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être cliülngncs de ces derniers que parla vue rationnelle
qui en dirige Pcniploi : ils l'ont donc contondus
avec eux par l’abus qu’on peut en faire. Les poifons
6i les virus intérieurs, produits par les dégéncraiions
des parties, prci'entent des effets très-analogues iur
les cor[)S vivans ou animes ; de-là naquit l’ancienne
divifion des poijbns ^ adoptée par tous les auteurs, en
venins internes & externes.
II jiiffit de connoître l’analogie qui fc trouve entre
les effets des poifons 6c ceux des virus intérieurs,
pour concevoir que la première 6c la plus importante
queffion medico-légale, conlille à évaluer les lignes
allégués pour cette diftinélion, Lorfque le témoignage
oculaire ou d’autres figncs , dont je parlerai ci-
dcfl'oiis , n’établiffent point l’emploi du poifon , le
premier objet de l’expert ell de rél'oudre la quclbon
propofée ; li l’exlftcnce du /Jo/yé^zeffconflatce , il lui
relie ù recbercher fa nature pour décider s’il peut
être caule de mort.
Cette difcullion fiippofe néceffairement la con-
noiffance de l’état naturel des parties foiides & fluides
du corps, de l’inOtience des pallions de l’ame,
des malad es contagieules , des caufes des morts l'u-
bites ou rajjides , des effets évidens des maladies les
plus extraordinaires , &c. i-’âge , le fexe , le tempérament
, le genre de vie , la condition du fujei, les
diffét eutes caufes antécédentes , d^toutes les circon-
ftances acceffolres, font donc des élémens effentiels
à raffembler.
Les anciens regardolent xowtpoifon, miafme, matière
morbifique des maladies malignes ou caufe
déîétere , comme attaquant direélement le principe
v ita l, iuffoquani le calidum innaturn, la flamme vitale,
ponant un froid mortel au coeur. Cette vue
rationnelle les dirigea dans i’énuincration des fjgnes
Awpofon, & dans le choix des antidotes. Tout ce
qu’ils crurent capable de ranimer la chaleur & l’aélion
du coeur, & de ponfl'er le venin au-dehors par la
tranlpiration , prit chez eux le nom ^alixipharma-
que o\\ contre-poifon ; de-là dériva l'iifage de traiter
toutes les maladies malignes, éruptives, conragieu-
fes, par les cordiaux, les fudoriflques, les bézoar-
diques ( C o r d i a u x , Su d o r i f i q u e s , Bé-
ZOARD1QUF.S) ; cette méthode qui a duréjufqu’à
ces derniers tems , eft aujourd’hui généralement reconnue
comme pernlcieufe ; elle n’eft iifitée que
parmi les charlatans , les barbiers & les gardes-malades,
qui n’ont pour oracle que quelques vieux
formulaires ; 6c l’on ne trouve aucune préfomption
raifonnable pour la foiitenir. Foyci O r v i é t a n , MiTHRrDATfe , Dicl.raf. des Sciences , &c.
Quelques phénomènes failis précipitamment, 6c
beaucoup de préjugés, portèrent encore les anciens
à divifer les pofons en froids 6c en chauds. Cette
divifion détruite en partie par les obfervations con-
îradidoires de Wepfer & de plufieurs modernes, ne
peut être d’aucune reffource, lorfqifil s’agira d’éva-
liiér avec précifion & févérité les Agnes du poifon
fur le vivant ou fur le cadavre : il l'eroit abfurde
d’adopter comme principe ou comme réglé, ce que
l’expérience a combattu viélorieufement. Voye^^ la
fin de CCI article.
En raffemblant ce que ÆfuisTetrab. 4.ferm. 4 ,
cap. 47. Villeneuve,/iè. de Cardan. Cafpar
à Reïes , camp, elyf nous ont laiffé fur les Agnes des
pofons : il paroit que ces Agnes les plus généraux,
font la prompte apparition de fymptomes extraordi-
naires üC inattendus , rds que le trouble, les nau-
fées , !a douleur vive d’eftomac, les palpitations ,
les fyncopes ou défaillances ; les rapports défagréa-
bles & fétides, le vomiflement de fang, de matières
bilieufes ; le hoquet, le cours de ventre , les angoif-
fes, l’abattement lubit des forces ; l’inégalité, la
petitdle du pouls , les Tueurs froides , gluantes ; le
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refroidiffement des membres , la lividité des ongles *
la pâleur, la bouffiffure ou Toedemc général, le ntc-
reorilme du bas-ventre, la ceff.uion l'ubite , & le
prompt renouvellement des douleurs ; la noirceur »Sc
l’enflure des levres , la foif ardente , la voix éteinte,
la lividité de la face , le vertige, les convuliions, le
roulement 6c la faillie des yeux , la perte de la vue,
la léthargie, la fuppreflîon d’urine, l’odeur fétide
du corps , les éruptions pourprées, livides, gangré-
neufes, l’aliénation d’efprit, &c.
