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380 P I Q gn e s (c ) . En un mot, n’ayant point de nîobilitc,
comme l'obferve très-bien l’auteur des Pléfions, les
piques étoicnt moins uns arme pour chaque foldat
qu’un cheval de trize pour toute une troupe. Dès
qu’on avoit gagné le tort, le ibldat ctoit déiarmé.
Aufli a t-on vu de grands corps de piquiers battus par
des corps qui n’avoient que des armes courtes , 6c
affez Ibuvent meme par des piquiers,qui par leur maniéré
de le l'ervir de leurs piques, en faÜoient en quel- -
queforte desarmescourtes,& trouvoient le moyen
de rendre inutiles celles de leurs ennemis. Mais à la
vérité , il falloir pour de telles attaques la valeur la
plus déterminée. Les Romains nous fourniroient ici
beaucoup d’exemples , fi à l’imitation de pluheurs
auteurs anciens Sc modernes, nous voulions attribuer
la défaite delà phalange, du moins en grande partie,
à la longueur des piques dont fe lervoient les Grecs.
Mais, comme nous ne fommes pas tout-à-fait de ce
fentiment, nous prendrons nos exemples ailleurs.
» Carmignole, général de Vifeonti, duc de Milan , le
» trouvant engagé en rafe campagne contre dix-huit
»mille Suilfes tous piquiers, s’en alla au-devant,
» quoiqu’il n’eût que fix mille chevaux & quelque
» infanterie à leur oppofer. Le choc tut rude, & Car-
» mignole rompu & mis en tiuie. Ce brave & déter-
» miné capitaine ne fe découragea point, la honte
» lui fervit d’aiguiuon pour avoir fa revanche tout
» fur le champ. Il rallia fa cavalerie & revint. Mais
» lorfqu’il fe voit une certaine dlftance de l'enne-
» mi, il fait mettre pied à terre à fes gens-d’armes
» qui étoicnt armés de toutes pièces & fond fur les
» SullTcs ferré & en bon ordre. Il en vient aux mains,
» s'ouvre un pafl'age à travers cette foret de piques,
» en gagne le fort,& ces/7.'.7;/« deviennent inutiles Sc
» fans effet à caufe de leur trop grande longueur. Les
»Suilfes font enfonces....... Le carnagefut tel, qu’il
» ne s’en ed guère vu de pareil. De toute cette ar-
» mée, il ne relia que trois mille hommes, qui mirent
» armes bas ; le refte fut étendu mort lur la place. »
Folard , traité de Li colonne.
Machiavel, qui cite aiilTi cet exemple, nous en
fournit deux autres. « On avoit, dit cet auteur, dé-
» barque de Sicile dans le royaume de Naples de l’in-
»fanterle efpagnole , qu’on envoyolt à Gonfalve ,
»qui étoit alTiégé dans Barlette par les François. M.
» d’Aubigny leur alla au-devant avec les gendarmes
» & environ 4000 fantalnns Suilfes. LesSuilîes vin-
» rent aux mains, & avec leurs piques baltes firent
»jour au travers de l’infanterie efpagnole; mais
»ceux-ci, à l’aide de leurs rondaches, de parleur
» agiliré, fe mêlèrent avec les Suilfes, enlbrte qu’ils
» pouvoient les joindre avec l’épée : d’oii s’enfulvit
» la défaite de ceux-ci, & la viefoire des Elpagnols.
» Chacun fa it , ajoute Machiavel, combien furent
» tués des mêmes Suilfes à la bataille de Ravennes ,
» ce qui arriva pour la même railon, parce que l’in-
» fanterie Efpagnole vint l’cpée à la main lur eux, &
» ils auroient été tous taillés en pièces, s’ils n’eiilfent
» pas été fecoums par la cavalerie françolfe. Cepen-
» dant les Efpagnols s’étant bien relTerrés eniemble, fe
» retireront en lieu de fureté ». Art de la Guerre, /. l î .
A la bataille de Cerifolles,cinq mille cinq cens hommes
des vieilles bandes françoifes, qui entamèrent
l’aélion, battirent par la maniéré dont ils fe fervirent
de leurs piques, un corps de dix mille allemands ; ce
qui contribua beaucoup au gain de cette bataille;
Montluc, qui y étoit, en rend compte alfez claire-
(c) Le maréchal de Cati;:ar faifant la guerre dans les Alpes
■ ux Barbets, ôta les piques à fes foldats, parce qu’elles étoicnt
moins propres pour ces combats de montagne, Ce que le grand
feu y étoit beaucoup plus mile ; 6c l’on continua à en nier tfe
même dans les guerres d’indie, parce que le pays, qui eû
fort coupé, ne permettoir pas de s’étendre beaucoup en plaine.
