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Elle revint en Hollande au bout de deux ans,
où elle publia un ouvrage dont les planches charmèrent
les peintres, 8t dont les obfervations fe-
roient honneur aux plus grands naturalises.
Cette habile phyncîenne, qui fut examiner avec
foin les mouches brillantes de Surinam , dit que
leur lumière eft fi vive & fi continue . qu'une
feule lui a fuffi pour l'éclairer a peindre toutes
les figures qui font gravées dans fan ouvrage,
fur des infeÇtes de ce pays.
MERVEILLEUX. ( Objets ) Le célèbre architecte
Dinocrate, ne pouvant avoir un accès
tacite auprès d'Alexandre , à qui il fe vouloir
faire connoître , fe fervit de cet étrange ftrata-
gême, pour parvenir à Ion but. Il fe dépouilla
de fes habits ordinaires* s'huila tout le corps *
fe couronna d’une branche de peuplier, couvrit
fon épaule gauche d’une peau de lion * prit une
maffue en fa main, & comme un autre Hercule*
s'alla enfùite préfenter en cet équipage devant
-Alexandre * qui étoit affis fur fon trône * pour
y rendre la juftice. C e prince, furptis de la nouveauté
de ce fptcticle , lui demanda qui il étoit :
«Je fuis, lui répondit-i!, l’architeCte Dinocrate,
Macédonien ; je t’apporte des deffins dignes de
ta grandeur : je ferai, fi tu veux, le mont Athos
en forme d'un homme „ tenant en fa main gauche
une grande ville, & en fa droite une coupe qui
recevra les eaux de tous les fleuves qui découlent
de cette montagne , pour les verfer dans la
mer». Alexandre n’approuva, pas fon defiein ;
mais connoiffant fon mérite , il le retint auprès
de lu i, & s’en fervit pour bâtir en Egypte la
ville d’Alexandrie,
On a mis au nombre des merveilles la colombe
de bois volante d’Architas, les oifeaux d’or de
l ’empereur Léon, qui chantoient; ceux de Boëce,
qui chantoient & voloient. La tète parlante d'Albert
fe Grand, & la mouche de fer , qui fut pré-
fentée à Charies-Quint, & q u i, félon la def-
cription que nous en fait du Bartas dans la fi-
xième femaine ,
Prit fins aide d’autrui fa gaillarde v o lé e ,
F it une entière ronde, & puis, d’un cerveau las,
Comme ayant jugement, fe percha fur fon bras.
On admire encore la fphère de verre d'Archimède
, que Caffiodure , épitre 4 J , de L. 1 , Varier,
appelle une petite machine qui contient tout
k monde i un ciel portatif , l’ab-égé de l’nni-
vers , le miroir de la nature. Mais on doit bien
plus admirer ce nombre prefqu’innombrable de
petits animaux, dont on apperçoit la figure par
le microfcope, dans une goutte d’eau , que le
poivre qu’on y a mis tremper a altérée. Ils fe
meuvent avec une rapidité incroyable, comme
autant de monftres dans une vafte mer. Chacun J
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de ces animaux eft mille fois plus petit qu’un
1 civon j & néanmoins c'eft un corps qui vit &
1 qui Ce nourrit , qui croit qui doit avoir des muf-
| clés , des vaifteaux équivalent aux veines, aux
: nerfs, aux artères, & un cerveau pour diilribuer
! les efprits animaux. Une tache de moififlure de
1 la grandeur d'un grain de fable paroît dans le
microfcope, comme lin amas de plu fient s plantes
tiès ail; in Ôtes, dont les unes ont des fleurs , Us
autres des fruits. Il y en a qui n’ont que des
boutons à demi ouverts ; il y en a quelques-unes
qui font.fanées : de quelle étrange petiteffe doivent
être les racines', les filtres qui féparent les
alimens de ces petites plantes? & fi Ton vient à
confidérer que ces plantes ont leurs grains, ait fi
que les chênes , les pins 3 & que ces petits animaux,
dont je viens de parler', fe multiplient
par voie de génération, comme les elephans &
les baleines , où cela ne mène-t-il point? peut on
comparer les ouvrages de l'art les plus exquis,
à ces ouvrages d’une petirefle infinie, dont les
refforts merveilleux jouent fi bien ?
