
ifÈ: ‘ .i
‘n \ i h/ ‘ :4
l î r f »
l i
f ' v
‘ •
2 9 0 P
guerre futréfoUie dans l’afTemblée duchampcleMars;
on avoii eu ie tenis de pratiquer les feigneursSi de
leur Infpirer des fentimens conformes à ceux- du pontife.
Pepin, avant de pafler en Italie, prit toutes les
mel'urcs qui dévoient alTurer le I'ucccs de les defl'eins.
Le rendez-vous general de l'armée fut marqué au
Val-de-Maurienne. A voiries immenfes préparaiils, il
croit facile de connoître de quel côté fe rangeroit la
viéfoire : il avoit fous fes enleignes toutes les nations
qu'enferment riffel, l’Elbe, la mer d’Allemagne, l'Océan
, les Pyrénées, la Méditerranée & les Alpes ; il
lui étoit ailé d’opprimer un prince qui n’occupoit
qu’une partie de l’Italie. Dès que le roi des Lombards
eut reçu des nouvelles de l’approche des François ,
il s'avança pour leur fermer le palî'age des Alpes :
Pépin s’étant rendu maîtredu Pas de Suze,luienvoya
des ambalTadeiirs pour l’engager par un dernier effort
à faire l’entier facrifîce de les droits : il lui of-
froit deux mille fous d’or de dédommagement : cette
propofition étoit peu capable de lédnire un conquérant
, plus ambitieux de gloire que de richeHés : Af-
tolpbe lui fit un généreux refus 6c reila fur la défen-
fiv e , fans le braver 6c fans le craindre. Mais la fortune
qui jamais n’avoit trahi le monarque François, le
fervit encore dans cette occafion. Allolphe tut forcé
d’abord de faire une retraite ; il revint fur fes pas ,
mais c’étoiten vain qu’il vouloir rappeller la vicloire :
il fut réduit à fuir, & la perte qu’il éprouva dans la
premiere bataille ne lui permit pas de reparoître en
campagne.
Pépin, devenu maître des paffages, répand la terreur
6c l’effroi dans tovite la Lombardie, il met tout
en cendres fur fa route & arrive devant Pavie dont il
fait le fiege, Adolphe craignant de tomber entre fes
mains, conl'eniit aux conditions que l’on daigna lui
j)refcrire : il donna quarante otages & renonça à fes
conquêtes par un ferment folemnel. La paix fem-
bloit être rétablie & ne l’étoit pas. Adolphe ne pouvoir
fe réioudre aux pénibles conditions que l’on
venoit de lui preferire : il profita de l’abfence de Pépin
6c alla adiéger le pontife dans Rome ; cependant
avant de livrer les premiers affauts, il eli'aya de
gagner les habitans : il leur envoya un hérault
leur promettre toutes les bontés qu’ils pouvoient
attendre d’un foiiverain généreux , s’ils vouloient
le recevoir 6c lui livrer Etienne : mais les Romains
qui fe flattoient de voir un jour dans l’élévation
de leur pontife une image de leur ancienne fplen-
deur, rejetterent fa propofition : ils lui répondirent
qu’ils préféroient la guerre à fes promefles, & fe
préparèrent à foutenir i’adaut. Pépin fut bientôt
indriiit de ces nouvelles. Etienne lui écrivit les lettres
les plus preffantes, afin de l’engager à repaffer
les Alpes : il faifoit les plaintes les plus ameres de
ce qu’il étoit retourné dans fes états, avant que d’avoir
forcé Adolphe d’exécuter les loix qu’il lui avoit
impofées. Pepin affembla aulTi-tôt les feigneurs &
leur communiqua fa réfolution : le plus grand nombre
le preffa de l’exécuter : il fit aufii-tôc fes préparatifs
6c prit la route de la Lombardie. Il avoit mis
le pied dans ce royaume, avant qu’Adolphe qui étoit
devant Rome eût pu ramener fon armée, pour couvrir
fon pays. Ce prince n’eut d’autre reflburce que
d’aller s’enfermer dans Pavie fa capitale : ce fut de
là qu’il envoya demander grace à Pepin s’offrant à
lui livrer toutes les places qui faifoient le fujet de
cette guerre: on prétend qu’il jura de fe foumettre
aux loix de Pepin 6cde regarder fon royaume comme
fief de fon empire.
