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ordinis , dit Tîte-Live , in viginci & ijiiinqns naves,
e x civibus Tomanis, C. L ic in iu s , p ra to r , fcribere JuJpC.
Hs pretoienr Ic ferment entre les mains desconfuls,
comme les foldats ordinaires. Dans les tems fâcheux
où le trclbr croit cpuiié, & où il y avoir diletîe
d ’hommes, on forçoit les particuliers à donner leurs
efclaves pour les mettre à la rame , & cet utage fut
fuivi fous les empereurs, où Ton ne voit guere que
des efclaves employés ù ce travail. Il arnvoit même
quelquefois que , comme aujourd’hui, on y con-
damnoit les malfaiteurs. Relie ü favoir la maniéré
dont les rameurs manoeuvroient chez les anciens ;
d’abord , fi chaque rameur avoit fa rame , ou fi phi-
fieurs étoit employés à la même. Ceux qui penient
que les trirèmes & les quadriremes des anciens
avoient la forme de nos galères, penicnt aufii qu une
même rame étoit gouvernée par cinq ou fix ramews,
comme nous le voyons pratiqué aujourd’hui, &c
meme par quinze , vingt, & quarante, à proportion
de la grandeur de la galere. Maistousles monuniens
qui nous relient des anciens, font contraires à ce
fentiment, ôz prouvent que chaque rame étoit conduite
par un rameur, & qu d n’y avoit pas plus de
rameurs que de rames. L’onconjeélure,lans en avoir
aucune certitude, que dans les vaiffeaux où il y avoit
plufteurs ponts , U y avoit aulTi pkifieurs rangs de
rames, placés par étages, mais en échiquier, pour
ne pas s’embarraflér. Quant à la maniéré donc les
anciens manoeuvroient avec deux & trois rangs de
rames, qui, plongeant toutes en même tems,
ferelevant de même, dévoient s’embarrafier lesuns
les autres, rien encore de plus incertain. H eif
tout aulfi difficile de comprendre la manoeuvre des
vaiffeaux dont le nombre exccdoit, & alloit à dix &
à vingt, & même jui'qu’ù quarante, & les plus expérimentés
avouent leur ignorance lur ce lujet. On n’a
guere plus de lumière par rapport aux galeres des
Grecs, & l’on l'ait leulement qu’ils avoient, comme
les Romains, des vaiil'eaux de guerre que leurs auteurs
appellent / r a v / r e i d o n t les uns n’avoient
qu’un rang de rames de chaque côté , &L les autres
en avoient plufieiirs. Des navires longs de la première
forte , les uns avoient vingt rames, les autres
trente, d’ autres cinquante, & quelques-uns cent.
Des vaiffeaux à plufieurs rangs de rames, les uns en
avoient deux , les autres trois, les autres cinq , &
jufqu’à trente & quarante. Les Corinthiens furent
les premiers qui introduifirent l’ufage de plufteurs
rangs de rames. On dillinguoit les rameurs par degrés;
ceux qui étoient au plus bas s’appelloientr^fi-
lamiies ; cèwx du miWew ^ Rugîtes ; Sl ceux du haut
thramites. Du relie , on ne fait point pofitivemeut de
quelle maniéré croient diipofés les rangs de rames
dans les vaiffeaux longs ; les uns croient qu’ils
étoient placés en long, comme dans nos galeres,
les autres veulent qu’ils aient été mis les uns fur les
autres perpendiculairement, & ces deux opinions
font défendues avec une égale vraifemblance. (-f-)
RAMIRE I, roi d’Aragon , ( H iß . d'EJ'pagne. ) II
faut fans doute avoir des talens fupérieurs, des
grandes qualités pourconferver&t ilhillrerun trône
récemment érigé ; car, il eft auffi difficile de régner
avec gloire fur une monarchie qui vient d’être
fondée , & qui par cela même , a pour ennemis
toutes les puiffances voifines, que de tenir avec
fuccès les rênes d’un état tombé en décadence , &
menacé de toutes parts d’un bouleverfement prochain.