Nous avons fous les yeux un effort de l’art
plus furprenant que le tranfport & l'entretien des
fameux obelifques d'Egypte. Ce font les deux
pierres qui forment le tronton du louvre. Elles
ont 52 pieds de-long, 8 de large, pèfent chacune
plus de 80 milliers, & . n'ont tout au plus
que 18 pouces d'épaifîeur ; qu’on juge des-peines
&, des foins que ces deux morceaux ont dû
coûter à tirer de la carrière , à voiturer & à élever
fans les rompre à plus de 120 pieds du rez-
de-chauffée , fur-tout ayant aufli peu d'épaiffeur.
MÉZERAY , ( François Eudes de ) né en
1610, mort en 1683.
Méçeray étoit d’une taille médiocrej fa phyfiq-
nomie ne décidoit rien ni pour ni contré lui j fon
efprit le diftinguoit mieux que fon. air } mais il
manquoït d'une certaine politeffe qui eft du goût
de tout le monde, quoiqu'elle,foit le partage de
peu de perfonnes. Ennemi de la contrainte, il
s'affujettiffoit aux loix fans les aimer. Sa fincérité
n’auroit mérité que des louanges, s'il l'eût contenue
dans de juftes bornes , ou que deg motifs
cachés ne reuffent pas quelquefois fait paf-
fer au-delà.
Mènerai avoit obtenu du gouvernement une
penfion de 4000 livres. Mais plufieurs traits hardis
qu’il inféra dans fon abrégé de l’hiftoire de
France , fut l'ojigine de la plupart des impôts,
déplurent à M. Colbert-, qui donna ordre à Perrault
, de l’academie fra'nçoife , de l'aller trouver ,
& de lui dire de fa part que « le roi ne lui avoit
pas donné une penfion de quatre-mille livres pour
écrire avec fi peu de retenue} que ce prince rt f-
peéloit trop la vérité pour exiger de fes hiftorio-
graphes qu'ils la déguifaffent par des motifs de
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crainte ou d’efpérance ; mais-qu'il ne prétendoit
pas au (fi qu'ils duffent fe donner la licence de
réfléchir fans néceffyé fur la conduite de fes ancêtres
, & fur une politique établie depuis longtemps,
& confirmée par les fuffrages de la nation
». Méçeray promit de corriger dans une, fécondé
édition ce qui avoit déplu au miniftr’e. Il
le fit, mais en apprenant au public que des ordres
fupérieurs l'avoient forcé de pallier la vérité. Pour
le punir, on fupprima la moitié de fa penfion :
l'hiftorien murmura, & perdit l’autre moitié. Il
déclara auffi-tôt qu'il ne vouloit plus écrire ni
continuer fon hiftoire s & afin qu’on n'ignorât
pas le motif de fon filence , il mit à part dans
une caflètte les derniers appointerons qu’il avoit
reçus en qualité d'hiftoriographe, & y joignit un
billet, fur lequel il écrivit de fa propre main ces
paroles : Voici le dernier argent que j ’ai repu du roi ;
il a cejfé de me payer, & moi de parler.de lui, foit
en bien , foit en mal.
C ’étoit le cardinal de Richelieu qui, toujours
attentif à s'attacher les gens de lettres, & fur-tout
les hittoriens, avoit le premier gratifié Mé^eray
d'une penfion. Cethiftorien avoit coutume, lorsqu'on
lui difoit au tréfor royal qu’il n'y avoit
point de fonds pour lui payer fa penfion^ de fe
préfenter au cardinal, non pour en folliciter^ le
paiement, mais pour lui demander la permiflion
d’écrire l'hifloire de Louis XIII, lors régnant. Le
cardinal, fans répondre à fa demande, lui difoit
qu’il alloit donner des ordres au garde du tréfor
royal de lui payer fon année, & il la touchoit.
Mé^eray dans tous fes ouvrages, paroît chagrin
& envenimé contre les traitans. A l'ouverture de
fon fcellé on trouva dans le fond d’un coffre un
éçu d’or frappé au coin de Louis X I I , furnomme
le Père du peuple. Cet écu étoit enveloppé de
différens morceaux de papiers, dont le dernier,
écrit & ligné de fa main, portoit ces paroles :
« Il y a plus de trente ans que je garde le préfent
» écu d’or pour louer une fenêtre à la place de
» grève, lorfqu’ on y pendra un maltotier ».
