
repouffe la mort. 11 y a à côté du héros un génie
ious la figure d’ un enfant j il éteint un flambeau.
De l’autre côté du maufolée, l ’aigle eft renverfé
fur le dos, les allés déployées y le léopard ter-
rafle expire 5 le lion paroit agité de frayeur :
lymboles de l1 Allemagne , de l'Angleterre & de
la Hollande. Au-deflous eft une figure allégorique
de la force , le ccude fur une maffue, &
la tête appuyée fur la main. Le maufolée a vingt
pieds de face fur vingt-cinq de haut, & cil
exécuté en marbre.
Lors de la pompe funèbre du maréchal de
Saxe, après que foncorps eut été tranfporté dans
la capitale de l’Al&ce * deux foldats qui avoient
fervi fous lu i, entrent dans le temple où étoit
dépofée fa cendre. Iis approchent en filence, le
vifage trifte, l'oeil en pleurs. Ils s'arrêtent aux
pieds du tombeau, le regardent, l’arrofent de
leurs larmes. Alors l'un d'eux tire fon épée,
l'àppl’que au marbre de la tombe comme pour
en éguifer le tranchant. Saifi du même fentiment,
fon compagnon imite fon exemple. Tous deux
enfuite fortent en pleurant, l’oeil fixé fur la terre,
& fans proférer un feul mot. S'il eft un homme,
ajoute le panegyrifte du comte de Saxe y à qui
cette aétion ne paroiffe pas l'expreflion la plus
fublime du fentiment dans des âmes Amples &
guerrières, la nature lui a refufé un coeur. Ils
penfoient ces deux guerriers que le marbre qui
touchoit aux cendies de Maurice, avoit le pouvoir
de communiquer la valeur & de faire des
héros.
L e comte de Saxe avoit epoufé la comteffe de
Loben , malgré fa répugnance pour un engagement
durable. Les attraits, la naiffance, les
riche fies de la jeune comteffe ébranlèrent d’abord ;
fon inçonftance ; & i l fr décida enfin tout-à-fait ]
lorfqu'il fut qu’elle s’àppeloit Victoire. Il a dit j
depuis que ce nom, fi flatteur pour.un guerrier,
avoit plus contribué à le déterminer que la beauté
& les grands biens de la comteffe. Il eut de ce
mariage un fils qui mourut fort jeune; mais les
dégoûts, fuccédèrent bientôt aux plaifirs, & cette
un on ne fut pas de longue durée. Fatigué par
les reproches trop fouvent réitérés que fa femme
lui faifoit fur fes infidélités, il entreprit de faire
rompre fon mariage* Selon les loix, le divorce ne
’ pou voit avoir lieu que dans le cas de preuve d’adultère
contre le mari ou contre fa femme. D ’un
autre côte l’adultère bien prononcé étoit-un crime
capital qui emportoit peine de mort contre celui
qui en étoit conva:ncu. Les obftacles ne l’arrêtèrent
point. Il étoit bien fur de l’impunité 5. il ne ;
s ’àgiffoit que de faire agréer le divorce à la comteffe
, afin que fur fa plainte les juges puffenr •
prononcer la Réparation. Il fe chargea encore de
le.veE cette difficulté, comptant bien s’y prendre
de- manière à lui infpitet le même dégoût qu’il ,
aVoitpour elle. 11 alla un jour, à ce t.e ffe t, la
trouver dans une de fes terres} & affrétant encore
plus d’humeur & de mauvaifes façons qu’il n’en
avoit eues jufqu alors , il réulîït à la mettre eu
-colère. On en vint aux reproches infultans. Le
comte, pour les terminer, lui propofa une féparation.