Ramire^ cependant, alla plus loin encore que
fanaiion ne l’efpéroit de fa valeur & de fon habileté:
non-feulement il rendit chere à fes peuples l’autorité
royale , à laquelle ils n’étolent point accoutumés
; mais il eut encore le bonheur d’ajouter plufieurs
provinces à fon nouveau gouvernement, & de for-
merde l’Aragon, l’un des plus beaux ôc des plus
R A M étendus royaumes de l’Efpagne entière. Don Sanche
le grand, roi de Navarre , dans le partage qu’il fît
à les enfans , des différens états qu’il pofledoit, foit
titre de royaume, foit à titre de fouveraineté
lailîa à R am ir e , fon fils, que, fuivant plufieurs hillo-
riens , il avoit eu d’une maîtreffe , l’Aragon qui
n étoit alors qu’une principauté allez peu étendue
& qui ne confilloit que dans cette petite contrée
qui porte encore, de nos jours, le titre de comté
dAragon , & qui ne formoit tout au plus , que la
huitième partie de ce pays, que l’on appelle aujour-
(l hui 'CAragon. Don Sanche donna en meme terns
à don Gonçale , l’un de les autres fils, les comtés
de Sobrarve & de Rebagorce , avec le titre de roi,
dont il venoit également de décorer Ramire^ qui
prit poffeffion de fon petit état & de fon trône en
1035. Environ une année après, le nouveau fou-
verain époufa la jeune Ermifmde, qui paffoit pour
la plus belie perfonne de l'on ficelé , & fille de Bernard
, comte de Bigorre. La puiffance de Ramire
s accrut par ce mariage ; elle s’accrut bien plus encore
par un événement imprévu , 6c qui recula de
beaucoup les frontières de l'a lüu\eraineîé. Don
Gonçale , fon frere, fut tué d’un coup d’épée à la
chali'e , par l’un de les domelliquts ; on ignore à
quel lujet. Gonçale ne laill'oit point d’enfans , Ôc les
peuples de Sobrarve 6c de Ribagorce , reconnurent
pour leur prince , Ramire qui, au moyen de cette
proclamation , ajouta aux poll'effions qu’il tenoit de
Ion pere , toute celte partie du royaume d’Aragon
qui ell au nord de l Ebre. La fucceifion de Gonçale
le rendit fipuiffanî, & d’ailleurs fa valeur l'avoit
rendu 11 redoutable, que les rois Maures de Sarra-
goffe, d’Huefea 6c de Tudele, craignant de l’avoir
pour ennemi, le hâtèrent de lui demander fon aminé
, 6c s’engagèrent à lui payer un tribut annuel.
La foumiffion de ces princes & l’aggrandiffement
de Ion royaume enflammèrent l'ambition de Ramire ;
il s’oublia, 6c le delir de conquérir l’emportant furie
relpedl qu’il devoir à la mémoire de fon pere, &
lur les femimens qu’il eut dit conferver pour l'on
frere don Garde , roi de Navarre , il fe ligua avec
les trois rois mahométans, 6c fuivi d’une armée
nombreufe , il alla faire une irruption fur les terres
de Navarre, & mit le fiege devant Tafalla. Les
habitans de cette place fe défendirent avec tant de
valeur, que leur réfillance donna le tems à don
Garciecleraffembler fes troupes, â la tête defquelles
il vint inopinément fondre , pendant la nuit, fur
l’armée de fon frere, qui fut mife en déroute, 6c
en partie malî'acrce. Don Garde, jullement irrité ,
ne fut point fatisfait de cette éclatante vidoire, 6c
profitant delà terreur qu’il avoit infpirée aies ennemis,
il fit lui-même une irruption dans les états
de fon frere , qu’il contraignit d’aller chercher un
afyle dans les montagnes de Sobrarve , & s’empara
d’une partie de l’Aragon : ce royaume entier eût
vraifemblablement paffé fous la domination du
vainqueur , fi Ramire ne fe fût hâté de reconnoitre
fes torts, & d’employer la clémence de l'on frere,
q u i, par la médiation de quelques évêques, voulut
bien pardonner au roi d’Aragon , 6c lui rellituer
même toutes les places dont il s’eroit rendu maître,
6c le pays qu’il avoit conquis. Depuis cette époque,
les deux rois vécurent en bonne intelligence, &
celui d’Aragon , corrigé de fon ambition , ne parut
plus tenté de faire d’injiilles conquêtes. Mais la puiffance
6c le caraélere guerrier de don Ferdinand,
roi de Léon, lui infpirant des craintes, ainfi qu’à
don Sanche, roi de Navarre , fils & lucceffeur de
don Garcie, l’oncle & le neveu firent, contre le
fouverain dont ils redoiitoienr les projets, une liguc-
défenfive. Ramire é t o h âgé; il fit Ibn lellament, 6C
