
à grands frais, un fuperbe château & une magnifique
chipelle qu'il réferva pour le dernier bâtiment.
Quand elle fut achevée , il manda à fes en-
fans : w Notre chapelle ett finie, & j'efpère que
» nous y ferons cous enterrés, fi Pieu nous prête
» vie. »
E N T H O U S I A S M E . L3entkouftafme qui eft
fondé fur l'erreur ou fur la vérité, fait toujours de
grandes <hofes.
Un gentilhomme napolitain foutint quatorze
duels pour affurer que le Dante valoir mieux que
l'Ariolte. Cet enthoufiafte du Dante étant au lit
de mort, s'écria douloureufement : « Je n’ai pour-
» tant lu ni l'un , ni faucre. ».
Le Dominicain avoit coutume de jouer , pour
ainfi dire , le rôle de toutes les figures qu’il vouloir
repréfenter, & de dire tout haut ce que la paflion
qu'il leur donnoit, pouvoit infpirer. Lorfqu'il pei-
gnoit le martyre de S. André* le Carache le furprit
comme il étoit en colère , parlant d'une voix terrible
& menaçante ; & il travailloit pour lors à urf
foldat qui menace le faint. Après que l'entkouftaf-
me fut paffé , le Carache courut l’embraffer , &
lui avoua qu’il avoit été ce jour-là fon maître,
& qu'il venoit d’apprendre de lui la véritable manière
de réuffir dans les expreffions.
Le célèbre Vernet, jaloux d’étudier la nature,
s’embarquoit fouvent dans fa jeunelfe & faifoit de
srès-longs trajets fur mer. Notre artifte étoit à
même d'obferver-les fcènes variées qu'offre cet
élément. Dans un de fes voyages , que l'amour
feul de fon art lui faifoit entreprendre, les vents
fe déchaînèrent, la mer fe fouleva, & le vaiffeau
qui le portoit eut la tempête la plus violente à ef-
fuyer. Ce grand peintre , fans penfer au danger
qu'il court, prie un matelot de l’attacher aux cordages.
Celui-ci lui eut à peine accordé fa demande,
que la tempête devint plus horrible, & le péril
plus évident; la confternation & -l'effroi fe peignirent
aufli tôt fur les vifages. A l'afpeft des vagues
irritées , au bruit & aux éclats de la foudre
qui fillonne la mer, Vernet paroît feul faifi-d’admiration
, & lailTe échapper ce cri de Y enthoilftaf-
me : « Ali 1 grand Dieu, que c'èft beau ! »3
ENTR AGUE S , marquife de Verneuil , ( Catherine
Henriette de Baîzac d ' ) morte enfiéyj, à
54 ans. Henri I V , éperdument amoureux de Ma-
d émoi Telle à’Entragues ^ lui demanda un jour par
©ù l’on pourroit entrer dans fa chambre, elle répondit
fièrement: Sire, partéglife.
Le roi eut la foibleffe de lui figner nne promeffe
de mariage ; mais le duc de Sully , à qui Henri IV
montra cette promeffe, prit le papier & le déchira
pour tome féponfç,
Le roi eut encore la foibleffe de faire une autre
promeffe ; mais il époufa enfuite Mark de Médi-
cis. La maitreffé , furieufe, ofa méditer Içs moyens
de fe venger de fon amant, & fe ligua contre lui
avec le roi (TEfpagne. Elle obtint facilement le
pardon de cette trahifon. Il en coûta une fois cent
mille écus à Henri IV pour un repentir ; àuffi,
dit-il à Sully : Ventre-faint-gris ! voilàjine nuit qui
me coûte bien cher LEN
VOYÉ. Un jeune envoyé étant à la toilette
de la femme du premier miniftre de la cour auprès
de laquelle il réfîdoit, cajfa un grand miroir.
La dame lui dit froidement: Monsieur, cela eft-il
dans vos inftruclions ?
E P AM IN O N D A S , capitaine thébain , mort
en combattant pour fa patrie, l’an 36? avant Jélus-
Chritt.