Daniel, Hiß. de la Milice Françoife, Tonif H, liv. IH,
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ment. Il fait d'abord le détail des dlfpofitions du corn«
te d’Anguin, & de quelques efcarmouches qui précédèrent
l’affaire ; puis il rapporte l’avis qu’il donna fur
la maniéré donc on devoir combattre. Si nous
»prenons, dit-il, la pique au bout du derrière, &:
» nous combattons du long de la pique., nous fommes
» défaits : car, l’allemand ellplus dcxrre que nous en
» cette maniéré. Mais il faut prendre les piques k de-
» mi, comme fait le fuiffe, & baiffer la tête pour en-
» ferrer 6c pouffer en avant, 6c vous le verrez bien
»étonné. Alors, continue cet auteur, M. de Tais
» ( colonel des vieilles bandes) me crioit que je cou-
»ruffe au long de la bataille leur faire prendre les
» piques de cette forte, ce que je fis. Je m’encourus
» devant la bataille, 6c mis pied à terre. . . . Je criai
» au capitaine la Barte, fergent-major, cju’il courût
» toujours autour du bataillon , quand nous nous en-
» ferrerions, 6c qu’il criât lui &C les fergens derrière
» 6c par les côtés, poujjé:^ foldats ,pou[je[ s afin de
» nous poufl'er les uns les autres, 6c aiuli vinfmes au
» combat.....Voyer^fes Connnentaircs, Tom. I. Liv. II,
Ces ditférens exemples, joints aux oblervations
qui les precedent, prouvent évidemment que la trop
grande longueur de la pique elf un défaut très-effen-
liel ; qu’un corps de piquiers, qui ne fera pas com-
pofé de gens d’élite qui fâchent fc fervir de la pique
k la maniéré des Suilfes, ou qui ne fera pas mêlé
d’armes courtes , ne lera qu’un corps foiblc ; 6c que
l’audace & l’habileté auront toujours beaucoup d’afi
Cendant fur le nombre.
Ce feroit ici le lieu d’examiner fi enfaifant quelques
changemens à la pique 6c dans la maniéré de
l’employer , on n’eût pas pu remédier une grande
partie de fes défauts; 6c fi au lieu de la fupprimer on
n’auroit pas dû la conferver: mais cette dilcuffion
aura fa place dans cet article ; en attendant il n’efi:
pas hors de propos de faire voir que le fulil avec fa
bayonnette ne peut fuppléer k la pique contre le
choc de la cavalerie. Vpye:^ préalablement dans ce
Supplément les articles F'JSIL 6c MoUSQUETERIE.
Le maréchal de Puyfcgiir regarde le fufil avec la
baïonnette comme la meilleure arme de l’infanterie;
& d’après lui, tous les auteurs quife font éloignés du
fyfiême de la pique ont dit la même chofe. Ce fenri-
ment étant ablolument contraire à l’expérience, par
rapport à ce qu’on fe propole de difeuter ic i, on ne
fauroit mieux faire que de rapporter les raifons qui
paroiffent avoir déterminé le maréchal à l’adopter,
& de dire celles que l’on croit pouvoir y oppofer.
M, de T‘ \.\y\ègwv {^Arc de la guerre, 1 .1. ch. é?.) commence
par blâmer, & avec grande raifon, la maniéré
dont on difpofoit les piquiers dans les guerres
de Louis,XlV. U obferve que fi, au lieu de les placer,
comme on faifoit alors, au centre du front des bataillons,
on eût voulu en faire un ufage plus utile,
contre la cavalerie, il auroit fallu les placerai» centre
de la hauteur qu’il fuppofe k cinq. « De cette
» maniéré, continue le maréchal, quand la cava-
» lerie ennemie approche, les rangs & les files fe
» ferrent bien 6c préfentent les armes. La pique qui
» a quatorze pieds de long, paffe de plus de fept
» pieds le premier rang des moufquetaires; les deux
» premiers rangs mêles d’officiers fe tiennent debout,
» ou mettent genou à terre pour faire feu, fi on le
» leur ordonne; & comme ils font couverts par les
» p iq u e s , ils tirent avec plus d’affurance ; & les pi-
» quiers, couverts par les deux premiers rangs, pre-
» fentent leurs piques avec bien plus de fermeté ».
