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extraordinairement cliftendus par l’air qu’ils conte-
noient, 6c leur membrane extérieure toute parfe-
mce de vaifîéaux ianguins trcs-dilatés.
L’afîaiirement des poumons n’elt donc pas im figne
efieniicl de l’étranglement, puifque leur dillenlion
en ert fouvcnt relier. Que conclure de ces contradictions
apparentes que préfcntent les obl'ervations?
La conlccjuence eft naturelle : plvilieurs accidens
qu’on ne peut déterminer concourent félon les cir-
conftanccs, & rendent les effets de l’étranglement
très-variés.
Ün auroit encore moins d’avantage à tirer de ce
ügne, s’il falloir établir une violence extérieure en
général, car le nombre des accidens cleviendrojt
infini dans la foule des poffibilités qu’il faudroit lup*
pofer.
La fixieme expérience rapportée par les auteurs
du rapport, dans leur premiere lettre à M. Louis,
fait mention d’un chat étouffé entre deux matelas ,
dans lequel on trouva les poumons gonflés 6c remplis
d’air ; il elt donc évident par des faits fi authentiques,
que l’affaifTement des poumons n’efl d’aucune
valeur pour indiquer la violence extérieure. On a
conclu que cette différence dans l’état des poumons
provenoit de ce que le fujet avoit été étranglé dans
le moment de l’infpiration ou dans celui de l’expiration.
Mais n’a-t-on pas vu que dans cette alTertion
on fuppofoit fans preuves ce qui eff en quellion,
pour en déduire eniiiite cette meme afferiion comme
conféquence ? Les poumons doivent être & font
toujours ncceffairement affaiffés ou diftendiis ; il n’y
a point de milieu entre deux chofes comradiftoires :
or fl dans les mêmes circonftances ces deux états des
poumons peuvent fe rencontrer, quelle efpece de
lumière ce figne pourra-t-il répandre fur ces circonftances
?
Il elî pofTible qu’on ait voulu confidérer cet affaif-
fement des poumons non pas comme un figne pofi-
tif de l’étranglement, mais comme un figne fimple-
ment exclufif de la fubmerfion.
Ce feroit fans doute avec raifon qu’on auroit allégué
ce figne fous ce point de vue, fi le laps de tems
& plufieurs autres caufes n’avoient pu dénaturer
l’état des poumons. D’ailleurs il ne fiiffit pas pour
établir une violence extérieure de donner l’exclu-
fion à la fubmerfion ; il faudroit en outre prouver
que nul autre genre de mort accidentelle n’a pu avoir
lieu; il faudroit, pour ainfidire, épuifer toutes les
autres poffibilités pour que cet affaiffement devînt
une induâion fondée en faveur de la violence extérieure.
« L’animal plongé dans un fluide , difent les au-
» teurs, peut y vivre plus ou moins de tems, reia-
» tivement à la force ou ü l’état de ces poumons. S’il
» eft dans un état d’expiration, il périra plutôt; fi
♦> au contraire il eff dans un état d’infpiration, il
vivra quelques momens de plus, parce que les
» poumons étant remplis d’air, il le chaffe peu à
» peu, & à melure que cet air fort, le fang des ar-
» teres paffe dans les veines; l’animal enfin étant
» tout-ii-fait dans un état d’expiration, le fang ne
>» pouvant plus circuler , il eft contraint & forcé
» d’inlpirer malgré lui. Alors ce mouvement d’inf-
» piraîion faifant l’effet d’une pompe afpirante, l’eau
» clans laquelle il eff plongé prend la place de l’air ,
» pénétré dans la trachée-ariere, &c. . . .
» L’embarras que caufe cette eau écumeufe dans
» les bronches oblige l’animal à faire des efforts pour
» s’en débarraffer, ce qui eff impofiible par la réfif-
» tance & la preflion que l’eau fait de toute part,
» tant extérieurement qu’inférieurement, iÿc «.
Je ne regarclerois pas comme démontré que dans
ce cas-ci la préfence ou l’irritation de l’eau fur la
glotte ne prit empêcher l’aoimal d’expirer l’air con-
N O Y tenu, & d’infpirer l’eau prête îl fiiccéder: il y a des
efquinancies dans lefquelles la feule irritation qu’excite
l’air par l'on paffage furies parties enflammées,
empêche de refpirer, fans que la tumeur des parties
intercepte les conduits.
