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railleurs, y ai pris ce. qui eft pour l'inftant le plus
néceflaire à ma famille. Il rie mentbit pas , & fori
adrejfe lui conferva fon butin.
Un aveugle avoit cinq cents écus qu'il cacha
dans un coin de fon jardin ; un voifin le vit , &
lés enleva pendant la nuit. L'aveugle défefpéré du
larcin , fut trouver fon voifin qu'il foupçonnoitd'en
être l’auteur. Voifîn, dit-il, d'un air.qui annonçoit
un homme fans inquiétude, je viens vous demander
unconfeiljj'ai mille écus dont j’ai caché ta moitié,
dans un lieu sûr, croyez-vous qu'il foit prudent
de mettre l'autre moitié dans le même endroit.',
Oui-da, voifin, je vous le confeille, dit le voleur,
d'ecus,. & dans l ’efpérance d'une plus belle prife, ;
il fe hâta de remettre les cinq cents écus où il les
avoit pris ; mais l'aveugle ayant, par un tour d'<z- '
drejfe} fait rapporter fon argent, le prit & n'en
remit plus. .
ADRESSES. Les adrejjes, en Angleterre, ont
pris naiffance du temps de Richard Cromwel.
Lorfqu'il fuccéda à fon père Olivier au protectorat
, il reçut , des àdrejfès de tous les, corps du
royaume, qui dévouoient-à fon fervice leurs vies
& leurs fortunes, tandis que la plupart tramoient
déjà le projet de fadeftruétion. Ce Richard Crom-
w e l n'étoit pas auffi imbécille qu’on l'a imaginé.
Lorfqu'après l'intervalle de fept mois, de fon règne
burlefque, il fit emporter fes_meubles de Whitéhail,
il apperçut un vieux coffre que l'on traînoit. avec
fort peu de ménagement, & il recommanda qu'on
en eut plus de foin, parce qu'il contenoit, dit-il,
les vies & les fortunes du bon peuple d’Angleterre.
Aucun prince n'a reçu plus d’adrejfes de fon
peuple que Charles I I , tandis que le même peuple
le laiffoit manquer de tout, & lui fourniffoit a peine
de quoi pourvoir aux dépenfes du gouvernement :
ce qui mit ce prince dans la néceflité humiliante
de devenir , contre fon g ré , penfionnaire de la
France. Killegrew, fon bouffon de facetieufe mémoire
, fe moqua un jour affez plaifamment des
offres ftériles de la nation angloife. Il recommanda
en particulier au tailleur du roi, de faire, pour
un habit de fa majefté, une poche très-grande,
& l'autre extrêmement petite. Charles étonné
d'une femblable difproportion, apprit que c'étoit
une imagination de Killegrew, & lui en demanda
la raifon. La grande poche, répondit le bouffon ,
fervira a contenir lèp adrejfes dé vos fùjeis , & l'autre
a recevoir, l'argent quils ont envie de vous donner.
Jacques II trouva la même fincérité dans fon
euple : lorfqu'il publia fa’ déclaration pour la
berté dé confcience, tous les non-conformiftes
s ’emprefsèrent de lui offrir leurs vies & leurs fortunes
, & l'on fait qu’ils -furent enfuite les plus
ardens promoteurs de. ton exclufîon.
Çuilljumé III n'éprouv^ pas ^ de la part de.
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fes fujets , la reconnoiffance qu'il devoit én attendre,
& il ne trouva pas dans la fouverairieté',
ce que les âmes aveuglées par l'ambition efpèrent
y rencontrer : la couronne fut pour lui une couronne
d’épines. Son peuple, craignant toujours de
fe voir enveloppé dans des alliances' étrangères, &
foupçonnant Guillaume d’avoir plus à coeur l ’intérêt
de la Hollande que celui dé l'Angleterre,
ne lui accordoit ordinairement les fonds ' néeef-
faires pour foutenir la guerre,, que lorfque la. campagne
étoit déjà fort avancée, & que les ennemis
avoienteu le temps de gagner plufieurs avantages.
