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noyé ou bleffé du vivant de la perfüune ou apres
fa mort ; l’affirmative ou la négative de ces propo-
fîtions devient l’objet de la procoduie : s ils décident
qu’elle a été pendue, blelTée ou noyée de
fon vivant, c’eft alors par elle-mcme ou par d’autres
que le crime a pu fe commettre -, s’ils jugent
au contraire que les bleflures, U fufpcnfion ou la
ffibmeriîon ont été précédées par la mort de cette
perl'onne , ils rejettent la poffibilité du luiclde &
établiffient raflaffinat , & c’eft cette décifion qui
dirige les opérations de la jurtice, puilqu’en ell'et clic
détermine l’objet de fes pourluites. Or les figues
aniécédens ou commémoratifs fervant à cor.üater
ou reftifier tout ce que l’obfervation ‘du cadavre
a d'incertain M é d e c in e l é g a l e . ) , U faut
néccffalreraent y avoir egard. « U ell des arrêts qui
« défendent aux juges d’intormerdes vies & moeurs
des aceufés en tait de folie, en leur enjoignant
» de les juger à la rigueur, fans avoir egard à l'a-
» liénation d’efprit. Je refpeéte comme je le dois
» les décidons des cours; mais pour n’y pas con-
» trevenir , je me récuferois plutôt mille fois que
» de ne pas informer il charge à décharge dans
le cas de folie comme dans tous les autres cas,
» & je doute qu’il fe trouvât d'autres juges qui
» vouhiirent faire autrement, & même des témoins
» qui voululTent dépofer du crime lans parler de
M la caufe ». Serpillon , Code inm u ic l, I p u n . article
do. rapports.
Il eil poffible, comme l’obferve M. Louis dans
fon mémoire fur une quedion anatomique relative
à la jurifprudence, qu’un homme qui veut le défaire
d’un autre commence par l’étrangler & le fufpende
enfiiite : c’ed une action réfléchie qui fuit le mouvement
violent qui avoir porté à raflalFinat ; dans ce
cas il elt de la derniere importance d’examiner s’il
n’y a pas deux impreffions au cou faites par la corde
, l’une circulaire faite par torfion fur le vivant ;
l’autre oblique vers le noeud , qui feroit l’effet du
poids du corps après la fufpenlîon. Il elt utile de
faire cette remarque dès l’inltant même qu’on elt
arrivé fur le lieu du délit & qu’on a le cadavre à
fa difpolition : on peut placer la corde fur l’im-
preffion qui fe trouve autour du cou , & bien examiner
quelle a été fa direétion 8c fur-tout la pofi-
îion du noeud. Faut-il cependant rejetter avec M.
Louis la fuppofition qu’on puiffe fulpendre un homme
plein de vie? L’appareil qu’exige cette action
la rend peut-être difficile , mais elle n’en elt pas
moins poffible. Un homme peut fe laiffer furpren-
dre par une troupe d’affaffins , il peut être timide
8c foible , il peut, felon les circonltances , perdre
du premier abord tout efpoir de faîiit 6c fe réfoudre
à fiibir un genre de mort dont il n’a pas le
choix , avec toute la réfignation que produit la
conviétion de fa propre foibleffe ou de l’impoffibi-
lité du fecours. Il faut d’ailleurs pour que la corde
ait fait, dans le cas fuppofé par M. Louis , deux
impreffions diltinétes , que l’étranglement ait été
fait en premier lieu par torfion, comme fx l’on eût
appliqué un tourniquet ; il elt cependant très-poffl-
ble qu’un alTaffin, après avoir paffé la corde autour
du coude celui qu’il veut étrangler, ferre légèrement
le noeud de cette corde 6c fe contente de la
tirer violemment à lui, apres avoir renverfé à terre
le malheureux qu'il afl'affine. Une pareille impref-
ffon fera oblique comme celle qui rélulte de la
fimple fufpen/ion , 8c le cadavre fufpendu après l’af-
faffînat n’offrira, dans l’examen , cju’une feule im-
nreffion dont l’obliquiré feroit piife mal-à-propos
pour une preuve du luicide.
