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646 R H Y qu’il parle. Le moment de donner Ion coup eft-11
arrivé ? il le fait avec piailir, parce qu’il trouve du
plaifir dans l’ordre qui régné dans fon travail. L’attention
continuelle qu’il fait au nombre de coups ,
quelque petite qu’elle paroiffe , l’empêche de lentir
la fatigue. U en ell de cet ouvrage comme de tous
les autres ouvrages pénibles qu’on peut faire avec
une attention médiocre à l’ouvrage même. Le voyageur
elt fotilagé d’une partie de fa fatigue , parce que
la vue continuelle de nouveaux objets, ou l’entretien
d’un compagnon, détourne fon attention de
l’application qu’il eft oblige de faire de fes forces.
O r , fl le rhy thm e , outre fon égale mefiire de
tems,a encore quelque choie de caraélérirtique,
s’il eft gai, tendre, ferieux, l’imprelîion de ce cara-
éfere fe répétera à chaque retour périodique du même
membre : c’ell, pour me fervir de la comparailon
que j’ai déjà faite , c’ell un nouveau coup de fouet
que l’enfant donne à la toupie. La même imprelfion
de gaieté, de tendrefié , de gravité,elt continuellement
entretenue ; & runiformité du calcul que l’on
fait en même tems par le feul fentiment, berce ,
pour-ainfi-dire, l’ame dans cette imprelfioq. Voilà
d’où^réfulte le fentiment unifornîe continu avec
lequel on écoute un air.
Ce n’elt pas tout encore : le chanteur , le muficien
& le danfeurqui, par le mouvement de fes membres
concourt à produire le rhythme , l’auditeur
même, qui ne chante que tout bas, ou qui alîis danfe
en idée , éprouvent à chaque mefure , à chaque période
, un nouvel encouragement. Car , comme dans
l ’exemple rapporté ci-ddliis , le batteur en grange
elt continuellement attentif à frapper Ion coup à
tems ; de même le chanteur, le muficien , le danleur
& le fpeélateur font entretenus dans une attention
continuelle , en oblérvant exaélement les accens afin
de rendre le rhythme plus fenfible. C ’eft pourquoi à
chaque frappé de la mefure, & au commencement
de chaque nouvelle période , il naît auiïi un nouveau
delir de donner l’accent à propos. Avant donc
qu’une impreflîon foit entièrement finie , une autre
commence déjà , & cela caufe en quelque façon une
augmentation , un entaffement de femimens
d’activité, qui enflamme toujours plus l’ame , &
augmente le fentiment qu’elle éprouve. Cela peut
aller au point de mettre en6n tout le fyflême des
nerfs en mouvement ; mouvement qui devient toujours
plus v if, comme le mouvement ordinaire le
devient, quand un coup fuccede à l’autre avant que
la force du premier l'oit épuifée : en forte qu’une
ame fenfible peut à la fin être mife entièrement hors
d’elle-même.
Effeélivement l’on volt des perfonnes qui commencent
à chanter & à danfer fans en avoir une
grande envie, & qui peu-à-peu s’ échauffent & ne
finiffent que lorfqu’elles tombent comme en défaillance
, parce que leur corps n’efl plus capable de
fupporter la fatigue; cela arrive fur-tout lorfque
les inflrumens qui accompagnent le chant ou la danfe,
rendent le rhythme toujours plus fenfible. Il n’ert pas
polTible de décrire bien exaâement tout ce qui fe
pafTe alors dans l’ame de ces perfonnes ; mais quelqu’un
qui efl accoutumé à obferver les phénomènes
pfychologiques avec quelque attention, comprendra
par le moyen de ce que nous venons de remarquer,
comment le rhythme diminue un ouvrage continuel
Ôc uniforme, & comment il entretient &
augmente graduellement les fentimens.
