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tJ
P R O
U R G A N D E.
i iM'*
Lo rfq u Amad'is p e t ite tine d o uU u rprofonde.
N ou s f i t retirer duns ces lieu x .
V n charme ajfou p ifa ne devoil fermer nos yeuX
J u fq t iiiii terns fa r iim i que U dcflin du monde
V ip e n d r o ii d'u n héros encor p lu s glorieux.
À L Q U I F.
C e héros triomphant v^ut que tout fa i t tranquille.
£ n vain mille envieu x s’arment de toutes parts l
D 'u n m o t , d'u n f e u l de fe s regards ,
I l f a i t rendre d f o n gré leur fureur inutile.
(Enlemble.)
C e f à lu i déenfeigner
A u x maures de la terre ^
L e grand art de la guerre ;
C c j l à lui d'enfeigner.
L e grand art de régner.
Pai recueilli ces traits, parce qu’ils font mis en
oubli , que ces prologues n’ont plus lieu , & que
perfonne ne s’avife guère de les lire , perfuadé ,
ûomme on l ’eft , qu’ils ne font pleins que de fades
louanges, &; de petits airs doucereux. On y peut
voir que de tous les flatteurs de Louis X IV , Qui-
nauli a été le moins coupable , puifqu’en le louant
à l’excès du coté de la gloire des armes, il n’a celle
de mettre au-delTus de cette gloire même la magna-
nimltc, la démence, la juflice & l’amour de la paix,
& que les lui attribuer comme fes vertus favorites,
c’étoit du moins les lui recommander.
Depuis qu’on a inventé l’opcra-ballet, c'ed-à-
dire , un fpeélaclc compolé d’adles détachés quant à
l ’adlion, mais réunis fous une idée colledtive comme
les fens, les élémens, le p ro log u e , leur a fervi de
frontifpice commun : c’eft ainfi que le débrouille-
ment du cahos fait le prologue du ballet des élémens i
& le début de ce prologue éft digne d’être cité pour
modèle à côté de ceux de.’Quinault :
L e s tems fo n t arrivés : ce£ei trifle cahos .*
Paroiffeq^ élémens : D i e u x , alleq^ leurpreferire j
Le mouvernent & le repos.
T e n e i Us enfermés chacun dans fo n empire.
CouUq_, ondes , couleq_; vole\ , rapides f e u x ;
V o ile a \u ri des airs , embrajfe^ la nature,
Terre enfante des fru its ^ couvre-toi de verdure ;
Nai(fe^ , mortels , p o u r obéir a u x D i e u x .
(A L M a r m o n t e l . ')
Pr o lo g u e , (^Mujique. ) forte de-’petit opéra
qui precede le grand , l’annonce & lui iert d’iniro-
diidlion. Comme le fujet des prologues efl ordinairement
élevé, merveilleux, ampoulé, magnifique,
& plein de louanges, la mufique en doit être brillante
, harmonieufe , ÔC plus impofante que tendre
& pathétique. On ne doit point epuifer îlir le pro-
les grands mouvemens qu’on veut exciter dans
la piece , ôc il faut que le mulicien , fans être mauf-
fade & plat dans le début, lâche pourtant s’y ménager
de maniéré à fe montrer encore interefl'ant &
neuf dans le corps de l’ouvrage. Cette gradation
n’eft ni fentie, ni rendue par la plupart des compo-
liteiirs ; mais elle eft pourtant nécelTaire , quoique
difficile. Le mieux feroit de n’en avoir pas befoin ,
fie de Tuppricner tout-à-fait les prologues qui ne font
guere qu’ennuyer & impatienter les fpeéfateurs , ou
nuire à l’intérêt de la piece , en ufant d’avance.les
moyens de plaire & d’intéreffer. Auffi Les opéra
françols font-ils les feuls où l’on ait confervé des
pro log u es ; encore ne les y fouffre-t-on que parce
qu’on n’ole murmurer contre les fadeurs dont ils
font pleins. ( 5 )
PROMETTEUR , ou P r o m i s s e u r , terme de
l’a n c i e n n e q u i f i g n i f i e l’un des aftres dont
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on confidere l’afpeft pour en tirer desconféqueheelSi:
Par exemple , le foleil, ou la lune, étant pris pour
fignificateurs de quelque événement, fi une planete
fe trouve un peu plus loin , & qu’elle doive être
confidérée à Ion tour , le point où elle eft le nomme
p romijfeur, le fignificateur eft comme le fujet qui
doitrecevoir quelque chofe du prometteur z n certairt
tems. ( Af. D E LA L a n d e . )
PROPAGATION de la lumière, {^ A f r o n . ) le tems
que la lumière du foleil met d venir julqii’à nous ,
eft une découvertequifutfaite dansle dernierfiecle,
que les aftronomes dclignent ordinairement fous
le nom de prop-agation fuc ccffîve de la liumere.