Cardan avoit avancé que toute efpece de venin
aglfl'üit fur la bouche & dans le gofier, en y excitant
une chaleur une irritation extraordinaires, fuivies
le plus louvent d’inflammation ; que la déglutition
en ctoit pénible, & fuivie de naulces 6c de vomifl'e-
ment : cette affertion eff réfutée par le féal cx-
pofé.
I! fuffit d’ailleurs de conAdércr les Agnes que je
viens de rapporter, pour en conclurc'qu’ils font
prel'que tous équivoques. La rapidité dans l'apparition
des fymptomes , convient à pluiîeurs morts
lubltes ou à plulieurs maladies très-malignes. Les
taches , lividités , la gangrené, ne font pas plus poA-
tives pour conflater l’exiflence du poifon. Les afl'e-
éfions propres à l ’eflomac peuvent dépendre de
quelques lues qu’il contient quelquefois ; ce vifeere
& les imellins p-aroiflént agir dans le irouffe-gaiant
6c certaines cliffenteries , comme s’ils étoient irrités
par la préfence d’unpo fon.
Le vomiffementlublt après un repas, peut dépendre
du volume des alimens qui furchargent l’eflo-
mac , ou de leurs qualités particulières qui l’incommodent
: on connoît la fenlibllité de cet organe & fa
mobilité dans quelques fujets.
La toux, le crachement, le vomiffement de fang,
reconnoiffent aufli plulieurs caufes différentes.
La flupeur, la contraétion des parties, les trem-
blemens, les convulfions, font des aftedions ner-
veufes, dont les caufes très-fouvent inconnues, font
excirées par des milliers de cii conftances.
La lividité, la puanteur prompte d’un cadavre,
font encore des Agnes très équivoques ; & l’efpece
de contagion que Feldmann attribue aux cadavres
de ceux epi meurent empoifonnés, eff encore moins
fondée en raifon que tous les Agnes allégués.
C’eff fans doute fur de fauffes allégations que
l’auteur de VanicU P o iSO N S (^Jurfprud. ) , dans le
Dicî. raif des Sciences, &c. avance que les médecins
regardent comme un indice certain de poifon , dans
un corps mort, lorlqu’il fe trouve un petit uicere
dans la partie fupéiieure de l’effomac : on ne voit
dans aucun auteur remarquable ce Agne allégué,
feulement comme digne d’entrer en conAdéra’tion.
On eff encore plus étonné de trouver dans ce meme
article l’affertion iuivante : C^efune opinion commune
que le cceur étant une fois imbu de venin , ne peut plus
être confumi par Les flammes : cet auteur cite l’exemple
de Germanictis, 6c celui de la Pucelle d’Orléans,
comme des préfomptions favorables k ce dogme ;
mais faut-il en bonne-foi fe repaîu'e des abfurdes
fuperffitions de l’antiquité , & M. Boucher d’Argis
ne trouvoit-il pas dans les auteurs qu’il a fouillés ,
des Agnes plus conformes à la philofophie 6c à l’expérience
? II a fans doute cru à la lettre ce que difent
Pline 6c Suétone , fur le cadavre de ceux qui meurent
empoifonnés ; il eût dû aitlTi rapporter ce qu’ajoutent
ces mêmes auteurs, 6c qui téroit peiit-cfre
plus fondé en raifon : les 0 féaux de proie , difentdls,
& les animaux carnajfiers , n'en veulent point pour
pâture ; mais il eft poflîble qu’un virus, une maladie
intérieure produifent le même effet. Thucydide rapporte
que les animaux ne mangeoient point les cadavres
de ceux qui moururent de lapeffe.