Enfin, on comprend , à l’aide de toutes ces confi-
dérations fur \a rhythme, comment on peut par fon
moyen donner à une fuite de fons indifférens en
eux-mêmes, la nature d’un difcoiirs moral ou paf-
ficnné. Cet objet feul mériteroit d’être examiné dans
R H Y
toute fon étendue, parce que par fon moyen on metiroitdans
tout fon jour la véritable effence, la nature
la plus cachée de la mufique. Cet examen demande-
roit un traité étendu , & nous fouhaiterions de pouvoir
engager un homme verfé dans la mufique à le
faire, parce que tous ceux qui ont écrit jufqu’ù
fent fur cet arc, ont pafl'é prefque abfolument fous
filence ce point fi elfentiel, & qui découvriroit toute
l’eflénce de l’arr. Nous i'ommes forcés à nous en
tenir à quelques remarques fondamentales.
1°. Une fuite de fons divifée fimpiement en me-
fures homogènes également grandes , comme le font
celles qu’obfervent les batteurs en grange & les maréchaux
, a le pouvoir de foulager le travail des ouvriers
; mais cette même fuite de fons eft plus figni-
ficacive pour le fpeélaieur qui la confidere uniquement
comme compofée de fons,&: l’examine comme
ayant quelque chofe de commun avec le difeours :
car li l’on le repréfente qu’on entend un homme
parler une langue étrangère en obfervant cette ine-
fiire, aufii-iôt cette fuite de fons divifée en membres
égaux, réveille en nous l’idée d’un homme qu’un
leul & même objet entretient dans une fenfation
ou dans une aélivité déterminée, & l’on peut ob-
lerver fi cette fenlatio« eft vive ou fi elle eR douce
ou tranquille. On trouvera même qu’à l’aide de ce
rhythme y il eft pofiible d’exprimer plufieurs
mouvemens de l’ame par des mots inintelligibles en
eux-mêmes; on fent ce que nous venons de dire,
quoiqu’il loit impolTible de le décrire en peu de paroles.
Celui qui voudroit traiter cette matière à fond,
n’auroit qu'à écrire une fuite de fons femblables à
ceux d’un maréchal, les divifer fuccelTivement en
différentes mefures, leur donner differens mouvemens,
différens degrés de grave & d’aigu , de piano
& de fo r te y comme f ig . 1 , planch. X I d e Mufiq.
S u p p l. & il ne lui feroit pas difficile de former plufieurs
fuites de cette efpece, dont chacune auroit un
caraélere paffablement déterminé. Par ce moyen,
on commenceroit à comprendre comment des fons
indifférens par eux-mêmes, peuvent, par le moyen
du rhythme le plus fimple, acquérir une fignifîcation
déterminée, quoique générale.
2*^. Fait-on un pas de plus, & forme-t-on de ces
membres fimples ou mefures des membres plus
grands, enfortc que chacun de ces nouveaux membres
foit compolé de deux, trois ou quatre mefures,
alors on obtient par cette nouvelle divifion rhyth-
mique un nouveau moyen de donner à ce langage
inintelligible une fignification intelligible. Par ce
nouveau moyen, on divife ce langage en phrafes
plus ou moins courtes, & de ces phrafes on forme
des périodes déterminées & détachées.
3®. Pour rendre ce langage encore plus intelligible
, on peut faire une quantité innombrable^le chan-
gemens par le moyen des phrafes compofées de
deux , trois ou quatre mefures ; chacun de ces chan-
gemens exprimera quelque chofe de différent. Ainfi,
par exemple, on pourra par ces changemens indiquer
facilement fi le fentiment eft tranquille ou inquiet,
s’il eft homogène & continu, ou s’il change;
s’il eft fournis à de petites ou à de grandes variations ;
s’il augmente ou diminue en continuant.
Pour fentir fout cela , faites plufieurs de ces cban-
gemens rhythmiques dans une même luite de fons.
Entre la multitude de ces changemens, choififfons
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R H Y
U falfons bien attention à l’effet de chacun de ces
changemens; on comprendra d’abord comment on
peut par ce moyen réveiller dans notre ame des fentimens
tranquilles ou inquiets »augmentant ou diminuant
uniformément , continuant quelque tems, ôc
nuis fe changeant brufquement, &c.
