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t il
il a ennobli l’adulation par la maniéré grande & magnifique
dont il a flatte le héros ou plutôt Tidole du
fiecle. Tantôt, dans fes prologues , la louange ell
direfte, tantôt elle elT: allégorique : elle eft allégorique
dans le prologue de Cadmus ; c’eft l’Envie qui,
pour obl'curcir l’éclat du lo le il, Rifcite le ferpent
Python :
L ’ E N V I E.
Cejî trop voir U foleil briller duns fa carrière.
Les rayons qu'il lance en tous lieux y
Ont trop bleffé mes yeux.
Vent:^ , noirs ennemis de ja vive lumière ƒ
Joignons nos tranfports furieux.
Q^ue chacun me fécondé,
Paroifei, monjlre affreux ;
SorCe^ , vents Jouterralns , des antres les plus creux y
Vole^ > tytuns des airs , trouble^ la terre 6* tonde.
Répandons la terreur ;
QjCavec nous le ciel gronde ;
Qjie tenfer nous réponde ;
Rempliffons la terre d'horreur i
la nature f t confonde.
Jettons dans tous les caurs du monde
La jaloufe fureur
Qjii déchire mon coeur.
( Elle s’adrelTe au ferpent Python. )
Et vous , monfre , armei-vous pour nuire
A cet a(îre puiffant qui vous a Ju produire.
I l répand trop de biens , il reçoit trop de voeux.
Agite^ vos marais bourbeux ;
Excite^ contre lui mille vapeurs mortelles ;
Déployti^ y étende^ vos ailes ;
Que tous les vents impétueux
S'eÿorceni d'éteindre fes feux.
"Ofons tous obfcurcir Jes clartés les plus belles ;
Ofons-nous oppofer à fon cours trop heureux.
(L e ferpent s’élance dans l’air , & retombe frappé
des traits du dieu de la lumière. )
Quels traits ont crevé le nuage ?
Quel torrent enflammé s'ouvre un brillant paffage ?
Tu triomphes y foleil ! tout cede à ton pouvoir.
Que d'honneurs tu vas recevoir !
Ah ! quelle rage ! Ah ! quelle rage I
Quel défefpoir ! Quel défefpoir !
Dans tous les autres prologues de Quinault, la
louange cfl direéle , quoique le plus foiivent la fable
loir allégorique. Dans celui d’Alci/U la nymphe de
la Seine fe plaint à la Gloire de l’ablénce de fon
héros ;
Hélas ! fuperbe Gloire , hélas !
Ne dois-tu point être contente ?
Le héros que f attens ne reviendra-t-il pas?
I l ne te fuit que trop dans l’horreur des combats ;
Laiffe en paix un moment fa valeur triomphante.
Le héros que j attends ne reviendra-t-il pas ?
Serai-je toujours languffanie
Dans une Ji cruelle atunic ?
Le héros que f attends ne reviendra-t-il pas ?
L A G l o i r e .
Pourquoi tant murmurer ? Nymphe, ta plainte tjî
vaine :
Tu ne peux voir fans moi le héros que tu fers.
Si fon éloignement te coûte tant de peine,
I l récompenfe affe:^ les douceurs que tu perds.
Vois ce qu’il fait pour toi quand la Gloire l ’emmene ;
Vois comme fa valeur a fournis à la Seine
Le fleuve le plus fier qui fait dans l'univers.
Dans le prologueà^ Thifée, on voit Mars Sc Vénus
également occupés de la gloire & des plaifirs de
Lotus XIV.
P R O
V É N U S .
Inexorable Mars , pourquoi déchaînez-vous
Contre un héros vainqueur tant d'ennemis jaloux ?
Faut-il que l'univers avec fureur confpire
Contre le glorieux empire
Dont le j'ejour nous efi f i doux ?
M a r s .
Que dans ce beau féjour rien ne vous épouvante.
Un nouveau Mars rendra la France triomphante.
Le defim de la guerre en fes mains efi remis ;
Et f i f augmente
Le nombre de fes ennemis ,
C'ef pour rendre fa gloire encor plus éclatante^
Le dieu de la valeur doit toujours L'animer.