Cet intervalle de tems eft de 8' 7" 7 dans les
moyennes diftances du foleil d la terre.
Les fatellites ont fait découvrir aux aftronomes
la propagation de la lumière, celle-ci a
fait découvrir d M. Bradley la caufe de l’aberration ;
& celle-ci déterminée rigoiircufement par les ob-
fervations a fait connoîire plus exaélement l’effet
quidevoit en réfulier pour les fatellites de juplter,
qu’on n’auroit pas pu démêler, d une minute
près, parmi toutes les autres équations qui compliquent
les tables des fatellites. ( A i d e l a L a n d e . )
§ PROPORTION, ( Mufique.') égalité entre deux
rapports. Il y a quatre fortes de proportions ; favoir
la proportion arithmétique , la géométrique , l’harmonique,
& la contre-harmonique. Il faut avoir
l’idée de ces divcrlcs p r o p o r t i o n s pour entendre
les calculs dont les auteurs ont chargé la théorie de
la mufique.
Soient quatre termes ou quantités a b c d ; (i
différence du premier terme a au fécond b , eft égale
à la différence du troifieme c au quatrième d , ces
quatre termes font en proportion arithmétique. Tels
font, par exemple, les nombres fuivans, 2 ,4 , 8, 10.
Que fi , au lieu d’avoir égard d la différence on
compare ces termes par la maniéré de contenir ou
d’être contenus : f i, par exemple, le premier eft
au fecondi^, comme le troifieme c eft au quatrième d ,
la proportion eft géométrique. Telle eft celle que
forment ces quatre nombres a , 4 : : é*, tC.
Dans le premier exemple , l’excès dont le premier
terme 2 eft furpaffé par le fécond 4 eft 2 ; Sc
l’excès dont le troifieme à“ eft furpaflé par la quatrième
to eft auffi 2 ; ces quatre termes font donc
en proportion arithmétique.
Dans le (econd exemple, le premier terme 2 eft
la moitié du fécond 4 ; & le troifieme terme 8 eft
auffi la nloitié du quatrième tC. Ces quatre termes
font donc en proportion géométrique.
Une proportion i foit arithmétique, foit géométrique,
eft dite inverfe ou réciproque, lorfqu’après
avoir comparé le premier terme au fécond, i’on
compare, non le troifieme au quatrième, comme
dans Va proportion direfte, mais à rebours le quatrième
au troifieme, & que les rapports ainfi pris fe trouvent
égaux. Ces quatre nombres 2 ,4 1 8 ,6 , font en
proportion arithmétique réciproque; & ces quatre 2,
4 : : 6, 3 , font en proportion géométrique réciproque.
Lorfque dans une proportion direéie , le fécond
terme ou le conféqueht du premier rapport, eft
égal au premier terme ou à l’antécédent du fécond
rapport, ces deux termes étant égaux font pris pour
le môme, & ne s’écrivent qu’une fois au lieu de
deux. Aînfi dans'cefte/’ro/?or//o/z arithmétique 2 ,4-
4 , 6 ; au lieu d’écrire deux fois le nombre 4, on ne
récrit qu’une fois, & \a proportion fe pofeainfi
4 , 6 . ^
De même dans cette proportion géométrique, 2 ,
4 : : 4 , 8 , au lieu d’écrire 4 deux fois, on ne l’écrit
qu’une, de cette maniéré-14- 2, 4, 8.
Lorfque le conféquent du premier rapport fert
ainfi d’aotécédent au fsegn^ rapport » &
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proportion fe pofe avec trois termes,cette/;ro/»omo/2
s’appelle co n t in u e , parce qu’il n’y a plus, entre les
deux rapports qui la forment, l’interruption qui s’y
trouve quand on la pofe en quatre termes.