C'eft-là la principale raifon pour laquelle ce prince,
grand même dans fes défaites, fut toujours vaincu
par les François.
Vers la fin du règne de la reine Anne, fa majefté
reçut des adrejfes portant les plus fortes pro-
teftations d'afîurer la branche proteftànte , de la
part d'hommes qui firent tous'leurs efforts , après
la mort de cette princeffé, pour rétablir le prétendant.
' , |
L fdrejfe la plus remarquable du règne ’de Georges
2 , fut celle du Bourg de Totnefs dans" le Dé-
vonshire. Lorfque l’empereur Charles VI & le roi
d’Efpsgne s'unirent par le traité de Vienne, cette
alliance parut peu favorable à l'Angleterre , & le
bourg que nous venons de nommer, voulut fi-
gnaler ton zèle , en affinant à fa majefté qu'ils
étoient difpôfés à lui accorder, non-feulémènt les
quatre schelings pour livre de la taxe des terres,
mais encdre les feize autres reftans de la livre, fi
fon fervice, l’exigeait. O r , il eft bon de favoir que
ce même bourg, fi généreux, n'avoit pas un pouce
de terre qui lui appartînt.
On doit voir avec plaifir qu'il règne aujourd'hui
plus de fincérité & de franchife dans les adrejfes
qu'on préfente au fouverain. Il n'en eft plus, comme
autrefois, lorfqu'il n’y avoit, dans un comté, dans
une ville, ou un bourg, qu'un petit nombre d'hommes
adroits , capables d'écrire une adrejfe 3 dans
laquelle ils faifoient dire aux membres de leur affo-
ciation ce qu'ils jugeoient à propos : alors, dans
la plupart des corporations du royaume, excepté
le maire & les échevins, à peine trouvoit-on un
homme en état d'écrire deux lignes d?anglois &
de fens commun»
ADRIEN ( Æfius ) empereur, fils adoptif 8e
fucceflfeur de Trajan, mort l’an 138 de J. C ,
Plufieurs concurrens lui difpütèrent l’empire ;
- Adrien les fit rentrer dans le devoir. Un d'eux fe
préfenta pour obtenir fon pardon ; le voilaI dît
l'empereur en l'embraflant.
Ses ennemis fembloierit le craindre j rajfureq-
' vous , leur dit-il, Adrien ejl Votre empereur 3 vous
; êtes fauvés. ' - .
Le philofophe Favorin difputoit contre lui, &
, finiftois
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finiffoit toujours par lui céder} comme on lui en
fit des reproches. I l eft » repondit-il,. trop an-
gereux d’avoir raifon avec un kotnme qui a trente
légions pour réfuter vos argumetis.
Il avoit raifon, car cet empereur fit aftaffiner
l’architeâe Apollodore qui critiqua un édifice bâti
fur le plan de cet empereur , en lui difant que les
déeffes affifes dans fon temple fe cafteroient la tête
contre la voûte, fi elles vouloient fe lever,
ff II fuffifoit à Adrien d’entendre un difeours une
feulé fois poür le répéter fur le champ.
% Lorqu'il fentit la mort s'approcher de lui, il com-
d ofa, dans les derniers inftans, ces petits vers
adins»
Animula vagula, bïanclt’a ,
Hofpes, comefque corporis ,
Quas nune abibis in loca
VallÂdula, • rïgida. , nudula ?
Nec , ut foies, dabis jocos.
Ma petite ame , ma mïgnone,
Tu t’en vas donc , ma fille , & Dieu fâche où tu vas.
Tu pars feule & tremblante, hélas!
Que deviendra ton humeur folichonne?
Que deviendront tant de jolis ébats ?
Trad. par Fo x t e n e z ie .
f| Il eft le premier des empereurs romains qui introduit
la coutume de biffer croître la barbe, &
ce qu’ il fit pour cacher une difformité de fon vilage,
fut adopte comme un ornement par fes fuccef-
feurs.