Mais il fe trouve encore dans ce que je viens de
citer, une contradièlion trop manifeffepour la paflér
fous filence.
L ’embarras de l’eau écumeufe oblige, dit-on, l’animal
à s’en dcbarrafi'er, ce qui eff impoflible par la
réfiffance & la prelfion que l’eau fait de toute part.
Comment fera-t-il impofiible d’évacuer cette eau,
puilqu’il n’a pas été impofiible d’évacuer l’a ir } La
réfiffance croit certainement la meme dans le fluide
oîi l’animal eff plongé. Ainfi tout eff égal à cet égard;
mais il s’en faut bien que la force qui évacue ou qui
tend à évacuer foit la meme dans les deux fuppoli-
tions. Dans la première c’étoit lefiinple befoin de
rcnouveller l’air ; dans la fécondé, c’eft la néccffitc
abfolue de chafi'er un liquide ennemi qui Irrite 6c
met en convulfion. Cette derniere force eff infiniment
plus confidérable. ün fait avec quelle vivacité
le principe vital s’oppofe à tout ce qui nuit. Ces auteurs
ont vu fans doute de violens mouvemens con-
vulfîfs; ils en ont évalué les forces, & ont l'enti la
difproportion qu’il y avoit entre ces forces & celles
que le feul befoin des fondions met continuellement
en jeu.
Dans le nombre d’expériences faites par ces auteurs,
il en eff d’intérefiantes qui répandent quelque
lumière fur ces queffions medico-légales ; mais
la plupart faites après-coup de lorfqu’on eut attaqué
leur rapport, font marquées au coin de cette partialité
dangereufe qui prévient pour fo i, & rend in-
juffe pour les autres. Je laifl'e à part toutes ces théories
plus ou moins gratuites qui défigurent ces faits,
& qu’une bonne logique ou le plus févere analo-
gifme doivent toujours remplacer dans les objets
importans qu’on ne deffine ni à la curiofité ni à la
fpéculation.
Je fens combien ce rigoureux examen paroît défavorable
aux alfertions de MM. FaiiTole & Champeaux
; mais en rendant juffice à leurs lumières , à
leur probité, & fur-tout en partageant la reconnoif-
fance qu’on doit à leurs travaux , je ne peux me dif-
penfer de combattre l’extenfion qu’ils ont donnée à
leurs principes & à leurs expériences : la publicité
de leur ouvrage eff un motif de plus pour moi,
je ne mets dans mes réflexions d’autre prétention
que celle qu’infpire l’amour du vrai 6c du bien.
La quantité d’eau qui le trouve dans les poumons
des noyés n’eff pas tellement confidérable , qu’on
doive toujours s’attendre à l’appercevoir bien len-
fiblement dans tous les cas; tous les/joy«fi n’en avalent
pas une égale quantité dans le moment où ils
perifiént; elle ne fe conferve pas également dans
tous après de longs intervalles. La pofiiion, le mouvement
des cadavres, la chaleur, la putréfaéHon ,
peuvent la diminuer ou la rendre infenfible. Lorfqu’on
retire de l’eau le cadavre d’un noyé ^ on voit
prefque toujours fortir par le nez & la bouche une
plus ou moins abondante quantité d’écume, quelquefois
fanguinolente ; il n’eft pas même nécelTaire
d’agiter beaucoup les cadavres pour en faciliter la
fortie, le feul affaiffement de la poitrine liiffit, en
comprimant les poumons, pour procurer cette évacuation.