croyant que le plus sûr moyen de fe rendre le ciel
favorable,
R A M favorable, étoit de tuer fout autant d’infideles qu’il
le pourroit; ilfitpar dévotion la guerre aux Maures,
6c prit fur eux Lohavre , place importante, limée a
trois ou quatre lieues d'Huefea, & l’annexa à Ion
royaume. H fufpendit pour quelque tems les ho-
flilités 6c alla tenir un concile à Jacca, dans lequel
il fut fait beaucoup de réglemens concernant
la dil'cijîline eccléfiartique , 6c quelques loix utiles
fur radminillratioiî civile ; & le roi veilla avec
beaucoup de foin pendant trois ans de calme , à
l’obl'ervation de ces loix , ainfi qu’à tout ce qu’il
penibit devoir concourir à allurer la tranquillité
publique. Don Ferdinand, roi de Leon , enflammé
kilfi d’un beau zele, faifoit une guerre cruelle aux
Mahométans ; la fituation gênée de ceux-ci réveillant
les anciens féntimens de dévotion dans l’ame de
Ramire , il fe mit, quoiqu’aifoibli par l’âge,.à la tête
de fes troupes, 6c alla former le fiege de Grao , qui
appartenoit au roi deSarragoffe. Ce prince Maure,
vallal 6c tributaire du roi de Leon, implora le le-
cours de l'on fuzerain ; mais en l’abfence de Ferdinand,
qui parcouroit alors les provinces méridionales
de l'es états, don Sanche fon fils, accompagné
du célébré Cid, vola au fecours du roi de Sarra-
goffe, livra bataille aux aifiegeans de Grao , les
mit en déroute, 6c remporta fur eux une illuftre
vicâoire, malgré les efforts héroïques de Ramire I ,
qui, accablé par le nombre , mourut les armes à la
main, en 1063, après un régné d’environ 28 ans.
Ce roi fe fignaia beaucoup plus par la lageffe de fes
loix , 6c par ion habileté dans l’art de gouverner les
peuples, que par l’éclat de fa valeur, qui lui avoit
pouriantacquisbeaucoup de célébrité. Il le diffingua
aufîi par l'a piété , par fon zele pour la religion , 6c
fur-tout par fa déférence au S. fiege qui, luivant
plufieurs hilloriens , lui valut de la part du pape
Grégoire V’II. le titre de roi très-chrétien.
I I , roi d’Aragon , {^Hljloin d 'E fp a g n t.')
Une couronne eff auflî pour la tête d’un vieux moine
un fardeau trop pefant ; 6c ce fut en Ramire I I une
incxcufable folie d’accepter un feeptre que fes débiles
mains n’etoiem point en état de tenir. Troifieme fils
de Sanche, roi d’Ar.igon, 6c de Félicie , il avoit été,
dans fon enfance , offert par le roi fon pere, qui peut-
être avoit démêlé l’incapacité de fon fils , à l’abbaye
de Saint-Pons-de-Tomleres, pour y être moine , 6c
il étoit bien fait pour ce genre de vie , qu’il n’eût
pas dû quitter, il fut élevé (bus les yeux 6c par les
foins de l’abbé Frottard. On le crut affez pieux
pour être promu au facerdoce ; 6 c , après avoir reçu
l’ordre de prêtril'e , 6c avoir fait fa profeffion de
moine dans l’abbaye de Tomieres, il fut, difent
quelques hiftoriens , nommé liicceffivement abbé
de Sahagim , évêque de Burgos, puis évêque de
Pampelune, 6c enlùite de Balbaftro. Ces faits ne
font rien moins que prouvés; mais U eff affuré
qu’il végétoit pieufement, en qualité de fimple
moine , dans le monaffere de Saint-Pons-de-Tomie-
res, quand don Alphonl'e le Batailleur, fon frere, roi
d’Aragon 6c de Navarre , venant à mourir fans en-
lâns, bc ayant fort ffupiclement laiffé pour héritiers
de tous fes états les templiers , les chevaliers de
Saint-Jean de Jérufalem 6c les gardiens du faint Sépulcre,
les Navarrois & les Aragonois, fans égard
pour ces difpofitions, s’affemblerent à Borja, fur les
frontières des deux royaumes , pour procéder à
l’éleélion d’un roi. Il y eut tant de cabale , de divi-
fion 6c de niéfmtelligcnce dans cette affemblée , que
les Aragonois, s’étant féparés des Navarrois , allèrent
à Jacca , 6c y élurent don Ramire, m o in e depuis
environ 41 ajis, tandis que les Navarrois élifoient
de leur côté , à Pampelu ne , don Garcie Ramirez,
qu’ils proclamoient roi de Navarre. Ce n’étoit pour-
lant point aff'ez d’avoir fait pafler Ramire du fond du
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cloître fur le trône , les Aragonois le prefferent encore
de fe donner , le plutôt qu’il pourroit, un héritier.
