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breves la pénultième de modèle ,fd d e , parejfe, a -
jefe , tranquille ,_/.w/c, &c. ajoute ; « Mais cola n’em-
>» pêche pas que dans Je chant &L dans la declamation
» foutenue, on n’alonge quelquefois ces finales
Et la railbn qu’il en donne eft, que l’oreille a be-
» foin d’un/biitien, & que ne le trouvant pas dans
» la derniere, elle le prend dans la pénultième».
Par la meme railbn, U doit donc être permis d'alon-
geraiifîi dans les vers, quand ce nombre l’exige, la
pcmdtieme des mots lulvans ,fùc-elle décidée breve
dans le langage familier: audace^ menace ; f.iCiile ,
rivale ; organe^ profane; vajie , ; éctaU, flatte ;
ténebns , célèbres ; veine, peine ; re>^rettc , fecrette ; pénétré
, lettre ;funefîe , célefle ; fiibli/ne , viflime ;juflice ,
propice ; habite , jubile : idole , immole ; couronne , environne
; homme, Rome ; parfume, allume ; rebute, exe-
<ute, &c.
La mufique vocale prolonge toutesles pénultièmes,
& i’oreilîe n’en ell point olïc-nlée ; la declamation
peut donc les prolonger aulTi, bien eniendu
cependant qu’elle n’dltere point la qualité du Ion:
par exemple, Va de fatale 6c d'organe iera fermé
quoiqu’il foie long, ainfi que I'd pénultième de wJ-
fere & d^ mere. De même l’o de couronne^ de Rome
& d'idole lé prolongera, fans approcher du Ion de
l ’o grave de trône, d’atome & de pole.
On peut m'oppofer le peu de volume du Ton de
î’d, de l ’i êidc 1’?^ ; mais ces mêmes fous aulB grêles
dans le latin, ne laifl'enc pas de s’y prolonger i &c en
effet, le volume du fon n’en décide pas la durée.
Dans les exemples que donne M. i’abbé d'Olivet,
des pénultièmes longues dans certains mots & breves
dans d’autres, j’obfcrve que la longue ell le plus fou-
Vent affeélee aux termes nobles , ufités au théâtre ,
& la breve aux mots qui font plus en ufage dans le
langage familier ; ce qui prouve que la mufique &
la déclamation tendent infenfiblement à fe ménager
des appuis fur le fon qui précédé la finale muette ;
car l’oreille ell fans ceffe occupée à ramener la langue
aux principes de l’harmonie , & c’ell au fpeéla-
cle fur-tout qu’elle apporte un difeernement délicat.
Si la déclamation & le chant croient confultcs fur
la profodie poétique, non feulement les voyelles
qui precedent Ve muet feroient longues, mais toute
finale pleine auroii droit de l’être, au moins dans k-s
repos.
La valeur des articles & d’une infinité de mono-
fyllabes qui femblent douteux , feroit décidée par la
même voie. Par exemple, l’ufage confiant du theatre
veut que r<: ouvert de w^s,/es,/es fe prolonge , s’il
efl fuivi d’une breve, mes amis, ou d’un monolyllabe
long , mes yeux ; mais il permet qu’on l’abrege avant
les mots dont la premiere ell longue lis enfers ; & tel
eft le génie de notre langue, que dans un nombre
quel qu’il foit,l’oreille & la voix ne demandent qu’un
point d’appui. De trois fyllabes, dont chacune feroit
longue au befoin,la voix choifira donc celle flont
la lenteur favorife le plus l’exprelfion, & giilTera fur
les deux antres. Écoutei une aélrice récitant et vers
dans le rôle d’Inès:
Eloigneq^ mes enfans ^ ils redoublent mes maux.
Vous alle2 voir que dans ce nombre , mes enfans ,
la voix paffe rapidement la premiere, appuie en
gémiffant.fur la fécondé, & tombe comme épuifée
fur la troifieme.
Cette obfervation peut faire entendre comment
une infinité de fyllabes changent de valeur, pour
favorifer l’exprefiion & le nombre : avantage inelli-
mable de notre langue , fi l’on lavoit en profiter.
