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I V
K lllîii
I .
» rangs fe fouticnnent l’un 1 autre : ainfi, pour la
» renverfer , U l'aut des hommes bien fermes & des
>> chevaux qui veuillent avancer, ayant dans le nez
» un ii orand feu. Voil;\ la raifon , pouriuit M. de
» Puifégur, qui a toujours fait dire que fi l’infanterie
» connoifibit fa force , la cavalerie ne la romproit
» point, & non pas que fa force ait confiüc autre-
« fois en ce qu’elle étoit armée de piques, qui elf
» une arme qui n’a d’autre mérite que fa longueur ».
Il eft prouvé , par une expérience confiante, que
la cavalerie a toujours renverfé l’infanterie, excepté
en quelques occafions où celle-ci a fu faire un bon
ufage de fon feu , & parce que celle-lü pouvoir
n’avoir pas alTez de nerf, ou être mal difpofée &:
mal dirigée. Or cela efi arrivé , parce que le plus
grand nombre des foidats , regardant le feu comme
leur principale force, ne fongent plus à leur baïonnette
, parce que, quand le cheval reçoit le coup de
baïonnette , le cavalier efi déjà fur le fantalfin;
attendu que , comme l’obferve Bottée , ce dernier
tient fon arme, de façon que pour être en état de
l ’alonger , il faut qu’au premier tems il en dérobe la
moitié en arriéré, & qu’il peut être pris fur ce tems-
là ; que le cavalier, continue cet auteur, fe trouve
très-près quand fon cheval efi bleflé; & qu’il y a tel
cavalier qui, alongé lur le col de fon cheval, porte
fort bien un coup de labre à fon ennemi dans ce même
inftant. La cavalerie , difons-nous , a toujours enfoncé
l’infanterie , parce que le même coup dont le
cheval efi blefl’é peut renverfer le foldat qui porte
ce coup; parce que fi la baïonnette ne fait qu’effleurer
le cheval , le cavalier labre le foldat, & perce fon
rang ; parce que fi le cheval efi tué , il tombe dans
le rang de l’infanterie , & y caufe du defordre ; &
que fi c’eft le cavalier qui foit tué, le cheval n’en
va pas moins fon train, & contribue également au
choc de la cavalerie ; enfin parce que l’infanterie ,
quelque ferme qu’on la veuille fuppofer, peut être
attaquée par une bonne cavalerie, bien menée &
bienfoutenue. De plus, le prelTement des rangs , fi
néceflaire dans l’infanterie en pareil cas, empêche
le foldat de manier aifément Ibn fufil ; d’ailleurs il
ne lui donne pas plus que le feu , la confiance ôc la
fermeté , qui feront toujours l’effet de la pique, ou
de quelqu’autre arme de longueur, plutôt que de
toute autre chofe.
M. de Puyfégur finit par dire , que fi les foidats
qui marchent en campagne étoient comme ceux qui
font employés à la défenfe des places , à même
d’avoir des armes de rechange de toute efpece, ils
s’en ferviroient pour les clificrentes attaques qu’on
pourroit leur faire ; mais que , ne pouvant porter
chacun qu’un certain poids , il faut leur donner une
arme , telle que le fufil avec fa baïonnette , qui leur
foit utile pour toutes fortes d’occafions, & qui, dans
un befoin preflant , puilVe fuppléer à toutes les
autres ; qu’il feroit inutile de leur en donner d’autres,
dont ils ne pourroient fe fervir que dans un feul cas,
& qui les rendroient eux-mêmes inutiles pour toutes
les autres aéliôns , fur-tout encore étant facile de
s’en paffer ; & il conclut qu’on a eu grande raifon de
fupprimer les piques,
La derniere obfervation du maréchal ne nous pa-
roît pas mieux fondée que les précédentes. La difficulté
d’avoir des piques de rechange en campagne,
n’eft pas une raifon qui ait dii les faire fupprimer, ni
qui puiffe empêcher de les reprendre. Cette arme,
qui n’efi pas chere, peut fe faire par-tout, & fa
forme ni fon poids { d ) , en la fuppofant réduite
à une longueur fiiffifante , ne la rendent nullement
embarraflante pour le tranfporr. Au furplus, dès
qu’elle efi indifpenfable , elle vaut bien la peine
(i^) Les anciQnvmpiques pefoient environ 17 livres.
qu’on faffe quelque effort pour n’en jamais manquer.