P e u t-ê tre p o u rro it-O R d ir e , après C a fp a r à R e ïe s ,
P O ï que des vers vivans, trouvés dans l’effomac de ceux
qu’on foupçonne avoir été empoifonnés, font une
preuve du contraire.
Quoi qu’il en foit de toutes ces erreurs , ou du
peu de certitude de chacun de ces Agnes, déjà rapportés,
il me paroît qu’un expert, mandé pour décider
dans des cas oit l’on prefume l’emploi d’un
pofon, doit s’informer foigneufementSc avant tout,
de râge, du fexe, du tempérament, des forces, du
igenre de v îe , de la fenfibilitc, de l’état du corps
du fiijet qu’il va examiner; s’il étoitfainou malade?
en quel tems ou à quelle heure du jour on préfume
qu’il a pris le poifon ? combien de tems il l’a gardé
dans le corps ? quel tems s’eft écoulé jufqu’à l’apparition
des fymptomes? fous quelle forme il peut
avoir pris ce poifon > en quelle quantité? quel goût,
quelle odeur il lui a attribué ? Ce qu’il a fait après
CQpoifon s’il a avalé quelque chofe par-deffus ?
ce que c’etoit ? quelle efpece de reniedes ou de mé-
dicamens il a pris? dans quel véhicule le poifon a
été mêlé ?
Une autre fource de confidératlons effentielles,
c ’eff de s’affurer A le fujet eft pléthorique , colérique
ou cacochyme ; A, lorfqu’il a pris le poifon ,\\ étoit
ému , paflionné ou tranquille ; combien de tems il a
vécu depuis le pofon pris ? de quelles incommodités
il s’eft plaint après avoir avale ce qu’on préfume
être du poifon.^ dans quel état & comment il eft
mort ? fl avant ou après avoir pris le pofon il étoit
affefté ou frappé de crainte, de douleur, de colere,
par des caufes étrangères au poifon.^ quelle efpece
de régime ou de conduite il a obfervé apres? s’il
étoit fujet à commettre , ou s’il auroit commis des
fautes dans le réginre avant le poifon ? A les fympto-
mes qu’on attribue au pofon ne lui étoient point ordinaires
ou familiers avant lo poifon.^ s’il a vomi,
ce qu’il a vom i, en quelle quantité ? s’il a été fe-
coum par un médecin expérimenté ou par des
îgnorans ? 3’avoue que la plupart des fymptomes, caufes par
\tspofons, font équivoques & conviennent à des
caufes très-varices, lorfqu’on les conAdere féparé-
ment dans ceux qu’on foupçonne avoir été empoifonnés
; mais la réunion ou l’enlemble de ces mêmes
Agnes n’a pas ce défaut : qu’on les pefe colleâive-
ment, ils auront la force de l’évidence.
On peut, en interrogeant les perfonnes empoi-
fonnées, qui font encore en v ie , s’affurer A l’aliment
folide ou liquide qui a fervi de véhicule au poifon ,
avoit fon goût naturel ou ordinaire ; A elles ont fenti
quelque ardeur, quelque irritation ou féchereffe
extraordinaire & fubire dans le fond de la bouche ,
6c dans l’cefophage ; s’il y a eu conftriftion ou fenti-
ment d’étranglement dans ces parties ; A elles ont
éprouvé des envies de vomir opiniâtres , accompagnées
d’angoifl’es, de douleurs vives d’effomac, de
léntiment de feu, de rongement ou corrofion : A de
pareilles douleurs A; font fait fentir dans les inte-
ilins ; s’il y a eu de Amples efforts pour vomir, ou
s’il y a eu vomiffement avec angoiffes, défaillances;
A elles ont reffenti une chaleur brûlante intérieure ,
cantonnée dans quelque partie ou répandue ; A la
foif a été ardente , la conffipation opiniâtre; A les
urines ont été entièrement fupprimées; s’il y a eu
hocquet, conftridHon ou refferrement extraordinaire
du diaphragme , difficulté de refpirer,ou refpiration
eûoufflée ; s’il eft furvenu fubitement une toux fréquente
6c vive ; s’il y a eu des Telles bilieufes , fan-
glantes, accompagnées de vives tranchées ou éprein-
tes ; s’il y a eu ténefme opiniâtre , &c.