11 eff donc évident que la trachée-artere
offre un paffage libre à cette écume, quoique vif-
queufe; elle s’écoule d’elle-même aprè“s la mort,
fans le concours des différentes caufes dont j’ai parlé;
les bronches peuvent d’ailleurs être abreuvées
par un liquide plu» ou moins abondant, indépendamment
de l’eau qui les pénétré dans ceux qui fe
noient. On connoît plufieurs efpeces de maladies
N O Y accompagnées d’engorgement des poumons î où
tout le tifi'u de ce vifeere fe trouve farci d’une matière
plus ou moins vifqueufe, qui fe mêlant avec
l’air, devient écumeufe, & quelquefois fanguino-
lente, parla rupture de quelques vaifféaux. Sans parler
de ces violentes pleuréfies ou de ces péripneu-
monies fitffocantes & gangreneufes , appellées par
Hipocrate & les anciens auteursJydéracions, oii toute
la fubffance des poumons paroît comme abreuvée
par une efpece de fanie ; fans parler, dis-je, de ces
fyderations, on connoît plufieurs fluxions cathar-
reufes, des affhines, des gouttes remontées, des mc-
laffafes, qui furchargent d’humeurs tous les vifeeres
de la poitrine.
L’écume vifqueufe qu'on peut faire fortir par les
bronches en exprimani les poumons , n’a rien de
décifif lorfqu’elle eff en petite quantité; elle peut
en effet s’obferver fur tous les cadavres , quel qu’ait
été le genre de mort, violente ou naturelle. L’exemple
des fætus dont les poumons fiirnagent à l’eau
lorfqu’ils ont refpiré, prouve bien qu’il reffe toujours
après la mort un peu d’air cantonné dans les
cellules des poumons; fi l’on exprime ce vifeere en
affaiflant les cellules, on force cet air à fortir , &
A fe mêler dans fon paffage avec l’humidité des conduits.
Une autre eaufe des variétés qu’on obferve dans
i’ouverture de la poitrine des cadavres des noyés ^
confifte dans la différence du moment de la refpira-
tion pendant lequel ils font tombés dans l’eau. Si un
homme eff précipité dans l’eau vivant, & qu’en y
tombant il infpirc, alors l’eau peut entrer dans les
poumons & dans l’eftomac , & l’ouverture du cadavre
en préfentera plus ou moins; fi au contraire il
avoit infpirc avant d’avoir atteint la fiirface de l’eau,
il expire fous l’eau à mefure que les poumons fe
vuident;l’cau fe préfentantpour en occuper la place,
la glotte fe contraûe, la poitrine eff en convulfion,
le lang s’accumule dans la tête , & l’homme meurt
comme apopleftique ; car cet effet eff encore plus
fubit que celui de la fiiffocation. En admettant même
que dans l’apoplexie la mort ne fût pas fi prompte
que ce que je dis ici lemble rinfinucr, du moins
entraîne-t-elle la réfoUuion ou l’inaéLion & l’infenfi-
biliîé de tous les organes : dès ce moment il n’y aura
plus de conflriclion convulfive, l’air contenu dans
les poumons n’eu fera point exprimé par les efforts
de l’expiration , il en remplira la cavité , & s’oppo-
fera à l'entrée de l’eau. En un mot, dans le premier
cas les poumons vuidés d’air reçoivent l’eau avec
avidité; & quoique la conffriiffion convulfive de la
glotte fuive bientôt, elle n’eft pas afléz fubite pour
en empêcher entièrement l’entrée; dans le fécond
cas,les poumons ne fe vuident qu’en partie, l’efpace
A remplir eff moindre, le befoin d’air moinsprefiaut,
& l’mffinél; involontaire moins puifiant. Ce principe
qui excite des mouvemens dans les organes félon
leurs befoins, détermine dans la glotte une contraction
qui s’étend dans toute l’arricre-bouche ; la langue
fe retire vers le gofier, di s’applique contre le
voile du palais qu’elle fouleve ; l’éiophage eff hors
d’état de tranfmettre l’eau dans l’eftomac ; il femble
qu’en ce moment la nature ou le principe de vie qui
lutte contre la deftru«ffion de notre être , &C qui s’oppofe
iU’introduclion de l'eau, ne fait plus proportionner
le degré de force à employer, de entraîne
par une aÛion commune toutes les parties contiguës.
Ces différentes réflexions rendent douteux la plupart
des principes adoptés par les auteurs ; mais il
vaut encore mieux ne rien décider que mal décider;
il feroit abfurde en médecine légale, lorfqu’il s’agit
de la vie d’un homme, ou de ce qu’il a de plus cher
après ce premier bien, d’éluder une objeélion qu’on
N O Y 69 difciiteroit avec foin dans i’expofé d’une queftion
phyfiologique.
