6 3 2 B , E T
i' iJ
autant de folcils qui brilieut de leur propre lumière.
N'y ayant donc aucune difference de lumière à lu-
niiere , li ce n’eiî du plus ou du moins qu’il en parvient
A l’oeil, on ne peut entendre ce phénomène
qu’en conliclérant la grande différence des divers
degrés de lumière. Bouguer (ƒ«/■ Us ^radat. de la
lunc),-A la fuite deplulîeurs expériences trcs-l'ubtiles,
a trouve que la lumière du foleil elf trois cent mille
fois plus forte que celle de la lune quand elle ell
dans Ion plein , & le grand Euler fait monter encore
plus haut la différence. C’ eff en Angleterre qu’on
effaya , pour la premiere fois , de recueillir les
rayons de la lumière de la lune, & après Philippe de
la Hire le fît en France, avec le fameux miroir ardent
de Tfehirnaufen, & il plaça, un foir de pleine lune,
au foyer des rayons un des plus délicats ihermo-
nietres d’Amontons ; mais l’elprit-de-vin ne fe mut
aucunement dans cet inlfrument : la différence rapportée
devoit réellement être calculée de cette maniéré
; car le foyer des rayons lunaires fe réduifoit
dans un efpace trois cent fix fois plus petit, de façon
qu’il équivaloit à peine à un millième de la lumière
du foleil. Les autres lumières font encore plus foibles.
Une chandelle , à la dillance d’un pied & un
tiers de Paris, renvoie une lumière onze mille lîx
cent foixante - quatre fois moindre; & ce lle-ci,
toute mêlée des effluves, fumeufe & impure , n’elt
pas capable d’altérer le thermomètre : au contraire
la plus petite lumière du foleil fuffit pour éclairer un
Ires - grand falon , & colore les corps beaucoup
mieux que ne pourroient faire mille flambeaux allumes
a-Ia-fois. En éclairant tant qu’on peut dans la
mut, on voit toujours peu & mal, les objets qui ne
font pas très-près de l’oe il, & même ceux-ci fe
voient toujours confiifément. Il efl cependant vrai
que les prunelles font plus élargies pendant la nuit,
& on peut inférer de là combien la fenfation , occa-
fiqnnée par les lumières noélurnes , eff plus foible.
Ainfi il peut très-bien fe trouver une rétine fenfible
aux effets du foleil & non a d’autres. Telle il faut
fuppoler la rétine de l’Anglois qui n’étoit pas bien
fenfible , puifqu’eüe ne voyoit goutte pendant la
mut. D ’ailleurs cette diverfité n’ell pas hors de
1 ordre naturel, puifqu’il arrive naturellement qu’un
homme y voit mieux qu’un autre, & que les oileaux
nocturnes voient très-bien la nuit ce que les hommes
ont de la peine à démêler confufement.
On ne peut pas h'xer combien plus efficacement
on peut relfentir la lumière du foleil. On a de fortes
railons pour foupçonner que la différence du jour à
la nuit clt beaucoup plus grande qu’il ne paroit par
les calculs. Les mathématiciens ont approuvé , il eft
v ra i, les expériences de Bouguer : elles démontrent
iimquement que la lumière du foleil eff plus denfe
que celle de la lune ; mais il n’en réfultc pas que
cette lumière doive faire une impreffion d’autan: plus
forte ; & de ce qu’elle éclaire trois millions de fois
plus , il ne s enfuit pas que la vue en foit d’autant
plus^laire. Cet illuffre philofophe a trouvé le moyen,
en faifant iifage de plufieurs verres, d’éparpiller fî
rayon du foleil, que la lumière , raréfiée &
attoiblie , ne paroît plus que lumière de lune. II
compare enfuite l’efpace éclairé par le rayon pri-
micit, & le large champ qu’il occupe quand il eff
eparpillé & rarefic, & il mefure ainfi l’une & l’autre
Inmiere. Mais qui eft-ce qui peut dire que la lumière
agit fur les corps avec une force proportionnée à fa
quantité ; qu en raifon égalé elle éclaire les objets ?
