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La Mo'the lé Yayer, félon M. de Voltaire ->
eft beaucoup plus hardi qne -Bayle dans fon fcep-
•ticifnje, & moins réfervé dans fis libertés cyniques.
Mais le Yayer femble nous prévenir lui-
même à cet égard dans un de fes ouvrages où il
d:t, que les plus grands auteurs ont befoin d'être
interprétés favorablement, 8c il ajoute :« Les
livres d’ un homme font à mon fins de fort mauvais,
garans'.do. fes. ■ inclinations, & je n'ai jamais
.cru qu'on pût former un bon jugement des
moeùrsjd'une perfonne par fes écrits»».
Saint-Sorlin Defmarets, non moins connu par
fi n fanatifme que par le poëme de. Clovis,
voyant paffer un jour dans la galerie du Louvre
La M'othe le Yayer : Voila, dit-il, un homme
qui P d'point de religion. Notre philoÇophs fe
tourna vers, lui , & daigna-lpi dire ; mon ami 3
j ai tant de religion, que je ne fuis point de ta
religion.
Quoique le Yàyen. aimât beaucoup U tranquillité
, la retenue' dont il faifoit profeflïcn parut l’a
bàndonner , lorfque Vaugelas. publia fes; remarques
fur la langue. Il crajgnoit, s'il les adoptoit,
d'être dans une efpèce de néçefllfé de repaflfer tout
ce qu’il aVoit écrit; il prit donc le parti ^d’attaquer
ces remarques qu'il prétendoic être pour ià plupart
.ou fauffes, ou inutiles ; il reffembloit à ces
bons religieux qui, accoutumés à leur ancienne
difeiplinè un peu relâchée, ne peuvent fouffrir
qu'on vienne la réformer & les réduire à un genre
de vie plus régulier & plus auftère. Ûifioire de
V académie.
La Mothe le^ Yayer ayant fait un livre d’un
dur débit, fon libraire lui en fit des plaintes. Ne
vous mettez pas en peine, lui dit-il, je fais un
fecRt... pour, le faire acheter. Il employa fès-amis
pour le faire défendre. Des qu’il fut défendu,
tout le-monde voulut l’avoir, & on fut bientôt
obligé d'en'faire une fecbnde. édition.
Le père Merfenne , minimè , favort employer
ingénieufement les penfées des autres. C'eft ‘
pourquoi La Mothe Je Yayer l’appelloit le
bon Larron. ?
La; ^Mothe le Yayer parloit voldhtiers d'’un
çcrival-i fciûpuleux , »equ'èffuf vïftgTqitarre hëu
rts à rêver comment il feroit pour éviter dë dire
ce: f e r o i t à càufe de la • reffembl#?ice des deux ■
premières fi 11 a b es.
Les relations des pays éloignés faifoietit lé plus ,
grand _ am; ffement de le Yayer. Dans -fa derrière ..
ryaladie;; & ayant' là !rrièrt fur lés- lèvres j fon
•Wfni Bernjçç viiitje voir, .Dès’ôtf’il ,1 eut reconnu :
•^uèllesSiibùyéiles. à-def-vùuk du gfând Mojjbfê'’ Iqi
demandait-il^ ;Oë furent’ 1 îfcs dërniëfes pàrbfesy'il !
empira peu de temps après.
Le Yayer avoit un fils abbé que U morç lui en-
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-leva àT’âgë de j'y ans. C ’eft à cet abbérque Boileau
a adreffé fa quatrième fatyre. 11 fit imprimer
les^oeuvres de fon^ète , dont il y a une dern:ère
édition de 1756, en 16 grands vol. in-8°.
V E N D O M E , ( Louis - Jofeph Duc de )
mort à Vignaros'en Efpagne le 11 juin 17 12,
âgé de cinquante-huit ans. Il étoit arrière petit
fils de Henri I V , & de Gabrielle d'Eftrées.
Lors de la journée de Steinkerque en 1692,
le maréchal de Luxembourg parcourant les rangs
pour .animer tsout le monde à bien faire, dit à
Vendôme : Pour vou.s , je nai rien a. vous recommander.
»» Monfieur le maréchal, répliqua
Vendôme, mort ou v i f , je ferai loué aujourd'hui
des honnêtes gens »».
