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tcms on par le concours decUfforentescanfos qui les
dénaturent. La macération que l'eau produit l'ur les
chairs par Ibn contacl continuel, ou en s’inlimiant
par les orifices ; les imprelfionsdu gravier, des pierres,
des racines , des troncs d’arbres, des polllbns
ou des infeéles ; la putrctaélion qui s’opère Tuccel'-
liventent dans les parties, ladiiTolution des liqueurs,
iont autant d’agens qui produifent les changemensles
plus confidérables.
' Toutes les parties d’un cadavre ne font pas également
dHpofées à Ce putréfier dans le môme cCpace
de tems ; il en eft qui font très-promptes à concevoir
cette fermentation intelline , elles ont déjà
perdu leur Corme, leur tifl'u paroit prefque détruit
, lorfqu’à peine les autres Cont entamées par la
putréfaftion. Des cauCes accidentelles font varier
cette tendance de certaines parties ; les contufions,
les mciii trilTures, les fortes comprelTions, hâtent
prefque touiours la putréfadlion des parties qu’elles
occupent ; les mufcles, les tégumens, les vilceres ,
les os même contus ou froides, font plus promptement
attaqués par la putréfaélion. Les vices organiques,
les maladies ou infirmités particulières de
certaines parties , produifent encore le meme effet,
mais cette putréfaélion n’eft pas un point indivifi-
ble; il faut confidcrer la fermentation putride comme
le rclultat d’une foule de mouvemens inieftins particuliers
, dont les gradations ni les effets ne font pas
les mêmes. Il a plu aux chymiffes ou aux phyficiens
d’appeller de ce nom une fuite de générations qui fe
fuccedent dans les corps , & qui préfentent à la fin
un rclultat uniforme. Chaque moment de la fermentation
putride préfente des phénomènes nouveaux ,
& nul de ces momens pris à part ne reffemble parfaitement
aux autres. Un corps qui tend à le putréfier
ne reffemble en rien à un corps pourri : qu’on
jette les yeux liir l’hilloire de la putrcfaclion qu’on
a étudiée dans ces derniers tems avec tant de fuccès,
on y verra la fuite de changemens qu’éprouvent les
parties avant d’être détruites ; qu’on fe rappelle
l’étonnante quantité d’air qui entre, comme principe
ou élément, dans le tiflii de nos parties; qu’on ob-
ferve la maniéré dont il fe dégage durant la pufré-
laciion ; le volume extraordinaire qu’il prefente
lorlqu’il le ramaffe ou fe cantonne dans quelques
parties, 6c l’on concevra aifément combien tant de
caufes pourront défigurer les parties du corps qui
fermente, & rendre irapoffible par leur complication
, la connoiffance précife de la caufe qui a pu
produire les difformités ou les léfions.
Dans les cadavres qui commencent h fublr la fermentation
putride, on voit les mufcles du bas-ventre
perdre leur couleur naturelle, devenir fucceffive-
ment ternes, légèrement violets, bleus, livides ; les
autres parties le décolorent plus tard ; on apperçoit
des taches d’un rouge brun fur fes parties les plus
déclives, ou celles fur lefqueilcs le cadavre repofe ;
ces taches s’agrandiffent fucceffivenient , & c’eft
toujours dans ces foyers que la vermine fe place par
préférence.
Les dlfférens vifeeres contenus dans le bas-ventre
, fubiffent auffi , quoique plus tard que les tégumens,
le même mouvement de putridité ; l’air qui
fe dégage de leur tiffu, dans le premier inftant de la
puticfadlion , fe ramalfe dans l’abdomen, il en Ibu-
leve les tégumens, les difiend ; & à mefure que fa
quamiré augmente, il tait effort de toutes parts pour
s’échapper; le bas-ventre eft alors bourloufflc &
tendu comme un ballon , le diaphragme eff repouffé
avec force vers !a poitrine ; & tous les vilceres qui
iont contenus dans la cavité circonferite par le diaphragme
, le bafiin les mufcles abdominaux, font
comme foules & exprimés par l’effort de cet air.