Elle entra dans frs vues, & confentit, par
écrit, à adopter testes les voies poiîïbles pour accélérer
le divorce. Charmé du fuccès de fa négociation
, le comte la pria de fe rendre à Drefde. Ce
fut dans cette ville que l’ affaire fut entièrement
terminée. 11 fut furpris en adultère avec une des
femmes de la comtefle. Six témoins ap^ftés certifièrent
le fait} il y eut plainte en conféqueoce ; le
mariage fut caffé par un. décret du fénat, & le
comte condamné à mort. Cette partie décret
fut annullée le jour même par de$ lettres de grâce
que le roi, fon père, lui accorda; !e comte fes
trouva fous fa feivier e en fe mettant à table pour
dîner avec fa majefté. Il promit à la comteffe de
ne jamais fe remarier, & lui tint parole. La
comteffe n’en fit pas de même. Elle époufa un
officier faxon, dontelie eut trois en fans. Eüen’avoit
confenti à la diflolution de fon mariage qu’ avec
beaucoup de chagrin ; car elle aimoit tendrement
le comte de Saxe. On prétend que le comte fe
repentit plus d’une fois d’avoir fait cette démarche :
ce que i’on affure-, c’eft que dès qu’elle ne fut plus,
fa femme , fes dégoûts ceffèrcnt,.& qu'il la veyoit
même avec plaifir.
Le comté de Saxe , avoit un tempérament
ardent qui le livroit aux femmes; mais peu conf-
tant dans fes goûts, il ne cherchoit qir’à les varier*
& fouveat fans beaucoup de délicateffe. Peut-être
que's’il eût pu fe'vaincre, & répondre aux foins
empreffes de la ducheffe de Courlande douairière^
-qui avoir conçu de là paffion pour lui* cette prim-
eeffe lui auroit afluré la fouveraineté de Cour-
lande, & même le trône de Ruflie, fur lequel
elle monta dans la fuite. Le comte de Saxe, avoit
étéappe'é à cette fouveraineté, par les états en
1726. Mais les polonois & les mofeovites, s’opposèrent
à cette éle&ion. La ducheffe de Cour-
lande , dans l’efpérance d’époufer le comte dé
Saxe, le fouti-nt de tout fon crédit. Elle avoit
d’ailleurs des attentions pour Je comte, dont
peut-être H fut excédé Ù car en tout il fe cond
uisit allez militairement, &c on rifquoit de lé
fatiguer par des démonfhations trop réitérées-
de ce qu’on fentoit pour lui. Tous les matins
un page de la princeffe fe trouvoit à fon lever *
pour fàvoir comment il avoit paffé la nuit ; un
inftant après ua officier venoit prendre fes ordres
pour le courant de le journée. Avoit-il la moindre
mdifpofîtion, tout le monde étoit en allàrmes
dans la cour de la ducheffe. Le comte n-’étoit
pas d’un caraétèr-e à s’amüfer de'tant de foins-..
D ’ailleurs n’ayant aucun goût pour la princeffe*
il étoit encore moins en e u t de fratir tout iis.
prix de fes démarches. Il eut tout lieu de fe repentir
de fon indifférence ; car la duchefle, après
avoir effayé vainement de Je toucher, après lui
avoir fait des reproches, qui etoient autant de
preuves de fes heureufes difpofitions pour lu i,
s’étoit èi fin rebutée. Une aventure arrivée dans
fon propre palais, avoit mis le comble aux fujets
de mécontentement qu’il lui donnoit chaque jour.
Le comte devint amoureux d’une; demoifelle de
la cour de la ducheffe* Ne pouvant avoir accès
dans fa chambre, il convint avec elle d’aller
pendant la nuit l’aider à fortir de fon appartement
par les fenêtres, de la conduire chez lu i, & de
la ramener avant le jour. Le comte, pour faciliter
le retour de la. demoifelle qui avoit peine à
marcher, parce que la terre étoit couverte de
verglas & de neige, la prit fur fes épaules pour
la reporter chez éilev Dans le temps qu’ il tra-
verfoit la cour, une vieille femme qui avoit une
lanterne, pafta auprès d’ eux; le comte, pour
l’empêcher de rien appercevoir, donna un coup
de p:ed dans la lanterne ; malheurenfrment l’autre
pied ayant gliffé fur le verglas, il tomba avec
lpn fardeau fur la vieille, qui fe mit à faire des
cris affreux, La garde accourut v & s’en retourna
dès qu’elle eut apperçu le comte. C et évènement
éclata, &. Ton crut devoir en amufer la ducheffe
à fon lever. EJje diflimula avec le comte ; mais
dès ce moment elle prit le parti de l’abandonner
entièrement. Quelques années après, cette prin- -
ceffe ayant été appelée au trône de Ruflie, le î
comte de Saxe, ne pouvant croire qu’ il fût ab- j
folument mal dans Ion efpric, fit une tentative
pour recouvrer fes bonnes grâces. Il gagna un
chambellan, qui fe chargea de porter les pre^
mières paroles ; celui-ci n’eut pas plutôt prononcé
le nom du comte, que l'impératrice lui
ordonna de. fe retirer ; il fut difgracié & chaffé de
la cour.