Du refte , il elt certain que fi l’on obferve les
deux impreffions, l’alTaffinat efl: alors parfaitement
prouvé; il peut même le faire que lorlque l’im-
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preffion de la corde elt fort profonde, comme H
arrive dans les lujets gras , la premiere imprefilon
qui aura été faite par torfion loit cachée dans le
repli que forment les chairs. On conçoit combien
cela peut arriver aifément, puifque prcfque toujours
la corde elle-même fe trouve cachée dans ce
repli qui elt quelquefois très-profond : il faut donc
étendre la peau 8c la mettre à découvert précife-
incm à l’endroit de l’infertion du noeud , pour examiner
li outre la premiere inipreffiion , il n’y en
auroit pas une fécondé un peu oblique vers cet endroit.
L'impreffion oblique devient de plus en plus
manifelte lorlque le cadavre relie long-tems fufpendu
après la mort.
Si l’impreffion de la corde elt à-peu-près circulaire
8c qu’elle foit placée à la partie intérieure du
cou au deffus des épaules, il elt clair que dans ce
cas elle elt une preuve d’affaffiinat non équivoque ,
puifque cette circonltance ne peut avoir lieu que
dans la torffon faite immédiatement fur la partie
en forme de tourniquet (pourvu qu’on ait trouvé
le cadavre fufpenclu). Il elt ailé de concevoir qu’un
homme qui fe fufpend , n’elt pas le maître de lixer
la corde vers la partie intérieure du cou , plus
élargie que la lupérieure; 8c en llippofant qu’il l’y
exit placée en premier lieu , elle glilTeroit néceff'ai-
remenî vers les parties lupérieurcs au premier inl-
lant de rélanccmcnt. D ’ailleurs le filicide peut avoir
lieu fans fu fp en jïo n ^ quoique l’étranglement foit la
caule oe mort. (v o y . ci après.)
Les coups 6c les marques de violence extérieure
comme les contufions , les blelTures, les habits déchirés,
le fang répandu , font des preuves d’affaffii-
nat non équivoques. Telle eff l’obfervation de cette
temme , dont parle Bohn , qu’on trouva pendue &
lur le cadavre de laquelle on vit les deux côtés de
l'abdomen 8c toutes les parties poltérieures meurtries
8c livides, f.ms que le vifage 8c les extrémités
euffènt fouff'ert la moindre altération, fans même
qu’on apperçùt riinprelfion de la corde qui exit fervi
à l’étrangler. Telle elt encore l’obfervation de D e vaux
fur une femme qu'on trouva pendue 8c qui
n’offrit aucun des fignes de l’étranglement, mais fur
laquelle on trouva xinc petite plaie pénétrante qui
avoit percé le coeur 8c qui étoit cachée par l’affiaif-
fement de la mammelle droite.
On lit dans le mémoire de M. Louis, que l’exécuteur
de la juffice de Ber/te envoyé pour enlever
le corps d’un homme qu’on avoit trouvé pendu,
trouva le lien fanglant, fait dont il ne tira aucune
conféquence, mais qui par la rumeur qu’il excita
parmi le peuple, fut le moyen qui fervit à faire
découvrir l’alTaffim. Je veux convenir avec M. Louis
que dans ce cas là ce figne fut utile en ce qu’il donna
lieu aux recherches qui firent découvrir l’affiaffiin ;
mais je fuis bien éloigné de croire que fur un pareil
figne, fans autre examen , on foit en droit d’ac-
eufer quelqu’un d’affiaffinat 8c de ne plus avoir
egard à la poffiibilité du luicide. On fait qu’il fe fait
allez fouvent dans l’étranglement, des écorchures
ou excoriations à l’endroit du cou qui répond à
l’impreffion de la corde , il peut fortir de ces parties
quelque peu de fang qui enfanglante le lien,
fur-tout lorfaue les valffeaux font diffendiis à un
ici point qu’il fe fait des crevaffies dans le cerveau
& dans pUifieiirs autres parties. Ainfi lorfqu’on
trouve la corde teinte de i'ang, je voudrois qu’on
s’affiurât, avant tour, qu’il n’y a aucune écorchure
, aucun déchirement dans rout le trajet de l’im-
preffîon de la corde; ff l’on n’en nouvoit aucune,
ce lien enfanglante feroit un témoignage qu’il y auroit
eu du fang répandu dans l’exécution, 8c par
conféquent qn’ily auroit eu violence extérieure.
