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pour leurs fujets, puirc|ii’ils s’intcreflolent à ceux qui
«voient ccfl'é de rôcrc. Ce lui le fultan Achmet ,
RiccelTeur de Mahomet III, qui ligna ce traite , qui
femble plutôt un accord entre deux freres pour
prévenir des troubles domelliques. Les guerres de
religion qui déchiroient l’Elpagne, la France, &
îTienaçoienc l’Allemagne , s’étoient fait lentir en
Hongrie. Les nouveaux feélaires ctoieni très-puiflans ;
ils avoient môme facilité les progrès des Ottomans.
Rodolphe fie avec eux un traite particulier ( 1604) ,
& s’engagea ù lailTer aux Calviniftes & aux Luthériens
le libre exercice de leur religion. Il avoir
rcful'é cette faveur aux Autrichiens lur lefquels fon
empire étolt plus affermi. Les états de Hongrie
profitèrent de ce moment pour faire confirmer leur
liberté. Us avoient perdu une grande prérogative
depuis que les princes d’Autriche avoient déclaré la
couronne héréditaire clans leur maifon. Ils obtinrent
le pouvoir d’élire un gouverneur, pendant l’abfence
du r o i , pour rendre la juflice dans le royaume , fans
qu’il fût nécellaire de recourir au confeil aulique
pour terminer les procès en dernier reffort. Le
gouverneur nommé par fa majellé impériale devoir
continuer l’entier exercice de fa charge ; mais pour
la fuite il étoit dit que le gouverneur feroit choili
dans une afTemblée libre. On devoit dreffer des articles
pour limiter le pouvoir de l’intendant-géncral
des finances commis par l’empereur. La nomination
aux grandes prélatures devoit appartenir aux états
& au fbuverain ; mais à cette condition que ceux
qui feroient nommés par ce dernier ne pourroient
entrer dans le confeil de la nation. Cette capitulation
fait connoitre l’état de la Hongrie par rapport à fes
rois. Cependant l’archiduc Matthias méditoit une
révolution. L’empereur fon frere l’avoit fouvent
employé , foit en Flandre où il falloir retenir les
états qui, en fecouant le joug de l’Efpagne, auroient
pu fe détacher de l’Empire , foit en Hongrie dans les
guerres contre les Turcs. Matthias, peu fatisfait
d’être le fécond dans l’Empire, afplroii à fupplanter
fon frere comme lieutenant-général : il lui avoir été
facile de gagner les gens de guerre ; il les avoir flattés
par tout ce qui pouvoir lesféduire. Battori, vaivode
de Tranfilvanie, qui tantôt prenoit le parti des Turcs,
tantôt celui des Allemands , mais dont l’inconllance
étoit compenlée par des talens lupérieurs, embraffa
fon parti. Fier de ce nouvel allié , & affuré de l’inclination
des prorellans d’Autriche qu’il flattoit d’une
entière liberté de confcience, il fît foulever la Hongrie
, mécontente de ce que l’empereur élevoit des
Allemands aux principales charges , s’approcha
de la Bohême qu’il prérendoit engager dans fa révolte.
Les états de Bohême ne manquèrent pas de
choifir cet inffant de crife pour arracher de nouveaux
privilèges. Ils parvinrent è exclure le clergé catholique
des affaires civiles, & à déclarer nulles toutes
les acquifitions que lés prêtres de la communion
romaine pourroient faire. Les proteffans dévoient
être admis dans toutes les charges. Ces conceflions
ctoient confîdérables, mais l’empereur ne pouvoir
s’y refufer , fans s’expofer à perdre toute fon autorité
dans ce royaume qui fereflbuvenoitencore qu’il
avoit été libre fur le choix de fes maîtres. Cependant
fon frere Matthias s’apprêtolt à foutenir fa révolte.
L ’empereur , qui craignoit les fuites d’une
guerre civile, & dont Matthias étoit le plus proche
héritier , confentit à partager avec lui un trône fur
■ lequel la nature l’appeiieroit bientôt. Rodolphe étoit
d’une famé délicate, & il approchoit de fa fin. Il
céda à Matthias la couronne de Hongrie , l’archi-
duché d’Autriche & le marquifat de Moravie, & ne
fe rélerva de les états héréditaires que la Bohême ôc
la Silefie. C ’étoit moins le dépouiller d’un bien, que
fedebarrafier d’un fardeau. L’Autriche étoit en
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armes, 6c demandoit une liberté de confcience qu’il
ne pouvoir permettre fans s’expofer à l’indignation
de la cour de Rome, & il falloit confentit à ron.
