
foient même le baron de Sirot, qui commandoit
lin corps de réferve, de fe retirer , en criant que
la bataille étoit perdue : Non , non , répondit ce
brave officier 3 elle nefi pas perdue 3 puifque Sirot
& fis compagnons n'ont pas encore combattu. Il demeura
donc ferme dans fon pofte î mais fon courage
n'eût fervi qu'à illuftrer davantage la viétoire
des Efpagnols, fans les prodiges de valeur du duc
d’Engiuen , & fans fen activité, exempte de
tremble, qui le portoit à propos à tous les endroits.
C e fut lui qui, avec de la cavalerie, attaqua
& romp t ces vieilles bandes Caftillanes, jufques-
là invincibles , auffi fortes, auffi ferrées que la
phalange ancienne fi eftimée , & qui s’ouvroient
avec une agilité que la phalange n'avoit pas, pour
laiffer partir la décharge de dix huit canons qu'elles
renfermoient au milieu d'elles. Telle étoit 1a- fierté
de tous ceux qui compofoient ces vieilles bandes,
qu'un des chefs de l'armée Franç-ife ayant demandé
à un officier Efpagnol combien ils étoient :
I l n y a , répondit celui-ci, qu’a compter les morts
é* les prisonniers.
L e lendemain de ce beau jour, le vainqueur
entra en triomphe à Rocroi, au milieu des ap-
plaudiffemens ae la garnifon & de la bourgeoifie,
qu'il avoit préfervées du joug efpagnol. Un général
François , jaloux & flatteur, s'étant alors
approché du duc, lui dit : Que pourront dire maintenant
les envieux de votre gloire ? Je n en fiais rien ,
répondit le prince, je voudrois vous le demander.
Condé fignala les autres années de fa jeuneffe par
autant de vi&oires. Ma s il penfa périr au fiège
de Dunkerque en 1646. Ce prince étoit allé vifit .r,
félon fa coutume, les nouveaux ouvrages qu'on
venoit'de gagner; comme il donnoit fos ordres,
le capitaine au régiment d'Orléans , qui lui for-
voit d'ingénieur, tomba à fes pieds, frappé d’une
balle qui le fit expirer fur le champ. Quelques
minutes après, le prince repaffant dans la tran- j
chée , fuivi d’un feul valet-de-pied, un boulet de
canon emporta la tête de ce domeflique ; les morceaux
épars du crâne blefsèrent Enguien au col
& au vifage ; il fut mondé de fang. Tous les fpec-
tate-irs furent faifis de crainte en le voyant ainfi
défiguré & enfanglanté ; mais la contenance
riante & tranqu lle du duc les raffura bientôt ÿ oh
le preffa alors , on le conjura de prodiguer moins
une \ie fi pté<ieufe; il répondit, comme il avoit
ro ajouts fait dans de pareilles pccafîons: « Qu'un
» prince du fang, plus intéreffé par fa naiffance
» à la gloire de la nation, doit, dans.le befoin,
•o s'expofer plus que perfonne'pour en fqutenir
» l'éclat ».
1 On doit pourtant reprocher à ce prince de
n’ avoir pas affez épargné le fang des foldats ; il ne
cro) oit pas pouvoir acheter trop cher une victoire.
Lors de U bataille de Séneff, le n août 1674,
averti qu'on étoit mécontent de la boucherie horrible
de cette journée. Bon, dit-il, c’ejl tout au
plus une nuit de Paris,. Turenne penfoit avec plus
d’humanité, & difoit qu’il falloit trente ans pour
faire un fioldat.
Ce prince fe trouva au fameux paflage du Rhin,
& y fut bleffé. Lorfque dans cette campagne il fit
le fiège de Vezel, toutes les dames fe réunirent
I pour le prier de leur permettre de fortir de la
- place , & de ne les pas expofor aux fuites fâcheufos
d'un fiège long & meurtrier. Le prince répondit,
avec autant d'efprit que de poLteffe, qu’il ne pen-
Joit pas fie priver de ce quil y avoit de plus beau
dans fion triomphe. Ce refus produifit l'effet qu'il
en attendoit. Ces femmes portèrent par leurs gémif*
femens la terreur dans le foin de leurs maris, & les
déterminèrent à fo rendre beaucoup plutôt qu'ils
ne l'auroient fait.