Pepin, farisfait des foumifiions d’Adolphe, lui
laiffa la vie 6c la couronne : mais les fermens qu’il
avoit déjà profanés ne lui paroiffant point un gage
afiuré de fa fo i, il ne repaffa dans lés états qu’apres
avoir vu le traite exécuté, au moins quant à fes par-
P E P
ties les plus importantes ; le pape reçut aufii-tôt les
clefs de pluüeurs places ; 6c pour en perpétuer la
mémoire, le pape fit graver fur une table, cette in-
f'eription dont on voit encore des traces : Ce prince
pieux a montre aux autres princes h chemin d'enrichir
i-'églife, en lui donnant L'Exarcat de liavenne. Cette
libéralité de Pepin étoit au moins indiferete ; mais
li la politique le blâme d’avoir enrichi un chef déjà
trop redoutable, par fon empire abfolu fur les con-
fciences, elle le loue de l’autre de s’être refervé la
fouveraineié des terres de fa conquête : ce prince
n’en donna que le domaine utile à Etienne, 6c s’y
comporta au lurplus comme dans les autres provinces
de fa domination : il donna le gouvernement de
Ravenne à l’archevêque 6c aux tribuns, pour lui en
rendre compte à lui-même. Après avoir donné des
marques de Ion autorité dans toutes les autres villes,
Pepin reprit la route de lés états 6c emporta le tiers
des trélors qui étoient dans Pavie ,‘pour lé dédommager
des frais de la guerre.
Les Lombards, honteux de cet humiliant traité,
foupiroient après l’éloignement de leur vainqueur, il
leur reftoit quelques places qu’ils s’étoient obligés de
rendre par le traité. Aftolphe en éluda la reliitution
fous dilferens prétextes : il les retenoit avec d’autant
plus de confiance, qu’il ne croyoit pas cette infraéHon
lufiifante pour occafionner une rupture avec Pepin,
6c pour déterminer ce prince à palfer une troifieme
fois en Italie : il efpcroit d’ailleurs qu’Etienne fe
contenteroii du facrifice qu’il avoit été obligé de lui
faire. Mais fa mort, qu’un accident occafionna, fit
tout-à-coup changer la face des affaires. Didier, auparavant
fon connétable 6c alors fon concurrent, mit
le comble à la joie du pontife : ce nouveau monarque
, qui léntoit le prix de l’amitié de la cour de
Rome , 6c plus encore de celle de France , au commencement
d’un régné, promit de fe refiérrer dans
les bornes les plus étroites de la Lombardie. Rc’/’i/z
reçut, fur ces entrefaites, des ambaffadeurs de la
part de l’empereur d’Orient. Les hiftoriens qui font
mention de cette ambaffade ne difent pas quel en
étoit le motif : mais on préfume quec’étoit pour réclamer
l’Exarcat 6c la Pentapole, dont on venoit de
le dépouiller contre tout droit 6c fans aucun prétexte,
puifqu’il n’avoit fait aucune démarche dont Pepin
eût à fe plaindre : peut-être aufii étoit-ce pour implorer
le fecours de ce monarque contre les Bulgares
qui dcfoloient la Thrace, & menaçoient Conftanti-
nople. Les ambafi'adeurs firent à Pepin de très-riches
préfens : entr’auires curiofités, ils lui donnèrent un
orgue qui étoit d’autant plus précieux, que c’etoit le
premier que l’on eût vu en Occident. Le monarque
François étoit alors au plus haut degré de gloire oîi
un prince pût afpirer : maître de prefque toutes les
Gaules & de la plus belle partie de la Germanie, il
avoit vaincu les Lombards & affuré la couronne de
ces peuples fur la tête de Didier : l’afcendant de fa fortune
6c leurs précédentes défaites ne purent en im-
pofer aux Saxons: ces peuples indomptables le forcèrent
de faire des préparatifs de guerre : rruus leur
indocilité ne fervit qu’à les expofer à de nouveaux
malheurs; Pepin rafa leurs principales fortereffes ,
les battit en plufieurs rencontres; & après en avoir
fait un affreux carnage, près d’un lieu appelle ÎS'fif/;?,
il les força de recevoir la paix 6c de continuer les
tributs auxquels ils étoient affujettis.