pelier les Allemands qui occupolent en Honorie des
places importantes. Il ne lui rcfloit donc que l'alternative
ou de mécontenter les impériaux & le pape ,
ou de révolter les Hongrois : d’ailleurs les embarras
fe multiplioient en Allemagne. La fuccelîîon de
Cleves, de Berg & de Juliers , ouverte par la mort
de Jean-Guillaume, comte de la Marck & de
vensbourg , mettoit aux prifes deux puiffans partis
qu’il avoit long-teins pacifiés , 6l q ui, ayant repris
les armes , paroiffoient prêts à rainer l’Empire.
Rodolphe fit un aéfe d’autorité qu’il crut propre à rétablir
le calme , en féqueffrant les états qui formoient
l’objet de la conteffation. Il en faifit Léopold fon
coufin , auquel il donna le titre de commiflaire impérial
dans ces provinces : mais cette fermeté attira
fur lui tout le péril. Les prétendans, dont les principaux
étoient les princes de Neubourg & de Brandebourg,
Ibutenus par l’éleéfeur Palatin Frcdéiic IV ,
le réunir-ent ; 6c oubliant pour l’inffant leurs droitsà
l’égard les uns des autres , ils implorèrent le fecours
d’Henri IV , roi de France, & le héros de fon ficelé,
pour chafler Léopold qui avoit fixé dans Juliers le
liege de Ion gouvernement. Alors l’Allemagne fut
partagée en deux grandes faftions ; l’une, compofée
des princes catholiques, finvoitle parti de l’empereur.
Les chefs de cette ligue étoient Maximilien,
duc de Bavière , les élecfeurs eccléfiaftiques 6c tous
les princes de la communion romaine. Cette faflion
prit le nom de ligue catholique : elle fut fortifiée par
deux princes proreftans qui étoient l’clefteur de
Saxe , un des prétendans, & le landgrave de Hefîe-
Darmfiad. L’autre fadion,compofée des CalviniftesSc
des Luthériens, foutenoit les maifons de Brandebourg
ôc de Neubourg , 6c avoit à fa tête Frédéric IV qui
avoit pour adjoints le duc de Wirtemberg , le landgrave
de Kefie-Calî’e l , le margrave d’Anfpach , celui
de Dourlach, le prince d’Anhalt. Plufieurs villes
impériales entrèrent dans cette ligue qui, pour mot
de ralliement , prit le nom ^union évangélique.
Cette guerre, purement profane, s’annonçoit comme
une guerre facrée. Les Catholiques mirent dans leur
parti le pape Paul V & Philippe III, roi d’Efpagne,
L’union évangélique mit dans le fien Henri IV , qui
probablement l’eiit rendu vidorieux, s’il n’eût été
prévenu par un afiafilnar. Le pape & le roi d’Efpagne
, dit un moderne , ne donnoient que leur nom ,
6c Henri IV alloit marcher en Allemagne avec une
année difciplinée ôc vidorieufe avec laquelle il avoit
déjà détruit une ligue catholique. L’empereur, qui
voyoit que les efprits s’aigriffoient contre lui de ce
qp’il s’efForçoit de faire paffer dans fa maifon des
biens fur lefquels elle n’avoit aucun droit, crut pouvoir
les ramener, en adjugeant Cleves & Juliers à
l’éledeur de Saxe , à cette condition raifonnable qu’il
juftifieroit de fes droits. Les efprits étoient trop aigris,
il y avoit trop d’intérêts il concilier, pour que
cet ade d’équité pût rétablir la paix. La ligue catholique
, qui redoutoit les armes françoifes , fit des
démarches infrudueufes pour priver l’union évangélique
d’un aufil puilTant fecours. La Châtre partit
avec une armée , & força le duc Léopold de fortir
de Juliers. Ce duc fe retira en Bohême oiifes troupes,
mal difciplinées & plus mal payées , commirent de
très-grands défordres. L’empereur ayant témoigné
beaucoup d’amitié pour Léopold, Matthias en conçut
de vives inquiétudes , 6c fa jaloufie fut un furcroît
de chagrin pour Rodolphe, dont les états étoient en
proie aux feux des guerres civiles. Matthias éclata
d’abord en murmures. Ayant mis enfuite dans fon
parti les états de Bohême, il força l’empereur de
iuien afluxerla couronne : il n’en eut cependant que
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les droits honorifiques. Les revenus du domaine
relièrent â Rodolphe qui fe confola , dans le fein de
la philolbphie , des peines iuféparables du trône , &
des procédés violensd’un frei e ambitieux. Il mourut
l’an 1Ö12 , dans la foixanticme année de Ion
âûe, la rrente-fixieme de fon regne comme empereur
, la tremte-huitieme depuis Ibn couronnement
en Hongrie , & la trente-feptieme depuis qu’il étoit
liir le trône de Boheme. Rodolphe eut jjour le mariage
uns efpece d'averfion que rien ne fut vaincre.