Le maréchal de Créqui venoit de perdre, eu
1674 , la bataille de Confarbrick. On difoit de lui
auparavant, qu'il ne lui mariquoit', pour être un
général du premier ordre, que d'avoir été battu.
Quoique le prince, de Contré ne l'aimât point, il
étoit fi bien de ce fontiment, qu'après l'affaire de.
Confarbrick, il dit à Louis XIV : « Sire , votre
» majefté vient d'acquérir le plus grand homme de
» guerre qu'elle ait eu ».
Le cardinal de R e tz , tantôt l'ami & tantôt l’ennemi
du prince de Condé, durant les guerres de
la Flandre, avoit publié un écrit intitulé: Le
vrai & ' le faux du prince de Condé , & du cardinal
de Rétç. C e livre , où l'auteur n'avoit pas.
aff-z ménagé fes expreffions, pouvoit piquer &
fâcher M. le prince. Cependant il lut ce livre-
fans émotion Un de fos courtifans s'appercevant
même un jour qu':l lifoit un livre avec beaucoup
d'attention , prit la liberté de lui dire, fans favoir
que c’étoit l'écrit du coadjuteur, qu'il falloit que
ce fût un bon ouvrage', puifqu'ii y prenoit tant
de plaifir : « Il ift v-ai, lui répondit le prince ,
» que j'y en prends beaucoup ., car il me fait con-
» nbître m e s fau te s , que perfonne n'ofo, me
» dire ». '
. Ce prince, cédan-t à fon reffentiment contre le
cardinal Mazarin , avoir, dans fa jeuneffe., fervi
les Efp ignols, qui faifoient la guerre à l'a France*
Louis X IV s'en fouvînt-dans ure de fos campagnes
de Flandres, & dit avec humeur-à ce grand
général : Sans vous tout ce pays feroit a moi. « Ah ï
» fire, répondît le. prince, vous m'aviez promis
» de ne m'en jamais parler ».
Lorfque le fils de ce prince voulut faire peindre
l'hîftoire de fon père dans la galerie de Chantilly ,
il fo trouvoît une difficulté dans l'execution, à
caufe du grand nombre d'exploits éclatans du
héros contre fon roi & fa patrie, comme le fo-
cours de Cambfah, celui de Valenciennes,laretraite
de devant Arras. Pour pouvoir parler de
ces événemens, le prince Jules fit deflîner la mafe
de l'hiftoire' qui tenoit un livre , fur le dos duquel
étoit écrit : Vie du prince de Condé. Cette mufo
arrachoit des feuillets du livre j qu'elle jettoit par
. terre , & on lifoit fur ces feuillets : Secours de
Cambrai , fecours de Valenciennes , retraité de devant
Arras ; enfin, toutes les belles allions de
Condé durant fon féjour dans fos Pays-Bas; aérions
dont tout étoit lpuable, à l’exception de l'écharpe
qu'il poitoic quand il les fît.
Condé avoit coutume de dire, « que la finefle
» eft la reffource des âmes baffes & ibibles 5 que
» la plus grande de toutes eft de n'en point avoir;
» qu'on petit bien tromper pour un temps, mais
» qu'une tromperie découverte ne laiffe après foi
» que la honte & la confufion ».
Il donnoit fos ordres par écrit, à fes üeutenans,
& leur impofoit la loi de les fuivre. Turenne difoit
aux fiens ce qu'il croyoit convenable de faire, &
s’en rapporroit à leur prudence. Il eft arrivé de-là.
que l'un de ces deux grands capitaines a eu beaucoup
d'iliuftres élèves, & que l’autre n'en a point
formé , oti n’en a formé que peu.
■- Ce prince avoit conçu le projet de faire ehre-
giftrer dans chaque régiment les noms des foldats
qui fo foroient diftingués par quelques faits ou dits
mémorables. Ce projet, en effet,, s'il étoit exécuté,
feroit un genre d'émulation pour les foldats.
Ce prince paffa les dernières années de fa vie
dans fa belle retraite de Chantilly , & y fit admirer
des vertus paifîbîes qui. ne le cédoient point"
aux guerrières. Il raffembloit fouvent chez lui les
gens de lettres , & fe plaifoit à s’entretenir avec
eux de leurs ouvrages , dont il étoit bon juge. •
Lorfque, dans ces coravet forions littéraires, il fou-
tenoit une bonne caufe , il partait avec beaucoup
de grâce & de douceur ; mais quand il en foute-
noit une mauvaife , il ne falloit pas le contredire
5 fa vivacité devencit fi grande, qu'on voyoit
bien qu'il étoit dangereux de lui .difputer la victoire.