Les Saxons auroient été punis avec plus de fevé-
rité , fi le vainqueur n’eût été rappelle par les troubles
de l’Italie. Didier avoit repris les projets d’Af-
tolphe ; 6c quoiqu’il s’y fût engagé par ferment, il
refufoit de rendre plufieurs places comprifes dans
le traité de Pavie ; il avoit même commis plufieurs
hoftilités contre le pape. Après avoir exercé le
ravage dans la Pentapole, il avoit chalTé le duc de
P E P
Bénévent, & mis le duc de Spoletfe dans les fer's,
pour les punir l’un 6c 1 autre de leur attachement
aux Romains. Paul I , frere d’Etienne II, lui avoit
fuccedé. Ce nouveau pontife ne montroit pas moins
de zele pour les intérêts du faint Siege : fes clameurs
ne manquèrent pas d’intcrefier Pepin. Didier ayant
tout à redouter de la part de ce monarque, fe rendit
à Rome, oîi il s’entretint avec Paul fur les moyens
de rétablir le calme. Le pape le conjura par tout ce
y avoir de plus faint, de faire jullice au faint
Siege, 6c de lui rendre les places qu’il s’efforçoit de
retenir contre la foi des traités : il le pria de fe ref-
fouvenir de la parole qu’il avoit donnée à Pepin ,
difant que cette parole devoit être regardée comme
donnée à làint Pierre lui-même. Didier y confentit ;
niais à cette condition que Pepin lui rendrait les
ôtages qu’Afiolphe lui avoit livrés. Le pontife ,
inllruit dans l’art de tromper, feignit d’être fatisfait
de cette réponfe, 6c congédia Didier, après lui avoir
donné des marques de réunion qu’il croyoit finceres.
Mais ce prince fut à peine forti de fa préfence , que
Paul écrivit à Pepin pour lui recommander de retenir
les ôtages, 6c pour le foliieiter d’envoyer une armée
en Italie. Mais, comme il craignoit d’éprouver les
vengeances de Didier, fi ce roi parvenoit à découvrir
fa perfidie, en interceptant fes lettres, il en
donna d’autres à fes ambaffadeurs, chargés de les
remettre , par lefquelles il prioit fon protecleur de
donner La paix aux Lombards, l’affurant qu’aucun
peuple fur la terre n’étoir plus digne de fon amitié.
Didier ne s’apperçut de l’artifice du pontife , que
quand les ambaffadeurs François lui apportèrent de
nouvelles menaces. Il fentit alors qu’il falloir obéir
ou fe refoudre à voir fondre fiir la Lombardie ces
tempêtes qu’Aftolphe n’avoit pu conjurer. Il rendit
une partie des villes, 6c s’obligea , par de nouveaux
fermens, à rendre les autres dans un délai fixé : mais
comme il ne pouvoit fupporter plus long-tems les
hauteurs de Pepin , il longea à augmenter fes forces
par des alliances. Il entretint des correfpondances
îecretes avec l’empereur de Conffantinople, 6c s’attacha
le duc de Bavière , en lui donnant une de fes
filles en mariage. Il fit cefiér les hofiilitcs des Lombards
, 6c fe rendit à Rome ; il permit au pape d’envoyer
des commiffaires pour prendre connoillànce
de toutes les places qu’il rcclamoit, 6c pour fonger
au moyen de les reprendre fans exciter le murmure
de ceux auxquels il en avoit confié le gouvernement
: mais, pour lui prouver que fes intentions
étoient pures, il lui remit à l’infiant tout ce qu’il
lui avoit pris dans les duchés de Spolette 6c de'Bé-
névent : il écrivit encore aux habitans de Naples &
de Cayette, de laiffer au pape la libre jouiffance de
tout ce qu’il rcclamoit dans leur territoire. Pepin
étoit alors occupé contre les Aquitains , auxquels il
faifoit une guerre opiniâtre : il avoit remporté plufieurs
vidloires fur ces rébelles, fans avoir pu les
réduire. Didier voyoit avec une joie fecrete, que
ces peuples oppofoient une pulffance redoutable à
fon ennemi ; il fongea à multiplier les embarras de
Pepin, fans cependant l’attaquer ouvertement. Taf-
fillon, duc de Bavière , follicité par Luitperge , fille
du prince Lombard, rentra dans fes états ; 6c, fous
•prétexte d’une maladie , ce duc refufa de continuer
la guerre d’Aquitaine où il s’étoit fignalé. Mais le
^cnie de Pepin rompit toutes fes mefures,6c le rendit
encore une fols maître de la deffinée de fes ennemis.
Gaifre, duc d’Aquitaine , fut trahi 6c tué par l'es
propres foldats , après avoir erré en fugitif dans une
province oli U avoit commandé en roi. Taffiüon ,
craignant que fon oncle ne le punît de fa défeélion ,
fiu obligé d’implorer la médiation du pape , qui ,
natte de fe voir l’arbitre de fon fort, obtint l'a grace.