Ses courtifaris lui propoferent plufieurs partis confi-
dérables, emr’autres, Ifabelle , infante d’Efpagne ,
Marie de Médicis, fille de l’archiduc Charles. Le
nom de ce prince ne peut figurer avec celui des
héros ; mais il fera toujours compté au nombre des
bienfaiteurs de l’humanité. Heureux le fiecle où
ceux-ci obtiendront la préférence , & recevront ,
fans contradiction , le julle tribut d’éloges que trop
fouvent on leur refufe ! Né avec des pallions calmes,
Rodolphe II croit généreux 6c affable; qualités qui
fe trouvent rarement Icparécs , parce que l’une eil
prelque toujours le réfultat de l’autre. Ami zélé de
toutes les vei tus, il les accueillit dans tous les rangs.
Rémunérateur éclairé des talens 6c des produéHons
du génie, il veilla fans cefTe pour étendre la iphere
de nos coniioifiances , & perfeélionner les arts , fur-
loiit les arts utiles. Il defeendoit fouvent de fon trône
pour entrer dans le cabinet des iavans , & s’entretenir
familièrement avec eux. On ne peut lire fans
plailir fa réponfe à fon frere Matthias qui lui repro-
ehoit cette grande liberté qu’il accordoit aux fav.ins.
« Notre naÜTancc 6c notre rang, lui dit-il, nous cle-
» vent au-dcflùs d’eux ; mais louvent ils nous prou-
» vent qu’ils valent mieux que nous : c’efl un bon-
» heur que nos foiblefi'es nous en rapprochent, &
w nous fafient feniir que nous femmes hommes
» comme eux »>. (A/—y .)
RODRIGUE , roi des Vifigoths , ( Hiß. d'Ef~
pagne.') Le même crime qui jadis anéantit la royauté
chez les Romains, fit tomber Rodrigue du trône, où
fa valeur 6c les fuffrages de la nation l’avoient placé.
Ce crime caufa môme en Elpagne des malheurs plus
irréparables que n'en avoient caufés à Rome l’incontinence
de Tarquin ; car la chute de Rodrigue fut
fuiviede la ruine entière & de la dellruélion de la monarchie
des Vifigoths, du maffacre ou de la fervi-
îude de tous les habitans des contrées efpagnoles ,
conqulfes, ravagées foumifes aux Maures. Il
regne bien de l’incertitude dans les récits que les
hifioriens contemporains 6c pofterieurs ont faits de
cette mémorable révolution. Voici, en peu de mots,
ce qu'à travers robfeurité, les fables 6c la confufion
de leurs diverfes narrations, j’ai cru appercevoir de
moins invraifemblable. Witiza , détellé par fes crimes
, abhorré par fes cruautés, avoit loulevc contre
lui la nation prelqu’eniieie. Rodrigue., fils de Théo-
defrede , jugeant cette difpofition générale des Vifigoths
favorable à fes defirs ambitieux, aigrit, autant
qu'il fut en lui , le mécontentement de fes concitoyens
contre leur oppreffeur, mit dans fes intérêts
la plupart des grands du royaume, fe fit un parti
redoutable , arma fes adhérans , allinna les feux de
la guerre civile, & combattit avec luccès contre la
faôHon de Witiza.Trop acharnés l’un contre l’autre,
pour longer au danger qui menaçoit la patrie & l’Efpagne
entière , les deux parties ne s’apperçurent
môme pas des tentatives heureufes des Maures d’Afrique
, qui profitant de ces divifions, avoient paffé
en foule fur les côtes d’Efpagne, 6c s’étoient emparés
déjà de quelques cantons de ce pays riche
fertile , oii depuis fort long-tems ils defifoient de
s’établir. Vraifemblablement la conquête qu’ils firent
lors de cette première defeente , ne parut |)as aflèz
importante aux Vifigoths, pour réimit contr’eux
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toutes leurs forces , 6c ils contimiercnt à s'emre-dé-
trvure. Après bien des combats qui affüiblireiit con-
fidérablement la nation , Rodrigue, conipiettcm'juî
vainqueur de l'on r iv a l, refia maître du trône ; 6c
itiza fut tué , félon quelques-uns, ou alla , tui-
vant quelques autres , achever de vivre à Tolede,
Le nouveau louverain profita fort mal de l’exemple
que lui donnoit la chiite de fon prédécelTeur , chnlfé
de fes états pour avoir mécontenté le peuple par fes
vexations 6c irrité les grands par l’excès outrageant
de fon incontinence Le comte Julien , l’iiu des plus
habiles généraux de Rodrigue, étoit en Afrique , 6c
avoit laillé en Efpagne Gava, fa fille, jeune per-
fonne d’une rare beauté , 6c attachée à la reine
Egilone. Les graces de Gava firent la plus vive iin-
prefiîon fur le coeur du monarque; il tenta de la
léduire , 6c ne put réuilir. Entraîné par la violence
de la pafiion , il arracha par la force 6c le viol des
faveurs que fes ofires n’avoient pu lui procurer.