11 y a long-tems qu’on ouvre des cadavres, &
tous les auteurs s accordent à dire qu’ils ont trouvé
flans les noyés les vaifféaux du cerveau engorgés,
de même que les veines jugulaires. Cette unanimité
de témoignages en faveur de ce figne, le diftingue
fans dôme de tous les autres dont j’ai parlé jufqu’à
prefent, Ion a peine à fe diffimiiler l’étonnement
qu excite le filence des auteurs fur cet objet. Cha-
que auteur, enfe réfumant, fait mention des fignes
ellentiels qu il a obfervés , 6c ce n’eff pourtant que
parmi le plus petit nombre de nos modernes qu’on
trouve l’engorgement des vaifféaux du cerveau comme
figne de fubmerfion.
Mais enfin, quoique cet engorgement s’obferve
toujours dans ceux qui meurent noyés^ il ne peut
tout au plus fournir qu’une préfomption plus ou
moins éloignée, puifqu’il peut d'ailleurs être produit
par une foule de caufes différentes.
L’auteur d’un mémoire effimable (M. Hopffcn-
ffock de Prague)ayant vu dans les cadavres de quelques/
zoyi-j le fang conffamment accumulé dans les
vaifféaux du cerveau , les veines iiigiilaircs, l’oreillette
droite, le ventricule droit du coeur & l’artere
pulmonaire ; & ayant au contraire trouvé les veines
pulmonaires, l’oreillette & le ventricule gauches
abfoUiment vuides, il en conclut que la ffagnation du
fang dans les vaifféaux indiqués eff la vraie caufe de
la mort des noyés ^ 6c cette ffagnation dépend, félon
lui, du feul défaut de refpiration.
Ün n a pas fans doute allez éclairci l’influence du
méchanifme des [poumons fur l’aâion du coeur ôc
celle des oreillettes ; il paroît néanmoins vrai de
dire que I interruption de la refpiration ne caufe la
mort des noyés que par la correfpondance étroite
qu’elle a avec les premiers organes de la circulation.
Mon objet préfept n’eft pas de difeuter ce rapport,
mais il eft effentiel de lavoir que la fupprefîion de la
refpiration n’eft pas la caufe immédiate de la mort
des noyés: on vit quelque tems fous l’eau fans refpiration,
& l’expérience journalière attefte qu’on
rappelle <i la vie plufieurs hommes qui ont celfé de
refpirer.
Si le défaut de refpiration n’eft pas la caufe immédiate
de la mort des noyés, il étoit naturel de diriger
les recherches fur les organes dont le dérangement
étoit le plus immédiatement mortel: tels font
le coeur, les oreillettes & les principaux vaifféaux
Ianguins. J’ai vu dans les ouvertures des animaux
que j’ai noyés ce qu’a vu M. Hopffenftock. Je ne dirai
pas que j ’aie toujours remarqué la diffenfion de
quelques-uns de ces vaifféaux , 6c l’entier affaiflé-
ment des autres, parce qu’il m’eft fouvent arrivé de
ne trouver les veines caves, l’oreillette 6c le ventricule
droit, &c. que médiocrement remplis de fang
le plus fouvent concret ou polipeux. Mais comme les
fréquentes ouvertures des cadavres morts par toute
autre caufe ont fouvent fait voir le même état dans
les vaifféaux, qu’en conclure? fi ce n’eff que l’in-
fuffifance des moyens nous accompagne par-tout,6c
que nul figne obfervé jufqu’à préfent n’eft d’une certitude
ablolue.
En écartant avec foin les exagérations qui n’ont
été que trop communes, il ne faut pas non plus regarder
indiftin«ffement comme apocryphes les hif-
toires de ceux qui ayant long • tems fejourné dans
l’eau, font cependant revenus à la vie. S’il eff démontré
que la mort des noyés reffemblc à celle des
fuffoqués, des étranglés , on conçoit aifément comment
il cft poffible qu’un homme conferve quelque
reffe de vie fous les eaux fans aucune refpiration.
Ona viifouvent d^s apopleftiques reprendre leurs