Le roi des Lombards, fe voyant privé de cet allié,
Tome IK
P E P 2 9 1
n’ofa plus fe flatter de pouvoir tirer vengeance des
humiliations qu’il avoit reçues. Pepin , au comble
de la gloire , eut encore celle de fe voir rechercher
par Conflantin Copronime q ui, du fond de l’Orient,
lui envoya des marques de Ion eflime , 6c des ambaffadeurs
charges de lui demander Gifelle, fa fille,
quil voulolt faire epoufer à fon fils, préfomptif
héritier de 1 empire. Mais Pepin, foit qu’il fût peu
flatté de l honneur de cette alliance, foit, comme
il eft plus probable, qu’il craignît d’indifpoler la
cour de Rome , refiila d’y confentir : il leur répondit
qu’il ne pouvoit donner fa fille à un prince hérétique
, parce qu’ayant pris le Gint Siege fous fa
protechon , il avoit fait ferment d’être l’ennemi de
fes ennemis.
Si l’on réfléchit fur la conduite de ce monarque
& fur le refus qu’il fit effuyer à l’empereur de
Conflaniinople , on pourra croire que fon ambition
ne fe bornoit pas au triple diadème qu’il avoit pofé
fur fa iête_. Les intérêts de la religion ne le tou-
choient point affez pour lui faire négliger les moyens
de s’aggrandir. La raifon dont il venoit d’appuyer
fon rctus, n’étoit qu’un prétexte : il étoit en alliance
déclarée avec le calife des Sarrazins ; 6c la croyance
de ce chef des Mahometans n’étolt pas aflurément
aufli orthodoxe que celle de l’empereur de Confian-
tinople. Tout nous porte à penfer qu’il avoit envie
de porter le théâtre de la guerre en Thrace, &
d’étendre fes conquêtes jufqii’aux rivages du Pont-
Euxin. Scs complaifances pour le faim Siege étoient
moins un effet de fon zele que de fa politique. Les
troubles qui divifoient les efprits dans la capitale
de l’Orient, étoient très-propres à lui en applanir
la route. A la faveur de ces troubles , il aiiroit
conquis le trône des Grecs avec plus de facilité qu’il
n’etoit monté fur celui de les maîtres.
Tels étoient fans doute les projets de Pepin ;^\x
moins ils font conformes à fon ambition , lorfqu’une
maladie le conduifit au tombeau ; 6c ce fut dans ce
trifle moment qu’il déploya toute la grandeur de
fon ame. Sa famille l’approche , 6c témoigne déjà
par fa douleur de quels regrets elle va honorer fa
mémoire : lui feul retient fes larmes ; 6c s’il fonge
à la mort, ce n’eft que pour lui dérober quelques
inflans , afin d’affurer la tranquillité de fes peuples.
Après avoir placé des gouverneurs & des juges dans
toutes les villes rébelles de l’Aquitaine, il partage
fes états entre fes fils ; 6c comme il connojffoit à
Charles, l’aîné de ces princes, de plus grands talens
qu’à Carloman foQ frere, il lui donne l’Auflrafie j
où il étoit plus à portée de connoître ce qui fe paffoit
au-delà des Alpes. Il joint à cet état rAquitaine , où
il avoit encore apperçu quelques femences de révolte,
Carloman eut la Bourgogne 6c la France,
c’eft-à-dire , la Neuflrie. Pepin, après avoir ainfi
réglé le deftin de fes peuples ôc de fes entans, régla
les cérémonies de i'es funérailles : il preferivit juf-
qu’à la maniéré qu’il vouloir que fon corps repofât
dans le tombeau. Il demanda à être inhume dans
l’attitude d’un pénitent, les mains jointes, la tàce
contre terre : tels furent les derniers inflans de
Pepin. Heureux à combattre, il fut habile à gouverner.
Il n’eut qu’un reproche à fe faire , celui d’avoir
violé fes fermens envers fon fiouverain. Au refle,
fon élévation nefut préparée ni par desproferiptions,
ni des aflalïïnats : fier 6c populaire tour-à-four, il
ne déploya que l’appareil des vengeances, 6c n’en
fit jamais refl'entir les effets : les grands , trop foibles
pour oferêtre rébelles, furent des fujets obéiffans;
6c l’indocilité des princes tributaires, réprimée par
fes armes , eût fait , s’il eût vécu plus long-temps ,
fuccéder des jours calmes à des jours orageux. La
France , forcée de plier fous le joug , refpedfa , dans
Cet ufurpateur , un roi citoyen q u i, en rendant fes
O O ij