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l ’eau ne s’élèvera point dans la pompe, malgré les
lacions réitérées du pillon; mais qu’elle s’y élevcra
auiri-tôr, li on donne entrée à l’air dans le réfervoir.
Il arrive encore la même choie lorfqu’on fait agir
une pompe fur tout autre fluide que fur l’eau , avec
cette différence que la preffion de l’air l’cleve plus
ou moins haut, fuivant qu’il eft plus ou moins pelant
qu’un pareil volume d’eau. D’après ces obfervations,
peut-on fe refufer à croire que c’eft à la preffion de
l’air qu’on doit attribuer l’élévation de l’eau, ou de
tout autre liquide, dans les pompes? Il fuit détour
ce que nous venons de dire, que dès qu’il eft démontré
qu’une caufe exifte réellement dans la nature,
que c’efl elle qui a opéré un phénomène quelconque,
& qu’elle luffit à fa produélion ; il efl inutile
de recourir à une autre caufe quelconque, quoiqu’il
fût poffible d’en imaginer une autre qui eût pu produire
le même effet.
S’il arrive que la nature, quelquefois jaloufc de
fes fecrets, dérobe à nos recherches les caides des
effets qu’elle nous permet de confidérer, il convient
alors d’avouer fon infuffifance , plutôt que d’imaginer
fur le champ quelques caufes purement probables
au premier abord, & de s’en fervir pour tacher de
rendre raifon des phénomènes qu’on fe propofe d’expliquer.
Une fcience Ample, mais flable & certaine,
efl: toujours préférable à une autre qui feroit incertaine
, vague & erronée, quoiqu’elle fût établie fur
des fondemens ingénieulément imaginés, & ornée
d’argumens l'pccieux & propres à induire en erreur:
cette vérité peut être confirmée par plufieurs exemples.
Quand je remue les doigts, ce mouvement eft
produit par l’aétion de certains mufcles qui fe con-
traéfent : c’efl un fait confiant. Mais quelle eft la caufe
de la contraclion de ces mufcles ? Seroit-ce la feule
affluence de la partie rouge du fang qui aborderoit
dans les vaiffeaux & dans les vcficules mufculaircs,
ainfl qu’on l’a prétendu ? Non certainement, pulfqu’on
remarque que les mufcles pâlilfent lorfqu’ils fe con-
traâent. Seroit-ce donc les efprits animaux, qui fe
portant avec rapidité dans les nerfs, excireroient la
contraclion mufculaire ? Ce fentiment n’eft pas mieux
fondé que le précédent, puifque ces efprits animaux
font des êtres chimériques qui n’exiflent pas: &
comment d’ailleurs, en fiippofant leur exiflence ,
pourroit-on concevoir leur maniéré d’agir, puifcjiie
les nerfs font de fibres foliées êc non vafculeufes, indépendamment
de l’autorité de plufieurs médecins
qui ont adopte l’un & l’autre fluides; favoir, le lang
& les efprits animaux pour expliquer l ’aéllon mul-
cuiaire ? En effet, on remarque conflamment fi on
pique, ou qu’on pince, ou qu’on preffe, ou enfin
qu’on irrite , de quelque maniéré que ce foit, un des
nerfs d’un animal vivant ou récemment mort, ou
même appartenant à une partie féparée du tronc
auffi-tôt on obferve que tous les mufcles , dans lef-
quels ce nerf fournit des rameaux, fe gonflent, fe
durciffent, fe contraélent ; & tous ces effets ont lieu,
& s’opèrent de la même maniéré qu’ils ont coutume
de s’opérer naturellement dans le vivant: cette expérience
peut fe répéter avec le même fliccès pendant
plufieurs heures; & lorfque la contraêlion du
mufcle commence à s’affoiblir, on peut la rétablir en
jettanr de l’eau tiede fur le nerf. L’huile de vitriol &
l’éleélricité produiroient le même effet. Quelle eft
donc, dans cette occalion, la caufe de l’irritabilité
des nerfs, des fibrilles mufculaires, enfin de la con-
traftion de ces mufcles? C’eft ce que perfonne ne
fait encore : ceft pourquoi il convient, 6c on doit
fufpendre fon pigement& ne rien prononcer fur cela,
jufqua ce qu on air fait de nouvelles découvertes
plus certaines & plus propres à déceler la caufe de
ctsphénomènes. Je tiens, par exemple, un corps fo-
lide dans la main ; j’ouvre la main, 6c le corps, abandonné
h lui-même, tombe alors par terre: pour
quelle raifon ? C’eft qu’il eft grave. Mais fl je veu i
pouffer mes recherches plus loin, & découvrir la
caufe de la gravité, je fuis alors arrêté, & je ne
trouve rien de certain & de démontré : je m’arrête
donc aufti-tôt; je fufpends mon jugement, 6c j ’attends
qu’un tems plus heureux me fallè part de cette
découverte : je lais cependant, à n’en pouvoir douter,
qu’il n’y a aucun effet dans la nature qui n’ait
une caufe à laquelle il doit fon exiflence.
