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ges. Je n’al pas pu JilHnguer la fimple vue fi ces
trances font des pieds. ,
C ’efl le de mai que je me fuis apperçu qu ils
commençoientùcclorre. A peine font-ils iortis de
roeuf cin’iis courent fur les branches; ils vont le
promener fur les feuilles , ou plutôt y chercher une
ouverture pour entrer dans l arbre. Ils fe collent lur
la fiirface de la feuille , y font un enfoncement, s’y
incorporent,en lailfantau-dehorsune couverture ou
un manteau qui cache leur petit corps.
Le 6 juin, beaucoup de ces infefles n’étoicnt pas encore
montés fur les arbresjdansun endroit peu expofe
aufoleil. Ayantretlré d’un arbre nouvellement plante
& malade un féal nid qui y ctoit, j’y ai vu_, fix jours
après, des p e t i t s e n c o r e en vie, qui n croient
pas entrés. Deux avoient pénétré dans deux teuil-
les des moins langiiiffantes ; d’autres avoient fait
un peu de chemin par terre, pour chercher meilleure
fortune fur d’autres arbres aulTi nouvellement plantés.
Après que les infeétes font entrés dansf arbre,
je ne fais ce qu’ils y font; mais je crois qu ils n entrent
point dans la moelle ni dans le bois , ÔC qu ils
s’en tiennent à l’écorce ; en un mot, que ce^ont des
infecles intercutaires : on en trouvera la raifondans
ce que je vais ajouter. ^ -
Le 17 juin, ou la cire commença a fe declarer
fur un /d-cAw bien expofé au loleil.'^cc-
toient des filamens d’une laine très-fine , qui^ s élevoient
fur l’écorce tout autour desinfeaes. Ils etoient
fortis fans que je m’en fufle apperçu : ils étoient di-
vifés en différentes troupes, & fe touchoientprefque
fur l’écorce où ils paroiffoient immobiles. En ayant
déplacé quelques-uns avec la pointe d’imeaiguille, à
peine fe donnerent-ils quelque mouvement pour reprendre
leur premiere fituation. J’en viscependant un
courir fur l’écorce. Je dépouillai plufieurs arbres de
leur écorce, pour chercher des traces de ces inleéles,
devenus longs d’environ une demi-ligne. Je n’en troiv
vai nulle paît fur le b o is , qui eft dur, & d’un tilîù
ferré ; puis ayant divifé l’écorce en deux pellicules,
i’y remarquai une empreinte d e s d a n s les
endroits où ils étoient attroupés. Cette empreinte
droit entre les deux pellicules, affeélant plus l extérieure
que l’intéi ieure.Les traces des/d rc/m/i^avqienc
pu s’effacer ailleurs , plutôt fur l’écorce que lur le
bois. , .
Peu à-peu la cire s’élève en duvet, qui s epailiit
de plus en plus pendant les chaleurs de l’été, & qui
couvre de tous côtés les infeftes , les défendant à-ia-
fois du chaud, de la pluie & des fourmis. Je m’at-
tendois qii’après avoir fait fortir de la cire en un
endroit, iis iroient en travailler ailleurs ; mais ils
n’en ont rien fait : ils n’ont garni de cire que quelques
endroits au-deflus des branches Inclinées.
Les Chinois difent que , fi on laiffoit trop long
teras la cire fur l’arbre , les infefles ne feroient pas
leurs nids. Us la recueillent après les premieres
gelées blanches de feptembre. On la détache avec
les doigts fans aucune difficulté; enfuite or. la purifie
de la maniéré fuivante. On met dans de leaubouil-
lante un vafe plein de r iz , qui a lui-meme bouilli
cinq ou fix minutes dans l’eau, & quiefi à demi Iqc
parce qu’on en a retiré prefque toute l’eau qu’il
pu laiffer échapper. Dans ce riz ainfi apprêté , on
enfonce une calotte de porcelaine , l’ouverture
en haut ; & dans cette calotte , on en met une plus
petite , l’ouverture en bas. La cire brute fe place
fur la furface convexe de la petite calotte, qu’on
incline un peu pour donner Iffiie à la cire , laquelle
étant fondue par la chaleur, coulera toute purifiée
dans le fond de la calotte inférieure , laiffant
haut toute fa craffe.
