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te rcfte en Fuite. Delivre par ces deux vîâoîres de
toute inquiétude, & n’ayant plus à craindre de nouveau
foulévcment, il tomenca en politique habde
ies didentions qui divifoient les Mauves. Le royaume
de Cordoue étoit violemment agite par les tarions:
Muza , général ircs-cclcbre , mais encore plus ambitieux,
avoit t'orme le projet de le rendre indépendant;
dans cette vue, il avoir allumé ie feu de la
guerre civile; & maître de Tolede, dont il s’étoit
emparé, il menacoit Mahomet, roi de Cordoue, de
le renverler du trône. Ordogno perluadé que le vrai
moyen d’atî'oiblir les Maures étoit d’entretenir les
querelles qui les divHbient, prit parti pour Muza ,
& lui envoya un iécours tres-conlidérablc; mais le
roi de Cordoue battit complètement la troupe du
roi de Léon ; & la viéloire Fut ft éclatante, qu’il relia
huit mille Chrétiens & douze mille Tolédains Fur le
champ de bataille. Ce revers ne découragea poi;-t
OrJogno /, qui continua de lecomir Muza, & qui ,
tandis qu'il occupoic chez eux les Maures, Fonihoit
les villes de les états, emouroic de Fortes muraii-
les Léon & Ailorga. Son allie ixïuza roudit , & malgré
le roi de Cordoue, il Fe rendit indépendant
louvcrain ; Sarragolle devint la capitale de les états,
& il rit Fortiher Albayda, place qui, Fuuce iV.r les
îrontieres de Léon , tacilitoic aux Maures leur entrée
dans ce royaume. Ordopio ne cnit pas devoir lairier
iubFiûer cette ville, & il Fe propofa d’aller à Force
armée Falliéger 6c la détruire. Il partir, Fuivi d’une
noinbreule armée, pour cette expédition; mais Muza
accourut avec toutes les troupes au l'ecours d’Al-
bayda. Les deux armées ne le Furent pas plutôt rencontrées
, qu’elles le livrèrent une bataille langlar.te,
malheureule pour les Maures qui Furent taillés en
pièces; 6c Muza Iiù-mcme mortellement blelî'é,
mounir à Sarragolle Fort peu de jours après. Le roi
de Léon emporta d’alîaut& démolit Albayda; mais
Fes Fucccs lui turent moins utiles qu’à Mahomet, roi
de Cordoue, qui, par la mort de Muza, rit rentrer
fous fa domination toutes les places qui s’etoient déclarées
pour ce général rébelle. Auffi Mahomet, plus
pulffant qu’il ne i’avoit été julqu’aIors,ne tarda point
à déclarer la guerre à qui, malgré les efforts
de les ennemis, eut fur eux de grands avantages; il
en eiic eu de plus complets, fi au moment de profiter
de fes luccès par ime aftion décifive, les Normands
qui parurent fur les côtes de Fes états, ne
l'avoient obligé d’envoyer une partie de fes troupes
iidonPedre, Ibn général, qui les défit, Scies contraignit
de Fe retirer. Secourus par Ordogno , les ha-
bitans de Tolede le révoltèrent une féconde Fois
contre Mahomet, Sc mirent Abenlope à leur tète.
Pendant qu’il ibulevoit lesFujets du roi de Cordoue,
Ordvgr.o rit une invafiondans ce royaume, Fe rendit
maître de Salamanque & d e Coria , mit le pays
à contribution , Sc rentra dans fes états, couvert de
gloire Sc chargé d’un immenFe butin. Son acHvîté
fes conquêtes , la viâoire qu’il fixoit Fous fes éten-
darts, le rendirent li cher à fes fujets, qu’ils reçurent
avec acclamation la propofition qu’il leur*fit
de reconnoître don Alphonfe,fon fils, pour fon fuc-
cefléur. Don Alphonfe s’étoit diffingué dans les dernières
guerres par la valeur Sc le fuccès de fes opérations
: bientôt il fe fignala encore davantage dans
la nouvelle guerre que le roi de Cordoue fit à celui
d’Oviedo; ce jeune prince repouffa les Maho-
méians, ÔC battit leur armée , qui avoit fait une irruption
en Portugal. Mahomet tenta d’infeffer les
cotes de Galice, mais le roi de Leon fit équipper
une puiffante flotte, qui prit ou diFperFa tous les
vaiffeaux mahometans ; enforte que les Maures
après les plus irréparables pertes, furent contraints
derefpeaerlapuiffanceécles poffeffionsd’Or<j'o^/2o/,
tjui régna encore quelque teras avec autant defageflé
O R D que de gloire, & mourut univerfellement regretté ,
le 17 mai d66, après avoir tenu le iceptre pendant
onze ans.