• L'empereur Adrien mettoit toujours de la poli-
teffe dans fes difeours, même en parlant à des
gens d une condition vile, & déteftoit ceux qui,
fous prétexte qu'un prince ne doit jamais déroger
a la mâjefte de fon rang, lui faifoient une efpèce
de crime du plaifir qu’il goûtoit à donner ces marques
d'humanité.
ADRIEN V I , pape , mort en 15-2.3. Il fit une
epitaphe dans laquelle il d it, que le malheur de fa
vie a ete d avoir eu a commander. C e fouverain pontife
avoit pour principe q.u'zï falloit donner les
hommes aux bénéfices , & non pas les bénéfices aux
nommes.
; ADVERSITE. YJadverfitê eft un état d’infortune
& de malheur, ou plutaôt une fuite d'accidents
fâcheux.
Nous donnerons comme un terrible exemple
p infortune , les dernières années de Périclès célébré
général Athénien.
t Cet homme qui avoir régné fi long-temps dans
«Athènes, qui avoit érigé neuf trophées pour autant
de vi&oires qu'il avoit remportées, aufii ihulbe
! fucyclopédipna.
A D V a?
dans la paix que dans la guerre , S? pour qui la
fortune fembloit avoir oublié fon inconftance , fe
vit accablé dans fa vieilleffe, de tous les maux
qui peuvent toucher un coeur fenfible. Les Athe*»
niens lui ôtèrent fa charge de général, Sc le condamnèrent
à une groffe amende. Devenu fimple
particulier, il crut au moins goûter la paix au fem
de fa famille. Il y trouva des chagrins encore plus
cuifans j il avoit perdu, par la pefte qui régnoit
encore • à Athènes, un grand nombre de parens
& d'amis. La divifion fe mit. au fein de la famille
qui lui reftoit. Xantipe, fon fils aîné , ayant fait de
folles dépenfes & des dettes que Périclès ne put
payer, le décria par-tout, & ce fils dénaturé ayant
été attaqué de la pefte, n'abandonna pas même
à la mort fon inimitié contre fon père. Périclès
perdit enfuite fa foeur & fes autres parens; enfin,
la pefte l'enleva lui-même après cette longue ad-,
verfité.
Pour les grandes âmes, Yadverfité préfente ea*-
core des avantages.
La plus trifte faifon a dés rigueurs utiles
La bife , les frimats, la neige Sc les glaçons ,
Engraifient nos güévets^, rendent nos champs fertile^
Les purgent d’herbes, de reptiles,
Préparent par degrés d’abondantes moifl’ons;
Tels font pour nous les temps rudes & difficiles»
Tels font les chagrins , les revers
Que l’on peut de la vie appeller les hivers.
Dans nos coeurs devenus dociles
Leur falutaire horreur fait germer les vertus.
Par de fecrets reflbrts , par de puiftans mobiles,
Un Néron devient un Titus.
L’adverfité nous rend habiles
A fupporter les maux fans en être abattus.
Denis le jeune, ch allé de fon royaume de Syra-
eufe, étant interrogé par un grec , à quoi la phfi-
lofophië de Platon lui avoit fervi : « — à voir l'in-
confiance de la.fortune fans m'étonner, & à la
fouffrir fans me plaindre ».
L ’adverfité eft le creufet des âmes fortes & ver-
tueufes. Montrer de la confiance dans les revers ,
foutenir le malheur & s'y foumetrre, voilà Japreuve
d'un grand coeur, dont le trait fuivant nous offre
un beau modèle.
Depuis le fyftême de La w , une famille de diftinélion,
corripofée du père , dé la mère & de cinq enfans ,
paffa la vie dans une cabane, à l ’extrémité d'un
village ; expofée , nous ne dirons pas aux injures
de l'a ir , mais du moins aux privations les plus
fenfibles pour les perfonnes qui ont connu longtemps
les' douceurs de l'abondance. Un revers de
fortune leur ayant fait perdre en peu de jours tout
leur bien., le père, dont l'humeur étoit violente,
balança s'il ne devoit point avoir recours au remède
anglois.. Son époufe s'apperçut de fes agi