Cet auteur ajoute, en rappcllam le tems où les bataillons
fe mettoient en bataille à dix ou douze de
hauteur, que fi alors les premiers rangs avoient été
mêlés de piques 6c de inoufquets, il eût été difficile
à la cavalerie de les forcer. On ne voit rien jufques
ici dans ce que dit M, de Puyfégur qui ne prouve
P I Q
l’iitiUté iiS flq u e s contre la cavalerie ; car, qu’elles
eiiBentctc mal tlifpofées pendant long-tems, ceii’é-
toit allurement pas une raifon de les fupprimer ; d’au-
tant que j»ous devions favoir, puifque nous avions
tie l’infanterie k la bataille de Saint-Cothard , en
1664, comment on pouvoir s’en fervir utilement.
( Voyez fes M ém oires, liv . III. chap. 4 , Réglement
p o u r La. bataille de S a in t-G o tha rd .') « Les piquiers k
,> quatre de hauteur avec deux rangs de inoufque-
» taires devant eux, dit Moiitécuculli, formeront
» ce bataillon à fix de hauteur, 6c tout le refie de
» front. Le fuccès de la bataille , dit plus loin le
» même auteur, fit toucher au doigt coinbien on
» avoit eu de raifon de couvrir les piquiers de mouf-
» queraires, 6c les moufquetaires de piquiers.
» Quoi([ue cette maniéré de placer les piques au
» centre de la hauteur, reprend le maréchal de Puy-
» fégur, & non pas au centre du front, eût été plus
» utile contre la cavalerie, néanmoins les occafions
» de s’en fervir font fi rares, en comparaifon de
» celles oû elles font non-feulement inutiles, mais
» embarralfantes , comme dans tout ce qui efi: pays
» coupé de haies, de foffés, &c. pays de monta-
» gnes 011 tous les piquiers font inutiles 6c difficiles k
» mettre en ordre, que ce n’efi pas fans raifon que
» l’ufage en a été proferit ». Nous fommes convenus
ci-devant, en parlant des defauts de la p iq u e , de ceux
que le maréclial lui reproche ; mais ils nous ont
toujours paru infuffifans pour devoir exiger la fup-,
preffion de cette arme; puifqu’il y avoit plufieiirs
moyens, finon de la rendre utile par-tour, au mqins
de la conferver fans qu’il en pût refulter rien de nui-
fible, comme on le verra, dans cet article , & peut-
être même de la fuppléer par quelque nouvelle invention
, telle que celle du Fusil- piq u e . yoyeq_ cet
article dans ce Supplément,
M. de Puyfégur prétend que dans la guerre de
lyot, oû il n’y avoit plus de piques, du moins depuis
1704, cela n’avoit rien Ôté de la force des bataillons
, & que s’il y en a eu qui aient été renverfés
par delà cavalerie, ils l’auroient été de même du tems
des piques. Il efi aifé de s’appercevoir que le maréchal
fe trouve ici évidemment en contradiéUon avec
lui-même fur Tutilité'descontre la cavalerie.
11 ne faut pour s’en convaincre , que fe rappeller ce
que nous avons rapporté de lui ci-devant à ce fujet ;
à moins cependant, qu’en difant que les bataillons
qui ont été renverfés par de la cavalerie ne l’eufiént
pas moins été du tems des piques, il n’ait entendu
du tems des piques mal placées. La guerre de 1701,
dans laquelle cet auteur avoit été employé & qu’il
cite pour appuyer fon fentiment, n’efi point une
autorité qui lui foit favorable : du moins Folard &
Bottée , qui tous deux avoient aulTi fervi dans cette
guerre, penfent bien différemment.
« Les experts dans l’infanterie, dit le premier
» {^Traité de la colon, chap. /2.), s’étonnent avec
» raifon qu’on ait détruit l’ufage de la pique. Il efi
» bien plus furprenant,ajoute-t-il, qu’on n’y foit pas
» revenu, par l’expérience de notre derniere guerre
» de 1701,0c par ce qu’on auroit dû reconnoitre de
» foible dans la maniéré de combattre de nos voifins,
» 6c de ce qu’il y a de fort 6c de redoutable dans la
» nation Françoife. A la bataille de Rocroi, dit le
» fécond (^Etitdes m ilita ire s , torn. IL p. S oG .') , le
» bataillon odogone du régiment de Picardie n’au-
i> roit pu fe maintenir fans les piques, 6c fans les
» piques, \\ n’auroit pas fallu du canon pour achever
» bi défaite de l’infiinterie Elpagnole ; mais peut-
» etre ne s’eft-il pas donné une leule bataille de la
» derniere guerre ( 1701 ) oii l’on n’ait eu lieu de re-
» gretter les piques, fur-tout du côté des vaincus ».