Cette cire eft très-blanche, luifante , & a de ..
tranfparence, prefque jufqu’à l’épaiffeur d’un pouce
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Elle eft portée à la cour pour les ufiiges de IVmpe-
reur & des plus grands mandarins. L’on en mêle une
once avec une livre d’huile ; ce mélange ptqnd de
confiftance , & forme une cire peu inférieure à
cire ordinaire. Enfin 1a cire d’arbre eft employée
.. guérir plufieurs maladies. Appliquée fur une plaie,
elle fait renaître les chairs en peu de tems. 11 y a
des Chinois q u i, lorfqu’ils ont à parler en public ,
comme pour défendre leur caufe devant les mandarins
, en mangent une once pour prévenir ou
guérir les défaillances 6c palpitations de coeur. Là-
très édifiantes & curieufes des rnifiionnuires de la compagnie
de Jefus.
PELAGE , roi de Léon, ( Nfioire d Ejpagm. )
- ’Efpagne entière ctoii foumiléaux Maures, 6c ces
fiers conquerans ne croyoient pas qu’il y eitt encore
des Chrétiens à combattre ; cependant quelques
Efpagnols, triftes 6c déplorables reftes de l’empire
des Goths , ayant eu le bonheur d’échapper au
glaive des Mahometans , s’etoient réfugiés avec le
valeureux Pelage ^ parent du dernier roi Rodrigue ,
& iffu, comme lui, de Recarede, dans les montagnes
des Afturies , où l ’aridité du fo l, les fimiofités des
vallées & les routes difficiles, fouveiit impraticables,
des rochers les mettoient à l’abri de la pour-
fuite & de la fureur des vainqueurs. Le nombre de
ces fugitifs, anciens poffiefieurs de l’Elpagne, n’etoit
que d’environ cinquante mille ; 6c ce nombre ctoit
encore trop confidcrable relativement au produit de
leurs pofiéftions afluelles, qui ne s’eteudoieni que
fur quelques rochers incultes ou dans quelques
vallées prefque tout auffi arides que la cime de ces
rochers. D ’ailleurs, fans alhés, fans provlfions ,
fans ar^’ent, fans reffources, ils étoient confternés,
abattus'", par la terreur que leur donnoit le fouvenir
de leurs concitoyens malTacrés ou captifs. D’abord
ils ne fongerent qu’à pourvoir à leur iiueté 6c à la
confervation de leur liberté; ils s’occupèrent enfuite
de la maniéré dont ils pourroient fubfifter i le perpétuer
dans ce pays,qui ne pouvoit avoir pour eux
d’autre agrément que celui de leur fervlr d'afyle.
La forme démocratique peut convenir à une fociété
d’hommes heureux & établis dans de riches contrées
; mais il faut néceffairement un chef à une
troupe d’hommes vaincus, proferits, fugitifs, accablés
par les rigueurs du fort, 6c pourfuivis par des
triomphateurs cruels 6c implacables. Auffi les Goths
réfugiés dans les Afturies eurent à peine garanti leur
retraite, autant qu’ils l’avoient pu, de toute inva-
fion , qu’ils s’occupèrent des moyens de rétablir du
moins le fimulacre de leur ancienne monarchie ; ils
avoient fiiivi dans ces montagnes 6on Pelage, que
fa naiffance illuftre , fa valeur plus illuftre encore,
fes rares qualités 6c fes éminentes vertus avoient
rendu fi recommandable fous le malheureux régné
de Rodrigue fon parent. Ce fut fur lui que les Goths
jetterent les yeux ; ils s’afi'emblerent & l’élurent
pour leur fouverain vers la fin de feptembre 718 ,
fu’ivant les plus exafts hiftoriens. Il ne manquoit
au nouveau roi que des fujets qui puffenr Je féconder,
& un royaume capable de lui offrir quelques
reffources; mais dénué de tout, Pelage (uppléa par
fon aélivité, fa vigilance, fes talens, aux fecours
les plus indifpenfablcs qui lui manquoient ; & , malgré
la contrainte de fa fituation , il releva, même
avec quelque éclat, l’ancienne conftitution , 6c pofa
les fondemens d’un nouvel état qui devoit devenir
dans la fuite l’une des plus vaftes , des plus riches
& des plus refpeélables monarchies de l’Europe.
