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filiation , mais il s’y en peut trouver quelqu’une fur
qui l’a£lion du climat, apj>uyant davantage, aura
fortement imprime fon caraftere , ou qu une fécondation
fortuite de quelque efpece indigene & dure
aura marqué d'nn fceau particulier , enforte que
l ’individu , né de cette femence heureufe , fera une
variété dilHnfte , &C pourra devenir la tige d’une
race nouvelle , d’une race dont la parfaite harmonie
avec la température pourroit faire penfer qu’elle ell
indigene, li l’on ignoroit fon origine.
Que les végétaux puiffent, en unifiant leurs fexes,
changer leur efpece & produire des variétés, c’efi:
ce dont nous ne faurions avoir le moindre doute.
Nous avions un giraumon , figuré en bouton applati,
dont les branches courtes & droites fe ralTeniblolem
en buiffon ; l’ayant planté près d’un rang d’autres
giraumons à fruits longs &C à branches étendues 6c
divergentes, quoique nous n’ayons recueilli 6cfemé
l ’année fuivanre que les pépins de la premiere efpece,
nous la vîmes par-tout défigurée dans les individus
qui en provinrent; la plupart montroient une figure
•alongée, & ctendoient de grands bras. Il ne s’y
trouva que deux plantes qui eulTent confervé fans
altération la figure de l’efpece mere , & où l’on ne
pût reconnoitre quelque trace de communication
avec les autres.
De ces plantes folles, on ne peut obtenir que'des
variétés fugitives que l’on verra toujours fe difiiper
6c difparoître fi on les cultive dans le voifmage des
antres, 6c qu’on les multiplie par les femences ;
pour les contenir, pour les arrêter, fi on en avoit
trouvé quelqu’une qui en valût la peine, il la fau-
droit ifoler 6c féquefirer, ou bien ne la propager
que par les boutures, les racines, les marcottes,
comme on le pratique pour certaines fleurs 6c pour
une efpece de chou.
A régard des arbres 6c des plantes ligneufes,
quelque variété utile une fois découverte, on la
peut multiplier, fixer 6c améliorer encore par le fe-
cours de la greffe , fi c’efi une herbe ou un grain de
l’ordre des végétaux dont les variétés ne femblent
fe former que par une culture riche 6c fuivie, il fuf
fira de la lui continuer. Mais fi l’on n’efi pas encore
pleinement fatisfait de ces arbres 6c de ces plantes,
fi l’on veut tenter de nouveau la libéralité de la nature,
leurs femences 6c celles de leur génération ,
qu’on ne cefTera de faire éclorre avec tous les foins
d’une incubation féconde 6c appropriée , pourront
dans la fuite donner naifiance à quelque race encore
plus utile & plus acclimatée.
La lairiie hivernale, le choux-fleur dur, le choux
d’hiver; la même femence de cyprès qui donne des
individus tendres à la gelée & d’autres qui le font
moins ; un aiaterne obtenu de graine dans nos pépinières
, qui eft bien moins fenfible au froid que les
autres; l’arboufier d’Irlande, parfaitement reffem-
blant à celui d’Italie , mais infiniment plus dur; les
animaux acclimatés, l’âne , la poule d’Afrique , le
paon , le coq-d’inde, la race des moutons de Siiede,
originaire de Barbarie, tranfportée, croifée fiiccef-
fivement en Efpagne & en Angleterre ; nombre
d’autres faits fondent l’efpérance du fuccès de ces
épreuves.
La (fégénérettion n’efl: autre chofe que ces change-
mens fucceflifs que fubit une efpece , qui l’alterent,
la modifient, la recompofent, la rabailTent au ton
du climat 6c lui font prendre le niveau des races indigenes;
mais on gagne à ces changtmens aiiffi fou-
vent qu’on y perd ; une nouvelle athmofphere, un
fol plus riche, une température plus douce, plus
égale , régénéré, embellit, améliore l’efpece, il fuf-
fir de l’abandonner à fes heureufes influences, &
dans des circonftancesoppofées on peut, en condui-
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fant de l’oeil ces tranfmutarions, en y faifant concourir
tous les agens convenables, rendre les pertes
les moindres polfibles,ou bien les coinpcnfcr par
de nouveaux avantages en multipliant les gains ,
ou en les adaptant à des ufages noviveaux.