C ’eft pour ces.raifons que l’on doit proferire &
éliminer de la phyflquc toutes les hypothefes 6c les
conjedures : tout ce qu’elles nous apprennent eft vague
& incertain, 6c ne doit point le ranger dans la
claffe des vérités démontrées. Outre cela il eft con-
ftant que les hypothefes fervent pUitôi à embarrafter
6c à furebarger une Icience, qu’à reculer fes bornes:
elles excitent des difputes inutiles : les phénomènes
en deviennent plus difficiles à faiflr ; elles font négliger,
fouventmême rejetter les circonftances les
plus importantes qui accompagnent ces phénomènes:
bien plus on en imagine de fauftés, pour donner du
poids 6c du crédit aux hypothefes qu’on veut défendre
; car parmi les philolophes, il s’en trouve plu fieurs
qui font plus flattés par l’efnérance d’une
vaine gloire, qu’occupés de l’amour*de la vérité :
jaloux de fe faire admirer , ils veulent fe faire paflér
pour être pluslavans qu’ils ne le font vcrirablemcnt ;
ils imaginent des opinions fauffes , qu’ils foutieiment
hardiment, 6c ilsabufent de la confiance de ceux qui
ne font pas en état d’éviter l’erreur dans laquelle
elles les entraînent.
Des gens de cette efpece font plus de tort atiï
fciences, qu’ils ne peuvent fervir à leurs proorès.
Les obfervations & les experiences font les leuls'
fondemens de la phyfique. Lorfqu'on les examine
d'une maniéré géométrique, elles nous fournitTent
fouvent le moyen de découvrir les caufes des phi-
nouiines que nous obfervons, de connoître toute
l’intenlité «c l’étendue de ces caufes , ainfi que leurs
propriétés : nous en avons un exemple dans les pompes
dont on fe fert pour tirer de l’eau des lieux profonds
; mais nous ne pouvons pas toujours découvrir
les caufes des effets que nous obfervons : c'eli
pourquoi on ne peut expliquer que peu de chofes
dans la phyfique. Cela tait, a la vérité , une doctrine
maigre & ftérile dans bien des points ; mais aii/Ii elle
eft lûre Sc inconteltable. Celui qui s’aîtaciie aux
obfervations & à l’expérience, & qui les répété avec
tome l’attention qu’elles exigent, parvient à acquérir
du dégoût pour les hypothefes & pour tout ce
qui n’eft que conjeaurc ; car il découvre à chaque
inftant, que les opérations de la nature font bien
differentes des idées qu il s’en étoît formées ; il apprend
que la véritable conflitution des parties, &
les qualités des corps, ne reffemblent en rien à ce
qu il avoir imaginé à cer égard, ce qui paroîtévidenr,
par les idees qu on s’etoit formées fur les faveurs,
fur la Uruéliire des rayons de la lumière, <S‘c.
