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ment d’alteffe. Il fe rendit enfuite dans une autre
maifon où Ton jouoit. A Ton retour chez lui , une(
dame lui demanda ce qu'il avoit fait dans la
foirée. — J'ai été dans deux fociétés , répondit-il ;
dans l'une on jouoit à l‘altejfe , & dans l'autre au
- lotto.
Gionani Botero dit qu'un curé du Montferrat
refufale titre à!altejfe au duc de Mantoue, parce
que fon bréviaire, où il avoit appris ce qu'il làvoit
du cérémonial, ne donnoit ce titre qu'à Dieu , tu
joins magnus , tufolus altijjimus.
ALV ARE S . Le comte d3 Aivares 3 grand-d'Ef-
pagne, étoit riche, puiflant & vivement épris de
fon époufe * elle accoucha d'un fils, & mourut
trois jours après la nailfance de cet enfant. Le
comte , pénétré de douleur , ne furvécut que dix
mois à fa fetnme. Le jeune Aivares , fe trouvant
orphelin, .refia fous la tutélle de fon oncle ,„gen-
tiliiomme fans fortune, & chargé d'une nombreufe
famille. Les biens immeafes de ce pupille le tentèrent,
& lui infpirèrent l'affreux projet de facri-
fier le dernier rejetton de cette illuflre famille,
pour enrichir fes enfans. Une ame alfez atroce
pour former un tel complot, efl ordinairement
capable de l'exécuter j cependant cet oncle fan-
guinaire, n'ofant pas verfér lui-même le fang de
fon neveu , chargea un de fes valets de cette barbare
commillion, & lui remit ce. jeune enfant,
avec ordre de l'étrangler. Les mains dé ce do-
meflique n'étoient point accoutumées au meurtre:
encouragé néanmoins par l'efpoir de la récompenfe
qui lui étoit pro.mife, il faifit la victime', & lai
donna d'un bras mal affuré trois coups de- poignard.
Les cris de l'enfant, fa foiblèffe , & la vue
4u fang qui couloit de fa bleffure , émurent l'af-
fafisn : il .s'arrêta, s'attendrit : revenu de fa fureur
fans confulter fon intérêt,, il porta ce,
malheureux enfant chez le chirurgien du plus prochain
village. Les bleffures n'étoient point mortelles
, mais affez confidéràbles pour iaiifer far les
épaules du comte des marques ineffaçables. Le valet
revint chez fon maître, & lui dit qu'il avoit
fidèlement exécuté fes ordres. On croit facilement
ce qu'on defire avec ardeur. Ce barbare tuteur:
raffemble les parens, & leur dit que fon jeune pu-!
pille- étoit mort , dans les, convulfîons. Le valet,'
pour mieux accréditer cette nouvelle , mit quel-]
ques hardes dans une bière, & la fit folemnelle-1
ment enterrer. Quelques jours après , ce domef-
tique, dans la crainte qu'on ne vînt à découvrir
h vérité, retourna chez le chirurgien auquel il
avoit confié le jeune jA h ares : il prit cet enfant
& le porta dans un village beaucoup plus, éloigné,
où il le remit à un payfan, auquel ihpaya par avance
une bonnefomme pour fa penfion. Aivares relia
chez ce payfan jufqu'à l'âge de fix ans : mais alors *
le domeftique revint encore i & pour s'affranchir
des craintes qui i'agiroient fans cefTe, ,il retira 1«
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comte, & le confia à un marchand qui de voit j
s emoarquer le lendemain pour la Turquie, d
donna de l'argent à ce voyageur* & , lui faifant
entendre que cet enfant étoit le fils naturel d’un
homme de condition , il lui recommanda un fe.
cret inviolable. Cependant le crime de l'oncle ne
relia pas long-temps, impuni : la mort enleva bien-■
tôt ia nombreufe famille j tous fes enfans périrent
& fa maifon fut remplie de deuil j il fut attaqué
lui-même d'une maladie mortelle. Dans ce moJ
ment affreux , pénétré de l'horreur dé fa con-
duite, il. fentit des remords, & fit. part de fon
repentir 8ç de fes craintes au complice de fon atroJ
cité. Celui-ci avoua tout ce qu'il avoit fait. Cet
aveu calma les inquiétudes du vieillard; & l'ef-
pérance de rendre a fon neveu fon état & faTor-l
tune, ranima fes- forces. Il guérit, & ne: s'oc-
cupa plus que du foin de découvrir la retraite de
fon infortuné pupille : mais Tes recherches furent!
long-temps inutiles. Il apprir enfin que le mar-i
chaud avoit vendu le jeune coffite à un Turc;
que celui-ci 1 avoit revendu à ur) marchand L anglois,
établi à Conflantinople , éc qui s'en étoit i
retourne a Londres, accompagné de fbn efclave.