Lorfqu’ il fut à la tête des armées, le moindre
foldat, comme il eft dit dans le portrait de ce
général, auroit'facrifié fa vie pour lui. Il faifoit
durant l’hiver de 1701 le fiége de Verne. La
neige combloit tous fes jours la tranchée ; la
gelée rendoit la terre aufli dure que les pierres ;
les foldats tomboient morts de froid à chaque
inftant ; l’armée favoit qu’il y alloit de la gloire
de fon général, qu’ elle appelloit fon père, de
prendre la place : mais l ’on n’entendit pas un
murmure.
Il reçut un jour un éloge bien flatteur & bien
naïf en même temps d’un jeune Seigneur qu’ il
avoit envoyé en cour pour annoncer la vittoire
qu’il venoit de remporter à Luzara en 1702. C e J
■ jeune Seigneur s’embarraffa dans le récit qu’il ën
fit. Madame la duchefïe de Bourgogne qui étoit
préfente , rioit de tout fon coeur ; Louis X IV ne
perdoit rien de fa gravite. Le jeune Seigneur
ayant fini fon récit comme il put, dit au roi : »
Sire,, il eft plus facile à M. de Vendôme de
gagnerune bataille, qu’il n?-ëft aiféde la raconter »».
On a, eu fouvent lieu de louer fa préfence d’ef-
prit. Des troupes qui étoient à.fes.ordres, plipient
• dans une ocçafîon, & les officiers:‘faifoient de
vains efforts pour les retenir. Vendôme fe jette
auflïtôt au milieu des fuyards, & crie à leurs
chefs : Laïjfe% faire les foldats , ce n eft point ic i,
ceft là , montrant un arbre éloigné de cent pas,
jfne ces troupes vont & doivent aller fe reformer. Ces
paroles qui marquoient aux troupes que le géné-
.ral n’étoit pas-mécontent de leur valeur , & , qu’il
s'en rapportent à leur expérience , curent le fuc-
çcs defiré. -
■ Dans le temps que ce général commàndoit
l'armée edés ’deux • couronnes dans là Lombardie ,
la défertion étoit-corifidér-able-parmi les Italiens.
;E;n';yaiq :fa peine de mort étoit exécutée contre
.tous 4es[[déferteurs, rien .ne pouvoir fixer des fql-
d ats, fqüs: de u es ;;dra peaux.,. A la fi n,.,' ,1e . g énéral
coni\oifl^nç; mieux le foible des Italiens , fit pu-
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blief qtie tous «eux qui déferteroient , feroient
pendus à l'inftant & fans l’affiftance d’aucun
prêtre. Cette punition, comme on l’avoit prévu ,
fu. plus dtimprefliomfur ces lâches, que la mort
même. Us avoient bien voulu.rifquer d’être pendus;
mais ils ne voulurent pas courir le rifque
d'être pendus fans confeflîon. ; ' - -
En .17lo le dùc de Vendôme fut envoyé au
fecours de Philippe V , roi d’Efpagne. C e gé-
ûérâl n’eut pas plutôt paffé les Pyrénées, qu'il
vit les grands délibérer fur le rang qu'ils lui
donneroient. »» Tout rang m’eft bon, leur dit-
il; je ne viens point vous difputer le p as , je
viens fauver votre roi m.
Lors de la journée de Villaviciofa en 17 10 ,
les armées de Philippe & de l'archiduc s’étant
rencontrées, on fe difpofa de part & d’ autre
à} une aétion fanglante 8c peut-être décifive.
Comme les courtifans conjuroient Philippe, de
ne pas s’expofer & avec lui tout le royaume : »
Allons , fire, lui dit Vendôme, quand vous ferez
à la tête de tant de braves gens vos ennemis
ne vous réfifteront pas »>.
La viétoîre ne tarda point à fe décider en faveur
de Philippe. Lorfque les troupes ennemies
furent entièrement diffipées,.ce prince, au mi- ■
lieu du champ de bataille, témoigna à Vendôme
qu'il avoit un befoin extrême de dormir. Sire ,
lui dit le duc , je vais vous faire arranger le meilleur
& le plus 1beau lit qu'un roi ait jamais eu. Dans
le même inftant on plaça fous un arbre les drapeaux
qu’on venoit de prendre. Le roi fe jetta
deflus tout botté, & y dormit quatre ou cinq
heures. .
