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dans laquelle les mufcles ne travaillent pas, & qu i
eft celle d’un homme couche, la hn d’une fievre qui
ceffe de nous dévorer , les bains de pieds qui déchargent
la icte d’une partie de fon fang , le lait ra-
fraîchi/lanr des amandes, des pavots, lafaignéerappellent
le fommeil.
Les caufes que j’ai expofées, prodiiifent un fom~
nicil tranquille & qui rétablit les forces. Une caufe
biendangereufe concourt avec elles à joindre une envie
irréliftible de dormir au fentiment le plus doux ,
lorfqu’on s’y eül livré, mais qui mène à une mort
certaine ; c’elî le froid , & qui nous faifit, qui ref-
ferrant toutes les veines des tégumens, refoule le
iang au cerveau & le remplit. Boerhaavea etc lur le
point de périr par les charmes enchanteurs de ce
fommeil ; 6i Solander n’a été arraché à la mort, fur
les montagnes de la terre de Feu , que par la violence
amicale defes compagnons. J’ai lu des relations
d’un plaifir à-peu-près fembiable, qu’ont ref-
fenti des perfonnes fuftbquées par une mofette , ou
étranglées par une corde , mais dont on a fauvé la
vie. La grailTe trop accumulée agit à-peu-près de
même , &C lur les animaux & lur l’homme ; on l'a
vu réduire des perfonnes à ne pouvoir être réveillées
que par de violentes douleurs. J’ai vu un goitre
produire un alToupillément continuel, en comprimant
les veines jugulaires. Une autre clalTe de caufes
produit également le/cjwwe//, mais unyowOT^//pelant
, mêlé d’engourdiflèment & fouvent de délire ;
ce font de ces vapeurs de dilFérentes efpeces répandues
fur la furfacede la terre, &: dont l’effet elf violent
, lorlqu’elles peuvent agir fans être difperfces.
L’efprit de v in , & en général l’efprit né par la
fermentation , le camphre , l’odeur concentrée des
aromates , le gas de la fermentation, le feu blanc &
amer de plufieurs plantes, & fur-tout celui des pavots,
le champignon dont on fe fert en Europe
pour tuer les mouches , toutes ces fubftances végétales
contiennent un principe vaporeux , qui enivre
& qui alToiipit à-peu-près de même. Cet effet eU fi
eflentiela cette vapeur, qu’elle agit uniformément
fur l’homme & fur les animaux , fur les inléétes même
, qui n’ont ni véritable coeur , ni vaiffeaux , car
refprit devin enivre les abeilles & leur infpire delà
fureur. Cette obfervation peut fervir à réfoudre
une qiieftion pour laquelle M. Monro le fils s’efi:
donné beaucoup de peine. Il vouloit déterminer par
les expériences, fi l’opium agit par les vaiffeaux, ou
par les nerfs. II a cru trouver qu’il n’agit que par les
nerfs , puifqu’il faifoit le même effet fur les grenouilles,
après qu'on leur avoit] arraché le coeur.
Mais puifque des animaux fans coeur&fans vaiffeaux
reffentent également la force de i’efprit né par la fermentation
, il eft clair que c’eH fur les nerls que cet
efpiit^opere ; & l ’opium dont les effets font en tout
lesjnêmes que ceux de cet efprit ne peut qu’agir de
même.
L’opium agit prefque également, foit qu’on applique
fa teinture à la peau , foit qu’on la verfe dans
la cellulofité fous la peau , qu’on en fomente le péri-
tome, qu’on l’injefte dans le bas-ventre , qu’on en
fane avaler à 1 animal, ou qu’on en injeéle dans l’in-
teUin, ou dans les veines , ou qu’enfin l’on hume la
vapeur. On a cru même remarquer, qu’injeaé dans
le bas-ventre appliqué à la peau & au péritoine,
1 opium agu plus puiffamment que lorfqu’ü a été
pris par la bouche ou injeclé dans les veines. La feule
maniéré dont il n’agiffe point du tout, c’eft lorfqu’on
l'applique au tronc des nerfs ; auffi augmente-
l-il la douleur au lieu de la diminuer, quand on en
applique au cancer, aux maux de dents.