Nous nous trouvons à chaque inftant arrêrés par
des difficultés inlurmontables, dans la recherche des
caufes des différens phénomènes de la nature , parce
que DOLis n’avons julqu’à préfent aucune regie certaine
, aucun moyen fur qui puiffent nous faire juger
que nous foyons parvenus à fuivre, fans interruption
, toute la férié des caufes qui i'e précèdent mu-
tellemenr, 6c que rencliaînement de nos raifonne-
meps nous ait conduits de la premiere jufqu’à la plus
éloignée des caufes, en commençant ce développement
par la confidération àes phénomènes. Qnwéiil
arriveroit même que nous ferions parvenu.s jufqu’à
la derniere, qui ne dépend que de la feule puiffance
du créateur, nous n’en comprendrions pas mieux
pour cela la iiailon qu’il y auroit entre cette caufe &
la
P H E Üa puilTance divine qui l’aurqit établie ; parce que
l’elprit de l’homme ne pourra jamais comprendre de
quelle maniéré Dieu, qui eft un efprit infini, peut
agir fur un corps. . ,
L’auteur de la nature a ui tellement fouftraire a
notre connolffance les moyens qu’il emploie pour
refit- l’univers, qu’il n’eft pas poffible aux philolophes
de percer les ténèbres épaiffes qui les dérobent
à leurs recherches. De-là, de quelque côté que nous
•portions nos regards, nous découvrons auffi-tôt les
bornes de notre génie ; de forte que notre refpeêt
pour l’Etre fuprême s’accroît à chaque inftant ; 6c
que nous ne pouvons nous empêcher dereconnoî-
tre 6c d’avouer la diftance infinie qui le fepare de la
créature, lui qtii eft la fourcc 6c l’origine de tous les
efléts, de leurs caufes, 6c de toutes les puiffances quelconques;
de forte que nous ne pouvons ne nous pas
foiimetrre de plein gré à tout ce qu’il nous a révélé
clans les faillies écritures, 6c ne pas refpeélcr bien
des chofes qu’elles contiennent, qui furpaflènt les
lumières qu’il a données à l’homme.
2°. Les phénomènes ou Les effets de la nature, qui
font du même genre , reconnoilfznt les mêmes caufes.
C’eft par le même moyen , 6c félon la même mc-
chanique, que la refpiration s’ jpere dans l'homme ,
& dans tout autre animal teneftre. La chûre des
corps graves dépend de la meme caufe dap-s l’Europe,
ainfl que dans toutes les régions delà terre.
La diffuflon de la lumière 6c de la chaleur, foit du
folcil, foit du feu de nos foyers, reconnoît les mêmes
caillés. La réflexion de la lumière s’exécute de
la même maniéré par les planètes, que par les corps
terreftres. II en eft de meme de l’ombre que jettent
deniere eux les corps opaques, l'oit qu’ils appartiennent
à notre globe, loit qu’ils foient fiifpendus
dansrimmcnlitédes d eux, tels que les planètes, 6-c.
Si des effets aufli Amples , 6c qui font les mêmes, dé-
pendoient de differentes caufes, il faudroit admettre
plufieurs caufes pour produire les mêmes effets; ce
qui eft tout-à-fait contraire au génie de la nature,
ou plutôt à la fagelTe infinie de l’Etre fuprême. Car
c’eft opérer quelque cliofe en vain, que de faire par
une complication de moyens, ce qu’on peut faire à
moins de frais. Cependant quand les effets font corn-
•pofés, les caufes peuvent être difterentes, 6c on peut
parvenir à les découvrir par une obfervation attentive.
Par exemple, le vent d’eft peut venir de différentes
caufes ; quelquefois le mouvement du foleil
& les vapeurs chaudes peuvent le produire: quel-
quetois il doit fon origine au concours de deux autres
vents : favoir, Taquilon 6c le vent du midi. Quelquefois
l’équilibre de l’air étant rompu ou troublé dans
la parue occidentale de l’atmolphere, le vent d’orient
s’élève alors. D ’autres fols ils fe trouve encore
d’autres caufes particulières dans la partie orientale
du ciel qui l’excitent 6c le produifent : par exemple,
un efpace libre entre des montagnes fuffit pour déterminer
un courant d’air, &c. C’eft pourquoi on
doit ufer de beaucoup de prudence lorfcju’il s’agît de
diftinguer les caules Amples de celles qui font coin-
pofées.
3°. Les qualités des corps qui ne fouffrent ni du plus
ni du moins , & qui conviennent d tous les corps, que
nous pouvons foumeure à l'expérience , doivent être «-
gardées comme des qualités générales des corps.
Quelques corps quilepréfentent à nos recherches,
foit céleftes, foit terreftres, grands ou petits, folides
ou fluides, tons ces corps nous paroilî'ent & l'ont
réellement étendus : nous pouvons donc conclure
avec certitude, que tous les autres, ceux que les entrailles
de la terre recèlent, ceux que nous ne verrons
& nous ne toucherons jamais, l'ont pareillement
étendus ; puifque, conjointement avec les autres , ils
concourent à former l’étendue du globe terrellre.