Philippe V , plein de reconnoiflance pour Vendôme,
difoit qu’il lui devoit la couronne. Ce
général qui avoit des rivaux jaloux de fes fuccès,
répondit àq roi en lui renvoyant l’honneur de la
vi&oire : Yotre majefté a vaincu fes ennemis yj'ai
Vaincu les miens. On peut fe'rappeîler ici ce proverbe
efpagnol : » Fais bien, tu auras des envieux
: fais mieux tu les confondras »».
• Louis X IV apprenant l’événement de la journée
de Villaviciofa , où une armée vaincue juf-
qu’alors venoit de vaincre, parce qu’ elle avoit
été menée au combat par Vendôme : Voilà, dit-
i l , ce que c‘éfi qu'un homme de plus.
Lorfque ce libérateur de l'Efpagne eut fini fa
carrière à Vignaros, Philippe V lui donna en
p.lpurant fa fépulture à l’Efcurial au milieu des
rois fes prédécefleurs. Il l’avoit décoré pendant
fa vie du titre & des. honneurs de premier prince
du fang d'Efpagne.
C e monarque difoit un jour au duc de Vendôme
? » 11 eft furprenant qu’étant le fils d'un
père dont le génie étoit fi borné» vous qccel-
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liez dans la fciénce militaire. Mon efprit, répondit
Vendôme, vient de plus loin. Il vouloit
faire entendre qu'il reffembloit à Henri IV dont
il avoit l'honneur de. defeendre.
VEN G E AN C E . Cn a dit que la vengeance
étoit douce , o u i, pour une ame foible & incapable
de fupporter l’injure.
La vengeance eft fouvént aufli funefte à celui
qui l’exerce qu'à celui qui l'éprouve ; c’ eft un
fer aiguifé par les deux bouts, que l'on appui-
roit entre fon coeur 8e celui de fon ennemi.
Protagore avoit donné en mariage, fa fille à
fon ennemi 5 on lui demandoit pourquoi ? il réponde':
c ’eft què de toutes les femmes qui
font daus le monde , je liai donne la plus méchante,
& que je ne pouvois plus cruellement
me venger.
Un gentilhomme Anglois , qui étoit à Madrid,
en fe retirant uDe nuit chez lui, eut le
-malheur d’être infulté par des inconnus , qui
le forcèrent de mettre l’épée- à la main. Il le
défendit vaillamment, Ôc l'un d’eux tomba à fes
pieds, noyé dans fon fang. Ignorant à qui il
avoit eu affaire, notre Anglois fe réfugia fous
le portail d'une églife , qui pouvoir, dans le'
befoin , lui fervir d’afyle ; mais en s'appuyant
contre la porte, il ne fut pas peu furpris de
s'appercevoir qu'elle n'étoit pas fermée : il entre,
& fon étonnement redouble à la vue d'une foible
lumière , & fur-tout d’une femme vêtue de
"blanc, qui fortoit d’un tombeau, avec un cou:-;
te.au enfanglanté à la main. Le pharitôme s'approcha
de lui, & lui demanda, d’ une voix qui
lui parut.terrible, ce qu’ il venoit faire dans ce
lieu. Ne doutant pas que ce ne fût un efprit ,
il ne deguifa rien de ce. qui lui étoit arrivé. »»
Etranger, lui dit cette femme, ( car c ’en étoit
réellement une;) comme vous je fuis coupable
d’un meurtre. Je fuis religieufe, d’une famille
noble. Un lâche fcélérat, qui m'avoit déshonorée
, s’en étoit vanté ; ma main a lavé mon
affront dans fon fang : mais , peu fatisfaite de
l’avoir immolé à ma vengeance, j'ai obtenu du
porte-clefs.de-cette églife la permiflion d'entrer
dans.fon tombeau, & je viens de lui arracher ce
coeur perfide, pour.le trajter de la manière qu'il
le mérite. *» A ces mots , elle mit le coeur en
. pièce avec Ton couteau & en foula aux pies tous
les morceaux ? Quelque romanesque que paroiffe
cétte aventure on prétend qu’elle eft véritable.
Les habitans de Corfou font d’un naturel fort
1 vindicatif , comme il paroît par ceite hiftoire.
Deux familles avoient pris querelle entre elles:
. pour une chofe affez légère d'abord,- mais qui
alla fi lo in , que plufieurs perfonnes furent tuées
de part & d'autre, & furtout du.côté de celle
qui ayçit offenfé le parti le plus puiffant. Une
• A a a a a a 2
Ti
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