Les Grecs fe donnoient la même licence, 6c l’on en
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a fait des figures de mots fous le nom de ƒ/► .
de dlajiole ; mais les chofes de fentiment n’ont pas
befoin d’autorité.
En général , l’iifage du théâtre applanlt prefque
toutes les difficultés de la profodie poétique. Soit
que la fenfible Clairon récite les vers de Racine ;
foit que le mélodieux Lully ait noté les vers de
Quinault ; il n’y a point d’oreille qui n'adopte les
nombres que l'un ou l’autre lui fait lentir. L’habitude
en ell prife, l’ouvrage ell plus avancé qu’on
ne penfe; & la valeur des mots ufités lur l’uo 6c
l’autre théâtre étant une fois décidée, il efi: facile
de déterminer, par la voie de l’analogie, la quantité
prolodique des mots cju’on n’y a point encore employés.
Cependant quel feroit dans nos vers l’iifage de
ces nombres une fois reconnus ? Mon cleffein feroit-
il de renouveller l’entreprife abandonnée depuis
près de deux cens ans, d’allujettir les vers françois
aux reglt-s étroites des vers latins ? Non fans doute.
Et quoique j’aie vu des effais très-heureux 6c tres-
furprenans (le cette forte de poclic, je perfifie k
croire que pour l’hexameîre notre langue n’a jias
afiVz de daftyles 6l de fpondées ; mais fi elle fe re-
fuie au lithme de l'hexamétré, celui de l’afclcpiade,
en renverfant le daélyle, lui devient comme naturel.
l'oy. Aîi APES7 E ,Supp.
L'afclépiade eft un vers françots mafeulin de la
plus parfaite régularité; mais un vers trançois n’efi:
pas un afciépiade : le nombre des fyllabes 6c le repos
iont les mêmes, mais la valeur profodique eft déterminée
dans le latin , 6c ne l’efi pas dans le fran-
çois. Il efi même impofiible, vu la rareté desdaélyles,
de faire confiamment dans notre langue des afclé-
piades réguliers; & quand cela icroit facile, H fau-
droit l’éviter : en voici la raifon. L’afclépiade eft
invariable, 6c par conféquent monotone: auffi ne
l’cmployolt-on que dans de petits poèmes lyriques.
Nous avons defiiné au contraire notre veri héroïque
à l’épopée, à la tragédie, aux deux poèmes dont
l’étendue exige le plus de variété. Plus l’afclépiade
eft compalfé dans fa marche, plus il s’éloigne de
la liberté du langage naturel : il ne convient donc
point à la poëfie dramatique dont le ftyie doit être
celui de la nature. Enfin le carafterc de notre langue
d'appuyer fur la pénultième ou fur la derniere
fyllabe des mots , & prefque tous les pieds de l’afclépiade
fe foLitiennent fur la première 6c glifient
fur les deux fuivantes. C ’en eft alTez pour faire
fentir que nous ne pouvons ni ne devons affefter l’afclépiade
pur. Mais n’y auroit-ilpasmoyen de varier
les nombres de l’afclépiade fans en altérer le rlthme ,
comme on varie les notes de mufique fans altérer
la meftire du chant ? C’eft ce que j’ofe propofer ;
6c fi quelqu’un regarde ce projet comme une idée
chimérique, je le préviens qu’il y a dans Pv.acine ,
la Fontaine, Quinault & M. de Voltaire mille 6c
mille v£rj melurés, comme j’entends que les vers
françois peuvent l’être. Je n’en chcrchois que quelques
exemples, j’en ai trouvé fans nombre; 6c je
ne propofe aux jeunes poètes que d’clTayer par
réflexion, ce que leurs maîtres ont fait par un fen-
timent exquis de la cadence 6c de l'harmonie.
Il y auroit même pour des oreilles délicates une
précifionâobrcrver,clanslamefiire,qui avoif échappé
aux anciens. Le langage même le plus familiera de
jietits repos ou filences ; ces repos font plus marqués
dans la déclamation foutenue , & ils occupent
des tems fenfibles dans la meftire des vers. Si donc
le poète favolt en apprécier la valeur, comme fait
le muficien , il pourroit donner au nombre poétique
la même précifion qu’on a donnée au chant. Mais
il faudroit favoir mefurer les filences en récitant,
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VER' comme en compofant, & l’art de bien lire devien-
droit prefqu’aufti difficile que l’art de bien chanter.