Alahor, lieutenant du calife en Efpagne, méprifoit
trop cette troupe de Goths, pour prévoir que dans
le trifte état où ils étoient réduits, ils penferoient à
fe donner un roi. Alahor étoit alors dans les Gaules,
& fafurprife fut extrême lorfqu’il reçut la nouvelle
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de cette cleélion ; mais ne croyant point encore ces
fbibles reftes des anciens Efpagnols affez formidables
pourqu'il fût néceffaire de faire, pour les exter-
miner, des préparatifs bien confidérables, il crut
qu’il fuffiroit d’ordonner à quelqu’un de fes principaux
officiers de punir l’audace de ces efclaves
échappés à fes fers. Alchaman, chargé de la pour-
fiiite 6c du châtiment des Goths, s’avança vers les
montagnes des Afturies, plus en maître qui va punir,
qu’en général qui marche à une expédition : il s’engagea
iiîconfidércment dans les rochers peuplés &
défendus par les Chrétiens. Pelage profita, en capitaine
habile, de l’imprudence d’Alchaman ; il pofta
la plus grande partie de fes fujets ( ils étoient tous
foldats) fur la cime des rochers, avec ordre de s’y
tenir tranquilles jufqu à ce qu’il feroit attaqué lui-
même dans le porte qu'il alloit prendre avec les liens
au bas de ces mêmes rochers, dans la caverne de
Sainte Marie de Cavadonga. Le general Maure, précédé
de l'évêque Oppas, fcélerat qui, traître à la
patrie & à la religion , avoir vendu don Rodrigue ,
ion maître , fes concitoyens 6c l’Elpagne entière aux
înfideles;le général Maure & Oppas cherchèrent
foigneufeinent, de fmuofité en fmuofité , la retraite
des Goths ; ils marchèrent d’abord avec beaucoup
de précaution; mais ne voyant ni foldats ennemis ,
ni habitans dans ces déferts, iis hâtèrent leur marche,
& arrivèrent enfin près du lieu où ils apprirent qu’é-
tolt Pliage avec une petite troupe : Alchaman, pour
épargner le fang de les foldats, envoya l’évêque
()ppas à Pliage pour lui conlèiller de fe rendre , de
livrer tous les fugitifs 6c de s’en remettre à la diferé-
tion & à la rccompenle que lui donneroit Alahor.
Indigné des propofitions du fcélérat Oppas, Pliage
rejetta fes oftresavec mépris, lui ordonna de fortir
de fa prélènce , 6c d’aller rapporter à fes maîtres que
lui & lès fujets combattroient pour la liberté 6c la
religion jufqu’au dernier momeftt de leur exiftence.
Alchaman qui ne s’étoit point attendu à cette géné-
reufe réponfe, furieux de la réfiftance qu’on ofoit
lui oppofer, marcha contre Pliage, 6c commença
l’attaque avec la plus violente impétuofité ; mais
refferrés entre les rochers, les Maures s’embarraf-
foient plus les uns les autres qu’ils n’incommodoient
les Goths : ceux-ci, mieux exercés à combattre fur
un pareil terrein , foutinrent le choc avec fermeté ;
ôd aggreffeurs à leur tour, mirent les Mahometans
en defordre. Pliage , fans leur donner le tems de fe
reconnoître, s’élança , à la tête des fiens, du fond
de fa caverne fur les Maures qui, effrayés par la vigueur
de cette nouvelle attaque, plièrent & commencèrent
à fe difperfer. Alors ceux d’entre les
Goths qui, placés iur la cime des rochers, n’avoient
pas encore pris part au combat, firent rouler fur les
infidèles des niafles énormes de pierre, fous Icf-
quelles ils refterent enfevelis. Dès ce moment, la
déroute des ennemis fut générale , complette, & l’on
afture qu’en très-peu de tems les Maures perdirent
dans cette aâion cent vingt-quatre mille hommes.
Alchaman fut du nombre des morts, & l’évêque
Oppas fait prilbnnier , périt dans les fupplices.
Quelques hiftoriens contemporains, aimant mieux
rapporter au ciel 6c au dérangement des loix de la
nature, qu’à la valeur de leurs concitoyens , cette
mémorable viftoire, ont prétendu que par un miracle
trcs-cronnant en effet, les traits lancés par les
Maures retournoient fur eux-mêmes, & les tuoient.
Ce prodige feroit aft'urément fort extraordinaire;
mais il n’y eut de prodigieux dans cette bataille que
la valeur 6c l’héroilme de Pliage 6c de fon armée ;
car du refte , le champ de bataille étoit très-defa-
yorable aux infidèles qui ne pouvolent ni y combattre,
ni prefcjue fe mouvoir ; ce qu’il y eut de
prodigieux encore, fut la conduite de Pliage qui.