V É N U S .
Vénus répand fur lui tout ce qui peut charmer.
M a r s .
Malheur , malheur h qui voudra contraindre
Un f i grand héros à s'armer.
Tout doit le craindre.
V É N U S .
Tout doit l'aimer.
Dans le prologue d'Atys y c’eft le Tems qui fait cet
éloge du même roi :
En vain j'ai refpeclé la célébré mémoire
Des héros des fiecles paffés ;
C'efi en vain que leurs noms ^ f i fameux dans l'hifioire ,
Du fort des noms communs ont été difpenfés :
Nous voyons un héros dont la brillante gloire
Les a prejque tous effacés.
Dans le prologue d'Ifisy Neptune dit à la Renommée
:
Mon emp'ire a fervi de théâtre à la guerre.
Publiez des exploits nouveaux :
C'efi le même vainqueur f i fameux fur la terre ^
Qui triomphe encor J'ur les eaux.
Et la Renommée dit-elle-même :
Ennemis de la paix , tremblez :
Vous le verrez bientôt courir à la vicîoire.
Vos efforts redoublés
Ne ferv'iront qu'à redoubler fa glo'ire.
Dans le prologue de ProJ'erpine y on voit la Paix
& les Plaifirs enchaînes dans l ’antre de la Difeorde.
L a P a i x .
Héros y dont la valeur étonne l'univers ,
Ah J quand briferez-vous nos fers ?
La Difeorde nous tient ici fous J'a puiffance ;
La barbare fe plate à voir couler nos pleurs.
Soyez touché de nos malheurs :
Vous êtes dans nos maux noire unique efpérancc.
Héros , dont la valeur étonne L'univers y
Ah ! quand briferez~vous nos fers ?
L a D i s c o r d e .
Soupirez , trifie Paix , malheureufe captive ;
Gémifjez , d* n'efpérez pas
Qu'un héros que f engage en de nouveaux combats ,
Ecoute votre voix plaintive.
Plus il moffonne de lauriers,
Plus f offre de mature a j'es travaux guerriers.
J'anime les vaincus d’une nouvelle audace ;
J'oppofe à la vive chaleur
De fon indomptable valeur ,
Mille fleuves profonds, cent montagnes de glace.
La Victoire empreffee à conduire J'es pas y
Se prépare 4 voler aux plus lointains climats.
Plus.
P R O
Plus il la fu it , plus il la trouve klU ;
Il auUit aiflaunt pour dU
La paix & fis plus doux appas.............
L a D i s c o r d e .
Ce bruit que la Victoire en ces lieux fait entendre,
M'avertit qu'elle y va dcj'cendre.
Quel plaifir de lui faire voir
Mon ennemie au défefpoir!
L a V i c t o i r e .
Venez , aimable P a ix , le vainqueur vous appelh ;
La Vicîoire devient votre guide fidelle ;
Venez dans un heureux féjour.
Vous y Dijeorde affreufe & cruelle ,
Portez ^
l a D i s c o r d e .
Orgueilleufe Victoire , ef-ce à toi d'entreprendre
Demeure la Difeorde aux fers?
A quels honneurs fans moi peux-iu jamais prétendre ?
LA V i c t o i r e .
Ah ! quileflbeau de rendre
La paix à L’univers !
la h. D i s c o r d e .
Tes foins pour le vainqueur pouvoient plus Loin
détendre.
Que ne conduifois-tu le héros que tu fers,
Où cent laur'iers nouveaux lui font encore offerts ?
La gloire au bout du monde auroit eie L attendre,
L a V i c t o i r e .
Ah ! qu il efi beau de rendre
La paix à Cunivers !
Apres avoir vaincu mille peuples divers,
Quand on ne voit plus rien qui fe puiffe defendre,
Ah ! qu’il eß beau de rendre
La paix à Cunivers !
L A D i s c o r d e .
O ! cruel efclavage !
Je ne verrai donc plus de fang & de carnage ?
Ah ! pour mon défefpoir faut-il que le vainqueur
Ait triomphé de fon courage ?
Faut-il qu'il ne laiffe à ma rage
Rien à dévorer que mon cceur ?