Ces trois termes -L- 2 , 4 , 6 , font donc en /»ro-
/7om'(5rzarithmétiquecontinue, &ces rrois-ci,-^2 ,
4 , 8 , font proportion géométrique continue.
Lorfqu’une/'n7/;orr/(j;2 continue fe prolonge , c’eft-
ù'clire, lorlqu’ellc a plus de trois termes ou de deux
rapports égaux, elle s’appelle progrcffion.
Ainfi, ces quatre termes 2 , 4 , 6 , 8 , forment une
progreffion arithmétique , qu’on peut prolonger
autant qu’on v eu t , en ajourant la différence au
dernier terme.
Et ces quatre termes 1 , 4, 8, 16, forment une
progreffion géométrique, qu’on peut de même prolonger
autant qu’on veut, en doublant le dernier
terme, ou en général, en le multipliant par le quotient
du fécond terme divifé par le premier, lequel
quotient s’appelle Xexpofant du rapport ou de la
progreffion.
Lorfque trois termes font tels que le premier eft
au troifieme, comme la différence du premier au
fécond eft à la différence du fécond au troifieme ,
ces trois termes forment une forte de proportion appellee
harmonique. Tels font, par exemple, ces
trois nombres 3, 4, 6 : car comme le premier 3 eft
la moitié du troifieme 6 , de meme l’excès i du fécond
fur le premier, eft la moitié de l’excès 2 du
troifieme fur le fécond.
Enfin , lorfque trois termes font tels que la différence
du premier au lecond, eft à Indifférence du
fécond au troifieme, non comme le premier eft au
troifieme, ainfi que dans la proportion harmonique ;
mais , au contraire, comme le troifieme eft au premier,
alors ces trois termes forment entr’eux une
forte (Xiproportion appellée proportion contre-harmonique.
L’expérience a fait connoître que les rapports de
trois cordesfonnantenfembie l’accord parfait tierce-
majeure , formoient entr’elles la forte de proportion
qu’à caufe de cela on a nommée harmonique : mais
c’eftdà une pure propriété de nombres qai n’a nulle
affinité avec les fons, ni avec leur effet fur l’organe
auditif; ainfi, la proportion harmonique la proportion
contre-harmonique n‘appariiennenr pas plus à
Fart que la porportïon arithmétique 6c la proportion
gcoinéirique, qui même y font beaucoup plus utiles.
1! faut toujours penfer que les propriétés des quantités
abltraitcsne font point des propriétés des ions,
6c ne pas chercher , à l’exemple des pythagoriciens,
jene fais quelles chimériques analogies entre chofes
de différente nature , qui n’ont entr’ellcs que des
raoports de convention. ( 5')
PROPREMENT , adv. ( ) Chanter ou
jouer proprement, c’eft exécuter la mélodie françoife
-avec les ornemens qui lui conviennent : cette méthode
n’étant rien par la feule force des fons , Gc
n’ayant par elle-même aucim caraélere , n’en prend
tin que par les tournures affeftées qu’on lui donne en
rexécutant. Ces tournures enfeigneespar les maîtres
de goût du chant, font ce qu’on appelle les agrémens
<!u chant François. V o y e i A g r é m e n t ( Mufique. ) ,
clans le D ic l. r a i f des S c i e n c e s&c. ( 5 )
PROPRETÉ , ( M u fq u e . ) exécution du chant
François avec les ornemens qui lui font propres , 6c
qu’on a p p e l l e d u chant. V o y . A g r é m e n t ,
( AL/ƒç«e. ) ciajig le D i 'd . raif. des Sciences'^ 6cc.