Epaminondas ayant été invité par un de fes amis
à un grand repas » où le luxe & la délicateffe ferh-
bloient avoir tout ordonné, cet illuftre thébain fe
fit apporter des mets ordinaires , & comme fon
'ami lui demandoit pourquoi il en agiffoit ainfi:
C eft afin.) lui dit-il , de ne pas oublier comme je vis
chç^ moi.
La ville de Thèbes célébroît une fête publiquea
& chaque thébain croyant qu’il étoit de fon honneur
d’en augmente^ l'éclat par fes dépenfes, n'y
parut que parfumé des.èffences les plus exquifes,
& revêtu des habits les plus fomptueux. Après le
repas, on devoir fe rendre les uns chez les autres,
& terminer la fête par les délices d’une chère
fplendide. Au milieu de cette joie luxurieufe, Epaminondas
feul, penfif & vêtu auffi fimplement qu’à
fon ordinaire , fe promenoir dans la place publique.
Un de fes amis l’aborde & lui reproche qu'il
fe refufe à la joie publique, & qu'il femble même
éviter dé parler à perfonne. « Mais > fi je' fais
» comme les autres, lui répond Epaminondas,.qiii
» reliera pour veiller à la sûreté de la ville, lorf-
» que vous ferez tous enfevelis dans le vin & dans
» la débauche ? *» Excellent trait de fatyre qui ns
pouvoit manquer de faire fon effet.
Lorfqu’il fut à la tête du gouvernement de fa
patrie , Artaxercès qui recherchent l’alliance des
thébains, lûi envoya de riches préfens. Mais Epaminondas
, fans vouloir feulement permettre que
l’ambaffadeur du roi de Perfe les lui préfentât, le
renvoya en lui difant : « Si votre maître ne defîre
1 3» rien que d’avantageux à ma république, ;! n’eft
33 pas néceffaire qu’il me follieite ; mais fi fès in—
» tentions font contraires à mes devoirs, faites-
33 lui favôir qu’il n’eft pas aflfcz riche pour acheter
33 mon fuffrage. 33
Epaminondas s’illuftra par la bataille de Lcu&rcsj
fi célèbre dans l’hiftoire des grecs. Le général thé-
bain fit éclater dans cette a&ion toutes les ref-
ib.ur.ces de fon génie & toute la bonté de fon coeur.
« Ce qui me flatte le plus feafîblement dans la vic-
» toire de Leu&res , difoit-il , c’eft de l’avoir
=» remportée du vivant de mon père & de ma
3* mère. »
De retour à Thèbes , après avoir remporté pîu-
fieurs vi&oires , Epaminondas fut accufé d’avoir
gardé le commandement de l’armée plus longtemps
qu’il n’étoit permis par les lois. C e grand
général ne s’amuià point à réfuter fes accufateurs.
« Je. ne refufe pas , dit i l , de fubir la rigueur des
» lois j je demande feulement qu’après ma mort -y
» on grave fur mon tombeau cette infeription :
» Epaminondas fut condamné à mort pour avoir,
» malgré les thébains, ravagé les terres des la-
>\ eédëmoniens leurs ennemis ; rebâti la ville de
» Meflîne ; établi dans l'Arcadie une paix folidé ,
& rendu la liberté aux grecs »*. Cette harangue,
d’ un genre fi nouveau , déconcerra les juges qui
fi osèrent le condamner. En rentrant dans fa mai-
fon , accompagné de fes amis qui le féheitoient,
fon petit chien vint à lui, & lui fit mille careffes.