Aivares envoya auffi-tôt un exprès à Londres;
mais i l , arriva trop tard; le jeune comte n'étoit
plus- dans cette capitale : il découvrit feulement|
que ce jeune homme s'étoit conduit avec tant de j
decence & de fidélité chéz fon maître, que' celui
ci, pour récompenfer fon zèle, l'avoit mis en
apprentiffage- chez un barbier, où , après avoir
appris a rafer-, il etoit entré au fegviee du corne’
de Gallas,. miniflre de l'empereut à la cour d'Angleterre.
Le comte de Gallas s'en étoit retourné à
Vienne , & fon nouveau domeflique l'y avoit fuivi.j
Le vieux Aivares ne fe découragea pas j il envoya j
fon confefTeur à Vienne ; mais depuis long-temps
fon neveu n'étoit plus auprès dm comte de Gallas,
On fut qu après avoir été quelque temps valet-de-
chambre du comte d'ôberfloff, il s'étoit marié!
avec une des femmes dè i'époufe du comte,» &
s etoit retiré en Bohême, Cette nouvelle incertitude
affligea vivement le vieux Aivares. Il y avoit ■
peu de temps qu'étant à Barcelonne, fon zèle,pour
la maiion d Autriche l'avoit déterminé à prêter à !
l'Empereur quatre cents mille 'florins. Aivares
■ s adreffa à ce fouverain même : il enÿbya fon confeffeur
a la cour , faire part de fa fituation, de fon >
crime , & du denr extrême qu'il avoit de retrouver
^on neveu. L'empereur;, touché du malheureux
-stat de 1 oncle & du jeune Àlvares , fît accompagner
en Bohême ce même confeffeur par un de jj
fes officiers , chargé des ordres les plus précis. '
On fit les plus grandes pérquifitions ; & ce ne fut ;i
qu’après des recherches infinies qu’on découvrit ;
la retraite du jeune Ccimte à3Aivares. Il étoit alors I
maitre-d'hôtel chez ùn‘ gentilhomme. On l'interrogea
fur fa_naiffance & furies premières années de f
fa vie. Le jeune Aivares répondit qu'il, ne favoit
abfolument ni d'où il é toit, ni à quelle famille il
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aonirtenoiti quil fe fouvenoit feulement qu’ étant
dans fou enfance efclàve en Turquie , fon.mairie
lu f avoit dit qu’il étoit fils d’un feigneur elpaguol:
mais qu’il n’avoit jamais, pu concilier 1 orgueil de
cetm naiffance avec le malheureux état auquel Ibn
pèrq- l’avoit condamné en naiffant. Le confeffeur
demanda à examiner les épaules.dumartre-d hôtel ;
& .voyant les marques indiquées des trois coups
de ^poignard > ff-ne balança pas a. découvrit a
l’héritier de la maifon i ‘Aivares le danger qu il
avoir couru » le crime de .fon oncle &;les rémoras.
Le jeune Alwrcs ! trop humilie depuis qu il avoir
vu té jour, pour s’enorgueillir du rang. « de la
fortune que le ciel veuoitde lüfrendre, n ambitionna
point les honnêtes auxquels fa naifiance
pouvoic le faire afpirer. Son - époufe . craignant
quel cet événement ne la féparat pour jamais de
fon mari , au Heu d’ être; fartée de cette nouvelle,
fe livroit déjà aux plus vives alarmes; Le çomte,
amoureux & fans ambition, fe rendit à Vienne ,
remercia l'empereur des foins qu il avoit daigne
prendre, reçut de ce prince le rembourfement des
quatre cents mille florins , acheta dans la Siléfie la
terré de Ratibot, où il fe retira ^vec la-comtene
d3Aivares fon époufe. - Aivares étoit le fils d'un
grand-d'Elpagne ; il eût pu 1 etre lui-meme, ^il
eût .vécu dans le fein des grandeurs ; mais il eut
fait le malheur d'une époufe qu il adoroit : il aima
^mieux garder la foi qu'il lui avoir juree, que
d'être décoré de marques & de titres, qui fup-
pofent des vertus , mais qui n’en donnent pas
toujours. Il fe contenta de faire tranfporter en Al-
masne la olus grande partie de fa fortune, & d'en
AMANT! Quel empire n'auroit pas, la beauté fur
les hommes, h elle fe trouvoit toujours unie à la
vertu !