La conftriétion violente du cou , peut être une
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jiréfompiion très-forte d’afiàffimat, car on conçoit
que le leul poids du corps qui lerre la corde dans le
cas de fuicide, ne faiiroit produire, à beaucoup
d’é'^ards un effet auffi violent que la torffon dans
le cas d’affàffinar. il faut néanmoins être prévenu
qu’on doit dillinguer la conitriition qui aura été l’effet
de la torffon , de celle qui aura pu fe faire fuc-
celîivemenr par la tuméfaétion des parties du cou
qui l'ont voilines de la corde. Cette tiiltinétion elt
ailée à faire : dans le fuicide, la portion de la corde
qui entoure le cou, c(t relativement plus longue
que dans I’affaffimat ou la conffriétion a été violente
; la tumcfaêlion des parties au delTiis de la corde ^
elt Ibuple , unie, même auprès de la corde , au lieu
que dans raff'affiinat, il y a plulieurs plis à la peau
llir-tout auprès de l’impreffion circulaire faite par
la corde ; le cou eft quelquefois rétréci dans cette
impreffiion, au point que le diamètre du cercle décrit
par la corde , cfi à peine de deux pouces &C
demi ou trois pouces tout au plus. J’ai vu lur une'
femme qui fut pendue, les feuls tégumens du cou
réfffter à l’action de la corde, les vertèbres, les
mufcles 8c le larynx furent coupés, 6c le cercle
cléciit par la corde avoit tout au plus deux pouces
de diamètre.
Les cartilages du larynx brifés ou déchirés, les
vertebres du cou rompxies ou Icparées , annoncent
une violence qui ne peut gucre avoir lieu dans le
fuicide. On a meme regardé la luxation de la premiere
vertebre du cou , comme également impoffii-
ble dans ce cas à caufe de l’extrême fermeté de Ion
articulation; mais quoiqu’il loit effeétivement très-
difficile que cette luxation aie lieu clans un homme
qui s’elt pendu lui-même , il eft cependant quelques
circonltances qui peuvent la rendre poffible, 8c dès-
lors ce ffgne qu’on a unanimement regardé comme
très-pofitif, devient évidemment faux.
Il eft des hommes ft bien conftitxtés , que les liens
de leurs vertebres réfiftent aux efforts les plus conlî-
dérables ; il en eft d’autres chez qui le tifl'u des fibres
eft fl lâche, que le feul poids du corps luffit pour
rompre les ligamens, luxer les vertebres ou les fra-
étures : ceux-ci font à peine lancés qu’ils expirent;
comme au moment de leur mort, le mouvement
circulatoire cefl'e, leur vifage ne fe bouffit point, il
ne devient point rouge; en un mot, il refte à-peu-
pres tel qu’il étoit avant la fu fp en jion ; ce qui vient
de ce que la circulation étant arrêtée ou éteinte , il
ne va plus de fang au cerveau , Sc il n’en revient pas
davantage. La rapidité de la mort dans ce cas luppo-
f é , eft prouvée par des obfervations dont les livres
de médecine font remplis.
Ces fages confidérations n’échapperent point à
M. Antoine Petit, dans un Afé/noire de cet auteur,
deftiné à détruire l’accufation d’affiaffinat intentée à
Liege, contre les parens d’un homme trouve pendu:
on voit avec la derniere évidence , qu’en réfumant
tous lôs fignes , 6i ayant égard aux circonftances
obfervées par M, Pfeffer, médecin, cette aceufation
eft infoutenable , quoique d’ailleurs on eût négligé
d’ouvrir le cadavre , dont l’exafte cliffeftion auroit
fans doute multiplié les preuves ; ce détail eft trop
important pour ne pas trouver place dans cet article,
il offre en meme tems l’exemple d’une circonftance
fxnguliere qui peut fe retrouver, & du genre de con-
noiffances que doit pofl'écler uu expert qui dreffic un
rapport fur des matières fi délicates.