L’afclépiade n’eft pas le feul vers latin auquel
notre verj héroïque réponde ; on peut le réduire aiiftx
à la meftire de l’iambe trimetre , mais il y a moins
d’analogie , 6c il eft rare qu’en les récitant on les
divile parï.ambes : j’en excepte quelques vers oii le
mouvement rompu & changé d’une hémifiiche à
l’autre rend l'image plus frappante; 6c en ccla
l ’oreille a fouvent bien guidé nos poètes.
lis nous 'ont appelles cruels , ürdns , jaloux.
( Quinault. )
Çes mouvemens rompus peuvent être employés
av“ec beaucoup d’avantage dans les peintures vives
& dans les mouvemens paftionnés ; on les emploie
quelquefois auffi dans les images lentes ; mais alors
le Ipondée fe mêle avec rïambe.
Traçât d pas tardifs tin pénible stllôn.
La preuve que Boileau mcftiroit le premier hé-
miftiche de ce vers en ïambique, 6c non pas en
alclépiade , c’eft qu’il ne s’apperçiit point en le compofant
de la cacophonie , traçât à pas tar . . . . que
lui reprochoit un mauvais poète. C ’eft ainfi qu’en
mutilant le vers 6c en altérant le nombre, un critique
mal intentionné rend dur à l’oreille ce qui ne
l’eft pas.
De nos quatre formules de vers ^ deux débutent
par une meftire pleine, 6c deux par une mefure
tronquée. Les vers à meftire pleine font ceux de
douze 6c de huit, les vers à meftire tronquée font
ceux de dix 6c de fept.
Dans celui de dix, ft l’on frappe ftirola premiere,
l ’hémifiiche eft divifé en i 6c 3 père dû jour. Si l’on
frappe lur la fécondé, la mefure tronquée eft un
ïambe, 6c l’hemiftiche eft divifée en z 6c o.,ldmouT
efl nüd.
Le fécond hémiftiche eft le même que celui du
vers de douze fyllabes, 6c reçoit les mêmes variations.
être r amour , quelquefois je desire,
L avantage du vers de 10 fur celui de 1 1 , eft non-
i^eulement dans l’mégalité des deux hémiftiches qui
le fauve de la monotonie, mais dans une continuité
plus immediate, dans un paffage plus preiT.(
vers il l’autre. Quand les vers débutent par une mefure
pleine, l’intervalle des deux eft une mefure
vuide & compiette ; au lieu que ft le commence
par la moitié ou les trois quarts de la mefure,
le filencc qui précède n’en eft que le ftipplc-
rnent : par exemple , fi le fécond vers débute par un
ïambe , l'intervalle n’eft que d’un tems qui lé joint
aux trois tems de I’lambe. Voilà pourquoi dans les
vers de dix fyllabes on peut enjamber de l’un à
l’autre , en ne plaçant le repos du fens qu’à l’hé-
miftiche du fécond; ce qui feroit vicieux^dans les
vers de douze, dont l’intervalle eft plus marqué.
Lèvera de neuffyilabes, employé quelquefois dans
un chant mefuré fur des airs de danfe, n’eft que le
^ersdedix dont le premier hémifiiche eft tronqué.
Ce beau jo u r -n e permet qu'à l'aurore
au lieu d e ,
Téon , ce beau jour ne permet qu'à l'aurore
Le défpit du vers de neuf fyllabes eft la trop
grande inégalité des deux hcmiftiches, dont l’un eft
le double de l’autre.
Le térrametre ïambique ou trochaïque a été le
model® de notre vers de huit fyllabes , & dans celui
de fept nous n’avons fait que retrancher une fyllabe
du premier ïambe. Les Italiens l’ont imité encore
plus hdelement que nous *
Tome If^,
V E R Q^itar.to mai felici fete ,
înnocenti paflorelli ,
Che in amor non cngnocete
D'alera Lege che d'arnor I
Nous meftirons aufft le vers de fept fyllabes en
fpondées , comme dans ces airs d’opéra :
La tranquille indifférence , Sic.