Nous n’irons pas plus loin ; car le peu que nous
venons de dire fuffit pour faire fentir comment le
mouvement & le rhythme feuls peuvent faire du
chant le langage des palfions , & rendre ce langage
paffablement intelligible. U feroit fort à fouhaiter
qu’un maître de l’art voulut fe donner la peine de
diftinguer les différentes efpeces de rhythme ^ de déterminer
le cavaélere de chaque efpece, êc de montrer
enfuite ce que l’on peut exprimer , tant par
chaque efpece de rhythme en particulier, que par le
mélange des differentes efpeces de rhythme.
Par ce moyen, on poferoit les principes nécef-
faires pour bien traiter une piece de mufique eu
égard 2.\\rhythmey principes qui font delà plus grande
conféquence & qui manquent encore abfolument à
l’art mufical, Jufqu’à préfent chaque compofiteur s’eft
fié uniquement à fon oreille.
U faudroit terminer cet article par les regies pratiques
les plus néceffaircs pour bien obferver le
rhythme ; mais comme la théorie nous manque encore
, nous nous contenterons de quelques principes
fondamentaux, dont l’obfervation eft utile en pratique.
1°. Des fentimens doux, tranquilles & continus
demandent un rhythme léger, facile à faifir, & qui
refte toujours le meme ; c’eft le cas de toutes les
chanfons &: de tous les airs de danfe. Dans ces piece
s , l’ame doit être entretenue dans une fituation
égale &. non agitée ; ainfi le changement du rhythme
n’a point lieu dans ce cas. Voilà encore pourquoi
ces mélodies font courtes, & ne confiftent qu’en
ftrophes qu’on répété tant que la fenfation doit durer.
Mais obfervons cependant que lorfque dans les
chanfons même les fentimens font légers, & pour
ainfi dire feulement capables d’effleurer la furface de
l ’ame, ou que lorlqu’ils font d’une gaieté badine , il
faut choifir le rhythme le plus court & le plus facile ;
au lieu que lorf'que les fentimens font plus férieux
& pénètrent plus dans l’ame , il faut choifir un
rhythmeŸ[\\s long. Si les fentimens étoient entièrement
ferieux Sc même un peu fombres, alors on
pourroit employer des membres très-longs & dans
lefquels deux rhythmes^ chacun de deux, trois &
même quatre mefures, fuffent tellement entrelacés,
que l’on ne s’apperçCit du repos qu’apres fix ou huit
mefures.
2°. Dans les pieces qui doivent exprimer des fentimens
qui changent, augmentent, diminuent, en
un mot ne demeurent pas les mêmes, il faut auffi
choifir un rhythme plus varié. Ici le rhythme doit être
compofe , tantôt de grands membres, tantôt de
petits , & les changemens doivent être prompts ou
lents , fuivant que l’exigent les changemens du fen-
liment. Ici encore l’on peut inférer un membre d’une
feule mefure parmi d’autres membres plus grands ;
on peut, après une période compofée de membres
de deux mefures, en faire fuccéder une compofée
de membres de trois mefures , & c . Les variations du
rhythme doivent en un mot fe régler fur celles du
fentiment.
3®. On peut s’écarter davantage de la régularité ,
lorfque le fentiment a quelque chofe de contradic-
îoire & de particulier. Il n’eft pas difficile de comprendre
comment on peut exprimer l’irréfolution ,
l’incertitude, l’embarras , & c . par le moyen des v ariations
du rhythme. Nous n’en citerons qu’un feul
exemple tiré de l’opéra de R o d e lin d e , dont la mufi-
Que eft de M. Gratin ( f^oyc^fg^ 2., pUniilie X I V d&
R I B 6 4 7
mujiq. S u p p l. ). Dans cet exemple, il y a quatre
phral'es, dont chacune devroit être de quatre me-
lures, fi le rhythme étoit régulier. Mais la premiere
phrafe finit à la troifieme noire de la léconde mefure,
la fécondé phrafe commence à la quatrième
noire de la même mefure, c’eft-à-dire, un tems trop
tôt; cependant cette fcconde phrafe contient jufte
huit noires ou deux mefures, en comptant le fou-
pir de la quatrième mefure. La troifieme phrafe finit
à la feptieme noire, c’eft-à-dire , à la fécondé de la
fixieme mefure; ce qui fait que la quatrième phrafe
commence tout différemment des autres, favoir, au
milieu de la mefure , tandis que la premiere phrafe
commence avec la mefure, & les deux autres avec
le levé qui precede la mefure.