O rdogn o II, roi d’Oviedo 6c de Léon,
d'EjjL/agnc. ) C’eff dommage que ia'vie de ce prince
ait été trop longue pour la gloire de deux ou trois
années ; U s’ctoit montré généreux, bon , affable ,
ingénu, pere, ami, bienfaiteur de les Fujets , grand
général, iliuitre conquérant ; il avoit mérité l’effime,
le rdpeef, la confiance de les peuples ; U devint dur,
injulle, Fanguinaire, lur la fin de Fon régné. Parqusl-
q.ies aèfions d’iniquité , de deFpoiiline, il ternir l’é-
elat de Fa vie ; 6c par deux ou trois Fautes repréhen-
liblcs 6c très - inexculables, il perdit ou du moins
affoiblit conlidérablcment le grand nom qu’il's’étoit
Fait pendant pluiieurs années. Fils d’AlphoiiFe III,
luiT.ommé UGrand^ 6c de dona Ximene ou Chi-
mene , de la mailbii de Navarre, Ordogno parut de
très-bonne heure, par lés talcns , Fa bienfailance 6c
la valeur, digne du ibuverain illullre qui lui avoit
donné le jour; la nation le i)réteroit à Garde, Fon
Frcrc aîné, qui avoit à la vérité de brillantes qualités,
mais une anibltion injuffe, outrée, dévorante, 6c
qui le porta juFques à conlpirer contre Alphonfe Fon
pere, qu’il tenta de détrôner. Son complot ne reuffit
point, Alplionfcie vainquit, 6c le fit renfermer dans
une pnlûn , oit vrailenib’ablemeni U eut paffé le
relie de la vie, il Ion Frère Ordogno, plus touché
de Fon état qu’il n’cùt di'i l’ctre, 6c animé par la
reine la mere, n’eùt fait de coupables eFForts pour
brilér les.t'ers du captif. Alphonfe 111 craignant nu
(oulévemcnt général, ôc voulant épargner à lés fils
6c à les lujets la honte 6c l’atrocité du crime qu’ils
(embloient difpoFés à commettre , mit le prince ré-
beile en liberté, lui réligna la couronne , 6c donna
la Galice à Aon Ordogno. Garde ne jouit pas long-
tems du fruit de lés complots 6c de l’objet de fon
ambition; il momut après trois ans de reone; 6c
comme il ne iaiffoit point d’enfans, les grands 6c les
é\’cques proclamèrent Fon frère Ordogno II roi At
Léon 6c d’Üviedo. Le miramolln de Cordoue , Ab-
deramme, ne Fiippolant ni beaucoup de valeur, ni
desîalens bien Fupérieurs au fucceffeur d’Alphonfe
6c de Garde, crut que le tems étoit veîut de laver
dans le Fang des Chretiens la home des défaites imiî-
lipliécsdes Maures Fous les deux derniers fouverainy.
Ordogno II ne fongeoit de Fon coté qu’à li^naler les
commcncemens de Fon régné par quelque vieffoire
éclatante Fur les Mahometans. Le miramoiin de Cordoue
fe trompa dans fes efpéranccs,6c le roi de Léon
rculfit au gré de Fes defirs ; il marcha contre les
Maures, leur livra bataille , les mit en déroute, emporta
Talavera d’alîaut, paffa la garnifon au fil de
l’épée, 6c rentra dans fes états triomphant 6c chargé
de butin. Encouragé par l’éclat 6c ruîllitc de ce fii'c-
cè s,il fit de plus grands préparatifs, & dès lafcconde
campagne il pouffa fort loin Fes conquêtes dans le
royaume d’Abderamme , qui ne pouvant s’oppoler
feulà un tel ennemi, eut recours aux rois maures
d’Atrique , 6c en reçut les plus puiffans fecoiirs. Son
armée étoit de quatre-vingts mille hommes: celle
A'Ordogno II étoit de beaucoup moins nom!>rcuFe ;
mais cette inégalité de forces ne l’empêcha point de
livrer bataille; 6c après un combat auffi long que
meurtrier, lesMatircs furent entièrement défaits, 6c:
un très-grand nombre d’cntr’eiix furent maffacrés par
le vainqueur, q ui, rentré en triomphe dans Léon ,
fitbârir, des dépouilles des infidèles, la cathédrale
de cette ville, où il fixa Fa cour. Les Mahometans
accablés, demandèrent une treve de trois ans, qui
leur fut accordée; mais à peine ce terme fut expiré,
que la guerre recommença avec plus de vivacité,
de haine ÔC de fureur que les Chrétiens ÔC les Maures
n’en avoient montré jufqu’alors : la fortune parut
abandoducf
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abandonner Ordogno IL Dans une première acllon,
Abderamme, lans remporter une vicloire complctte,
eut quelque avantage lur Farmce ennemie, & profitant
en général habile de ce fucccs, il Fondit l'ur la
Navarre; Ordogno l’y fuivitavcc toutes Fes troupes,