On peut encore moins mefurer la fenfation réveillée
dans I oeil par fes rayons, n’y ayant aucune relation
entre la lumiere & l’aélion d’un nerf qui fent dans
le cerveau. On doit obferver qu’à peu de diffance
du foyer du rniroir ardent, on reffent à peine la chaleur
de la lumière en plaçant la main fur les rayons,
R E T
& le thermomètre fmt à peine le pl„s petit moitve
ment pendem que dans le foyer tout fe
le brûle &c le vitrifie dans un niomenj. Si la pronn ’
non fuppoléc exifioit, la force devroit s’accroître e*"*
raifon de l’approche du foy er, & pourtant elle s’ac'^
croit fans inel'ure. Si donc la lumière du foleil accro'‘r
la force beaucoup plus qu’en proportion de ffs
rayons, je ne luiirois déterminer combien elle eff
pins forte que la lumière de la lune ; mais elle i’eff
toujours beaucoup plus que ce qui a été fixé par le
calcul énoncé. Eh ! que pourroit-on dire de L
iation fur la réunc, 6c des objets plus ou moins clairs
pendant le jour ou pendant la nuit ? 11 ne faut pas
confondre ici quatre chofes abfoîument féparées
les rayons en petite 011 grande quantité, forts oj
foibles , les objets clairs ou obfcurs , la vue bonne
ou iiiauvaife.
Réponfe aux ohjccüons. On démontre aitljî que la ref-
puatton & L'éurnumeni font tous des mouvemens
volontaires.
11 ne iuffir pas d’avoir démoncréles vérités établies
il faut refondre les difficultés qui pourroient être
faites avec quelque apparence de raifon. On poiirroit
oppoler que la prunelle rétrécie à une grande lumière
, & dilatée à une peiite , donne à croire que
le rctrecilïèmcnt eff fon état violent, puifque , pour
qu’il s’enluivc , U faut une force violente & extérieure
, pendant que la dilatation , qui a.-rive par la
privation de la lumière , doit être fon état namrel :
mais on prend ici pour caiife ce qui n’eff que fimple
occafion. Il arrive que la prunelle fe dilate quand la
lumière eff foible , parce que l'anima! veut vo ir , ^
il aéprouvé par l’expérience, qu’il lui faut élargir la
prunelle.^ Il le fait & il l’a fait un nombre infini de
fois depuis fon enfance , de façon que cela lui eff
devenu un mouvement d’habitude auquel il s’eft
accoutumé , par un long exercice , dans le befoin
continuel de voir. Si la lumière eff trop foible pour
bien vo ir , il faut dilaterla prunelle & en recevoir
une plus grande quantité. Il eff vrai que l’animal en
Ignore la raifon phyfique, mais il voit plus clair en
li.ifant ainli, & cela lui luffit. Trop de lumiere occa-
fionne au contraire deux maux ; un fentiment de
douleur dans la rétine^ & ]a vue confufe : ainfi la
prunelle fe rétrécit pour éviter la douleur ou pour
mieux voir.
Une autre difficulté naît de ce que nous voyons fa
prunelle îrès-dilatée dans les morts 6c dans les animaux
tués depuis peu ; elle eff alors fi large , qu’à
peine apperçoic on l’iris. Cela pourroit faire croire
que l’état naturel de la prunelle eff fa dilatation &
non fon ctréciffement ; car la mort, entraînant le
dernier repos de tous les mouvemens, paroît par-là
diffbudre toute contraction violente , enforte que
tout retombe dans fon état naturel de repos. Premièrement
ce fait n’eff pas toujours aulfi vrai qu’on
le raconte. J ai deja vu le contraire fur plufieurs
animaux ; & \Vinflow avoit déjà remarqué, dans les
cadavres humains, la prunelle médiocrement rétréc
ie , quelquefois beaucoup , mais jamais dilatée.
Ces obfervations ont été déjà citées par Morgagni
pour lesoppofer à M. Meri. J’ai moi-même obiervé
que les prunelles des morts de maladie étoient pour
la plupart rétrécies, dilatées dans un petit nombre,
& clans les autres ni dilatées ni rétrécies. Mais quand
même les prunelles de tous les cachn rcs feroient dilatées
, je répondrois avec Morgagni, que la prunelle
élargie des morts ne prouve pas la dilaraiioii naturelle
, comme les paujfieres , ejui reffent ouvertes
après le décès, ne prou vent pas qu’une force animale
les tienne ouvertes pendant la vie , & on n’en conclut
jamais que ce foit leur état naturel, car 011 fait
d’ailleurs qu’il y a des mufcles élévateurs qui font
gouvernés
R E T
gouverné parla volonté. Une chofe aulTi que j’ai ob-
jervée refont en grande partie la difficulté. Les chats,
les chiens, & autres animaux dans lefquels le fang
eff chaud , quand ils fe noient 6c périlTent de mort
violente , ont la prunelle fi dilatée , qu’à peine ap-
perçoit - on l’iris, ôc elle ne devient étroite que
quelque tems après. Donc la prunelle fe dilate clans
les grands efforts de l’animal qui meurt ; 6c on peut
croire qu’il le fait pour chercher à voir les objets qui
difparoiflent pour lui, 6c à recevoir encore cette
lumiere à laquelle il commence à ne plus être fen-
fiblc. L’iris ne fe détache pas tout de luite après la
mort, comme il arrive fouvent à plufieurs mufcles
& autres parties qui reffent convulfes, dures 6c con-
traéfées comme elles étoient peu avant la mort, fi
l’animal a expiré dans les convuifions & les douleurs.