Dieu d'auiour pour nos afyles , 6Cc,
Et dans cet air do Noèl ft connu,
I Ou s'en vont ces gais bergers , 6cc.
L intervalle de deux vers anacréontiques eft- de
trois tems ; mais ce n’eft point un cfpace pur : il eft
occupe par la finale du vers qui le précédé, 6c quelquefois
par le tems fuperflu du premier pied du
vers qui le luit. Quand ces deux extrémités réunies
forment un nombre complet, i! n’y a point de lilcnce
d un vers à l’autre, 6c l’on voit par-là combien la
coiiric en eft rapide.
Ce qui répugne le plus à l’oreille dans le vers ana-
creontique, c’eft le mélange du chorée ' '' ' avec
I ïambe » par la raifon que les mouvemens en
loin opj)ofés ; 6c fi Anacréon emploie quelquefois
le premier de ces nombres, c’eft l'ans mélange du
fécond , comme Barnès l’a remarqué dans l’ode foi-
xante-unieme.
Mais que le vm de fept ou de huit fyllabes ait
la marche du trochée ou du chorée , on fent qu’il
eft peu propre à la poclle fcrieufe & grave. Le
chorée eft encore plus fauiillant dans notre Langue
que dans celle des latins par la fréquence de r«muet
qui fait le plus fouvent la breve du chorée, 6c qui
eft à peine fenfible après une longue fonore. La.
haute poèfie, comme l’o d e , lui préféré donc le
mouvement de Liambe ; 6c ce nombre eft pour
notre petit vers ce que l’anapefie eft pour nos vers
de douze fyllabes.
Notre vers ïambique de fept fyllabes débute
comme je l’ai dit, par une longue ilolce. Que cette
longue foit précédée d’une breve, vous aurez un
tretrametre ïambique , 8c c’eft notre vers dé hiiic
fyllabes. Il fe mefure auffi à quatre tems, 6c alors
il eft compofé de fpondées 6c de dnftvies ou de
leurs_ équivalens , ce qui le rend très-varié , mais
îrcs-irregulier dans famaiche. Malgré cette inégalité
de nombres il ne laiffe pas d’être harmonieux 6c
d^en mipolei- à l’oreille. Mais cette illufion vient,
1 . de ce qu’en récitant onahcrela profodie pour
donner au « « le nombre qu’ii n’a pas, 6c qu’on
natte i oreille aux dépens de la langue; 2®. de ce
que les poètes qui l’ont employé dans l’ode, comme
Malherbe 6c Roufieau, n’ont rien négligé pour le
rendre fonore, pompeux, éclatant. On en a fait
des fiances ; on y a ménagé des repos ; on en a
entrelacé les rimes de differentes maniérés ; 6c le
jeu lymmetrique des dcfmances, la rondeur des
périodes , la beauté des images, l’éclat des paroles
enfin le peu qu'il en coûte à la voix pour fouienir
un vers de huit fyllabes , 6c pour lui donner l’impul-
fioii, tout ccla , dis-je, en a impoi'o. Si l’on endoiite
qu’on effaie de mettre en mufique la plus belle ode
de Malherbe ou de Rouffeau ; il n’y a pas deux flro-
phes qui, fans violer la profodie, fuivent un mou-
vent donné. En feroit-clle mieux , dira-t-on , fi l’on
y avoir obfc-rvé le nombre ? Celui qui fera cette
qiiefiion n’a jioint d’oreille, 6c mes raifons ne lui
en doniieroient pas.
Il y a des nombres compofés , dont les anciens
faifoient ufage pour émouvoir les pafiïons. Platon
les trouvoit fi dangereux , qu’il déclaroit férieufe-
ment que la république étoit perdue fi la poéfie
employoitees nombres; « au lieu, difoit-il, que tout
» ira bien tant qu’on u’ufera que des nombres fim-
» pies, »11 s’en faut bien quenous foyons fufceptibles
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