L’opium réunit deux forces , le principe narcoii-
que, & le principe ftimulant. Le premier agit fur les
ï^erfs & fur ce qui dépend des nerfs. Il émouffe Ja
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fcnfibijitc, il détruit la douleur & force fommeil
Ce même principe agit avec force fur FirritabiUté
des inteflins , & détruit le mouvement pcriftaltique
de l’eftomac &: des inteflins ; les excréniens abandonnés
à eux-mêmes deviennent, après l’ufage de
1 opium, d’une odeur infiipportable. 11 porte fa force
julqu’à détruire la contradion de l’iris ; un chien qui
a avalé de l’opium, ne refferre pas la prunelle
quand même on approche une lumière de fes yeux *
elle relie auffi immobile que dans un poilîbn. C’ell
le plus puiffant fecours qu’on puiffe oppofer au
fpaïme cynique & au tétanos.
_ On n’ell pas egalement d’accord fur la puiffance
Himiilante de l’opium. L’odeur pénétrante de cette
lubiiance, les élémens volatils qu’on en tire par la
chyinie, & fur-tout fa portion réfineufe préviennent
en laveur de cette force : l’analogie des effets de
l’efprit-de-vin des autres narcotiques eft entièrement
pour elle.
On a cru cependant prouver, 8c par des expériences
faites lur des animaux fournis au microf-
cope , que l’opium en quelque maniéré qu’on le
falîe agir fur l’animal, diminue les forces du coeur
& la fréquence du pouls, retarde ôc arrête môme la
circulation , & rend la refpiration plus rare.
Il ell bien difficile de concilier ces expériences
avec ce que nous allons rapporter. Levin, le chanvre
, l’opium , tout narcotique , pris à petite dofe ,
éieve le pouls, je rend plus fréquent 6c plus animé,
fait rougir le vifage , gonfle les vaiffeaux , donne à
1 homme une gaieté Sc une vivacité dans les penfées
6c dans les fenfations, qu’aucun autre remede ne
pourroit lui donner; ces narcotiques pouffent par la
lueur, caufent des hémorragies , & difpofent à l’amour.
Ces eftéts font fi connus, que les Mahométans
s’enivrent avec ropium , pour jouir de cette gaieté
6c de cette vivacité , qu’ils ne fauroient, à ce qu’ils
fe perfuadent, acheter trop cher, même par le danger
auquel ils expofent leur fanté.
De l’aveu même de M. W h y t t , l’opium rend le
pouls plus plein Sc donne une nouvelle chaleur à
l’homme ; le pouls eff grand Sc fréquent dans hforn-
meil que caufe l’opium. Ce puiffant remede ranime
les forces vitales Sc animales dans le boeuf; le pouls
lorfqu’il a paru s’affoiblir , fe développe par fon
ufage Sc devient plus fort, il a rappelle quelquefois
Ja chaleur desagomfans, & caufé l’apoplexie,
La différence de ces réfiiltats vient en partie de la
maniéré dont on s’y efl: pris dæis les expériences
dans lefquelles l’opium a paru affoiblir le coeur. On
a fait fur les animaux des opérations compliquées, Sc
quinepermettoientpasde tirerde jufles conclulions;
car il n’elt pas étonnant que l'animal paroiffe languir
, lorfqu’on lui a coupé la fête ou détruit Ja
moelle de l’épine. Et peut-être a-t-on confondu les
effets immédiats de l’opium avec les fuites. Lorfqu’il
efl donné à une dofe médiocre , il efl indubitable
qu’il ranime S>c qu’il échauffe ; mais lorfquc la dofe
en efl trop forte ou trop fouvent réitérée, il n’eft pas
étonnant que l’animal langulffe , Si qu’il s’affoibliffe
avant que de périr, ün connoîc la langueur qui luit
l’ivreffe.