Le cep de Bourgogne tranfporté au C:)() de bonne
Efpérance, où il donne un jus fi différent 6c fi délicieux
; la pêche, originaire de Perfe , médiocre &c
dit-on mal-faine en cette contrée, adoucie, abreuvée,
parfumée, enflée, moulée & diveifiriée à l’infini
fous la main de nos cultivateurs; quelques-uns
de nos légumés tranfportés en Amérique , qui y
ont pris du volume ÔC font devenus plus tendres,
plus fucculens ; tant d’autres faits que nous pourrions
rapporter, viennent à l’appui de notre premiere
afl'ertion.
Et quoique l’altération produite par le climat,
puiffe détériorer l’elpece, fouvent ce n’ efl pas au
point d’en ôter tout le prix , le café traniporté de
î’Yemen dans l’ifle Bourbon 6c à Madagafcar ne s’y
trouve pas fi dépourvu de qualité qu’d n’ait pu y
former une branche de commerce confldérable. Î1
fe peut aufll qu’une plante dégénéré dans une de
fes parties ou dans une de ies qualités, 6c qu’en
d’autres elle s’améliore. Le chêne qui croît en Provence
eft moins haut que dans les contrées du nord,
mais fon bois eft plus dur ; le fapin qui vient iùr les
fommets les plus élevés des Alpes, le noyer planté
fur les rochers, quoique déplacés, dégrades, mé-
connoiflables, ne lailTent pas de fournir un bois plus
précieux que celui des mêmes arbres dans les ter-
reins qui leur font propres. Le bled de Sibérie n’esr
qu’une variété du felgle , mais il le contente des t'ois
les plus âpres 6c les plus froids , on en fait en fis le-
maines la femaille 6c la récolte. Il eft donc d’uu ;
grande utilité dans ces contrées glaciales où la nature
expirante permet à peine à la végétation deu ;
mois d’aélivité.
Combien de variétés utiles qui exlftent en certaines
contrées encore à notre infii? combien que
cachent les deferts, ou qui font peut être éclofes
fous nos yeux fans que nous ayons fit les voir 6c en
profiter? 6c quel champ immenfe on pourroit ouvrir
à de nouvelles découvertes avec plus de lumières
6c d’attention? Pour qui ne réfléchir pas à
la perpétuelle agitation de la matière organifée, à
fon penchant à produire, à fa perfeéfibiliré, à fes
tranfmutarions fans nombre, à tant de nouveaux
moules qu’elle forme 6c qu’elle prodigue fans ceffe
aux yeux de celui-lâ feul, nos acquifitions pourront
paroître immenfes; mais frappés de ces phénomènes^
que l’on compare l'inventaire de ce que nous pof-
fédons, avec le prodigieux nombre d’années qui fe
font écoulées depuis que la terre eft foumife à la
main de l’homme ; étonnés alors 6c confus de notre
indigence au prix des richeffesque nous aurions pu
créer ou que nous avons laiffé échapper, on fe
convaincra que cette main plus favante , plus labo-
rieufe , plus ardente à la pourfuite de nouveaux
biens, en auroit obtenu mille fois davantage qui lui
font réfervés dans les tréfors de la nature 6c de
rinduftrie.
Nous ignorons l’origine de nos fruits, de nos
grains, de nos légumes, c ’eft qu’ils ne font point lu-s
fous des yeux éclaires 6c attentifs, c’eft que nulle
direction, nul delTein n’a préfidé à leurs formations ;
le hafard feul a fauvé leurs germes du néant où notre
inattention les laifte depuis tant de fiecles rentrer
en foule dès leur naiffance.
Pour ne parler que des fruits, a-t-on les moindres
faits qui puiffent fervir à leur hiftolre ? Sait-on
feulement de quel lieu on les a tirés , de quelles ef-
peces ils font provenus ? Preuve certaine que fi on
les a trouvés, on ne les avoit point cherchés.