Gava , au défefpoir, fit avertir fon pere de l’omrage
qu’elle avoit reçu, Le comte Julien , tout entier à
la vengeance, pafl’a en Efpagne, 6c üiinmulam l'on
indignation , engagea Rodrigue à l’envoyer, en qualité
d’ambaffadeur , auprès de Muza, gouverneur
delà Mauritanie pour le calife, 6c de permettre à
fa fille de l’accompagner. Le roi qui ne le doutoic
point des projets de ce feigneur, confentit à tout, &€
le comte Julien ne fut pas plutôt arrivé en Mauritanie
, qu’il engagea Muza à entreprendre la conquête
d’Efpagne, qu’il promit de lui faciliter. Dans
le meme tems Evan 6c Sifebur, fils do Witiza , ne
pouvant fupporter de fe voir dégrades de la qualité
de princes, 6c prives, par la ruine de leur pere ,
de l’cfpoir de régner, confuherent leur oncle
Oppaz, métropolitain de Séville , le plus fourbe
des hommes , le plus corrompu des prêtres de fon
tems, 6c le plus mauvais des citoyens ; jiar fes avis,
ces jeunes princes lièrent des intelligences avec les
Sarrazins, & leur propoferent de faire paflèr une armée
en Efpagne. Les Maures déjà chfpofés à cette
expédition par le comte Julien , fè déterminèrent à
l’exécution de cette entreprife, & Muza fit embarquer
douze mille hommes , fous les ordres de Ta-
rick Abincier , qu’il nomma général en chef de cette
petite armée, avec ordre de poufl'er fes conquêtes
en Efpagne aufii loin qu’il lui feroit poflîble. Rodrigue
ralfembla toutes fes forces , 6c ne put fe procurer
qu’une petite armée, à la tête de laquelle il
couvrit autant qu’il put fon pays contre les courfes
des Sarrazins , qui malgré la réfifiance du roi des
Vifigoths , firent d’horribles ravages, 6c exercèrent,
guidés par le comte Julien, les plus grandes
cruautés fur les habitans, la plu]iart defarmes
6c fans defenfe. Cependant les hoftilités de ces
étrangers n’aboutHTant encore à rien de décifif,
Muza envoya de nouveaux fecours à Tarick qui,
comptant fur la fupériorité de fes forces , marcha
contre les Vifigoths, ralTemblés fous les drapeaux
de leur fouverain , leur livra bataille , 6c remporta
fur eux une viéloire fi complette, qu’ils lurent entièrement
défaits. Animé par ce grand luccès, Muza ,
fuivi d’une armée nombreufe 6c fonnid<iblc, vint
achever ce que fon général avoit fi heureufement
commencé; la fortune le lèconda d’une maniéré
encore plus marquée, en forte qu’en rrès-peu de
tems, le renverfement de la monarchie des Vifigoths
6c la conquête de l’Efpagne, furent le prix de
fa valeur. A l’égard de Rodrigue , quelques hifio-
riens aflùrent que , trahi dès le commencement de
la bataille que Tarick lui avoitllvrce , par Oppaz 6c
les fils de \Vitiza, qui pafferent, fuivis d’une foule de
Vifigoths, du côté des Maures ; battu 6c hors d’état
de rappcilcr la fortune qui l’avoir abandonné , il
alla fe cacher dans un monaftere près de Mcrida,