Epaminondas,, attendri, fe tourna vers ceux qui
l ’environnoient : « Ce chien , leur dit-il| me mar-
» que fa reconnoiffance des foins que je prends
» de lui ; & les thébains, à qui j ’ai rendu tant de
» fervices, veulent me,condamnér à la mort ! »
Les démarches d1Epaminondas avoient toujours
pour but d’affranchir les thébains & les grecs en
général de la dépendance de -l’orgueilleufe Lacédémone
Les lacédémoniens ayant époufé la querelle
des mantinéens contre ceux de Tézée , il fit
déclarer les thébains pour ces derniers , afin de
donner à fes concitoyens une occafion favorable
de p.ourfuivre leur fupériorité fur Lacédémone. On
lui remit le commandement général des troupes,
& lors de la bataille qui fe donna dans les plaines
de Mantinée , comme la yiétoire balançoit des
deux cotés, Epaminondas , pour la faire déclarer
. çn fa faveur, fe jetta avec l ’élite de fes troupes au
milieu de la mêlée. Il y fut bleffé mortéllement
d un ,coup de javelot. Les thébains l'enlevèrent
auffi-tôt, malgré la vigoureufe réfiftance des fpar-
t'iates, & l'emportèrent dans fa tente. Les médecins
ayant vîfité fa plaie, déclarèrent qu'il expirera
dès que l'on arrachera le trait de fon corps, Il demanda
où étoit fon bouclier, ç’étoic un déshonneur
de le perdre dans le combat : op le lui apporte
; il. arrache le trait lui-même.
Quelques momens auparavant, s'étant ;n formé
du fort de cette journée {les thébains , lui répon--
di* on s font vi&orieux. « J'ai donc affez véçu , dit1
V i l , piiifcpie je laiffe Thèbes triomphante, la fu-
» pêroe Sparte humiliée f & la Grèçe déhyrée du
joug de la fefvjtqde, >?
Ses amis paroiffant affligés de ce qu'il ne laif-
foit point d’enfans qui puffent le faire revivre ;
« confolez-vqus , leur die tranquillement Epami-
» nondas expirant, je laiffe après moi deux filles
»» immortelles , la vi&oire de Leu&res & celle
»» de Mantinée. »
EPERNON. (Jean-Louis de Nogaret, duc d’ )
favori d'Henri I I I , & par lui créé premier duc
d’Epernon , étoit, félon l'opinion commune de ce
temps-là, petit-fils d’un notaire, & Busbefque,
ambaffadeur de l'empereur, l'affure dans une de
fes lettres. ,
Le duc d’Epernon étoit extrêmement fier; on
né lui manquoit point de refpeél impunément. Il
paffoit dans fe marquifat de Bagé. Le juge de cette
terre alla au-devant de lui pour le haranguer. Il
commença ainfi : « Monfieur, monfeigneur lemar-
» quisde Bagé. »3 Le duc interrompit brufquernent
le harangueur, en lui difant : »3 le marquis de Bagé
*3 ert monfieur; je fuis monfeigneur, & vous êtes
33 lin fot ; j» il lui tourna enfuite le dos.
E P IC T E T E , philofophe ftoïcien, mort vers
le commencement du règne de Marc-Aurele dans
un âge avancé.
Epiftete fut un fage qu'on pourroit propofer pour
modèle à ceux qui, tous les jours, ufurpent ce beau
nom. Il pratiqua la vertu, mais fans fafle & fans
orgueil. Sa philqfophie confiftoit principalement
dans ces deux préceptes : fuftine 9 & abftine , fup-
portez & abllenez-vous.
On le dépeint petit & contrefait ; mais qui poG
fédajamais une plus belle atne ? qui goûta mieux le
pfaifir d'une bonne aélion, & prit plus de foin à
en dérober la connoiffance aux hommes?
Pendant qu’il étoit encoreefclave d’Epaphrodite,
il prit un jour fantaifie à cet homme barbare dç
s'amufer à lui tordre la jambe, Epiélete s'ap-
percevant qu’il y prenoit plaifir & qu'il recon>
mençoit aveç plus 4e force , lui dit en fou-
riant & fans s’émouvoir : « Si vous continuez
33 vdus me cafferez infailliblement la jambe.
En effet, cela étant arivé, il ne lui répondit autre
chofe finon : || Hé bien , ne vous avois-je pas dit
3» que vou$ n^e rompriez la jambe ? >>
Il voploit que l’ on n'embrafsât l’étude de la ph,k
lofophiç qu'avec un coeur pur, des yeux chattes
& un ardent amour de connoître la vérité. Un
homme perdu de débauches, defîrant acquérir les
connoiffances qu'Epiétete enfeignoità fes difciples,
« O infenfé, lui dit ce philofophe, que penfes-tn
» faire ? examine fi ton vafe eft pur avant d'y rien
>3 verfer ; autrement tout ce qpe tu y auras
, » tournera en corruption. $