Dans le prologue de Perfée, c’eft la vertu & la
fortune qui fe réconcilient en faveur de Louis XIV.
LA F o r t u n e .
Efaçons du pafé la mémoire importune,
J'ai toujours contre vous vainement combattu :
Un auguße héros ordonne a La Fortune
D'être en paix avec la Vertu.
L a V e r t u .
Ah ! je le reconnais fans peine .*
C'efi le héros qui calme Cunivers.
L a F o r t u n e .
Lui feiil y pour vous ypouvoitvaincre ma haine :
Il vous révéré , d'y« le fers.
Je l'aime conßamment y moi qui fuis f i légère;.
Par-tout y Juivant J'esvctux yUvec ardeur jecours.
Vous paroifez toujours feverey
Et vous êtes toujours
Ses plus cheres amours.
LA V e r t u .
Mes biens brillent moins que les vôtres.
Vous trouvez tant de coeurs y qui n adorent que vous!
VVIS les enchantez prejque tous.
Tome IV .
P R O
LA F o r t u n e . 537
Vous regriezfur un coeur qui vaut fcul tous les autres.
Ah ! s’il ni eût voulufuivre, il eût tout furmonté :
Tout trernbloit, tout cédait à Cardeur qui Canime,
Cefî vous y vertu trop magnanime y
C'efi vous qui l'avez ‘errété.
L A V e r t u .
Son grand coeur s'ef mieux fait connaître c
Il a fait J'ur lui même un effort généreux.
I l veut rendre le monde heureux ;
I l préféré au bonheur d'en devenir U maître y
La gloire de montrer qu 'il méi'iu de L'être.
(Enfemble.)
Sans ceffe combattons à qui fervira mieux ,
Ce héros glorieux.
Dans le prologue de Pha'èton , c’eft le retour ds
l’âge d’or :
S a t u r n e .
Un héros qui mérite une glo'ire immortelle,
Au féjour des humains aujourd'hui nous rappelle.
Le jîecle qui du monde afa'it les plus beaux jours,
Doitfous fon régné heureux recommencer fon cours*
H calme Cunivers y le ciel lefavorife;
Son augufie fang s'écemife.
I l voit combler fes voeux par un héros naiffant :
Tout doit être J'tnfble au pla'ifir qu'il rcjjent.
U envie en vain frémit de voir Les biens qu'il caufe ;
Une heureufe paix e f la loi
Que Ce vainqueur impo/e.
Son tonnerre infpire Ceffroi
Dans le tems même qu'il repofe.
Dans le prologue ôCArmide , c’eft la gloire & la
fageffe qui fe dilputent à qui l ’aime le mieux.
LA G l o i r e .
Tout doit céder dans Cunivers
A Caugufie héros que faune.
L'effort des ennem'is , les glaces des h'iversy
Les rochers , les fieuves , les mers ,
Rien ri arrête l'ardeur de fa valeur extrême.
LA S a g e s s e .
Tout do'it céder dans Cunivers
A C augufie héros que fa'ime.
I l efi maître abfolu de cent peuples d'ivers,
E t plus maître encor de Lu'i-mênie.
( La même & fa fuite. )
Chantons la douceur de fes loix.
LA G L O i R E & f a fuite.
Chantons fes glorieux exploits.
( Enfemble. )
D'une égale tendreffe ,
Nous aimons U même vainqueur,
l a S a g e s s e .
Flere gloire, c e f vous . . . .
LA G l o i r e .
C'efi vous y douce Sageffe ,
(Enfemble. )
C'efi vous y qui partagez avec moi fon grand coeur.
Qu'un vain defir de préférence
N'alttre point C'intelligence
Que ce héros entre nous veutfotmer.
D'ifputons feulement à qui fait m'ieux L aimer,
Dans le prologue à'Arnad'is le plus ingénieux de
tous l’clooe de Louis XIV fembloit plus difficile à
amener; & le poète l’y a fait entrer d’une façon
plus adroite encore & plus naturelle que dans tons
les autres. C’eft le réveil d’Urgande & de fa fuite
après un long enchantement : Yyy