Ramire étoit prêtre depuis beaucoup d’années;
mais il obtint une difpenfe d’Anaclet, qui fc donnoic
à Avignon le titre de pape , & il époufa Agnès, foeur
de Guillaume, duc d’Aquitaine. A peine il commen-
çoit à régner, qu’Alphonfe entra dans fes états, fuivi
d’une nombreulè armée. Ram ir e , qui n’étoit point
du tout fait au tumulte des armes, courut fe cacher
derrière les forêts 6c les montagnes de la Sobrarve.
Sa terreur étoit néanmoins fort mal fondée; & le
généreux Alphonfe , qui n’etoit point venu en ufur-
pateur, mais en ami, lui fit dire qu’il n’etoit paffé
lur les terres d’Aragon que pour défendre ce royaume
contre les Infidèles qui, enhardis parla vifloirequ’üs
venoient de remporter à Fraga, avoient formé vraifemblablement
le projet d’envahir l’Aragon. Rafl'uré
par la gcnérofiié de ce procédé, Ramire l'ortit de fon
afyle , remercia fon défeiifeur q ui, après avoir laiffé
une forte garnifon à Saragoffe pour défendre l'on
voifin , fe retira dans fes états. Ce n’etoit cependant
pas.les Maures que le roi d’Aragon avoit le plus à
craindre, mais la haine des Navarrois, dont le mécontentement
alloit dégénérer en guerre déclarée ,
lorfque , par la médiation de quelques prélats , les '
deux nations en vinrent à un traité d’alliance , par
lequel il fut convenu que les deux rois demeureroient
paifibles poffeffeurs , chacun de fon royaume ; condition
qui plut beaucoup à Ramire , fort ennemi de
la guerre, 6c qui ne déplut point à don Garcie , qui
efpéroit lui fuccéder , ne fuppofant point que vieux
comme il l’étoit, il eût jamais des enfans : Garcie fe
trompa ; & , malgré la vieilleffe du roi d’Aragon, la
reine Agnès fa femme accoucha de l’infante dona
Pétronille. Ce n’avoit été que par un effet de leur
attachement 6c de leur refpedf pour Alphonfe le Batailleur
que les Aragonois avoient élu fon frere,
dont ils ne connoiffoient d’ailleurs les talens ni les
qualités : ils ne tardèrent point à les connoître , 6c
furent très-mécontens du choix qu’ils avoient fait.
Les grands, qui ne voyoient qu’un moine dans leur
fouverain, furent très-fionteux de l’avoir placé fur
le trône ; ils ne cacheront point leur maniéré de
penfer ; 6c Ramire , fort irrité de la licence de ces
grands, imagina un moyen infaillible de les punir 6 c
de venger fon amour-propre humilié. Ce moyen fut
de convoquer les états à Huefea , & là , de s’affurer
de tous ces feigneurs mccontens. Ce projet fut exécuté
: ces feigneurs furent tous arrêtés ; & afin de
leur apprendre à refpefter leur fouverain, celui-ci
les fit tous maffacrer. Cette vengeance, indigne
même d’un ufurpateur, étoit déshonorante pour
un roi ; auffi ne rcufflt-elle point à Ramire : il n’avoit
jufqu’alorsété que méprifé,il devint odiqiix;
Sc comme il étoit fort timide, il craignit les effets de
la haine publique : d’ailleurs , il s’éioit dégoûté du
trône ; il s’étoit auffi dégoûté de fa femme. Il fit des
réflexions férieufes fur les douceurs de la vie monacale
, fur les dangers de la royauté ; & , après avoir
fiancé fa fille dona Pétronille , âgée d’environ deux
ans, avec don Raimond, comte de Barcelone, il
convoqua les états, leur fit reconnoître Pétronille
pour fon héritière , obtint d’eux le confentemenc
qu’elle lui fuccéderoit auflî-tôt qu’elle feroit en âge
d’être mariée; &que , fi elle mouroit avant ce tems,
le comte Rdmond hériteroit du royaume. Dès-lors
le comte Raimond gouverna l’Aragon fous le titre
de prince. Quant à R am ir e , il fe retira à Huefea ,
alla s’enfevelir dans le monaffere de Saint-Pierre, où
il vécut encore pendant dix ans , fans qu’il parût le
fouvenir qu’il avoit été roi pendant trois ans , qu’il
avoit eu une femme 6c une fille , qu’il avoit ffiit
égorger les grands les plus illuftres du royaume,
qu’on l’avoit méprifé, & qu'il avoit fini par être
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