Avant de réfoudre tout-à-fait cette difficulté , il
faut en rapporter une autre encore plus forte , parce
qu’il y a des réponfes qui peuvent fervir à toutes
les deux. Dans toutes les maladies du nerf optique
& dans le glaucome, la prunelle eff dilatée ; cependant
il paroît qu’elle devroit être rétrécie , fi c etoit
fon état naturel. L’obfervation eff généralement
vraie ; mais premièrement les preuves de l'étai naturel
cle la prunelle dans fon rétreciffement font dé-
cifives, de façon que ces objeélions indirecles 6c ambiguës
ne valent rien. Qui peut affurer que clans les
cadavres & par les maladies il n’arrive quelque changement
dans l’iris ? Qu’il ne lui manque par-là le
moyen , quel qu’il foit , de fe dilater ? Un peu d’humeur
qui manque dans fes canaux très-fubtils , les
nerfs qui n’ont plus aucune influence, & tout petit
dérangement enfin peut fuffire pour mettre l’iris hors
d’état de fe mouvoir. Il y a d’ailleurs trop d’exemples
de mufcles 6c de membres qui, au lieu cle retomber
dansleurétat naturel, reffent tels qu’ils furent laiffés
par une contraftion violente ou tel autre mouvement
accidentel. Les cadavres reffent auffî roides
dans leurs membres, & plufieurs fois dans les mêmes
altitudes dans lefquellesilsfurenifurprisparla mort,
fans répéter l’exemple des paupières ouvertes. On
ne peut donc inférer aucune preuve ni des maladies
ni des cadavres, pour décider de leur état naturel
pendant la vie 6c la fanté. Mais pour s’en tenir aux
preuves direaes, il eff vrai que les aveugles tiennent
la prunelle ouverte ; mais ceux qui ont eu le
malheur de perdre la vue , ne ceffent pas pour cela
de la fouhaiter, & de mouvoir les yeux comme s’ils
vouloicnt v o ir , & l’aveugle eff dans le même état
qu’un homme qui fe trouve dans une parfaite obfcu-
riié fans avoir perdu la vue. Celui-ci tient la prunelle
ouverte par le belbin qu’il a de lumiere ; l'aveu-
gle_ auffî la dilatera , non par l’effet de la lumiere ,
mais par une volonté qui n eff plus libre , puifque
l’ancienne coutume , & le defir perpétuel de voir
lui a rendu habituel ce mouvement ; 6c réellement
il tient les paupières ouvertes comme quand il jouif-
foit de la vue.
On ne réfléchit pas en faifant ces mouvemens,
parce qu’ils font devenus habituels: mais en font-ils
moins volontaires comme tous les autres, qui par
un long ufage deviennent néceffaires? La volonté
enfanta ces_ mouvemens jadis, mais iis lui devinrent
enfuite habituels. L ’animal ne peut plus fe contrain-
les organes même fe réduifent à ne pouvoir
I. us faire d’autres mouvemens, que ceux qu’ils font
lans ceffe ; 6c de-Ià vient l’habitude. On pourroit
faire à cela une objeêlion. La voici : on a jiris l’ha-
R têtrecir, aulfi bien que de dilater la prunelle,
& malgré cela on n’en fait pas ufage dans
ces maladies ; o r , il n’y a aucune rail’on , pour préférer
la première habitude ; ainfi la dilatation dans les
aveugles n eff pas une habitude, mais il faut dire
plutôt que c’eff l’état naturel de la prunelle. Je ré-
lomc
R E T 633 ponds qn à la nguenr Une faut aucune habitude pour
rurecir la prunelle, qui ne fait que revenir a cet état
dans lequel elle feroit toujours ; mais l'habitude eft
fenie i " ’" « que la lumiere n’oftenrl
to ' " ° s' ' '' cas-là , On
(1 toi joins à la dilater , on en contrafle bientôt
ni ne Po™aneme ne fe chance
h J e r e ‘’ ' î ° “ choc de trop de
o’ t “ objets trop
m--me il f ^ ‘ °"'feint. Et quand
meme 1 feroit vrai que la prunelle fe rétrécit par
habitude , comme par habitude elle fe dilate, piur
cela meme les aveugles devront la tenir foiiiours
clilatee ,par le continue! befoin de voir 6c feront en
conicquence dans le cas de faire prcvcaloir l’habiiude
de la dilatation, 6c jamais celle du rétrecilTcmenr
parce qui! ne font jamais affeftés parle trop de lu!