« La corde qui avoit fervi à l’exccution , formolt
M une anfe, qui parune de (es extrémités embralTolt
» une poutre d’environ quatre j'iouces 6c demi de
« large, Scrautre extrémité étoitpiacée au-deffous
» du menton, & paffbit derrière les oreilles pour
« aller fe terminer vei-s le haut de l'occiput du pendu
j cette corde dut lîéceffairement, au moment
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» de la chute, appuyer fortement fur le derrière de
» la tête, lui faire faire la bafciile en la repouffànt
» en devant, 6c forcer par-là le menton à fe rappro-
» cher de lu poitrine ; dans cet inftant le poids &
» l’élan du corps, durent donner une vive fecouffe
» aux ligamens des premieres vertebres du cou ;
» cette puifl'ancc agit comme étant appliquée au bout
» d’un levier, dont la longueur devoir être mefurée
» par la diftance qui fe rencontre entre la partie an-
» îérieure du grand trou occipital, 6c le plan qui
» louchcroit à la tiibérofitc de l’occiput; le corps
» du pendu pefoit certainement plus de cent livres :
» qu’on eftime maintenant l ’effort que le premier
» choc d’un femblable poids peut faire en fc préci-
» pilant au bout du levier fufdit ; 6c l’on verra que
» pour réfifter à ce choc , il faut avoir plus de confi-
» ftance 8c de force que n’en ont les ligamens & les
j> cartilages des vertebres ; ces parties fe rompirent
» donc dans le lieu oiivenoit aboutir le double effiert
» de l’occipital repouffé en devant par la corde, 6c
» ainfi écarté des premieres vertebres du cou, 6c de
» ces vertebres elles-mêmes , tirées en bas 8c écar-
» îées de l’occipital par le poids du corps ; fa luxa-
» tion dans l’inftam fuivit la rupture , Sc la mort fut
» auffî-tôt l’effet de la luxation.
» Qu’on ouvre , dit M. Petit, les livres des obfer-
» valeurs en médecine, on y verra plus d’un exemple
» d’enfans qui font tombés roides morts , après
» avoir été par forme de badinage foulevés de terre ;
» ceux qui les fotilevoient ayant une main fous leur
» menton , 6c l’autre iur le derrière de leur tête. Si
n dans ce cas la feule pefanteur du corps d’un enfant
» qu’on éleve doucement, eft capable de produire
» un ff terrible effet, que ne fera point la chute
» précipitée d’un corps qui s’élance 6c qu’une corde
» retient en l’air ? »
Quoique par une inconféquence , dont on ne
peut rendre raifon, MM. les échevins de Liege aient
refufe de communiquer à M. Pfeffer l’ouverture du
corps de ce pendu , on peur, en rappellanc les circonftances
obfervées par ce médecin, en conclure
avec M. Petit, que les vertebres du cou étoient
luxées ( ou du moins tiraillées , 6c leurs ligamens
diftendus ) , 6c que c’étolt la feule 6c vraie caufe de
la mort de cet homme ; en effet, M. Pfeffer obferva
d’abord que le vifage étoit pâle 6c fans bouffiffure ,
que la langue ne fortoit point de la bouche , 6c que
les yeux n’étoiem ni tuméfiés , ni plus làillans que
dans l’état naturel : la tête n’étant plus foutenue fe
renverfa en arriéré, ce renverfement fut prodigieux;
6c dans le moment qu’il fe fit, la bouche s’ouvrit, 6c
le médecin vit diftinélement une fumée qui s’en exha-
loit : cette fumée prouve que cet homme n’avoit
expiré que depuis quelques inftans ; 6c le renverfement
prodigieux de la tête , qui eft tout-à-fait contre
nature, indique afl'ez que les vertebres n’etoient
point dans leur emplacement naturel, 8i confequem-
ment que la moelle épiniere avoit fiibi quelque com-
preffîon ou froilTement.
La fumée dont je viens de parler, paroît due au
dégagement de l’air qui étoit contenu en grande
quantité dans les poumons , 6c qui s’y trouvoit retenu
6c comprimé, fans doute, parce que l’interception
de la trachée-artere avoit été faite immédiatement
après une forte infpiration ; cet air, en fe dégageant
des cellules pulmonaires , s’exhala fous forme de
fumée , en entraînant quelques vapeurs d’un corps
encore tout chaud : ceci eft appuyé par une obl'er-
vatlon de M. Littré , rapportée dans les Mémoires de
l’académie des Sciences, année 1704; une femme
ayant été étranglée par deux hommes qui lui ferrèrent
le cou avec leurs mains, M. Littré vit à l’ouverture
de la poitrine de cette femme , les poumons
extraordinairement diftendus par l’air qu’ils