L ’abdomen n’eff pas la feule cavité du corps où
N O Y ces effets fe préfentent ; le coeur, les poumons , &
les différens vaiffeaux contenus dans la poitrine , le
fang coagulé dans ces mêmes vaiffeaux , fubiffent le
même mouvement de fermentation que les vilceres
du bas-ventre : l’air s’échappe aufii de leur tilfu dans
le premier infiant de la putréfadion ; cet air fe ra-
lualîe dans la poitrine ou entre les poumons & la
plevre ; il agit avec effort contre les côtes pour les
foulever, il tend à déprimer le diaphragme vers le
bas-ventre; mais le diaphragme étant violefiiment
repouffé par l’air contenu dans le bas-ventre, les
parois offeufes de la poitrine prefentant d’ailleurs
une rcfiffance invincible à fon dégagement ou à fa
dilatation, cet air réagit avec force fur les poumons
qu’il comprime, qu’il affaiffe : l’air & les liquides
contenus dans le tiffu de ce vifeere, font forcés k
refluer ou à Ibrtir par les bronches & la trachée-ar-
tere ; & le degré d’affaiffement des poumons efl:
proportionné dans cer état au degré de putrefadioa
qu'a fubi le corps.
Le cerveau contenu dans la cavité du crfinc éprouve
les mêmes vlciffmides ; l’air qui s’en dégage clans
la putrefaftion, ell encore plus comprime par la
forte réfiflance qu’oppofent les os du crâne ; cet air
réagit fur le cerveau, en fait fortir ou en exprime
fucceffivement les fluides; auffi voit-on s’échapper
par le nez & la bouche de ces cadavres, un fang
difibiis &: putréfié qui fort par les crevaffes des vaiffeaux
répandus dans la cavité des narines, ou qui
vient des poumons par l’ouverture du larynx.
Qu’on ne dife pas que les poumons &c le cerveau
font à l’abri de la corruption tant que les cavités qui
les renferment font entières. Il eff vrai que leur entière
piuréfafhon c(i un peu retardée par la circon-
ffance d’être à l’abri de l’air extérieur; maison fait
qu’il n’eÜ pas ncceffaire de l’abord de l’air extérieur
pour qu’un corps humide & compofé de tant de
principes hétérogènes, conçoive un mouvement de
fermentation putride. La piurcfaéHon fe communique
de proche en proche à toutes les parties, elle
va de l'extérieur à l'intérieur; il fuffit d’un ferment
putride à portée de s’infmuer, pour que toute la
malle l'e corrompe ; en un mot, quoique le moment
de la putréfaélion ne foit pas abioluinent le même
pour tomes les parties, elles tendent toutes, par leur
nature, à fe putréfier, 6c l’intégrité de leurs enveloppes
n’a rien de commun avec cette tendance à
une dégéncraiion.
Il m’eft fouvent arrive de trouver le cerveau
pourri 6c réduit en une ei'pece de mucilage putride^
quoique le crâne fût encore très-l'ain, & plufieurs
de fes tégumens dans l’état naturel : 6c l’on fait que
pour trouver au cerveau fa confiftance & fes couleurs
naturelles , il faut l’ouvrir peu après la mort,
& qu’au bout de deux ou trois jours il n’a ni la fermeté
, ni le volume de l’état fain. J’en appelle aux
anatomiftes exaéls qui ont eu de fréquentes occa-
fions d’examiner ce vilccre dans tous fes états, pour
fentir la vérité de ce que j’avance.
Ce n’efl: donc pas par l’état des parties extérieures
qu’on peut juger de celui des vifeeres qu’elles renferment;
la relation des unes aux autres n'eff pas
affez clairement établie pour qu’on puiffe pofitive-
ment affurer que l’intégrité des tégumens garantit
l’intégrité de ce qu’ils contiennent. 11 eft encore im-
poffible de déterminer précifément le moment oit
l’altération des parties extérieures aura pu le communiquer
aux internes, 6c dans quel rapport fera
la puiréfaétion dans les unes 6c dans les autres.
Les contufions ou meurtriffiires faites lut- un cadavre,
font-elles auffi dans le cas de celles qui font
faites fur les vivans.^
Cette queflion eff utile à dil'euter, parce qu’elle
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'a été propofée, 6c qu’elle a fervi de bafe à la defenfe
de quelques auteurs de rapports.