On doit joindre à ces Agnes, le météorifme extraordinaire
& douloureux de l’abdomen; les fyncopes
, la promptitude , 6c, pour ainA dire, l’inftan-
tanéïté du changement de la maniéré d’ être : les
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renvois fétides ; le vomiffenieht des matières noirâtres
, atrabilaires ; le roidiffement 6c le refroidiffement
extrême des membres; la fueur froide ou
gluante, ou fétide ; l’enflure du cou 6c de la face;
la lailUe des yeux ; le vifage défigure, l’oeil hagard;
le pouls l'oible, abattu , irrégulier, inégal, intermittent
: l’enflure de la langue, riullammation delà
bouche 6c du goAer, la gangrené de ces parties ; les
vertiges fréquens ; U vue éteinte ou préfeniant des
objets fantaftiques ; le délire, les convulAons, l’af-
faiffement général des forces, le tremblement du
coeur 6c des parties , la paralyfie, rétourdiflèment
ou la ftupeur des organes & de l’efprit ; la noirceur j
l’enflure , la rétraction ou l’inverAon des levres.
Ces différens indices font encore fortifiés par l’enflure
générale du corps , par les efflorefcences bu
éruptions livides, pourprées, &c. par la lividité des
ongles , la perte des fens , les palpitations, les hémorrhagies,
l’ardeur d’urine; par l’engourdiflèment
ou l’affüupiffement profond & involontaire ; par
l’agitation exceflîve , la dilatation des veines de la
tête, la fievre rapide & irrégulière, la roideur des
extrémités.
On obferve quelquefois des vomiiTemens extraordinaires,
ou des cours de ventre prodigieux ; des
douleurs de reins infupportables ; la perte de l i
vo ix , ou un bruit fourd & plaintif ; le refl'errement
de la poitrine , l’enflure oedémateul'e de la face , la
puanteur du corps, l'abondante falîvation ou récou-
lement d’une bave quelquefois fanleufe; l’haleine
brûlante , la contraétion des doigts, le tremblement
des levres; 6c enfin ce qui donne à tous ces
Agnes le caraétere de l’évidence , l’aveu du maladé
Iiu-même qui fe déclare empoifonné, 6c qui articulé
la plus grande partie des circonftances qui prouvent
qu’il l’a été.
Il fuffit de réfumer les Agnes que je viens de rapporter
, 6c que M. Albert! a raffemblés en grande
partie dans Ion Syflema jurifprudentice medicæ , pour
être convaincu de la néceflité de ne jamais décider
que fur leur enfemble : les Agnes antécédens, les
Agnes préfens ou concourans, 6c les Agnes confé-
cuiifs, font donc du reffort du médecin expert.
M é d e c i n e -L é g a l e ,
Lorfqu’on n’a qu’un cadavre à vérifier , les ref-
fources font infiniment moindres , 6c fe réduifent
aux deux chefs fuivans.
L’examen des parties extérieures ; 2°. les
particularités que fournit rouverture des cadavres :
on verra ci-après l’elpece d’indices qu’on peut déduire
del’anaîyfe des fubftanees venimeiifes, lorf"
qu’on peut les foiimettre à l’examen des experts.
Parmi les Agnes qu’on peut obferver à l’extérieur^
font l’exceflive diftenfion de l’abdomen , au point
d’ en menacer la rupture ; l’ enflure générale de toutes
les parties, au point d’en faire dilparoître les traits
6c la forme naturelle ; les taches de différente couleur
fur toute la fiirface du corps , fur-tout au dos ,
aux pieds ou à l’épigaftre ; la décoloration rapidé
des parties , leur prompte diffolution putride; la
puanteur infupportable peu après la mort ; la mol-
leffe ou même la colliquatioii des chairs ; la noirceur
, le racorniffement de l’intérieur de la bouche,
de la langue 6c de l’oefophage ; la noirceur 6c la facile
réparation des ongles, la chute des cheveux, &c.
Les Agnes fournis par l’ouverture du cadavre ,
font le plus communément l’éroAon, l’inflammation,
la gangrené, les taches dirperfées dans le trajet dé
i’arriere-bouche , de l’oefophage , de l’eftomac , du
pylore, des inteftins, le fphaccle de ces parties : on
trouve quelquefois l’eftomac lui même percé à travers
Tes membranes ; le fang coagulé dans les diffé-^
rensvaifl'eaux , qui pour l’ordinaire font vuides dans
les autres cadavres; ce même liquide diffous ou
i 1'