Le comte de Saxe, pour foutenir fes prétentions .
en Courlande avant qu’elles fuffent totalement
échouées , avoit écrit en France, afin d’avoir un
fecours d'hommes & d’argent. On doit à ce
fujet repéter ic i, un trait généreux de la célèbre 1
Lecouyreur, aélrice de la fcène f rançoifr. L ’attachement
qu'elle avoit pour le comte lui fit faire
le facrifice de fes diamans & de fa vaiffclle ; elle»
les mit en gage pour une fortune de quarante
mille livres quelle lui envoya.
Le maréchal de Saxe , qui difoit que toutes les
aâîons de notre vie n’étoient qu’un rêve, a pu
traiter de rêveries fes idées même les plus lumi-
neufes fur l’art militaire. Un fait affez particulier
& que l’on aura peut-être peine à croire, c’eft
qui! étoit malade, & avoit la fièvre, lorfqu’en
I7Î2. H fit l’ouvrage qui porte pour titr^ mes
rêveries. C et ouvrage fut compofé en treize nuits;
d le retoucha, & y fit des augmentations après la
paix de 1 7 ^ .
M . le comte, depuis maréchal de Saxe, avoit
imaginé, en 1729 , de faire conftruire une galère
fans rames & fans voiles, qui devoit monter la
Seine de Rouen à Paris en vingt-quatre heures.
Sur le certificat de deux membres de l’académie
des fçiences, il avoit obtenu un privilège excluftf
pour fa machine, qui ne réuflît point. La célèbre
Lecouvreur, amante du comte, s’écrioît
fouvent, après cette’dépenfe inutile : « Que diable
» alloit-il faire dans cette maudite galère ?
MAX IM E . Propofîtion générale, & qui con-
■ tient une vérité pratique. On a comparé iugé-
nîeufement certaines maxinj.es à des échveaux
mêlés. En tient-on un bout, on peut en devider
toute la morale & la politique-, mais il fauta cet
ouvrage employer des mains bien adroites.
Maximes.
I.
L ’économie eft la fource de l ’indépendance &
de la libéralité.
I I.
II ne faut pas laiffer croître l'herbe fur les
chemins de l’amitié.
I I I.
II y trois chofes que les femmes de Paris
jettent par les fenêtres, leur temps, leur fanté
& leur argent.
I V.
Le moyen de ne point s’ennuyer avec les autres,
eft de leur parler d’eux-mêmes , en même-
temps que c’eft le meilleur parti pour qu’ils ne
s’ennuient pas avec vous.
V .
Il ne faut folliçiter les perfonnes en place que
Iprfque l ’on eft fur d’obten.r.
V L
De toutes les manières d’obliger les malheureux
, la pîüs commode eft de leur faire foi-même
le bien qu’ils veulent que vous obteniez des autres-
poureux.
V I I.
Il ne faut pas donner de confeifl à ceux qui ess
ont befoin, ni faire de reproches à ceux qui les
méritent, ni chercher à amufer ceux qui s'ennuient.
V I I I .
Il ne faut pas défendre fes amis attaqués dans
le monde, en les juftiftant fur l’article fur lequel
on les accufe; mais en les louant fur les bonnes
qualités qtfon ne leur co?tsfte pas.