Cette maniéré tout-à-fait irrégulière d’employer
le rhy thmeyüû très-bonne ici oîi régnent l’épouvante
& le trouble , & c’eft pourquoi nous l’avons citée
comme un exemple de l’effet fingulier du rhythme.
4®. Dans des cas extraordinaires, & lorfqu’on.
cherche à mettre une énergie particulière dans uu
endroit, on peut, en changeant le mouvement»
changer auffi le rhythme d’une maniéré très expref-
five '>y.fig. 3 , planch. X I y de M u fiq . S u p p l.').
Suivant l ’arrangement rhythmique de l’air d’où ce
trait de chant eft tiré , cette phrafe devroit être de
quatre mefures , & fi l’on n’avoit pas cherché à don*
ner au mot o/7i^r.z un air de trifteflé folemnellc, on
n’auroit fait qu’une feule mefure des deux premieres,
comme f ig . j , n®. 2 , p l. X I V de Mufiq. Su p pU
& le rhythme auroit été très-régulier/ Le compofiteur
a voulu être expreffif ; il a fait d’une mefure
deux, afin qu’on put chanter les deux premieres
fyllabes une fois plus lentement & avec un accent
éga l, Sc il a parfaitement atteint fon but. Celui qui
aceuferoie Graun d’avoir manqué ici au rhytktrîe, en
faifant une phrafe de cinq mefures, au lieu delà faire
de quatre , montreroit fon peu de jugement.
5®. A cette occafion nous parlerons d’une autre
irrégularité apparente du rhy thm e , laquelle fait fou-
vent un effet irès-agréable. Cette irrégularité con-
fifte à gliffer une mefure qui n’appartient pas au
rhythme y mefure pendant laquelle , par exemple , la
voixfe tait, tandis qu’un inftrument répété ou imite
le dernier trait de chant de la voix, comme fig . 4 ,
p la n ch . X I V d e M u fiq . S u p p l. Ici il fe trouve une
phrafe de quatre mefures, mais qui eft coupée par
le milieu, tandis que le violon répété la derniere
mefure précédente. Cette expreffion eft des plus
pittorefques, & indique très-bien l’aélion d’une per-
fonne qui écoute, féduite par une trompeiife efpc-
rance. La phrafe eft néanmoins compofée de quatre
mefures.
Ceux qui voudront chercher de pareilles irrcgil*
larités dans les compofitions des grands maîtres,
dans celles, par exemple , de Hcndel, de Graun , de
Haffe, y trouveront quantité d’exemples de la maniéré
de traiter le rhythme extraordinairement, &
d’augmenter par ce moyen l’expreffion de la façon
la plus heureufe. On trouveroit, fur-tout dans les
oeuvres de ces grands mufîclens, plufieurs fineffes
de l’art, par le moyen defquelles un compofiteur
plein de fentiment fait couvrir les fautes que le poète
a pu commettre eu égard au rhythme. ( Cet article efit
tiré de la Théorie générale des B e a u x -A r t s y en forme
de DicHonnaire y p a r M . J . J . SU L Z E R . ) I^oye^ la fin
de Varticle R É C IT A T I F , S u p p l . { F , D . C . )
R I
RIBAÏl, ( ) bourg de la baffe Hongrie,
dans le diftricl inférieur du comté de Soli, au voifi-
nage d’eaux minérales très-fameufes, & de bains
chauds très-eftimés, A 600 pas au midi de ce bourg.