Il eft clair qu’une meurtriffure faite fur le vivant
eft fuivie d’equimofe , parce que le fang étant mu
par les agens qui le font circuler, s’extravafe dans
le tifl'u des parties par les vaiffeaux déchirés : dans
les cadavres, au contraire, tous les organes de la
circulation font fans action, & le fang eft prefque
tout coagulé. Mais n’y a-t-il aucune caufe de mouvement
dans les parties des cadavres? Toutyeft-il
dans un parfait repos dans tous les tems ? C’eft ce
qu’on ne fautoit conclure fans témérité. Il eft certain
qu’une forte contufion, un coup, un froiffe-
ment, pourront, fur un cadavre, déchirer ou affoi-
blir le tiffu des vaiffeaux de la partie froifl'ée ou con-
îufe; la mort n’a pas le don de donner plus de réfif-
tance à nos parties , elle la diminue au contraire. Le
lang ne s’extravafera pas par les vaiffeaux déchirés
dans l’inftant du coup, parce qu’il n’eft mu ni par le
coeur, ni par les arteres ; niais fi les vaiffeaux déchirés
ou contus font du nombre de ceux vers lef-
quels le fang fe cantonne au moment où l’on expire,
ce fang contenu pourra fe répandre par l’ouverture
qui lui eft préfentee. Il eft démontré que la rougeur
des chairs dans les vivans & dans les cadavres ne
provient que du fang contenu dans les vaiffeaux.
Ce fang fe fige à la mort, ou du moins la partie lymphatique
prend une forme folidc ; une ferofité plus
ou moins colorée refte fluide , 6c peut s’écouler par
les vaiffeaux principaux. A mefure que la putréfaction
agit fur les parties, il s’excite des mouvemens
intérieurs qui déplacent tou t, la fanie devient plus
abondante par la fonte des folides ou bien parce
qu’ils expriment leur humidité; l’air, les compref-
lions, le froid, le mouvement inteftin en un mot,
peuvent fuppléer aux agens vitaux, 6c mettre ces
fluides en mouvement; ils s’épanchent par toutes
les ouvertures ; ils s’accumulent quelquefois dans
quelques parties au point de rompre le tifl'u des
vaiffeaux les plus entiers. Telle eft la marche des
dégenérations fpontances qu’on oblerve fur les cadavres.
J’ai toujours vu des taches ou des lividités fe ma-
nifefter au bout de quelque tems dans les cadavres
furies partiesfroiffées ou comprimées; elles augmen-
toientmême en étendue h mefure quelaputréfiaéHon
s’avançoit, 6c paroiflbient devenir comme des foyers
de matière ou de levain putride , qui corrompoient
fucceffivement les parties voifines.
En confidérant les différens états dans Icfquels on
trouve les cadavres d e s & l’extrême variété
des rapports qu’on a à faire , il me paroit encore
plus utile d’appliquer la folution des queflions pro-
pofees à un cas particulier & connu , que d’établir
des principes dogmatiques prefque toujours équivoques
ou trop abfolus.
Dans un rapport fait à Lyon en 1767, aufiijetdu
cadavre d’une femme qu’on difoit avoir péri de mort
violente avant que d’etre jettée dans le Rhône, on
oblerva que les vaiffeaux du cerveau ctoient très-
engorgés, & les poumons extrêmement affaiffés. Il
paroit que ces deux figues joints â l’abfence de l’eau
écumeufe dans les bronches, déterminèrent les auteurs
du rapport à déclarer que cette femme avoit
péri de mort violente. On a même inféré dans la dé-
fenfedece rapport, faite quelque tems après, qu’elle
avoit été étranglée, fondé fur des meurtriffures obfer-
vées autour du cou par un chirurgien deCondrieu qui
l’avoit examinée auparavant. Comme il importe infiniment
d’apprécier âleiir Jufte valeur tous les lignes
lur lefquels on s'appuie pour établir un pareil jugement,
de qu’il eft efl'entiel de ne pas confondre des
fignes certains avec des probabilités ou des apparences
, il eft permis, fans fe déclarer fauteur d’au-
Terne ly .