Tome iVa
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rempli d’une noble confiance, infpira fon audace à.
ces mêmes Goths qui, vaincus tant de fois par les
Mahometans, triomphèrent pourtant fous les ordres
de leur fouverain intrépide, avec tant d’éclat- d’une
armée puiffantc , viélorieufe & formidable. Le peu
de Mahoinétans que la fuite avoit dérobés à la colère
des vainqueurs , gagnèrent précipitamment les
rives de la Deva, où ils commencèrent à fe croire
en iûreté, lorfquc, par un accident fortuit , & plus
miraculeux pour les hiftoriens du huitième fiecle,
que les caufes de la défaite des Maures, une partie
de la montagne qui dominoit cette rive de la D e v a ,
fe détachant tout-à-coup , écrala 6c enfevelit tous
ceux d’entre les Maures envoyés par Alahor à cette
maiheureufe expédition , & qui n’étoient pas morts
lüitdansle feu du combat, foit dans la retraite des
fuyards. La viâoire de Pliage répandit la confter-
nation parmi les infidèles qui, redoutant à leur tour
les armes des chrétiens, s’éloignèrent des rochers
des Afturies qui leur étoient devenus fi funeftes.
Manuza renfermé dans Gijon avec une nombreufe
garnifoii mahométane,effrayédu voifinage des vainqueurs,
fe hâta de fortir de la place où 1! comman-
doit, 6c fiiivi de tous fes foldats, il tâchoit de gagner
un lieu plus fùr, lorfque Pliage averti de fa retraite,
marcha à lui, le rencontra, fondit, à la tête des
fiens, fur fa troupe, la tailla en pièces , 6c par ce
fuccès acheva de nettoyer les Afturies des Maures ,
qui dès-lors n’oferent plus en approcher, du moins
pendant la vie de ce redoutable guerrier. Leur crainte
& leur éloignement ayant rendu le calme aux Goths,
Pliage confacra ce tems de tranquillité à l’exécution
des projets vraiment utiles qu'il avoit formes ; il fit
conftruire plufieurs villes , en rétablit quelques-unes
ruinées par les Mahometans, fonda & répara plufieurs
églifes; mais ne voulut ni entourer aucune
ville de murailles, ni permettre la conftrudion
d'aucune fortereffe, afin d’entretenir la valeur naturelle
de fes fujets, qu’il croyoit ne pouvoir que s’amollir
6c fe relâcher par la fécurité que leur procu-
rcroient des remparts & des forts. Ce n’eft cependant
point au génie leu! de Pliage qu’il faut attribuer
le bonheur de fon régné 6c la tranquillité que fes fii-
jets goûtèrent. Les Afturies jouirent de la paix, parce
que lés Mahometans n’avoient que des dangers à
courir dans ce pays rude & prelque inacceffible à
de nombreufes armées; parce que la conquête de
ce pays ne leur offroit en dédommagement des foins,
des dépenfes 6c du fang qu’elle leur coûîeroit, que
quelques arides rochers, quelques hameaux, quelques
villages, oii ils ne pouvoient efpérer de faire
aucun butin. D ’ailleurs, la conquête des Gaules ten-
toit plus l’avidité de cette nation ; outre ces caufes ^
les l'oulévemens prefque perpétuels & les guerres
civiles qui divifoient entr’eux les Mahometans, con-
tribuoient autant 6c plus encore que la valeur de
Pliage, à maintenir 6c prolonger la paix dans les
Afturies. Aimé de lès fujets qu’il rendoit auffi heureux
qu’ils pouvoient l’être dans leur fituation, Pc-
/.lo'« fongea auffi, même par attachement pour fon
peuple, à affermir l’autorité royale, & à rendre la
couronne héréditaire dans fa famille, feul moyen de
prévenir le délordre 6c les troubles qui trop fouvent
agitent les royaumes éleètifs. Il avoit deux enfans de
la reine Gaudiolè l'on époufe , Favila & Ormifinde ;
il s’affocia ,du confentement de la nobleffe , le prince
Favila, 6c il donna en mariage la princeffe Ormi.
finde à don Alphonfe , que bien des hiftoriens ont
regardé comme le fils de Pierre, duc de Cantabrie^
de la maifon royale de Recarede : mais Alphonfe
avoit des titres encore plus refpecfables ; il avoit
rendu à l’état les lèrvices les plus figiialés, (oit par
fa valeur dans les combats, foit par les lumières
dans le confeil, 6c ces fei vices lui méritèrent biert
M m ij