«f J’ai connu des hommes en notre France^ dit
Brantôme , qui, plué pouffes de leurs maitreffes
'que de leurs volontés', ont entrepris & parfait dè
belles adtiôns, La belle Agnès voyant le roi
Charles VII auprès de fa perfonne, menant une
vie molle & lâche, fans fonger aux affaires de fon
royàume, lui d it, qu'on lui avoir prédit qu’elle
feroit aimée d'un des - plus : vaiiîarvs des plus
courageux princes de la chrétienté ; que: lorfqu'il
lui fit l'honneur de l'aimer, elle avoit cru qu'il
étoit ce priheé dont l'aftrologié lui avenir parlé ;
mais, qu'elle s’étoit trompée, & Que ce roi n courageux
n'.étoit pas lui mais je roi d'Angleterre ,
quî faifoit dé fi belles adiofis, & qui , à fa barbe ,
lui prenoit tant de villes , & qu'elle, alloit le trouver.
.Le.roi fut fi piqué de. ;çe difeours , que pre-
ffant courage, Sc quittant fa chaffe Sè fes plaifirs ,
jl Të dontia toUjt entier àJa guerre, 8c obligèa les
anglqis de fortiL dçTon toyaümè !
La ville de Fakife.. étoit afftégée' par Henri IV ,
oh alloit donner l'affaut» ua nommé, delà Chenaye,
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marchand j étoit amoureux & aimé d'une fille de
fon état j il lui propofa un moyen qu'il imaginoit
pour fortir de la ville & la mettre en fûreté :
cc comme je fuis perfuadée, lui répondit-elle ,
s* que vous ne .penféz à abandonner vos compa-
»? triotes , lorsqu'ils vont combattre avec tant de
®» courage, que parce que vous tremblez pour
» moi, la propofition que vous me faites, ne vous
i» ôte ni mqn amour ni mon eflime; & pour le
33 prouver, je’ fuis prête à unir ma deftinée à la
33 vôtre : venez, je vais vous donner ma foi fur
33 la brèche Ils arrivent l'un & l'autre fur le
33 rempart,, combattent avëc tant de courage que
HenriIV commanda qu'onleur fauvâtîa v ie , s’il
étoit poffiblé. Là Chenaye ayant été tué d'un coup
de fufil, fa maîtreffe refufa quartier , combattit
jufqu'à ce qure fe Tentant bleffée à mort, elle s'approcha
du corps de fon amant, pour mêler-Ton
fang avec le lien, & mourut en Je tenant em-
Braffé.
Lors de la prife de la ville d'Oia , dans les Indes,
par les portugais, en i yo8, un officier portugais
, : nommé Sylvéira , découvrant un maure
de fort bonne mine qui fe déroboit par un fentier,
avec une jeune femme d’une beauté extraordinaire,
courut vers eux pour les arrêter. Le Maure ne parut
point alarmé pour lui-même ; mais après avoir
tourné, le vifage pour fe défendre, il fit ligne à fa
compagne de fuir, tandis qu'il alloit combattre.
Elle s'obftina, au contraire, de demeurer près
de lui , en l'affurant qu'elle aimoit mieux mourir
ou refier prifonnière, que de s'échapper feule.
Sylvéira, touché de cefpe&âcle, leqr iaifTa la liberté
de fe retirer, en difant à ceux qui le .Envoient :
à Dieu ne plaife que mon épée coupe des liens fî
tendres.
Uri amant vertueux, & qui a de l'élévation dans
Famé, eff plein de irefpedtpour ce qu'il aime ; c'efl
ce que le poète Dryden voulut faire entendre un
jour à" un feigneur anglois. C e feigneur reprochoit
à Dryden que, dans une de Tes tragédies,
Cléomènes. s'amufeût à caufer tête à tête avec fort
amante, au lieu de former quelque qntreprilè
.digne de, fon amour. '«; Quand je fuis auprès d'une
>? belle, lui difoit le jeune lord, je fais mieux
»? mettre; le temps à profit. Je le crois , répliqua
33 Dryden, mais aum m'avouerez-vous bien que
a? vous n’êtes pas nn héros 33.
Une femme dont Famé étoit affez élevée pour
préférer f eflime. publique à fes plaifirs , avoit un
amant qui, dans une a&ion , avoit manqué dè
bravoure. «; Toute la ville , lui dit-elle , veut que
v vous ayez môn Coeur ; mais l'aélion que vous ve-
33 nez de faire prôuVe bien que toute la ville fe
,33 ttompe 33.
Le comté de Peltzer, officier dans le fervice
pruffien^ étoit fils unique d'une veuve de foixante
ans^ il étoit bien Tait , brave à l'excès , 8c