Quiconque lira avec attention ce qui s’efi pafi'é à la
(econde bataille d’Hochfiet, à Ramillies, à Turin,
Q 381
ne pourra douter de rimpartialité du rapport de
ces deux auteurs.
« Ce n’ efi pas h pique feule , dit M. de Puyfégur^
» {A n de la guerre, ibid. ) , qui empêche la cavalerie
» d’enfoncer de l’infâmerie, mais bien l’ordre de
» bataille qu'elle tient ». Pourquoi donc, répondrons
nous U cela, a-t-on fi fouveni vu des corps
dinfanterie renverfés par de la cavalerie? S’il y a
quelques exemples du contraire, ils font en très-
petit nombre. Nous en avons nous-mêmes rajjporté
plufieurs à Vartide Mousqueterie, Suppl, mais
encore , peut-être que bien examinés , ils ne prouve-
roient pas grand’chofe furla rcfiftance que peut faire
l’infanterie fans piques contre la cavalerie ; car il efi;
affezvraifemblable que les corps qui firent la retraite
à Hochfiet, 6c à Villaviciofa enflent été totalement
détruits fans la nuit qui les fauva. La colonne des
Anglois à Fontenoi finit par être taillée en pièces par
la cavalerie, à la vérité à l ’aide de l’infanterie 6c du
canon. EiàSandershaufenle régiment Royal-Bavic-
re, quelque brave 6c ferme qu’il foit, eût été infail-
iiblement enfoncé, fi la cavalerie qui vint defiuscûc
eu plusdenerf,& qu’elle eût été foutenue, d’autant
que ce régiment n’auroit pas eu le tems de recharger
fes armes. Au furplus nous avons un fi grand
nombre d’exemples à oppofer à ceux-ci, qu’il efi af-
fez fuperfiu d’entrer dans un plus long détail à cet
egard. Nous ferons toutefois de l’avis du maréchal ;
mais non pas quand il fuppofera, comme il ic fait,
fon infanterie à cinq de hauteur & fans piques.
« Si l’infanterie, continue cetauteur, efiinfiruife,
» fi elle fait ménager fon feu & tirer k propos , en
» un moment elle fe fera fait un rempart d’hommes
» & de chevaux qui empêcheront ceux de derrière
» d’approcher; car il faut encore que le cheval le
» veuille auffi-bien que l’homme, & l ’un 6c l ’autre
» de tué ou de bien bleffé, ne fait qu’embarraffer
» les autres ».
Nous avons fait voir que rien n’eft fi incertain que
le feu de notre infaiiterie en plaine, 6c que le plus
fouventil peut lui être auffi dangereux quenuifible.
Hoyei ['article Mousqueterie , Suppl. Ainfi cette
reflüiirce n’eft pas affez fûre contre la cavalerie ;
mais elle le feroit certainement avec les piques qui
font un rempart, à l’abri duquel le foldartaic fon feu
avec bien plus de fermeté. Du refie, on fait ( nous
avons eu plus d’une occafion de le remarquer nous-
même ) qu’un cheval qui reçoit un coup de feu n’en
efi que plus animé, 6c fe jette prefque toujours en
avant ; mais que fi au contraire il efi blefié de la
pointe d’une arme blanche, quelque prefie qu’il foit
de l’éperon, il avancera bien difficilement, 6c la
raifon de cette différence efi affez fenfible. C ’eft,
comme l’ont obfervé plufieurs auteurs, par les yeux
que la peur entre dans l’ame de la brute , ainfi que
dans celle de l’homme. Le cheval ne fauroit être
effrayé d’une balle qu’il ne voit point; k peine ap-
perçoit-il d’où elle part, La douleur d’un coup de
fufil s’éteint en meme tems qu’il le reçoit; au lieu
qu’il reffent d’autant plus vivement u ^ou p de pique,
qu’il voit diftinfiement d’où il lui vient, 6c quil
conçoit que plus il y refiera & plus fa bleffure augmentera.
« Cette cavalerie, ajoute le maréchal, ne peutfe
» fervir d’aucune arme pour attaquer cette infanre-
» rie ; il faut auparavant que par le choc & la force
» des chevaux , elle foit entrée dans le bataillon ; 6c
» c’eft à quoi elle n’eft pas fûre de réufiîr contre
» une troupe ferme. Le fécond rang des chevaux ,
» ni les autres de derrière , ne poufient pas facile-
» ment le premier; mais en le ferrant de prés, ils
» l’empêchent feulement de reculer 6c de tourner
» la tête : l ’infanterie au contraire qui, pour lors ,
» ferre bien fes rangs 6c fes files, fe pouffe, 6c le«;