Nous
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N ous ne femons des fruitiers que depuis peu d’années
, dans la vue d’obtenir de nouvelles efpeces ,
ÔCjfans nous en etre fait encore un travail fuivi. Cependant
nous avons déjà vu paroître des variétés
precieufes ; une fort bonne cerile de couleur lilas ,
marbree de violet, nous eft venue d’un noyau de la
cerife blanche oblongue. Le maron de Lyon nous a
donné un individu dont le fruit eft de bonne grof-
feur 6c mfirir très-bien dans notre froide province ;
h greffe noix royale a le défaut d’avoir une coque
tort dure , une petite amande 6c de mauvais goût ;
ayant formé le deft'ein d’obtenir une noix auffi belle
mais plus pleine 6c meilleure , nous avons pl.anté
les plus grofles d’entre les noix mefanges, dedans
un tres-petit nombre d’individus nous en avons gagné
un très-fertile dont la noix eft égale en groffeur
aux plus groffes d’entre les noix royales, mais plus
alongée 6c dont le bois très-mince, très-tendre , enferme
une très-grofle amande d’un très-bon goût.
Le raifin appelle verjus, délicieux au midi de la
f r an c e o ù fl acquiert toute fa maturité , n’y peut
parvenir, comme on fait, dans les provinces du nord,
mais un de fes pépins vient de nous donner une variété
connue fous le nom de vigne afpirarne, dont
le raifm excellent 6c femblable au verjus, y mûrit
en perfeèlion , 6c dont les farmens vigoureux s’élancent
avec une vigueur étonnante 6c garniffent en
fort peu de tems les plus haut murs.
Nous avons employé aflez incliftinflement les
mots de variété, de ài. d'efpece ; c’eft qu’en
ehet ils nereprdenteut pas des divifions bien di-
itinctes ; les variétés font plus ou moins variables;
les unes, comme les grains, ne viennent, fuivant
toute apparence, que d’une culture féconde 6c long-
tems continuée; fi on les négligeoit quelque tems,
on les verroirfe dépouiller de leur caraeflere 6c de
leurs avantages; pour prévenir leur dégénération
on elt meme contraint d’en changer la lemence au
iîout de quelques années; d’autres variétés provenues
de la copulation de plantes analogues font tel-
Jernent dilpoiées à contrader de femblablesalliances,
qu on es voit fans ceft'e fe jouer fous mille formes
nouvelles, 6: qu’on ne peut qu’avec lieaucoup de
peme les ptp,eti,er lans altération ; la plupart de nos
fruits en offrent de .noms changeantes; quelques
unes ni^cme font très^arrêtées ; la prune d'alteffe |,
(ainte-Catherine, deux ou trois pêches , l’abricot’al-
berge, &c. k perpétuent par les noyaux prefqiie
fans variation ; ce font de véritables efpcces pour
ceux qui veulent, non fans raifon, que l’on recon-
noifie a cette épreuve le caraflere fpécifique ; ce
n en font plus pour le botanifte qui prend ce cara-
ttere des differences bien marquées dans la forme
des feu, les ; mais y a-tü des efpeces abfoliiment
invariables ? Il faut bien que non, puifqii’il ne s’en
clt pas trouve une feule, dans le nombre de celles
que I homme manie depuis long-tems, qui n’ait
change par les femences ; &l f, l’on a vu naître d’une
plante une variété dont les feuilles très différentes
lu. mcnteroient le nom d’efpece de la part du botanifte
, & dont la Habilite dans l'épreuve des ferais
lui vaiidroit le meme honneur de la part du culti
vateiir, comme le fraifier de Verfailles iffu du capron
& comme plufieurs plantes nouvelles nées
dans les jardins d’UpfaI; avec ce double caraftere
n eft on ,)as en droit de penfer qu'il fe forme de tems
a autres des races nouvelles ? Il y auroit donc plufieurs
ordres de variétés & plufieurs ordres d’ef-
peces, iSe entre ces nuances on ne fauroit guere o(t
placer une borne ; quoi qu’il en fo it , ces faits nous
prouvent 1 immenfe neheffe de la nature, & nous
C’gsger toujours plus à folliciter fa généaux
feules efpeces qu’un
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contrée ’ " ° “ * différentes
es, nous n avons miÜemenr foncé â en tirer
vegçtaie. Abandonnées à elles - mêmes, ces force.