Tome IF ,
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Mais l’étendue des parties de la matière nefouffre
jamais aucune augmentation ; le volume d’un corps
peut bien augmenter par la raréfaêHon de fes parties
intégrantes, mais l’étendue des parties matérielles
n’augmente pas pour cela. Par exemple, concevez
un pouce cubique de matière totalement foiide; que
toute fa fubllance devienne parfemée de pores, 6c
qu il fe raréfie de maniéré que fon volume foie cent
fois plus grand: quelque grand que foit ce volume,
il ne contiendra neanmoins qu’un pouce cubique de
matière Iblide, &: Ion étendue en lolidiré ne fera
point augmentée : que cette maffe rarcfice foit comprimée
6c qu’elle foit réduite à un plus petit volume^
on retrouvera encore un pouce cubique d’étendue
matérielle ; cette étendue ne fera point diminuée ;
d’oîi on peut conclure que l’étendue doit être rangée
parmi les propriétés générales de la matière. Pareillement
li tous les corps que nous avons conlidérés
6c examinés font figurés impénétrables & inaéllfs,
nous pouvons conclure que ceux fur lelquels nous
n’avons pas encore porté nos recherches, ibiit également
figurés impénétrables 6c inaélifs ; car ces
propriétés ne foutfrent ni plus ni moins: eUes ne
peuvent être augmentées ni diminuées.
Si tous les corps qui font placés fur la fuperficie
de la terre ont une tendance qui les raaîtrife vers fon
centre, A la lune gravite vers la terre , 6c que celle-
ci ait auffi une gravitation vers la lune; A les planètes
, ainfl que les cometes , font foumifes à la même
lo i, 6c qu’elles aient toutes une tendance mutuelle
les unes vers les autres, 6c vers le centre du
foleil ; A le foleil lui-même eft maîtrife par la même
force, 6c qu’il gravite vers les corps céleftes dont
nous venons de parler, on pourra conclure univer-
feilemem que tousles corps qui font partie du lyftê-
me planétaire, gravitent les uns vers les autres, 6c
que l’attraétion eft une propriété générale de la matière.
Mais fl on remarque que certaines propriété? s’af-
foibliffent & diminuent avec le tems, elles pourrontj
par cette raifon , difparoîire loul-à-fait ; de forte
qu’on ne doit point les ranger parmi les propriétés
générales de la matière : par exemple, de ce que la
tranfparence du verre 6c de quelques autres corps
s’affoiblic infenflblement 6c à la longue ; de ce que la
chaleur diminue par degrés dans les corps, on peut
croire que ces deux qualités pourront être totalement
détruites ; d’oii il fuit que, ni la tranfparence,
ni la chaleur ne peuvent être rangées parmi les propriétés
générales de la matière. Et c’eft de cette maniéré
que pluAeurs qualités que nous appelions fen-
fbles, conviennent à la matière.
4®. Les propofitions que ton déduit des phénomènes
que ton obferve dans la philofopkie expérimentale, peu‘
vent être regardées comme abfolumint vraies, ou au
moins comme approchant trls-fon de la vérité, nonob-
fiant les opinions contraires qui paroijfent Us détruire ;
jufqu a ce qu on ait découvert de nouveaux phénomènes
qui concourent à les établir plus folidement, ou qui indiquent
les exceptions qu'il y faut faire.
En effet l’examen des nouvelles découvertes doit
toujours fe faire par la voie de l’analyfc, avant d’employer
la méthode fynthétique. Par le moyen de l’a-
nalyfe, on ralfemble tous les phénomènes 6c tous les
effets de chaque chofe qui fe préfente à nos recherches.
Cette méthode nous conduit fagement, &
autant que faire fe peut, à la connolffance des puiffances
<k des caufes de tous les effets que nous obfervons.
De l’examen des phénomènes, fuivent immédiatement
des propofitions qui ne font d’abord que
particulières, mais qui deviennent enfuite univer-
felles par induélion: par exemple , lorfcjue je connois
que le feu ordinaire de nos foyers, 6c que celui dit
foleil ont la propriété de raréAer i’or, j’établis auffi':