens trop fub-
ii!s, Sz ne po nt croire a fes qualités cardinales, &
autres chimères.
GALILÉE, mathématicien St phyficien du dix-*
fepnème ficelé, fils naturel Je Vincent Galilée,
noble florentin, mort à Florence en 1642, à
78 ans.
Galilée fut un des pères de la phynque nouvelle.
La géographie lui doit beaucoup pour fes obfer-
vations aftronomiques, Sz la méchaniaue pour fa
théorie de l’accélération. C e philofophe a écrit
en latin & en italien avec une force de raifonne^*
ment & de grâces de ftyle bien capables de faire
goûter les vérités-mouvelles c,u’j! enfiignoit aux
hommes. On nous l’a peint petit de taille, mais
d’une cqnllitutiôn faine & robufte; fa phyfionomie
étoit prévenante, fa converfation vive & enjouée.
Il fe plaifoit à la mufique, audeffin,à la-peinture
, & trouva fouvent dans ces arts agréables un
débffement à fes travaux, & un afyle contre les
.perfécutions de l ’ignorance & de la jaîoufie.
| Ce philofophe, né pour apprendre aux physiciens
à s’en rapporter plutôt à l’expérience qu’ à
l’opinion de ceux qu’ils avoient précédés, commença
par faire voir qu’Ariftpte, que l’ on regar-
doit toujours comme l ’oracle de l’école, avoit pu
fe tromper. II attaqua l’aveugle fup'érftirion de fes
partifans. Dans un de fes dialogues, il rapporte
aftez malignement cette anecdote d’un gentilhomme
très-dévoué à la philofophie d’Ariftote. C e gen*
ti.homme étoit venu chez un célèbre médecin à
Venife , où il s’étoit rendu beaucoup de monde,
pour affifter à une diffe&ion que devoit faire un
très-habile anatomifte. Celui-ci ayant fait apper-
cevoir quantité de nerfs, qui fortant du cerveau,
paffoient le long du col dans l’épine du d ot, &
de-Ià fe difperjfoient partout le corps, de manière
qu’ils ne touchoient Je coeur que par un petit filet;
le médecin demanda au gentilhomme, s’il ne
croyoit pas à préfent que les nerfs tirent leur origine
du cerveau & non du coeur? « J’avoue, r£*
35 pondit celui-ci, que vous m’avez fait voir la
» chofe très-clairement, & fi l’autorité d’Ariftcfte,
« qui fait partir les nerfs du coeur, ne s’y oppori
» foit, jeîerois de votre fentiment ».
Galilée, qui étoit à Venife , ayant entendu
parler d’une lunette d’approche que Jacques Métius
avoit ^inventée en Hollande, il imagina aulfi-tôc
un télefeope, & le fit conftruire. A l’aide de ce
nouvel inftrument, il vit le premier plufieurs étoiles
inconnues jufqu'alors., le croiflant de l’aftre de
Vénus, les quatre fatellites ds Jupiter, appelés
d’abord les aftres de Médias, les taches du fuleil
& de la.lune. Comme il ne laifloit échapper aucune
occafion de tourner en ridicule les feaateurs