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cim parti, de s’arrêter fur la force de ces indices, &
d’en afligner le rang d’après les obfervations 6c l'expérience.
L’engorgement des vaiffeaux du cerveau eft une
fuite confiante de l’étranglement, tant qu’il n’y a
point léfion de la moelle épiniere, comme il arrive
quelquefois dans la fiifpenfion; mais cet engorgement
dépend auffi de plufieurs autres caufes bien
difl'érentes de la violence extérieure : une foule de
maladies peuvent le produire au même degré , d’autres
genres de violence peuvent encore le procurer;
les coups, les chûtes fur la tête, font toujours fui-
vies d’engorgement des vaiffeaux du cerveau; on
iobferve conftamment fur les noyés; je l’ai apperçu
très-dirtinélcment fur les animaux que j’ai fait périr
par ce genre de mon : 6c parmi les fignes fenfibles de
l'ubmerfion , je ne balancerois pas à regarder cc
figne comme l’iin des plus pofitifs. Qu’on conlulte
les expériences,les ouvertures des cadavres des noyés
qui ont été faites par divers auteurs fans intérêt 6c
fans parti.
Il eft inutile, pour prouver ce que j’avance, d’établir
par une théorie ce qui eft établi par le fait,
6c de l’oppofer à une théorie que donnent les auteurs
du rapport dont il s’agit; il feroit aifé de faire
fentir le vuide des preuves théoriques dont ils étaient
leur opinion fur cet objet; mais j’ai déclaré que je
n’avois d’autre but que la vérité dans l’évaluation
des fignes, & je rejette toute perfonnalité.
Cet engorgement produit dans les vaiffeaux du
cerveau, peut-il fubfifter en fon entier ou en partie,
tant que le crâne n’a pas fubi une parfaite putréfaction,
quoique d’ailleurs plufieurs parties du corps
foient déjà pourries?
Il faudroit, pour l’exaéle vérité du rapport, que
cette propofition fût érigée en principe; mais pour
peu qu’on fafl'e attention à la diffoliiiion qu’éprouvent
les humeurs dans les cadavres au commencement
de la jiutréfaêlion, on feniira combien il eft:
poflîble que le feul dégagement de l’air, les com-
preffions, le froid, la pofition, déplacent les fluides
de quelques vaifl’eaux pour les porter dans d’autres
où la réfiflance eft moindre; il eft fi ordinaire de
voir le fang s’écouler dins les cadavres par le nez
ou la bouche, quelquefois même par les yeux &
les oreilles. Qu’on fe rappelle les préjugés de nos
peres fur ces hémorrhagies fingulieres que l’ignorance
érigea en preuve contre les acculés, 6c les
loix monftrueufcs qui les adoptèrent : il rcfiiltera de
ces réflexions que rien n’eft fi commun que de voir
de ëcoulemens fpontanés, viiider dans des cadavres
les differentes cavités 6c principalement la tête. Val-
falva obferva fur le cadavre d’une femme qui avoit
été pendue, 6c dont la face étoit entièrement livide,
que cette lividité difpariit en fon entier par l’ouverture
d’une des veines jugulaires.
L’engorgement des vaiffeaux du cerveau eft donc
quelquefois un indice de mort violente ou d’étranglement,
mais ce n’eft pas une preuve exclufive ;
lorfqu’il n’y a point d’engorgement après un certain
tems & les circonftances ci-deffus mentionnées , on
n’eft pas fonde à afl'urer que l’étranglement n'a pas eu
lieu , & fa prcfence n’a pas plus de force pour en établir
pofitivement l’exlftence.
L’extrême affaiflèment des poumons eft encore
moins une preuve de violence extérieure 6c d’étranglement
( car c’eft ainli qu’on a dans la fuite interprété
la violence qu’on fuppofa avoir été faite k la
femme dont il eft qiieftion ). M. Littré rapporte dans
rhiftoire de l’académie des Sciences, année ryo^ ,
qu’une femme avoit été étranglée par deux hommes
qui lui ferrerent le col avec leurs mains ; il vit en
ouvrant la poitrine de cette femme, les poumons
1 ij
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