Les effets dont nous avons parlé jufqu’ic i , agif-
fent fur la généralité de l’animal : mais l’opium produit
un troifieme effet, qui fait le but principal de
cet article, c’eft d’affoupir. Une petite prife même
ne caufe qu’une tranquillité agréable & une lérénité
fans fommeil, c’eft l’effet le plus ordinaire qu’il fait
fur moi. Une dofe un peu plus forte fait l’effet d’une
pinte de vin , il égaie, il anime, il diffipe les chagrins
, il rend l’ame au plaifir , c’efl ce qui l’a fait rechercher
aux Turcs. Un peu plus forte , il ca\ife im
fommeil affez tranquille, de rafraîchiflanr. Mais à dts
dofes extrêmes, c’efl uncivreffe, uneflupeur, un
fommàl^
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fommeil pefant, l ’infenfibllité, la mort même. Dans
les cadavres on a trouvé le fang engorgé dans les
vailTeaux du cerveau & de la dure-mere. Trop fouvent
réitéré, l’opium aftoiblit la mémoire , rend hébété
, caufe une langueur, que de plus fortes dofes
feules peuvent furmonter, des paralyfies , des apoplexies.
La dofe fiinefle efl inégale. L ’opium agit beaucoup
plus violemment fur un homme qui n’y efl pas accoutumé.
J’en ai reflenti un effet extrême en prenant
trente gouttes de laudanum dans un lavement, il me
difpofa au fommeil, pendant trois fois vingt-quatre
heures entières. Plus accoutume, je ne fentis aucun
effet d’une dofe plus forte. On a vu des perfonnes
en prendre habituellement une dragme & demie &
deux dragmes. Le chien fupporie quatre dragmes
fans mourir.
Toute preflîoii du cerveau en général affoupit,
le fang épanché , une portion du crâne enfoncée,
l’eau amaffée dans les ventricules, le fang engorgé
dans les finus & dans les vaiffeaux. Ce fommeil
pefant, & prefque toujours fans fouvenir.
Après avoir expofé les caufes qui procurent du
fommeil, il ne fera pas inutile de rappeller celles qui
l’empêchent. La faim empêche de dormir , l’indigef-
lion, toute caufe irritante qui agit continuellement
fur quelque partie du corps, le froid d’une partie du
corps, des pieds par exemple , pendant que le refle
efl couvert, les fons violens, les folliciiudes & les
chagrins , l’attention trop forte , la mélancolie , la
manie, la douleur,unegrande partie desfîevres, les
boiffons chaudes aqueufes, bues de tems en tems, le
ihé , le café , plufieurs maladies du cerveau qui ne
font pas encore bien déterminées, écartent le fommeil
auffi bien ; car des caufes prefqu’analogues caufent
l’affoiipiffement.
En comparant toutes ces caufes qui appellent le
fommeil ou qui l’empêchent, il efl étonnant combien
les caufes Aw fommeil Ibut oppofées les unes aux autres.
Il fuit la diminution du mouvement du fang qui
fe porte au cerveau, il en fuit l’augmentation .Ta fievre
caufe l’infomnie , elle produit l’affoupiffement,
une petite différence dans la dofe du vin éveille ou
afloupit ; l’excès des efprits Sc le manque de cette liqueur
nerveufe affoupit également. Mais le mécha-
nifme qui paroît réunir toutes les caufes du fommeil,
c’eft l’affaiffement de la moelle du cerveau, foit
qu’elle foit confirmée ou qu’elle foit moins remplie.
Comme dans le/om/rzeiJ naturel les forces vitales
agiffent avec moins de force , il paroît prolonger la
v ie , 6c faire fur la machine animale un effet analogue
à celui que fait le froid fur la chryfalide : le froid en
retarde le développement Sc prolonge la vie de l’animal.
Les pouls font généralement en plus grand
nombre le foir , ils diminuent pendant le fommeil Sc
font en plus petit nombre au réveil. Le fommeil
diminue le mouvement périftaltique , il expofe plus
long-tems la maffe alimentaire Sc aux forces de la
digeftion , & à la réforption du chyle ; en ralentif-
fant le mouvement progreffif du fang il favorife
l’embonpoint, la nutrition Sc la réparation des pertes
du corps animal. U paroît donner le tems au cerveau
de réparer la perte de l’efpnt nerveux qu’ont caufee
les travaux de la veille.
Boerhaave croyolt que l’homme ne fc révellloit
que par quelque ftimulus , foit que les excré-
mens lui Ibient à charge , que des fons violens
frappent fon organe de l’ouïe, ou que la faim fe
faffe fenîir. Je me rappelle que les hommes affoupis
par une compreffion du cerveau , fe réveillent tout
de fuite, quand on a enlevé le fang épanché ou le
crâne déprimé, qui faifoit U compreffion. Je ferois
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donc porté à croire que l’homme fe réveille, dès que
la caufe 6\x fommeil ^ ceffe, dès que la moelle de
1 épine aft'aiiTée a été relevée, & que fes petits canaux
lont remplis par le fluide nerveux , qui s’eft
formé pendant le repos du fommeil.