Il s’avifa , en travaillant au di&ionnaire de
l’académie françoife , d’ ajouter cette .phrafe au
mot comptable : Tout comptable eft pendable 3 phrafe
que les autres académiciens ne voulurent jamais
lui paffer, & qu’ il fut obligé d’ effacer ; ce qu’il ne
fit cependant qu’en ajoutant ; par dépit, à la marge:
Rayés quoique véritable.
Mc^eray donnoit toujours une boule noire, dans
le ferutin à tous ceux qui afpiroient aux places
vacantes dans l’académie. On fut long-temps à
deviner de qui pouvoir venir, une réfolution fi
conftante.de nuire. A- la fin le cara&ère de
Méqerày fit foupçonner que c’étoit de lu i, &
la cqnjeélure fe trouva vraie. On lui demanda
la raifon d’une conduite fi bifarre i il répondit que
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c’étoit pour laiffer à la poftérité tin monument d*
la liberté de l’ académie dans les élections.
Une autre bifarrerie de cet hiftorien, c ’eft qu’ il
ne travailleur qu'à la chandelle, même en plein
jour au coeur de l’été ; & comme s’ il fe fût alors
perfuade' que le folcil n’eclairoit plus , il ne man-
quoit pas de reconduire jufqu’à la porte de la rue,
le flambeau à la main , ceux qui lui rendoient
vifite. Peut-être n’ étoit-ce qu’une diftraCtion de
fa part, que Larroque , qui rapporte ce fait, a
convertie en habitude , pour lui donner un ridicule.
V
Mé\eray demanda un jour au. père Petau, que
l’on confultoit comme un oracle, ce £u’il penfoit
eu général de la nouvelle Hiftoire de France :
celui-ci lui‘ répondit durement qu’ il y avoit découvert
mille fautes groffières. Mé[eray , fans
fe déconcerter d’une répartie fi imprévue, lui répondit,
d’un ton ironique : « J’ai été plus févère
!) obfervateur que vous ; car j'en ai trouvé deux
»' mille».
Notre hiflorien Méreray étoit l’homme de la
terre le plus frileux. Patru, célèbre avocat, le
rencontrant un matin qu’il geloit fo r t , lui demanda
comment il fe trouvoit de ce temps-là ?
n J'en fuis à L , mon cher Patru , & je cours
» regagner mon feu». Cette énigme, dont le
jurifconfulte cherchoit en vain le mot, lui fut
expliquée par un de fes amis : « Mé\eray , lui
» dit i l , dès l'entrée de l’hiver a toujours der-
*> rièrç foi) fauteuil douze paires de bas étiquetées
» depuis la lettre A , jufqu'à M ; & en fortant
» de fon l i t , il confulte fon baromètre, pour en
' „ chauffer autant de paires que le de'gré du froid
» femble l’exiger ». '
MICHE L-AN G E , ( Michel- Agnolo-Buonar-
roti ) peintre , fculpteur & architecte, né en
t4 7 4 , mort en ’ 564.
Le père dè Michel-Ange, n’étant pas bien
aife que fon fils s'attachât à h peinture, avoit
coutume de le gronder, quand.il le voyoit peindre
ou deffmer ; un jour entr autres en le reprenant,
il fe mit dans une colère horrible contre lui.
Notre peintre au lieu de faire quelque attention
aux reproches que fon père lui faifoit , le
conlîdéra avec admiration, & frappé d’un fl beau
modèle, d’un vieillard irrité : « Ah! s’écria-t-il, le
» beau père en colère , à peindre ».
Buonarroti, à l’âge de feize ans, voyant un
jour un bloc de marbre, s’avifa de le fculpter ,
& en fit une tête de fatyre, quoiqu'il n'eût jamais
manié le cifeau. Cet heureux effai lui mérita non-
feulement d'être reçu dans l’académie que venoic
d‘ établir Laurent de Médicis, mais lui valut encore
une penfion du prince, Un logement dans