Du refie, le raifonnement de M. de Puyfégur efi,
comme le dit cet auteur , conforme è celui que fait
Polybe , quand il compare l’ordre de bataille des
Grecs avec celui des Romains, & à tout ce que les
plus favans auteurs militaires ont dit fur le même
lujet ; mais pour cela les armes de notre infanterie
n’en font pas plus parfaites. Nous concluonsde toute
cette difeuflion , que le fufil avec fa baïonnette efi
très-propre pour la défente particulière d’un feul
homme ; mais que quand il s’agira d’un corps d'infanterie,
les piques doivent en être infcparables; que
ce font elles qui en lient toutes les parties , 5c qui le
rendent impénétrable ; en un mot qu’elles font, plus
qu’aucune arme que ce Ibit, de nature à faire con-
noître à l’infanterie cette force dont on lui reproche
de n’avoir pas l’idée , & à en affurer le feu dans tous
les cas, fur-tout fi elles font placées au premier &
au fecondrang , où elles préfentent un obfiacle bien
plus difficile à vaincre, que quelques rangs de baïonnettes
, au travers defquels on perce toujours.
11 faut abfolument des piques dans notre infanterie
; & f i tout ce qu’on a dit jufqu’ici pour le prouver
paroît infuffilant aux yeux de ceux qui ne ceffent de
le faire illufion fur tous les avantages du fufil avec la
baïonnette, qu’on croit avoirexaftement appréciés,
nous n’en refierons pas moins fermement attachés à
notre fentiment. Nous ne doutons pas même que
quelque jour , mais malheureufement peut-être trop
tard , la vérité venant à fe faire fenilr lur un article
d’une aufii grande conféqucnce , on ne reprenne
enfin les piques. Nous olons le prédire , malgré tout
ce qu’on pourra nous répliquer, q ui, à coup fiir, ne
fournira jamais une décilion contraire ïl ce que nous
avons avancé. Mais, fi quelque chofe efi capable de
nous ramener de nos préjugés fur le fufil, & de nous
acheminer à cette heureuîe révolution, c’efi fans
doute le jugement que porte de notre infanterie un
des plus grands généraux de ce fiecle : écoutons-le.
« Je me trouve , dit-il ( Lettre du maréchal de Saxe.
» à Al. d'Argenfon , Paris , fév. ly S o . ') , obligé de
» dire que notre infanterie , quoique la plus valeu-
» reufe de l’Europe, n’efi point en état de foutenir
» une charge, dans un lieu où elle peut être abordée
» par de l’infanterie moins valeureufe qu’elle, mais
» mieux exercée & mieux difpoféepour une charge;
» &: les fucccs que nous avons dans les batailles ,
» ne doit s’attribuer qu’au hafard, ou à l’habileté que
» nos généraux ont de réduire les combats à des
» points ou affaires de pofie , où la feule valeur des
» troupes & leur opiniâtreté l’emportent ordinai-
» rement, lorfque le général fait faire fes difpofi-
» tions en conféquence, c’efi-à-dire , de maniéré à
» pouvoirfoutenir les attaques. Mais c ’efi une chofe
» qu’on ne peut pas toujours faire, &qu e le général
» ennemi peut empêcher, s’il efi habile, s’il connoîc
» vos défauts & fes avantages. Ce que j’avance ici
» efi foutenu par des preuves. A la bataille d'Hoch-
» let, vingt-deux bataillons , qui étoient au centre,
» tirèrent en l’air , & furent diffipés par trois efea-
» drons ennemis qui avoient paiî'é le marais devant
» eux ( e ) : les ennemis furent repouffés au village
» de Blintheim , & les régimeus quiledéfendoient,
» ne fe rendirent, qu’après que les armées de France
» & de Bavière furent retirées. Liizara en Italie,
» affaire de pofie. Ramillies , affaire de plaine.
» Denain , affaire de pofie. Malplaquet, ce qu’il y
» avoir en plaine plia ; ce qui croit pofié fe maintint
» long-tems , & coûta beaucoup de chevaux aux
» Alliés. Parme,affaire depolle. Doettingen, affaire
» de plaine. Fontenoi, ce qui clolt en plaine plia;
(f) Oil a déjà rapporté cct exemple pour l’on doit peu compter fur L leu : il efi relaftaiifr ei cvio iàr uconm abuiterne objet.