Dans fommeil le plus parfait, dans celui qui accompagne
la convalefcence de quelque fievre violente
qui a écarté le/o/wm«'/pendant plufieurs nuits,
je croiroisaffezque riennefc repréfemeà l’homme,
du moins ne fe fouvient-on de rien , Sc les grands
dormeurs n’ont cm avoir donné au fommeil qu\m
tems ordinaire, après avoir dormi quatorze à quinze
jours Sc autant de nuits.
Mais dans u n o r d i n a i r e , l’ameeftprefque
toujours occupée de fonges , ou de reprefenra-
tions de fes propres idées , dont les images paroif-
fent devant elle , auxquelles elle prend le plus d’intérêt,
de la réalité defquelles elle eft fouvent intimement
perfuadée.
Les fonges ont leur fource quelquefois dans des
fenfations préfentes. Un embarras dans la circulation
dufangfaitlecochemar; l’affociation des idées fournit
à l’ame d’une fille l’image d’un fpedre , & quelquefois
d’un objet qui l’occupe plus agréablement.
Quelque embarras moins violent m’a mille fois
inquiété , en me faifant paffer fous des voûtes qui
alloient en s’abaiffant, par des maifons fans iffiie ,
par des chemins qui devenoient impratiquables.
Une indigeftion, des flatuofités renfermées dans leS
inteftins, la tête frop horizontale , une douleur quelconque
, fait naître des fonges dcfagréab'es.
Les images font toujours plus vives que les fenfa-
rions dontelles naiffent. La fanté Sc la facilité dans la
circulation s’expriment fous l'image du vol.
D’autres fonges naiffent des lenfations paflccs
des aventures de la veille , des livres qu’on a lus,
des paffions qui nous ont émus , de nos foucis. Un
ami que nous avons perdu , paroît long-tems encore
dans nos fonges. Les idées s’affocient dans cette
clafl'e , comme dans la précédente, Sc la nature
fournit tout un affortimenr pour chaque fenfation
originale; il y a quelquefois, Sc fur-tout dans la
parfaire fanté , beaucoup d’ordre dans les fonges ,
même des leêlures fuivies, des calculs faits.
Les fonges font donc des reftes de l’état de veille,
mêlé à celui du fommeil, le repos régné dans la plus
grande parrie du cerveau , une feule partie du ma-
gafin des fenfations paroît avoir une provifion d’ef-
prits qui coulent par fes canaux & qui repréfentent
à l’ame l’image viftorieufe. La repréfentation doit
être d’une certaine force déterminée ; trop vigou-
reufe elle éveilleroit, Sc termineroit le fommeil;
trop foible , elle ne feroit pas apperçue par l’ame.
Dans le fommeil, le cerveau ne repofe jamais en
entier. Le coeur continue de battre , les inteftins ne
fufpendent pas entièrement le mouvement périftaltique,
l’eftomac digéré, le diaphragme Sc les mufcles
intercoftaux agiffent. Il y a plus, on ne peut
guere difeonvenir que de certains mufcles ne fe con-
traftent dans le fommeil, de la chiffe même qui eft
évidemment fous l’empire de la volonté. Galien a
déjà remarqué que les fphinélers s’acquittent de leurs
fondions , quoique bien certainement Ibumis aux
ordres de Pâme. Les enfans qui n’ont pas encore acquis
affez d’expérience, fement le ftimulus de l’urine
, ils font agir les forces qui l’impulfent, ils relâchent
le fphinfter, Sc ce n’eft qu’à force de repre-
henfions, & quelquefois de châtimens , qu’ils apprennent
à faire ufage du fphinfter. Dans l’homme
adulte, l’expérience Sc l’habitude ont appris à la
volonté à continuer cette aêHon , & cet afte eft devenu
fi naturel Sc fi facile, qu’il n’émeut pas l ’ame ,
& qu’il n’en eft pasapperçu.
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