la n te s& 'in a ff " '‘' ' r ‘■ ■ "‘'"l“ P'"*' ° “ ''';" '
à la faveur d’une
caufe agiflante & ignorée elles ont répandu & fait
fo.fonner les germes autour de nous, faute de foin
& d incubation , ils n’ont pu éclorre & fe dévelon-
fres f“ ''« s , ioignons-y lesnô-
Icur’s fee cN " 1 f 'P ’'"'’ pour enfrerdans
an ’ P°‘"'j.'® favorifer, pour les conduire,
M tnoms pour amaffer les tréfors qu’elles difperfent,
L dTns'’ la‘’ r '' " ° “ ' ■ '"P,™"'’ " d'avoir laiffé élein-
iirL^ r ^ aille génération, Reft
«ônsie^°“ ’ “ ‘- ' ' r aonm.es, conm
C l eremiltip ,er, ®en "m""o drifii'e"r’, en varier, en anmaénl iPor°eurr leens
germes , a travers toutes les nouvelles formes dont
Is le vont revetir a nos yeux, cherchons A de,né-
1er un procédé fimple & unique, qui ne fait peutu
Z f iT divers accidens qu’on
peut faifir, connoitre & preparer; fuivons à la trace
la nature végétale, clans fes voies les plus cachées;
nrn n ’ ° ‘ étude fpéciale do fa re-
^ ’ ■ «nsformations & de fon perfe-
Pourquoi ne s’éleve-t-ilpasdcs fociétés qui fepro-
pofent une telle carnere, oî. il ne s’agit pas de in L s
que d une nouvelle création? Carnere immenfe qui
ayant d autres bornes que celles de la faculté pro-
dudtive de la raatiere organifée. Se des lumières
progrreflives du genre humain, bien loin de pouvoir
s enfermer dans les limites de la vie d’un individu
ne peut être embraffée que par une compagnie perl’'"',''?
I n- ^ P“* invariabilité
d etabhfleraent qui ne peut fe trouver dans les hé-
mages quon voit fans ceffe fe partager, fe dilapi-
der, changer de mains &c de formes, & qui em-
porteroient dans leurs révolutions tout cet appareil,
toute cette tradition d’expériences, dont une fuite
infime & non .„terrompue, peut feule nous affurer
tendre
c o S d S T f “' nn cfpace & des frais
trouvent fi doux de s’emparer des fruits desÙabems
communs , fans y rien mettre du leur, & qui fem-
blables aux animaux de proie. détruifent & con-
fomment fans rieu reproduire, peut-on leur propô-
fei de fe tranfporter par la penfée, dans un profond
avenir, d y lomr par anticipation des biens prépares
a nos derniers neveux , eux qui ne connoiffent
de jouiffance que celle des fens, & d’exiftence que
celle du moment? ^
11 feroit donc néceffaire que ces fociétés reçuf-
fent de pu,flans fecours du gouvernement. Les peut-
il aeccorder a de plus belles vues? ce font les f.en-
nés ou du^nioins ce les doit être. Centre & foyer
toutes fes parties, les pénétrer de chaleur, les en-
vironner c^e lumières, ce n’eft plus le tems oî, une
politique deftruaive lui failoit abforber fans ceft'e
lans longer aux remplacemens & aux accroiffemens!
repioduéteur &c créateur, nous le verrons défor-
mais epancher en utile rofée fur nos terres ce qu’il
en a tire d abord ; comme on voit un miave^ ne
pomper 1 humidité des plaines que pour l'y rever-
1er par des phues bienfai/àntes.
Il daigneroit donc accorder à ces fociétés des terreinsetend^
en des lieux cpii rafl'emblent une grande
diverfue de fols, de pofitions & d’afpeas, & à portée
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