» ce qui étoit pofié fe maintint. Raucoux, affaire de
» pofie uniquement, quoiqu’il y eut beaucoup de
» plaine; mais on n'attaqua que les portes. Lawfeld,
» affaire de plaine réduite à des attaques de pofie ».
Nous pourrions citer ici toutes les batailles de la
derniere guerre oit nous nous Ibmmes trouves , hors
une dont nous avons déjà pailé, qui s’efi donnée en
plaine, Sc oit notre intamerie combattit, pendant
trois heures, avec autant de fermeté que de valeur,
finir par enfoncer les ennemis & les difperfer ( f ) ;
mais les dilpofitions du général étoient fuperieure-
ment faites , le gain de cette affaire fut autant le
fruit de fon habileté & de fon courage , que de la
confiance des troupes , 6c de l’opiniâtreté qui en efi
ordinairement la fuite. Ces fortes d’exemples font fi
rares , qu’ils ne changent rien au fentiment du maréchal;
mais ils le feroient bien moins ,fi le commandement
des armées fe trouvoit toujours dans de
femblables mains.
Le maréchal de Saxe, qui avoir vraifemblablement
déja.fait, du moins en partie , les réflexions qu’on
vient de voir lorfqu’il écrivit fes lièveries , n’avoit
garde d’oublier la pique dans fa légion. Aufli dit-il
qu’on ne fauroit fe paffer de cette arme dans l'infanterie
, & qu’il en a toujours oui parler ainfi à tous
les gens habiles. « Les mêmes raifons , ajoute cet
» auteur , c’ofi-;\-dire , la négligence 6c la commo-
» dite , qui ont fait quitter les bonnes chofes clans
» le métier de la guerre, ontaiiffi fait abandonner
» celle-ci. On a trouvé qu’en Italie , dans quelques
» affaires, elles n’avoient pas fe rvi, parce que le
» pays efl fort coupé;dès-là on les a quittées par-
» tou t, 6c l’on n’a fongé qu'à augmenter la quantité
« des armes à feu , 6c à tirer ».
Une des grandes objcfHons qu’aient faite contre la
pique ceux qui ne raiineni pas, 6c que fes partifans
ne nous paroillênt point avoir affez complettement
réfutée , c’efi la diminution de feu occalionnée par
le nombre des piques. Connoiflant, comme ces derniers
, le caradtere de notre nation, dont l’ardeur &
l’abord font des plus redoutables : également per-
fuadés que la vraie valeur ne confifie pas dans les
combats qui fe font de loin , mais dans le choc 6c
les coups de main qui décident toujours une afiion
&C lui donnent de l’éclat ; nous maintenons que loin
que les piques puiflent nous ôter rien d'avantageux
dans les batailles qui fe donnent en rafe campagne ,
elles font tout au contraire un moyen fCir de vaincre
nos ennemis : nous en avons donné ci-deffus les
raifons les plus fortes. En même tems nous ne
faurions dilconvenir que, dans les pays coupés
& couverts , ces armes ne foient le plus fouvent
inutiles ; mais ce n’efi pas encore une raifon pour
n’en point avoir. Le maréchal de Saxe qui a prévu
cette übjedHon , en donnant des piques à fon infanterie
, dit qu’alovs on en fera quitte pour les pofer
à terre pendant le combat, 6c que les piquiers ayant
leurs fufils en écharpe pourront s’en fervir. Il feroit
mieux encore , ce nous fembîe , de remettre les
piques au parc d’artillerie , toutes les fois qu’on pré-
voiroit n’en pouvoir pas faire lùage , 6c de n’en
garder qu’un petit nombre qui, dans quelque pays
de chicane que ce puiflè être , ne feroit jamais inutile.
Nous ne voyons à cela rien que d’aifé à pratiquer
, & rien de folicle à répliquer; mais pour mettre
complettement d’accord les antagouiftes de la pique
avec fes partifans , nous avons imaginé une arme
nous a paru auffi Ample que fûre , 6c d’une
utilité générale pour l’infanterie. ( f^oye^ F u s i l -
PiQUE, dans ce Suppl.)
Les dernieres piques dont on s’eft fervi en France
( ordonnance du , e novembre 16'SG ) , étoient de quatorze
pieds, & ne pouvoient avoir moins que treize
. (ƒ) Saiulcrshaufcn.