niiere , 6c jamais dans le cas d’en exclure le fupc-rnu
par le rctreciffement de la prunelle.
Pourquoi donc ne peiit-on pas dilater ou rétrécir
la prunelle quand on veut? Comment fonl-cc des
mouvemens volontaires , f! notre volonté ne les
dirige pas ? Il n’y auroit pas de réponfe fi cela cloit
v ra i, mais on fait déjà que les organes, accoutumes
des long-tems a femoiivoir dans un fens, ne peuvent
plus (c mouvoir dans un autre. Il faut expliquer &
démontrer ce que je dis par la raifon & par le fait ■
mais auparavant faut-il relever la foiblcffe de l’ob-
jeUion. On n’a qu’à ordonnerà qui que ce foi: de ne
pas mouvoir les paupières, ou l’oei! pendant l’efp.ice
dune heure, on eflaie l’expérience, mais on n’y
fciiHit pas,(Si enlin tôt ou tard il arrive qu’o.u remue
les paupières : pourra-t-on inférer de - là qii,- le
mouvement des yeux foil organique ? Si l'envie
nous prend de remuer les oreilles, c’efî en vain ;
ainft le,s mulcles des oreille, ne font pas des inflru-
mensd'un mouvement amm.d, & on peut dire que
le peu de pcrloiines qui les rennioient le faifoient
par une nécçffilé oigamquc. Le pas & la courfe
font volontaires, mais fr malgré cela on tenoit un
homme toujours emmaillotrc depuis fon enfance ,
& que I ayant mis enfin en liberté on lui ordonnât
foudain de marcher ; que feroit U avec tome fa
volonté déterminée .> Les yeux fe meuvent félon la
volonté, mais fi l’on veut les tourner en direaions
oppofées , on ne peut pas y réuifir. Les mouvemens
de leurs mufcles n’en font pas moins volontaires. Il
y a des perfonnes, qu’un chat, une araignée mettent
en hiite, malgré qu’elles fâchent que ces animaux
ne lont pas nmfibles; mais elles fuient & ne peuvent
pas faire autrement, par un horreur inconnue
qui naquit en elles des premieres idées mal combinées
de 1 enfance ; elles fuient enfin parce qu’elles
veulent fuir & fuient fans le vouloir, parce que la
raifon eft vaincue par l'horreur. U y a donc deux
genres de mouvemens animaux qu’il ne faut pas
confondre, les irréfiftibies & les délibérés, & deux
fortes aufTi de vouloirs , par habitude 6c par raifon.
Quand j’ai réfoUt de me promener, 6c que je
commence, je ne pourfuivrois pas fi je nevoiilois
à chaque pas lever le pied; mais malgré cela je ne
délibéré point à chaque pas. Un nuificien ne tireroit
pas d’harmonie de Ion infiniment, fi un confeii devoir
chaque fois précéder les mouvemens rapides de
chacun de fes doigts, qu’il remue en rems déterminés,
& place fans y prendre garde fur certains endroits
de fon violon. On fait, d’aifleurs, qu’il y a
certains mouvemens que l’on ne fait pas faire au
premier coup, &que tout volontaires qu’ils fonr,
ilfaut apprendre aies faire par habitude; autrement
la volonté & l’intention fuffiroient pour faire dans
un moment un chanteur ou un danfeur excellent.
Vn exemple de ces mouvemens que l’on ne fait
faire qu’exaéleroent dans les mêmes circonffances
L L Ü