ÔC les deux armées s’étant rencontrées dans le val
de Jiinquera, les Chrétiens furent mis en déroute,
Ôc leur perte fut Fi conFidérable , que ce ne fut qu’avec
bien de la peine que ie roi d’Oviédo, luivi des
débris de Fon armée , parvint à gagner les Frontières
de Fes états. Les habitans des royaumes d’Oviédo
ôc de Léon étoient conflernés ; 6c Fi les Maures euf-
fent profite de la terreur qu’avoit inipirée leur victoire
, il ell très-vraifemblable qu’ils lé fiilVein aifé-
ment emparés d'une partie de ces contrées; mais ils
eurent l’imprudence d’allerfori inutilement Faire une
irruption en France , 6c ils donnèrent le tems au roi
Ordogno I I At réparer les dernieres pertes; il leva
une nouvelle armée, ÔC à Fou tour alla Faire une
violente irruption lur les terres du iMiramolin de
Cordoue. Peu de tems après cette expédition , le
roi d’Oviedo perdit la reine dona Elvire , Fon épou-
fe; ÔC pour répondre aux voeux de lés peuples qui
deliroieni qu'il lé donnât des luccefléurs, quoiqu’il
eût deux fils de dona Elvire, don Alphonfe ôc don
Ramirc , il époufa dona Argome, Galicienne d’une
|rès-ancienne maü'on. Ce mariage ne fut rien moins
qu’heureux; Argonte étoit jeune, belle ôc honnête,
niais elle avoit d^s ennemis, Ôc ceu.x-ci parvinrent à
donner fur fa conduite d’injurieux Foupçons au roi
qui J Fans examiner la vérité ou la Fauil'eté des dénonciations,
répudia durement lonépoufe. Cette reine
dédaignant do Fe juliifier, & peu tachée peut-être de
fe réparer A'Ordogno qui, depuis quelque tems enivré
des faveurs de la Fortune, commençoit à abu-
fer de fon autorité, le retira dans un monallere où
elle paffa le refte de les jours, plus l«tibtaiie dans fa
retraite qu’elle ne l ’avoir été fur le ttône. On affure
que le roi Fon époux connut enluite la faufiété des
délations qui l’avoient engagé a ce divorce , ôc qu’il
fe repentit d'avoir cié fi prompt à opprimer l’innocence
: il ne parut pourianc pas que cette aventure
le corrigeât; au connaiie, fur quelques foupçons
qu’il eut de la fidéiiié des comtes de Caffille , il leur
envoya ordre de venir fe juffirier : quoique vaff'aux
de la couronne de Leon, les comtes de Calliiie
étoient indépendans à bien des égards ; ils ne crurent
pas devoir obcir aux ordres d Ordogno qui, à la
icte d’une armee Formidable , lé rendit Fur les Frontières,
ôc pour la Fecün.le Fois envoya ordre aux
comtes de Caffille de ie rendre auprès de lui; la
crainte de voir ravager leuri terres les rendit plus
dociles; mais ils ne le Furent pas plutôt prélémés au
roi d’Oviédo, qu’ils turent arretés, conduits enchaînés
à Léon, Ôc jettes en pnlon, où quelques
jours après l’inflexible monarque les fit ctraniffer.
Quelques hifforiens difent que les comtes de Caîlille
setant révoltés, méritoient d’être punis : cela peut
ctre , mais quelque criminelle qu’ciu été leur révolte,
c et Oit à Ordogno à les faire juger, ôc non de Ion autorité
feule, 6c Fans Forme de procès, à les faire périr
; une telle punition n’eff pas un chfuiment, c’eff
un afTaffinat. Auifi la mort violente des comtes de
Caffille, jointe à la répudiation fort injuffe delà
reine Argonte, mécontenta beaucoup la nation , à
laqiiellece fouverain commençoit à devenir odieux,
lorlqu’à la foliicitaiion du roi de Navarre, qui vouloir
recouvrer quelques places qui lui avoient etc
priles paMes Maures, Ordogno conduifit une armée
a ce piince, ôc eut lur les Mahométans les plus
grands avantages. Cette expédition terminée, le roi
de Leon eponfadona Sanche, fille de don Garcie
& petite-fille du roi de Navarre. II revint avec fa
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de tems après, moins regretté qu’il ne l’eût été, fi
le peuple avoit pu oublier la mort des comtes de
Caffille _ôc l’outrage de la reine Argonte. Ordognoll
ayoïtfait de très • grandes chofes, quoiqu’il n’eût
régné queneuf ans ÔC quelques moistil eût mieux fait
encore , s’il eût pu relier tel qu’il s’étoii montré des
c- de Fon régné, ÔC s’il n’eût pas préfeic
I abus de la puiirance à la modératioji, la ri-
gueiii a la bienfaifance , la violence à i’équitc.