383
pieds & demi ( Voyeq_ nos planches de l'Art Militaire,
Armes & Machines de guerre. Pique, fig. /, ) ; Folard*
qui a défendu l a & avec chaleur, après en
avoir fait remarquer tous les défauts, propofe d’y
lubfiituer une pertuifane de onze pieds , y compris
un fer de deux pîetls&demi de long , fur cinq pou-
bas , tranchant des deux côtés,
rx loinhejulqua la pointe d’une arrête relevée
denviron une ligne 6c demie. Une telle arme
(A ’'— . ) , comme le dit cet auteur, efi bien plus
forte & P us avantageufe que la pique, pour réfifier
a un grand effort, 6c au choc de la cavalerie : outre
qu elle n efi pas moms redoutable par la pointe que
parole tranchant, ellcfemanie bien plus facilemenr
il n’efi pas aifé d’en gagner le fort : enfin la vue feule
de cette arme peut donner de la terreur ; un feul
coup étant fuflîfant pour mettre le cavalier & le
cheval hors de combat. Le détail que fait ici le chevalier
des avantages de fa pertuifane , n’eft affuré-
inent point exagéré. Nouslommes perfuades même
que le foldat pouvant raccourcir ou alongc-r cctre
tirme , 6c frapper de toutes manières, on n’en ga-
gneroit pas le fort affement, 6c que dans une mêlée
elle feroit bien plus de ravage que le fufil avec la
baïonnette. M. de Mefnil-Durand , qui a fait lur
cette arme , comme fur beaucoup d’autres chofes ,
d’excellentes oblervations, trouve qu’elle efi encore
trop pefante, & pas afléz maniable : « Il faudroit ,
» dit-il ( projet de Tactique, ck. 4 , article 6 .) , en
» allégeant la pertuifane , non-feulement charger
» un peu le talon, mais y mettre un véritable comre-
» poids, comme au bâton de coureur , alors on
» pourroit s’en fervir fans laifl'er prefque aucune
» longueur pour le branle ; & pour peu qu’on la re-
» tirât dans la main , ce qui alongeroit le levier du
» contre-poids, on la releveroit avec grande facilité
» même d’une main » : avec cela M. de Mefnil-Du-
rand voudroit donner au piquier un petit couteau
de chaffe , ou plutôt un grand poignard qui, felon
cet auteur, leroit fort utile lorl'qu'il le trouveroic
combattre corps-à-corps, & un piilolet de ceinture,
dont il ne fe ferviroit que dans la plus grande nécef-
firé ; mais qui dans ce cas, ajoute-r-11, feroit d’un
grand fecours, & en attendant rendroit plus ferme
encore cet homme qui fe verroit entre les mains
tant de moyens de fe défaire de fon ennemi.
On ne voit rien de trop à ce que propofe M. de
Mefnil-Durand, des que la pique fera légère & aifée
à manier. On ne rejette point l'idée du piilolet; mais
il femble que cette troilieme arme efi afl'ez liiper-
flue. Il fuffîroit donc que le loldat piir faire ufa^e en
même tems de la pique 6cà\.\ couteau de chaflè; fans
doute cet exercice qui a été pratique tant de fois ne
feroit pas difficile à lui apprendre. On fait que les
Ecoffois favent parfaitement fe l'ervir à la fois du
fabre 6c du poignard. U cft vrai qu’il y a dans cette
forte d’eferime quelque chofe de différent de celle
dont il vient d’être qaefiion , mais on ne croit pas
moins cette derniere très-poffible , puifque nous en
avons l’expérience.
Bottée efi aufli d’avis de raccourcir la pique : il
la réduit à douze pieds , & veut que la hampe foit
plus greffe, pour qu’elle foit moins fujette à caffer
par le milieu : du refie il admet, comme autrefois,
la néceffité de donner une épée au piquier.
La pique du maréchal de Saxe {/ig. j . ) , qu’il
appelle pilum ou demi-pique , a treize pieds de long
fans le fer, qui doit être léger & mince, a trois
quarts , 6c de dix-huit pouces de longueur fur deux
de largeur par le bas; la hampe en efi creufe , de
bois de fapin ,& enveloppée d’un parchemin avec
un vernis par-defl'us : elle efi, dit cet auteur , très-
forte & trcs-légere, & ne fouette pas comme les
anciennes piques, C e lle - c i feroit à notre avis.