Le feu de fes veux étonna une fois fi fort
Boileau, dans une difpute de cette nature, qu’il
céda par prudence , & dit tout bas à fon voifîn :
«« Dorénavant, je ferai toujours de l'avis de mon-
» fieur le prince quand il aura tort ».
, A la première vepréfentatîon de Polieuéie,
tragédie de Corneille, où la vertueufe Pauline
montre aux fpeébateurs un amour fecret pour
Sévère, le prince cl Condé dît : « Quelque ver- I
» tueufe que foit Pauline, peu de maris s’acco- J
» modéraient de cert vertu, qui reflemble à celle J
» de la prîneeffe de Clèves , à quelques nuances
» près ».
CONFESSEUR. Un mari al’a fe confeffer à
an religieux qui yeneit de confoffer fà femme : après
avoir dit fon confiteor, il garda le filence. JLe religieux
lui dit : Monfieur, récitez vos péchés. C e
récit eft inutile, reprit le mari ; ma femme, qui a
paffé avant moi, ne vous a-t-elle pas dit tout
ce que j'ai fait & ce que je n'ai pas fait ? -
Une jeune dame étoit à confeffe à un religieux.
C e confejfeur, après lui avoir fait plufieurs quef-
tions relatives à la confeflion , parut defîrer con-
noître celle qu'il confeffoit; il lui demanda fon
nom. La dame, ne voulant point fatisfaire cette cu-
riofité déplacée, lui répondit : Mon père, mon nom
n'eft point un péché.
Une jeune fille , interrogée par fon confejfeur ,
lui avouoit qu'elle avoit eu beaucoup d'eftime
pour un jeune homme : Combien de fois., lui demanda
le confeffeur.
L'abbé Gobelin, qui fut le direcleur de madame
de Maintenon , étoit le confejfeur de madune de
Coulanges, célèbre par fon efpiit & fos foil ies.
Un jour qu'il avoit entendu fa confeffi -n géné-
; raie , il ne put s'empêcher de dire : Chaque péché
de cette dame efi une épigramme.
■ CONFESSION. Aux myftèrés; d’Eleufme , un
Spartiate à qui F Hiérophante voüloit perfuader
’ de fo confeffer, lui répondit : A qui dois-je avouer
mes fautes? eft-ce à' Dieu ou à tbi ? C ’eft à Dieu,'
dit le prêtre. Retire - toi donc i homme,.i! (<Plu-i
tarqke ). . /.
Henri IV demanda au jéfuite Coton : Révéleriez
vous la confejfion d’un homme réfolu de
m'affafliner ? — Nonj mais je me mettrois entré vous
& lui,
CONFIANCE. Le fier & terrible Ponthéack
étoit brouillé avec les Anglois en 1762. Le major
Robers, chargé de le regagner, lui envoya de
l'eau-de-vie. Quelques Iroquois , qui entouroient
;leur chef, frémirent à la vue de cette liqueur,
ne doutant pas ,qu'elle ne fût empoifonnée : ils
■ vouloient abfolument qu'on rejettât un préfont, fi
fufpeét : Comment’ fe, pourroit-il , leur dit leur
général, qu'un homme qui eft fûr de mon eftime ,
& auquel j'ai rendu des forvices -Signalés, pat
longer à m'ôter le jour ? & il avala la boinon
d'un air auffi affure que l'auroient pu faire les
héros les plus vantés de l’antiquité.
Antigonus Gonatas, fur le point de livrer un
combat naval, près de l'île d'Andros, aux lieu-
tenans du roi Ptolémée y fon pilote lui dit que les
vaîffeaux du monarque Egyptien étoient en bien
plus grand nombre que les fiens: ce Et moi, lui
» répondit-il, qui fuis en perfonne ic i, pour com-
» bien de vaiffeaux me comptes-tu ? »
Des efpions d’Annibal s'étant introduits dans le
camp de Scipion l'Afriquain, furent arrêtés & conduits
au général. Au lieu de les punir du dernier