PROPRIÉTÉ DU STYLE , ( Be lles-Lettres.) Trois
chofes contribuent principalement à la perfection
(1 un ouvrage ; le choix du fujet, l’ordre du plan, 6c
V<\ p ropriété d u ^ yU : ce n’efi pas afi'ez d’im plan qui
Icnsfaic, ni d un lujçt qui affeéle dans un ouvrage
P R O 539 d’efprit, il faut encore un ftyle qui attache. Mais par
Oii le ftyle produira-t-il cet effet ? Ce ne fera point
précifément par fa correélion, ni par fa clarté, ni
même par fa facilité 6c l’on harmonie ; ces qualités
lont néceffaires , mais elles ne font pas toujours in-
tereffantes : fans elles orf^ft liir de bleffer ; avec elles
on n’eft pas fur de plaire. C ’eft que le ftyle ne plaît,
c’eft qu’il n’attache que par fa propriété. Par cette propriété
feule il nous traniporte , il nous relient au milieu
des objets qu’il nous reprefente ; par cette propriété
feule, les objets qu’il nous repréfente, il les
reproduit : il leur donne une couleur qui les rend
viiibles, un corps qui les rend palpables, une ex-
preffion qui les rend parlans ; par cette propriété k ü k ,
ia Icene qu’il nous retrace, froide ét. morte fur le
papier, s’enflamme 6c fe vivifie en paflant dans notre
imagination.
La propriété du flyle renferme d’abord la propriété
des termes, c’eft-à-slire, l’affortiment du ftyle aux
idées. Elles doivent être rendues dans leur fignifica-
tion précife, fuivant leur acception reçue, félon
leurs modifications diverfes, avec leurs nuances ca-
raêtériftiques, par leurs fignes équivaiens ; fimples ,
par des termes fimples ; complexes , par des termes
complexes; mêlées d’une perception 6c d’un fenti-
ment, par des termes repréfematifs d’un fentiment
6c d’une perception ; mêlées d’un fentiment 6c d’une
image, par des termes repréfentatlfs d’une image 6c
d'untentiment; nobles, dans toute leur noblefié ; énergiques,
clans route leur énergie. Les termes font le
portraitdes idées : un terme propre rend l’idée toute
entiers ; un terme peu propre ne la rend qu’à demi ;
un renne impropre la rend moins qu’il ne la défigure.
Dans le premier cas on faifit l’idée, dans le fécond
on la cherche ; dans le troifieme on la méconiioît.
La propriété du fy le renferme eniuite la propriété
du ton , c’eft-à-dlre, i’affbrtiment du ftyle au genre.
Le genre eft férleux ou agréable , touchant ou terrible,
naturel ou héroïque. Le ton doit être grave 6c
concis dans le genre férieux, facile 8c enjoué dans le
genre agréable , doux 6c affeélueux dans le genre
louchant, confterné 6c lugubre dans le genre terrible
, modefte 6c ingénu dans le genre naturel, élevé
6c pompeux dans le genre héroïque.
La propriété du ftyle comprend encore la propriété
du tour , c’eft-à-dire , l’aflortiment du ftyle au fujet-
Ce fujet appartient, ou à la mémoire, o u à l’efprit,
ou à la raifon , ou au fentiment, ou à l’imagination.
Chacune de ces facultés demande un tour conforme
à fa nature. La mémoire expofe, il lui faut un tour
fimplc , uniforme , rapide; loin d’elle les réflexions
recherchées, les portraits romanefques, les deferip-
tions poétiques, les artifices oratoires. L ’efprit embellit
; fon tour fera varié, ingénieux , brillant; c’eft
pour lui que font faites l’allufion , l’antithefe , le
contrafte, la chute cpigrammaticiue. La raifon juge :
fon tour doit être ferme, réfléchi, févere ; elle doit
analyfer avec précifion, développer avec étendue,
réfumer avec méthode , prononcer avec dignité. Le
fentiment exprime : que fon tour foit libre, pathétique,
infinuant ; qu'il l’e répande en apoftrophes animées
, en exclamations viv es, en répétitions énergiques
, en folllcitaîions preffantes. L’imagination
imite : laiffez-Iui prendre un tour enthoufiafte , original
, créateur ; laiffez-luî étaler avec profufion ce
que la métaphore a de plus riche, ce que la compa-
raifon a de plus faillant, ce que l’allégorie a de
plus pittorefque, ce que l'inverfion a de plus mélodieux.
A la propriété du tour ajoutez la propriété du coloris,
c’eft-à-dire, l’affortiment du ftyle à la chofe
particulière que vous devez peindre. Eft-elle dans le
gracieux ? Que vos couleurs foient moclleules , tendres
fraîches, bien fondues. Eft-eile dans le fort ?
Y y y i j