OUDOGNO 111, roid'Oviédo&deLéon
dEJ,Mg,u ) Ce roi tut lage ; il i„t pmtlent : il fe
rendit célébré auffi par la valeur & fcs victoires.
Les Maures le redoutèrent, fes peuples le chérirent.
Un eut qu un defaut, celui d’être trop fenfible aux
mauvais procédés de l'es proches ; tk. cette fenllbillié
lui fit commettre une injuftice qui dément un peu
les éloges, d’ailleurs trcs-mérltés, qu’on adonnés
à fa conduite , a les aèfions, à les talens. Ces talens
etoient connus ; & Ordogno s’éroit Fi Fo.rt fmnalé
durant le régné de Ram.ire , Fon pere 6c Fon predé-
ceffeur, qu a la mort de celui-ci, la couronne lui
fut unanimement déférée par tous les grands du
royaume. Quelque tems avant la mort de fon pere ,
il avoit époufé donna Urraqiie , fille du comte Ferdinand
Gonçalez, l’un des premiers feigneurs de 1 état. Toutefois , quelque Faiisfadtion que i’avéne-
ment d Ordogno ///au trône parût donnera la nation,
le commencement de Fon régné ne Fut pas auffi pai-
hble qu’on l’avüit efpcrc. Don Sanche , Fon Frere ,
demanda, comme héritier en partie du roi don
Ranimequelques provinces ; le roi n’y voulut pas
confentir , Ôc fonda Fon refus Fur ce qu’il ne depen-
doit pas même des Fouverains de démembrer leurs
royaumes. Sanche fit appuyer Fes prétentions par la
roi de Navarre , fon oncle : il Fe fie dan, le royaume
beaucoup de partùans , 6c gagna meme le comte
herdmand Gonçalez qui prclla vivement Je roi Fort
gendre de fauffaire l’mfant don Sanche. Ordogno I I I
reliffa avec Fermeté ; les retus irritèrent tous ceux
qui avoient embrafl'é ia cauFe de Fon Frere ; ils prirent
les armes, Ôc tentèrent d’avoir par la force les
provinces que le roi n’avoit pas voulu céder par
accommodement ttls ne réutiirent point. Ordoono U l
leur oppoFa fon année, ôc les menaça d’en iifer avec
tant de rigueur, que les réneiles prirent le Fage parti
de le toumettre , à l’exemple de don Sanche. Le roi
d^Oviédo pardonna volontiers à Fon frere ; mais il
n’eut pas la même indulgence pour don Ferdinand
Gonçalez, Fon beay-pere; au contraire, indigné
contre lui ÔC aveuglé par Fon refféntiment, il répirciia
la reine donna ürraque, qui, pourtant, n’avoix
pris part en aucune maniéré à la rébellion ; il la
renvoya durement ; 6c afin de rendre cet affront
encore plus offonfant, il époufa donna Elvire , fille
de 1 un des plus riches 6c des premiers Feigneurs de
Galice. Cet aéte de vengeance fut Fans doute très-
mortifiant pour don Ferdinand Gonçalez ; mais les
fukes n’en furent pas heureuFes pour Ordogno iiiii
meme, car les parens de la nouvelle reine , enor-'
gueiilis de l’alliance que !e Fouverain venoit de Former
avec eux, traitèrent les autres féiimeurs avec
tant de hauteur , que ceux-ci, fatigues d’une telle
infülence, ÔC irrites de ne pouvoir en obtenir juflice,
prirent les armes 6c levèrent IVtendard de la rébellion.
Ordogno I I I tenta tous les moyens poffiblcs
de ramener les révoltés à leur devoir; Fa douceur
les excita au lieu de les calmer ; 6c il Falloit enfin en
venir contr’eux aux dernieres extrémités. Le ro i,
fuivi de l’élite de Fes troupes, marcha contre les
mccontens ; mais, avant que de leur livrer bataille
le bon OrdognoIII leur offrit encore leur pardon, ÔC
leur promit d’oublier le paffé s’ils vouloient le fou-
mettre. Ce trait de bienfaifance , & fur-tout la fupé-
riorité de J armée royale, adoucirent les rébelles,
Y